Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam
Monument Louise-Marie
Monument Louise-Marie, réalisé par Jean-Joseph Jaquet, 1878 puis 2 septembre 1999.
À défaut d’obtenir du roi de France son fils comme souverain du nouvel État Belgique (printemps 1831), les révolutionnaires de 1830 qui avaient convaincu Léopold de Saxe Cobourg d’accepter la couronne de Belgique tout en prêtant serment sur la Constitution eurent finalement comme première reine… la fille du roi de France. Née à Palerme en 1812, la fille du duc d’Orléans devient en effet, en 1832, la seconde épouse du roi des Belges (1790-1865) ; il s’agit d’un mariage arrangé à forte valeur diplomatique entre une jeune fille de 20 ans et un prince qui a le double de son âge. Quatre enfants naîtront de leur union, dont le futur Léopold II. En 1850, après la mort de son père détrôné deux ans plus tôt par les événements parisiens, la santé de Louise-Marie est chancelante. Cherchant calme et repos à Ostende, elle y décède le 11 octobre 1850.
Dans le mouvement de valorisation des personnages historiques par l’érection de monuments destinés à renforcer la nationalité belge, la famille royale n’est pas encore très présente dans l’espace public de Wallonie au milieu du XIXe siècle. Le phénomène sera surtout marqué au XXe siècle, avec la multiplication des monuments en l’honneur d’Albert Ier. Seules deux statues de Léopold Ier ont vu le jour à Namur (1869), puis à Mons (1877), quand naît le projet d’une statue en l’honneur de Louise-Marie. Alors qu’Ostende ne tient pas du tout à un monument qui rappellerait le décès de la reine dans la cité balnéaire, Philippeville manifeste clairement son intention d’une telle statue sur son territoire (décision du conseil communal du 27 octobre 1874). Le sculpteur Jean-Joseph Jaquet (Anvers 1822 – Schaerbeek 1898) en est l’exécutant ; il présente une sculpture réalisée selon la technique récente de galvanoplastie.
Formé à l’Académie d’Anvers, puis élève du Liégeois Louis Jehotte à l’Académie de Bruxelles (1839-1840), Jaquet se perfectionne dans l’atelier de Guillaume Geefs. Présent au Salon de Bruxelles de 1842, il expose onze pièces à celui de 1845, dont son monument Froissart qui sera installé et inauguré en 1848 sur la grand place de Chimay. Reconnu comme statuaire officiel, Jaquet fera toute sa carrière en répondant aux multiples commandes des autorités publiques, du gouvernement comme des municipalités, en Belgique comme aux Pays-Bas. Plus de 300 statues et une trentaine de bustes sont à mettre à son actif, dont le Baudouin de Constantinople, à Mons. D’initiative, l’artiste se laissera inspirer par des sujets mythologiques ou multipliera les allégories, recourant au bronze, au marbre ou à la pierre. Professeur de sculpture d’après la figure antique, Jaquet succède à Jehotte comme professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1863-1898), et obtient aussi le cours de sculpture d’ornement (1888-1898). Ce sculpteur « officiel » était tout désigné pour réaliser la statue de Louise-Marie.
Outre le fait d’être la première statue d’une reine des Belges à être installée en Wallonie, l’œuvre de Jaquet présente l’autre particularité d’avoir été l’une des premières à être exécutées selon la technique de galvanoplastie, technique innovante développée par la société d’Électro-Métallurgie de Haeren. Lorsque le sculpteur a terminé son modèle en plâtre, celui-ci est pris en gutta-percha afin de constituer le moule ; ensuite, par des procédés électrochimiques, on projette à l’intérieur du moule des couches de cuivre qui se superposent progressivement jusqu’à une épaisseur déterminée (5 à 6 mm). Du fer est ensuite coulé à l’intérieur du moule pour renforcer la réalisation. Selon ses promoteurs, le procédé présente plusieurs avantages : le produit est plus précis, moins cher et offre davantage de variations de couleur.
Si une troisième particularité doit être trouvée à l’œuvre de Jaquet, elle concerne la posture imposée à son sujet. La reine est en effet représentée assise sur son trône. Ses vêtements d’apparat sont l’occasion pour le sculpteur de jouer avec les plis et les effets des tissus ; il poursuit son exercice en réalisant deux bouquets de fleurs et ne manque pas de souligner le statut de son personnage en lui plaçant une couronne sur la tête. La première inauguration du monument a lieu en 1878. La statue est alors posée sur un socle de 3,5 m de haut. Sur la face avant, les armoiries se partagent l’espace avec la dédicace :
Louise-Marie
Première reine des Belges
Une grille en fer forgé noire entoure la base du piédestal. De part et d’autre du monument, deux fontaines imposantes en pierre ont été installées ; elles puisent leur eau dans un puits que le monument dissimule. Les photos du XXe siècle montrent que progressivement les deux fontaines se sont transformées en vulgaires supports d’éclairage public. Quant à la statue elle-même, elle supporte mal le poids des ans. En 1997, elle est descendue de son socle et une analyse technique a tôt fait de confirmer sa vétusté. Le socle à son tour est démonté. Lors d’importants travaux de réaménagement de la place d’Armes, à la fin du XXe siècle, l’ancien puits est aménagé et sa mise en évidence s’accompagne du déplacement de la statue Louise-Marie, du moins de la copie de sauvegarde qui en est faite, de la Grand Place vers la rue de Namur, au carrefour avec le boulevard de l’Enseignement, sur le site qu’occupait jadis l’École moyenne. L’inauguration de la « nouvelle » statue se déroule le 2 septembre 1999. Lors de ce transfert, l’occasion est saisie de ramener la statue plus près du sol ; elle est désormais portée par un socle en béton d’une cinquantaine de centimètres de haut.
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse (dont Le Soir, 5 juillet 1999)
Jean-Pierre DUCASTELLE, Statuomanie athoise : l’érection de la statue d’Eugène Defacqz à Ath (1880), dans Annales du Cercle royal d'histoire et d'archéologie d'Ath et de la région et des Musées athois, 1996-1997, t. LV, p. 234-235
Richard KERREMANS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 458-459
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 762
Place d’Armes, puis au carrefour de la rue de Namur et du boulevard de l’Enseignement
5600 Philippeville
Paul Delforge