WBT David Samyn
Ruines de l'abbaye d'Orval
Les origines de l’implantation d’une abbaye à Orval remontent à 1070 lorsque des moines bénédictins venus de Calabre s’installent sur des terres offertes par le comte de Chiny Arnoul Ier.
Le 9 mars 1131, l’abbaye passe à l’ordre de Cîteaux et le comte de Chiny Otton II la dote d’un vaste territoire d’environ 1200 ha pris sur la forêt comtale.
En tant qu’unique abbaye installée sur le territoire du comté, elle devient en toute logique la sépulture des comtes de Chiny qui la choisissent pour y reposer entre 1162 et 1384 : les comtes de Chiny Albert II, Louis IV et les comtesses Jeanne de Chiny, Jeanne de Blamont et Marguerite de Lorraine étaient autrefois inhumés ici.
La légende attribue la fondation de l’abbaye à un geste de gratitude le comtesse Mathilde de Toscane (1046-1115), veuve du duc de Basse-Lotharingie Godefroid le Bossu et tante du célèbre Godefroid de Bouillon. Encore aujourd’hui, la célèbre fontaine Mathilde célèbre cette légende selon laquelle la comtesse se serait arrêtée au bord d’une fontaine dans la forêt et y laissa tomber son alliance qui lui fut ramenée par une truite. Elle donna alors une forte somme aux moines installés ici par le comte Arnould de Chiny pour qu’ils édifient une église.
En 1364, Orval devient une abbaye du comté de Luxembourg, suite à la vente du comté de Chiny à Wenceslas Ier. L’abbaye passe ensuite dans le giron bourguignon puis espagnol et entretient alors des rapports avec Charles Quint qui autorisa les moines à construire une forge. La période espagnole a également soumis l’élection de l’abbé au bon vouloir du souverain qui se réservait un droit de véto. Ces rapports étroits avec la couronne espagnole sont encore aujourd’hui discrètement présents. Le pignon du portail d’entrée comporte plusieurs pierres armoriées abimées et martelées en 1793 parmi lesquelles une pierre aux armes d’Espagne, entourée du collier de la Toison d’Or, surmontée de la couronne royale et encadrée de deux lions.
L’abbaye se développe considérablement jusqu’au XIVe siècle et possède de nombreux bâtiments, reconstruits et agrandis dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. La Révolution en stoppe net la progression et un terrible incendie dévaste le site le 23 juin 1793. Les ruines des bâtiments médiévaux et classiques tombent dans l’oubli pendant plus d’un siècle avant que débute leur sauvetage, favorisé ensuite par l’implantation d’une nouvelle communauté et l’édification d’une nouvelle abbaye entre 1926 et 1947.
Durant l’été 1930, une campagne de fouilles a permis la mise au jour de débris du mausolée de Wenceslas Ier, duc de Luxembourg et de Brabant.
Né à Prague en 1137 du mariage de Jean l’Aveugle, comte de Luxembourg et roi de Bohème avec Béatrice de Bourbon, Wenceslas entre en 1353 en possession des terres luxembourgeoises érigées en duché à son intention par son frère l’empereur Charles IV du Saint-Empire. Son mariage avec Jeanne, héritière du duc de Brabant et de Limbourg fait de lui un des personnages les plus importants des Pays-Bas, sans pour autant que ces États aient fusionné. Il fait sa joyeuse entrée dans ses territoires le 3 janvier 1356 et poursuit l’œuvre d’unification des terres luxembourgeoises entreprises un siècle auparavant par Ermesinde. En effet, il acquiert en 1364 le comté de Chiny et l’intègre au duché de Luxembourg.
Vivant entre Bruxelles et Luxembourg, il meurt le 8 décembre 1383 dans la capitale du duché de Luxembourg après avoir manifesté son désir d’être enterrée à Orval et légué une rente en ce sens à l’abbaye. Le duc marque ici l’importance de la bonne intégration du comté de Chiny dans ses possessions en souhaitant reposer dans le plus puissant centre religieux de cette terre du sud de ses provinces : Wenceslas est le premier duc de Luxembourg et le dernier comte de Chiny à reposer à Orval. Au milieu du sanctuaire abbatial, le caveau du duc est érigé en mausolée sculpté dans la pierre noire et surmonté d’un gisant de marbre blanc allongé sous un dais gothique.
Il est transféré en 1780 dans l’église Saint-Bernard avant d’être démoli en même temps que l’abbaye en 1793. Bien qu’en grande partie détruit par la suite, le monument nous est bien connu par un dessin et une description datant de 1786. En 1967, les moines d’Orval ont recomposé ce tombeau à son emplacement primitif et dans sa forme originale, avec les éléments retrouvés en 1930. Là où les pierres sculptées font défaut, le décor a été esquissé dans le ciment ; le dais a pour sa part été reconstitué et une reproduction de la lame de bronze portant l’épitaphe a été réalisée. On peut y lire "Ci gist Très excellaint et vallaint prince Wenceslas de Boème, duc de Lucembourch, de Brabant, de Laimbourch, de Lotrin et conte de Chiny qui trespasant l’an 1383 la nuit de concepcion de Notre-Dame. Priez pour lui, que Dieu en ait l’âme". Aujourd’hui, seul manque le gisant, définitivement disparu et trônant autrefois sur cet imposant monument.
Orval 1
6823 Florenville
Classé comme monument le 17 juin 1971
Patrimoine exceptionnel de Wallonie
Visites : www.orval.be
Frédéric MARCHESANI, 2013