Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Pierre commémorative Pierre LEFEUVRE

Pierre commémorative Pierre Lefeuvre sur le monument aux soldats français tombés en août 1914. Réalisée par Allard et Eugène Miche-Delfosse.


Sur le haut de la rue des Français, à Tamines, un monument rend « hommage de reconnaissance et d’admiration aux glorieux soldats français tombés en août 1914 ». 

Cette dédicace est inscrite sur une des faces du monument collectif érigé à l’initiative du cercle « Les Amitiés françaises » de Tamines ; mais il comporte aussi un volet individualisé destiné à saluer l’exploit du caporal Pierre Lefeuvre, du 70e d’infanterie. 

La statue du soldat placée au haut de l’imposant mur construit en pierre d’Écaussinnes symbolise l’ensemble des soldats français venus combattre en Wallonie contre l’envahisseur allemand et en particulier Pierre Lefeuvre qui bénéficie ainsi d’un traitement particulier sur un monument collectif, ainsi que l’atteste la présence d’une autre pierre commémorative qui stipule que :

C’EST ICI QUE LE SOLDAT PIERRE LEFEUVRE DU 70ME REGIMENT
D’INFANTERIE S’EST HEROIQUEMENT SACRIFIE

Inauguré le 29 juillet 1923, ce monument des « Amitiés françaises » a, semble-t-il, été détruit par les Allemands en 1940. Relevé après la Libération, il s’est abimé avec le temps et, à l’entame des années 1970, les autorités locales de Tamines ont pris l’initiative de le reconstruire, de manière différente, avec une partie des matériaux du monument original, en l’installant à quelques mètres de l’emplacement initial. L’ensemble monumental actuel est construit de manière telle qu’il rend compte du caractère à la fois collectif et individuel de l’hommage. Donnant accès au monument, un large escalier de 3 marches est centré par rapport à la partie du « monument collectif », en particulier vis-à-vis de la statue du soldat français, tandis que la partie du mur qui rend hommage à Lefeuvre donne l’impression d’une excroissance, par son volume et son caractère décentré.


Le monument actuel est bien différent de celui érigé en 1923. À ce moment, la même statue du soldat culmine au sommet d’un mur beaucoup plus haut et imposant que celui reconstruit en 1974. Dans un large cercle central sont incrustées les pierres commémoratives (trois), tandis que de part et d’autre du cercle se dressent des contreforts surmontés de chapiteaux arrondis en pierre bleue. En donnant un aspect massif au mur du monument, le sculpteur semble avoir voulu dresser un rempart permanent « face à l’ennemi » ; synthèse symbolique de l’individu et du groupe, le soldat n’est pas représenté dans la position d’un tireur, mais son attitude est ferme et résolue, un drapeau dépassant dans son dos, et son regard est tourné vers Velaine, d’où venait l’ennemi.


Soldat français, d’origine bretonne, Lefeuvre (Bédée 1891 – Tamines 1914) a quitté les campagnes de la région où ses parents sont agriculteurs depuis plusieurs générations pour se retrouver sur des champs de bataille. Né en 1891, il a incorporé l’armée française depuis peu quand éclate la Grande Guerre. Son régiment, le 70e d’infanterie, est l’un des premiers à être envoyé au front, en août 1914. Le jeune caporal se retrouve ainsi à hauteur de Tamines où, le 21 août, les forces allemandes d’invasion se sont livrées à un massacre de civils qui ne peut trouver aucune justification, pas même le prétexte d’une vive et solide résistance de la part de l’armée française. En effet, la veille du massacre des civils, les Uhlans qui pensaient traverser la Wallonie sans encombre ont été refoulés par des soldats de l’armée française, inférieurs en nombre, mais aidés par la population locale. Néanmoins, le 21 août, lors d’une manœuvre de repli, l’armée française protège ses arrières et se doit de retarder le passage des Allemands à hauteur du pont de Tamines. 

Pierre commémorative Pierre Lefeuvre sur le monument aux soldats français tombés en août 1914

Tireur patenté, Lefeuvre est posté de manière telle qu’il parvient à toucher quiconque se présente à l’entrée du pont. Pendant plusieurs heures, il parvient ainsi à tenir tête à un ennemi supérieur en nombre. Empruntant un autre chemin, l’armée allemande parvient à contourner le tireur et à le prendre à revers. Sommé de se rendre, le caporal refuse et perd la vie après avoir accompli un acte jugé héroïque. Pour galvaniser le moral des troupes, la bravoure de Pierre Lefeuvre est rapportée, avec force détails. Dans cet épisode de la bataille de Charleroi, il aurait tué plus de 50 soldats de la Garde impériale allemande ; les blessés dans les rangs de l’ennemi sont innombrables ; le nombre de douilles vides retrouvées à côté de Lefeuvre achèvent de convaincre de la vivacité et de la bravoure du Breton. Dix ans après le monument de Tamines, une autre pierre est élevée dans le village natal du caporal Lefeuvre, en Bretagne, et une rue porte aussi son nom.


Les initiateurs du monument de Tamines sont groupés au sein des Amitiés françaises, groupement où l’on retrouve des notables de la région, dont Émile Duculot qui fut propulsé bourgmestre sous l’occupation allemande et tint cette fonction jusqu’en 1921. Le projet de monument remonte au début des années vingt et une souscription publique permet de rassembler les fonds nécessaires, grâce notamment à sept entreprises de la région (dont des charbonnages). La statue originale du soldat a été réalisée par Eugène Miche-Delfosse, artisan local spécialisé dans les monuments funéraires. Le sculpteur Allard a également travaillé sur le monument. 

 

 


Simon ALEXANDRE, Étude des monuments aux morts de la Grande Guerre à Tamines

Daniel CONRAADS et Dominique NAHOÉ, Sur les traces de 14-18 en Wallonie, Namur, IPW, 2013, p. 119

Au lieu-dit Tienne d’Amion

Rue de Falisolle, puis avenue des Français, à hauteur de la rue du Triage 

5060 Tamines

carte

Paul Delforge