Paul Delforge
Monument Magloire HOTTON
Monument à la mémoire de Magloire Hotton, réalisé à l’initiative du notaire Florimond Durieu, 4 et 5 avril 1911.
Sur le bord d’un trottoir, devant le 57 de la rue d’Ath à Belœil se dresse un petit monument construit en grès rose extrait des carrières voisines de Granglise. À l’origine, il était entouré d’un grillage en fer forgé qui a aujourd’hui disparu. Avec la construction de maisons dans la rue, le monument est certes moins isolé qu’au moment de son inauguration, mais il perd en visibilité. Sous son sommet arrondi, on peut lire qu’il a été élevé
À LA MEMOIRE
DE
MAGLOIRE HOTTON
ECRIVAIN – AGRONOME
1781-1854
comme l’indiquent les lettres dorées qui ont été gravées dans une pierre bleue rectangulaire.
S’il s’agit bien d’un monument et non d’une pierre tombale, il est clairement établi que lors de son inauguration en avril 1911, ce mémorial était destiné à apporter davantage de dignité à la mémoire d’une personnalité qui avait continuellement été en conflit avec le curé du village et qui avait été enterrée civilement, dans un endroit isolé du village, sur un coin de terre lui appartenant, qu’il cultivait et qui était son laboratoire.
S’il ne fut pas le citoyen de Belœil le plus célèbre, Magloire Hotton a marqué les esprits de ses concitoyens, voire les a hantés. Son anticléricalisme dynamisé par ses conflits permanents avec le représentant local de l’Église avait profondément divisé le village de Belœil en deux camps, à la fin des années 1840 et au début des années 1850 : Magloire Hotton était le chef des pestiférés, sorte de représentant du diable sur terre, dont l’esprit rôdait encore dans les campagnes et dont la tombe imposait aux crédules et superstitieux un important détour. Le clergé s’était opposé à son enterrement dans le cimetière paroissial ; ce fut par conséquent le premier enterrement civil de Belœil.
Près de soixante ans plus tard, le journal catholique L’Indicateur, rendant compte de l’inauguration du monument de la rue d’Ath, persiflait encore en suggérant de remplacer le texte du mémorial « élevé par des libres penseurs » de la manière suivante :
« Pauvre inconnu
Aux survivants
Pour chanter gloire
Cinquante-sept ans
Il a fallu. »
Né dans le XVIIIe siècle finissant, Magloire Hotton s’était pourtant révélé un « homme moderne », précurseur d’idées nouvelles, agronome visionnaire dont les idées étaient davantage appréciées à l’étranger que dans le petit monde agricole traditionnaliste dans lequel il vivait.
Dans le Paris des années 1820 où il avait cherché fortune, Hotton fait commerce de bois et acquiert une réelle expertise dans l’entretien des propriétés. En 1823 lui est confiée la responsabilité de l’entretien du Bois de Boulogne. Ses techniques d’élagage (apprises à Belœil et perfectionnée depuis lors) lui valent la supervision des travaux aux parcs de Vincennes, de Saint-Germain et de Marly. Pour répondre à la demande, il s’entoure d’une équipe d’élagueurs wallons, venus de Belœil. Inventeur d’outils forestiers spécifiques, auteur d’un Manuel de l’élagueur (1829), fondateur d’un mensuel dédié à la science forestière (1829-1830), Hotton apporte une contribution théorique à la révolution agricole du XIXe siècle en étant l’auteur d’ouvrages où il développe une approche physique et chimique des cultures, où il plaide en faveur de la culture du colza et où il explique comment supprimer les jachères et pourquoi renoncer aux labours répétés. De retour sur sa terre natale en 1840, il reste attentif aux questions agronomiques en s’intéressant davantage à la politique. Libéral progressiste, voire socialiste, il se distingue par des libelles, des pamphlets et des chansons qui plaisent à un certain public, mais suscitent l’hostilité des autres, comme en témoigne son ostracisation post mortem.
Sources
http://www.beloeil.be/fr/officiel/index.php?page=90
Félicien LEURIDANT, Un agronome wallon. Magloire Hotton (1781-1854), dans La Vie wallonne, 15 mai 1929, n°105, p. 263-281
Félicien LEURIDANT, dans Wallonia, 1911, t. XIX, p. 188-190
Félicien LEURIDANT, La tribune horticole, Bruxelles, 15 février 1908, n°86, p. 106
Rue d’Ath 57
7970 Belœil
Paul Delforge