Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam
Monument Marcel GILLIS
En dépit de l’éclatement de la Grande Guerre qui vient le surprendre alors qu’il sort à peine de l’adolescence, Marcel Gillis (1897-1972) poursuit une formation brillante à l’Académie des Beaux-Arts de Mons, sa ville natale. Doué pour le dessin et la peinture, il développe une prédilection pour les paysages, les portraits, les compositions religieuses et les natures mortes. « Montois cayaux », il signe surtout, en 1932, une huile évoquant un épisode majeur de la Première Guerre mondiale : le miracle des Anges lors de la bataille de Mons, qui évoque le 23 août 1914 et le repli « miraculeux » d’un corps expéditionnaire britannique face à une armée allemande beaucoup plus nombreuse. Par ailleurs, les scènes de la vie quotidienne du Borinage inspirent aussi une œuvre souvent teintée d’ironie : celle-ci est surtout la caractéristique des caricatures qu’il publie dans le périodique dialectal El Dragon. Chansonnier et auteur dialectal fécond, Marcel Gillis illustre lui-même ses trois volumes d’œuvres patoisantes, Chansons et poésies, publiés en 1931, 1940 et 1971. « Des œuvres comme Tableaux d’Procession et Les Cayaux resteront parmi les meilleures œuvres dialectales montoises ». À la fin des Tableaux, il avait d’ailleurs composé un couplet supplémentaire et final à l’Air du Doudou. Nommé conservateur du Musée des Beaux-Arts de Mons (1928-1965), co-fondateur du cercle artistique « Les Loups » (1929) et membre du Cercle « Bon Vouloir », Marcel Gillis est une figure marquante de la vie culturelle montoise pendant près d’un demi-siècle, contribuant activement au développement des activités artistiques, littéraires et folkloriques. Au lendemain de son décès, s’est très vite constitué un comité soucieux de conserver, par un monument, la mémoire du chansonnier, du poète et du peintre. Par ailleurs, l’asbl des Montois Cayaux, créée en 1975, s’attache à promouvoir et à perpétuer la littérature patoisante de Mons.
La réalisation du monument Gillis est confiée à Raoul Godfroid (1896-1977), un autre artiste montois, contemporain de Marcel Gillis. En bronze, un buste est fixé de façon hardie sur un petit socle en pierre, en taille directe, le tout étant scellé sur une grande stèle en pierre calcaire brute. Située dans le Jardin du Mayeur, au cœur de Mons, à deux pas de la statue du Ropieur, gamin emblématique de l'humour montois, la stèle comporte, sur la partie inférieure, des inscriptions légèrement gravées et peintes, indiquant sobrement :
MARCEL Gillis
POETE – PEINTRE 1897-1972
CHANSONNIER MONTOIS
Né quelques mois avant Gillis, Godfroid a d’abord étudié à l’École normale de Mons, avant de suivre les cours de l’Académie des Beaux-Arts de sa ville natale. Paul Dubois et Léon Gobert guident ses premiers pas (1917-1920), avant qu’il ne se rende à Paris, à l’Académie du Louvre, puis à l’Académie de la Grande Chaumière. Là, il rencontre le sculpteur Bourdelle dans l’atelier duquel il travaille. À son retour à Mons (1922), il enseigne dans différents établissements d’enseignement moyen avant d’entrer comme professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Mons (1933), puis d’en être nommé directeur (1951-1961). Il dirige également l’École supérieure d’Architecture et l’Institut d’Urbanisme de la ville de Mons, tout en poursuivant une activité de sculpteur en taille directe (style que l’on reconnaît bien sur la stèle Gillis), d’architecte, de restaurateur de maisons anciennes, de céramiste, de faïencier et de médailleur. Il signe plusieurs monuments visibles dans l’espace public de Mons. Lui aussi animateur de la vie artistique montoise, Raoul Godfroid a été l’un des créateurs de la Fondation Plisnier (1954), le romancier étant un ami de longue date. Résistant par la presse clandestine durant la Seconde Guerre mondiale, actif au sein de Wallonie libre qui n’est pas la seule association où il défend ses convictions wallonnes, Godfroid est encore l’auteur d’une monographie intitulée Les origines françaises de la peinture flamande du XVe siècle. En 1943, il avait aussi contribué à l’ouverture de la Maîtrise de Nimy dont les potiers travailleront à la renaissance du grès dans un esprit de lutte contre le rationalisme et le fonctionnalisme.
La Vie wallonne, III, 1973, n°343, p. 191
Christiane PIÉRARD, L'hôtel de ville de Mons, dans Carnets du Patrimoine, Namur, MET, 1995, n°10, p. 26
Paul DELFORGE, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 731
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 629 et 638
L’Avant-Poste, juillet-août 1930, n°8, p. 16-18
Daniel CONRAADS et Dominique NAHOÉ, Sur les traces de 14-18 en Wallonie, Namur, IPW, 2013, p. 163
Jean GILLIS, Marcel Gillis mon père. Peintre, poète, chansonnier montois, édité par « Les amis de Marcel Gillis » de l'Association des Montois Cayaux, 1985
Jardin du Mayeur
7000 Mons
Paul Delforge