Paul Delforge

Pyramide (météorologique) et médaillon Jean-Charles HOUZEAU

Pyramide (météorologique) et médaillon Jean-Charles Houzeau, médaillon réalisé par Charles Van Oemberg, sur une idée originale de Charles Delnest, 2 juin 1890.

Successeur d’Adolphe Quetelet à la direction de l’Observatoire de Belgique, Jean-Charles Houzeau de Lehaie (Mons 1820-1888) est un original autodidacte et aventurier comme le XIXe siècle en connut quelques-uns. Journaliste d’abord, il s’intéresse aux sciences et aux progrès techniques, mais est surtout un passionné d’astronomie. Assistant volontaire auprès de Quetelet à l’Observatoire de Bruxelles (1844), Jean-Charles Houzeau nourrit des idées politiques républicaines qui sont cause de son renvoi (1849). Après Londres, Paris l’accueille pendant cinq années durant lesquelles il publie sa Physique du globe et météorologie (1851) puis les Règles de climatologie (1853) ainsi que ses Essais d’une géographie physique de la Belgique au point de vue de l’histoire et de la description du globe (1854) ; sans jamais avoir été diplômé d’écoles supérieures, il est associé sans réserve aux débats scientifiques de son temps.


Réconcilié avec la Belgique, membre de la classe des Sciences de l’Académie, sa curiosité le conduit à des recherches dans d’autres domaines que les sciences « dures », mais  il ne parvient décidément pas à s’adapter au microcosme bruxellois (1854-1857) : il s’embarque pour l’Amérique, où il va vivre près de 20 ans. À la Nouvelle-Orléans, le journaliste wallon prend une part active dans la lutte antiesclavagiste. Cet engagement politique l’oblige à un nouvel exil : maraîcher au Mexique puis à la Jamaïque. C’est là qu’en 1876, le gouvernement belge vient le rechercher pour nommer cet humaniste libre penseur à la tête de l’Observatoire royal, dont la direction est vacante depuis le décès de Quetelet en 1874 ; il va très rapidement contribuer à la modernisation de cette institution, non sans se laisser tenter par une dernière expédition qui le mène au Texas (1883). Dans le milieu des spécialistes de la météorologie, son Vade Mecum de l’Astronomie et sa Bibliographie générale de l’Astronomie sont considérés comme des apports majeurs au développement de l’astronomie moderne.


La disparition de cet éminent scientifique – astronome, météorologiste, géologue, géographe – et écrivain ne pouvait laisser les autorités montoises indifférentes. Se rappelant que Houzeau était né à Havré, le collège montois présidé par Henri Sainctelette s’empresse de décider de l’érection d’un monument. Le jour de l’inauguration est le lundi de la ducasse de Mons. Le lendemain du Lumeçon, en présence de responsables de l’Académie de Belgique et de l’Observatoire royal, les autorités politiques de la région – collège des bourgmestre et échevins, ainsi que les parlementaires dont Auguste Houzeau, le frère de l’astronome – rendent publique une œuvre totalement originale : pour la première fois en Wallonie, une place publique accueille en effet une colonne astronomique et météorologique.


Comme la décrit très précisément G. Quignon, elle mesure 7 mètres de haut et comprend deux parties, le piédestal et la colonne. Le piédestal a été taillé en une pièce en pierre bleue de Soignies. La face Nord-Est – dans l’axe de la rue principale – porte un médaillon de marbre blanc représentant, en buste, le profil droit de Houzeau. Autour du médaillon, outre une branche de feuilles de chêne aux glands dorés, ont été sculptés dans la pierre une lunette et une règle divisée. En-dessous, l’inscription en lettres dorées indique :

A
J C HOUZEAU DE LEHAIE
ERIGE PAR LE VILLE DE MONS »

Sur la face Sud-Est était encastrée à l’origine une plaque en marbre blanc portant un baromètre. Sur la face Sud-Ouest, à l’opposé du médaillon, les coordonnées géographiques précises du monument ont été gravées dans la pierre et dorées :
LATITUDE
SEPTENTRIONALE
50° 27’ 12’’

LONGITUDE EN TEMPS 
PAR RAPPORT À BRUXELLES

1 m. 42 s.

PAR RAPPORT À GREENWICH
+ 15 m. 47 s.

