Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam
Monument PETERS
Dans le prolongement de la rue de la Tannerie, à hauteur de la place du Parc, un espace a été aménagé pour accueillir le buste en bronze de l’abbé Péters, exécuté par les Allemands en 1943. Depuis cette esplanade, l’axe de vision permet d’apercevoir nettement les deux tours de l’ancienne abbatiale et cathédrale Saints-Pierre-et-Paul et Saint-Quirin de Malmedy, église à laquelle l’abbé était particulièrement attaché.
Originaire de Verviers, Joseph Péters (1894-1943) avait terminé des études de théologie au Petit Séminaire de Saint-Trond et au Grand Séminaire de Liège quand il est ordonné prêtre (1921). La Grande Guerre l’avait conduit sur la route des Pays-Bas, chemin obligé pour rejoindre l’armée belge sur le front de l’Yser, mais il est arrêté et emprisonné à Holzminden, n’étant libéré qu’en raison de son état de santé délicat.
Professeur au Petit-Séminaire de Saint-Roch à Ferrières pendant dix ans, il est ensuite désigné comme aumônier de la JEC à Malmedy et loge alors au n° 16 de la rue du Parc. Désigné en 1937 comme professeur de religion à l’École moyenne des Filles de Malmedy, il contribue à l’intégration de cette ancienne région prussienne dans son nouveau cadre institutionnel. En effet, lors des négociations qui aboutissent à la signature du premier traité de Versailles (28 juin 1919), il a été donné suite à une partie des revendications de gains territoriaux énoncés par la Belgique : après un plébiscite populaire un peu particulier, les cantons wallon de Malmedy et germanophones d’Eupen et Saint-Vith sont transférés et placés sous la souveraineté belge.
Dans les années 1930, au moment où quelques éléments isolés manifestent, à Malmedy, des positions en faveur du régime hitlérien et d’un retour du canton à l’Allemagne, l’abbé Péters va faire partie de leurs contradicteurs. Cet engagement résolu, Péters le maintient au lendemain de l’invasion allemande de mai 1940 et de l’annexion décidée par Berlin. Le 18 mai 1940, en effet, les territoires d’Eupen, Saint-Vith, Moresnet et Malmedy sont annexés au Reich et intégrés à la Rhénanie. La nationalité allemande est imposée aux habitants. En l’absence de messages émanant des autorités belges, les populations concernées vont rester longtemps démunies. Quelques rares personnalités locales émergent cependant pour dénoncer le diktat allemand et ses conséquences, notamment le recrutement des jeunes dans l’armée allemande. Dans sa paroisse (là où le monument est érigé), l’abbé Péters est de ces résistants.
De sa chaire de vérité, il multiplie les prêches antinazis, refusant de pratiquer la langue allemande qu’il connaît pourtant, pour protester contre l’interdiction du français. Dans ses interventions auprès de la jeunesse, il continue ses mises en garde contre les dangers du nazisme et de la propagande des Jeunesses hitlériennes. Tant bien que mal, il tente de détourner les jeunes de l’embrigadement massif. Placé sous surveillance dès 1941, l’abbé est accusé de faire obstacle au recrutement des jeunes malmédiens sous l’uniforme allemand. Le 1er octobre 1942, il est arrêté et incarcéré à la prison d’Aix-la-Chapelle, puis transféré à la prison de Plötzensee. L’acte d’accusation stipule : « Démoralisation de la puissance militaire, en relation avec une complicité avec l’ennemi, traître à son pays ». Condamné à mort, il est décapité à Berlin le 1er juillet 1943.
À la Libération, plusieurs hommages locaux sont rendus à l’abbé Péters. Ainsi, par exemple, la rue du Parc est-elle rebaptisée de son nom, qui figure aussi en bonne place sur les monuments aux morts réalisés dans les années 1940. En 1953, une plaque commémorative est inaugurée dans la cour de l’école moyenne des filles, là où il avait enseigné. On peut y lire « Je donne volontiers ma vie pour la jeunesse de Malmedy ».
Mais c’est à l’entame des années 2000 qu’un citoyen malmédien entreprend de rendre hommage à celui qui l’avait empêché de répondre aux sirènes d’apparence séduisantes de la Jeunesse hitlérienne. Comme son frère Camille, Roger Colette (-Lansival) entrait dans l’adolescence au moment des événements qui le marquèrent durablement. Sur les conseils de l’abbé (dont Roger était l’acolyte), les parents Collette envoyèrent Camille se réfugier du côté belge. Roger lui-même fut accueilli à la frontière franco-belge. S’il évita l’incorporation dans l’armée allemande, le jeune Roger entré en résistance fut dénoncé et ne parvint pas à échapper à la mort, au camp d’Ellrich-Buchenwald.
En guise d’hommage à l’attitude volontariste de l’abbé, Roger Collette prend l’initiative d’honorer sa mémoire et fait réaliser, à ses frais, l’esplanade ainsi que le buste de l’abbé Péters. L’ensemble est inauguré le 30 juin 2002.
Non signé, le buste en bronze repose sur un piédestal en pierre bleue, de conception simple. Une première plaque mentionne :
Abbé
J.PETERS
1894 - 1943
Toujours sur la face avant, sur le pied, une autre plaque, plus discrète, identifie le généreux donateur :
« l’aménagement de cette place
ainsi que le monument ont été offerts par
Roger Colette-Lansival
en juin 2002 »
Le buste a été réalisé par la firme allemande Plein-Bronzen, établie à Speicher, tandis que le socle est l’œuvre de la marbrerie malmédienne Victor Meyer.
Informations aimablement communiquées par Raymond Jacob, responsable du cercle historique de Malmedy (juin 2014)
Raymond JACOB, L'abbé Péters, résistant malmédien, dans Malmedy - folklore, Malmedy, 2001-2002, t. 59, p. 91-116, coll. « Malmedy - folklore »
Raymond JACOB, Le monument de l'abbé Péters, dans Malmedy - folklore, Malmedy, 2003-2005, t. 60, p. 53-58, coll. « Malmedy - folklore »
Jacques WYNANTS, Eupen-Malmedy (les « Cantons de l’Est » belges) : la question de la nationalité ; les conséquences, dans Sylvain SCHIRMANN (dir.), Annexion et nazification en Europe : Actes du colloque de Metz, 7-8 novembre 2003, Université de Metz, p. 14-16, en ligne http://www.memorial-alsace-moselle.com/f/fiches/colloque_metz/MEMORIAL_COLLOQUE_basse_reso.pdf
http://www.malmedy.be/fr/Tourisme/A-visiter/lieux-et-sites/monument-abbe-peters.html (s.v. mai 2014)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t.
Place du Parc
4960 Malmedy
Paul Delforge