ALTITUDE
34 m 51 c

Quant à la face Nord-Ouest elle présentait, comme son vis-à-vis – un grand thermomètre encastré dans une plaque de marbre blanc. 
Sur le piédestal décoré à son sommet vient prendre place un monolithe de pierre bleue en forme d’obélisque. Cadran solaire original, la pyramide est disposée de manière à faire passer la méridienne par une des diagonales, l’arête S servant de méridienne (ligne horaire de midi). Aux sommets des arêtes Est, Sud et Ouest, trois styles dorés ont été tracés avec une inclinaison correspondant à la ligne des pôles. Les styles Est et Ouest donnent l’heure au moyen des lignes horaires tracées sur les faces adjacentes à la méridienne. Le style Sud est terminé par une plaque de tôle perforée d’un trou à travers lequel passe le rayon solaire à l’heure de midi, le long du style Sud. La méridienne de temps moyen est tracée de manière telle que l’on peut lire l’heure moyenne du lieu. Quant au sommet de la pyramide, il est couronné d’une sphère armillaire qui porte les signes des constellations zodiacales. À l’intérieur de la sphère, apparaît un globe terrestre traversé par un tube : à travers ce tube, on peut voir l’étoile polaire lors de son passage inférieur au méridien de Mons.


Lors de son inauguration, la première colonne météorologique du pays disposait d’une boite vitrée destinée à recevoir quotidiennement la carte du bulletin météorologique fourni par l’Observatoire royal. Par ailleurs, elle devait aussi être « équipée » d’un appareil montrant les phases de la lune. Remontant à 1890, le monument ne comporte plus actuellement ces attributs. Sa conception générale, assurément originale, était l’œuvre d’un industriel montois, Charles Delnest, par ailleurs conseiller communal (-1891) et surtout généreux mécène de ce projet. Il fut aidé par Lancaster et Bijl, assistants de l’Observatoire d’Uccle pour tout le volet des relevés techniques. Le monument et le médaillon représentant Houzeau sont dus, quant à eux, à un autre montois, le statuaire Charles Van Oemberg, aidé par Pette.


Formé à l’Académie de Bruxelles auprès du Liégeois Simonis notamment (1841-1847) puis protégé de Charles-Auguste Fraikin dont il fréquente l’atelier, Charles Van Oemberg (Limelette 1824 - Mons 1901) est un artiste bien connu des Montois lorsqu’il se voit confier de participer à la réalisation du mémorial Houzeau. Originaire de Limelette, installé ensuite à Bruxelles, il vient habiter à Mons en 1882 et, l’année suivante, il succède à Charles Brunin comme professeur de l’Académie de la cité du Doudou. Il y enseignera jusqu’en 1899. Avant sa désignation comme maître de jeunes artistes, Van Oemberg avait lui-même franchi les étapes de la reconnaissance en exposant ses œuvres d’inspiration lors de Salons. Engagé sur des chantiers de décoration d’édifices bruxellois (hôtel de ville, Bourse), il signe plusieurs bustes appréciés et reçoit une première commande importante quand son Allégorie de la Belgique est retenue pour illustrer le 25e anniversaire du règne de Léopold Ier. Elle est inaugurée à Wavre, en 1859. Van Oemberg participe ainsi au mouvement qui voient les principales villes belges se doter de monuments de personnalités ayant marqué l’histoire nationale. Réalisant de concert des œuvres d’inspiration, des statues officielles, voire des sujets religieux, des sujets historiques ou en rapport avec la colonie, Van Oemberg se fait un nom dans la sculpture de son temps et il n’est donc pas étonnant que ses bustes de personnalités soient si nombreux. Absorbé par son enseignement à partir de 1883, il semble que sa contribution au mémorial Houzeau soit l’une de ses dernières réalisations.

 

Sources



Polydore SWINGS, dans Biographie nationale, t. 29, col. 694-699
Monument Houzeau à Mons, dans Ciel et Terre, juin 1890, p. 177-183 
G. QUIGNON, Monument Houzeau à Mons, dans Ciel et Terre, mai 1938, t. 54, n°5, p. 153-156
Jan VANDENBRUAENE, Astronomische gids voor België, VVS, 2009, p. 282-284
Jacques VAN LENNEP, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 596-598
http://balat.kikirpa.be/photo.php?path=E6570&objnr=10140354
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 674

Pyramide (météorologique) et médaillon Jean-Charles Houzeau

Place Louise
7000 Mons

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