Le comté de Brabant en 1106

À partir de 1040, Lambert II Baldéric transfère le centre du comté de Louvain vers l'ouest et choisit Bruxelles où il fait construire de nouvelles fortifications et l’église saint Michel et où il transfère les reliques de sainte Gudule (1047). En 1085, lorsqu’il reçoit le comté de Brabant directement de l’empereur germanique, le comte de Louvain devient son landgrave. C’est à partir de ce moment que l’identification au Brabant se substitue progressivement à celle de Louvain. Ambitieux, comme son homologue de Limbourg, Godefroid Ier, comte de Louvain/Brabant, convoite le titre honorifique de duc de Basse-Lotharingie. En 1106, l’empereur retire ce titre au duc de Limbourg et l’accorde à Godefroid, montrant ainsi l’importance qu’il accorde à la maison de Louvain. Godefroid Ier obtient en même temps le marquisat d’Anvers et quelques autres terres : le Brabant s’étend désormais vers le nord, nord-est. En 1146, toutes les terres d’Église seront désormais soumises aux comtes. Ce n’est qu’en 1190 que Henri Ier s’attribuera le titre de duc de Brabant que conserveront ses successeurs.

Références
Col ; ErCoverBbt ; VuBrbt69


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Bouillon en croisade (1095-1100)

Répondant à l’appel du pape Urbain II (1095), Godefroid de Bouillon abandonne tous ses biens pour partir à la croisade. Il participe à la prise de Jérusalem (1099), refuse la couronne du royaume nouvellement formé, préférant le titre de Gardien de la Saint-Sépulcre, et meurt en 1100, sans héritiers directs.
L’impact provoqué par les faits d’armes de Godefroid en Terre Sainte a certainement conduit à créer un titre de duc de Bouillon dont s’honorèrent les princes-évêques (peut-être dès le XIIIe siècle) jusqu’en 1794 (les armes de Bouillon apparaissent toujours dans le drapeau de la province de Liège comme elles l’étaient dans celui de la principauté).

Références
Duby46 ; www_cm1099


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Les biens vendus de Godefroy de Bouillon (1095)

Comme beaucoup d’autres comtés carolingiens, le comté d’Ardenne a été progressivement démembré au profit de grandes familles aristocratiques locales, souvent turbulentes et régulièrement en conflit tant avec l’empereur qu’avec leurs voisins immédiats. La limite méridionale du comté avait été fixée sur la Semois, rivière qui est aussi utilisée comme critère de séparation entre la Basse et la Haute-Lotharingie. Alleu héréditaire de la maison d’Ardenne, le château (re)construit sur le contrefort de Bouillon au XIe siècle contrôle les passages.
Ses propriétaires sont des princes importants des familles d’Ardenne-Verdun : Godefroid Ier a été choisi comme duc de Basse-Lotharingie (1013-1023) et son frère Gothelon qui lui succède (1023-1044), dispose aussi du titre sur la Haute-Lotharingie (1033-1044). Le château revient ensuite à un autre Godefroy dont le nom va davantage passer à la postérité en raison de sa participation à la première croisade.
Rangé aux côtés de l’empereur dans la querelle des Investitures, Godefroy de Bouillon (1058 ?-1100) est récompensé par le titre de duc de Basse-Lotharingie (1087). Quand il vend son château au prince-évêque de Liège pour partir à la croisade, il a prévu que trois de ses descendants auraient le droit de racheter le duché au même prix, à défaut le duché resterait en possession perpétuelle de l’Église de Liège. Malgré des contestations, cette dernière option scelle le sort du comté de Bouillon. Liège doit employer la force pour conserver son acquisition (1141), avec l’aval de l’empereur (1155). À quelques distances du comté d’Ardenne-Bouillon, Liège exerce aussi son influence sur le domaine de l’abbaye de Saint-Hubert.

Références
ErCover ; HHWH59 ; WPH01-236


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Le comté de Namur au XIe siècle (1093)

Les convoitises de l’évêque de Liège sont telles que le comte de Namur perd progressivement des abbayes et les terres qui les accompagnent. De surcroît, les comtes du Hainaut et ceux de Louvain grignotent à leur tour les possessions des comtes de Namur qui étendent cependant leurs liens familiaux vers l’Ardenne : un mariage les unit au comté de Laroche (1065).

Références
Er-Cover ; HHWH24 ; MoDic2a ; MoDic2z


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Le Hainaut, fief de l’Église de Liège (fin du XIe siècle)

À la mort de Baudouin (1070), Robert le Frison, son frère, s’empare de la Flandre, en écarte tous les prétendants, et laisse le Hainaut à Richilde et à son fils Baudouin. L’union est rompue. Cherchant une aide extérieure (1071-1076), le comté de Hainaut devient un fief de l’Église de Liège, tout en conservant son autonomie politique. Jusque-là il était essentiellement compris dans le diocèse de Cambrai qui partageait le même statut qu’Arras, Boulogne, Thérouanne et Tournai au sein de l’archevêché de Reims. Le diocèse de Tournai ne redevient distinct de ses voisins immédiats qu’en 1146.
Vers 1245, il semble que l’incorporation « temporelle » ne se réalise pas et le comté de Hainaut n’intègre pas la principauté de Liège. En 1408, après la bataille d’Othée, le comte de Hainaut brise le lien féodal avec le diocèse de Liège ; prince-évêque issu de la même famille (Wittelsbach) que le comte du Hainaut, Jean de Bavière ne s’oppose pas à cette mesure.

Références
ANA ; AzKG-94 ; Bo ; DCM17, 20 ; Er35c ; WPH01-219


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Réunion des comtés de Flandre et de Hainaut sous la couronne de Baudouin VI et de Richilde (1067-1070)

Par son mariage avec Richilde, Baudouin – dont le père est comte de Flandre – devient comte de Hainaut sous le nom de Baudouin Ier (1051-1070). À la mort de son père, il hérite du comté de Flandre et, pendant trois années, Hainaut et Flandre sont réunis sous une même couronne (1067-1070). Baudouin VI ne survit que trois années à la mort de son père. Les deux comtés reviennent alors à des souverains différents.

Références
ANA ; Bo ; DCM17; DCM20; Er35c; WPH01-219


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La fin des Régnier (998-1051)

Dans le dernier quart du Xe siècle, le roi de France aide les Régnier à récupérer la plupart de « leurs » biens et l’on retrouve des enfants Régnier à la tête des comtés de Louvain et de Hainaut. Par les jeux d’alliance et les guerres, les Régnier IV et V, ainsi que Herman s’empressent d’ailleurs d’agrandir leurs territoires notamment au détriment des marches de Valenciennes et d’Éname. Chièvres et Alost appartiennent alors à la maison de Verdun, mais, au fil des conflits, le comte de Flandre qui est aussi ambitieux que les Régnier, se retrouve maître du comté de Chièvres dans l’ancienne marche d’Ename, alors que le Hainaut possède le reste de cette marche, c’est-à-dire les terres situées au nord, sans lien direct avec le Hainaut. En 1047, les deux familles décident d’un échange, et c’est ainsi que l’ancien comté de Chièvres intègre celui de Hainaut et que l’Escaut est atteint et même débordé en 1047, avec la cession de Valenciennes et ses environs, vers l’Ostrevant.
D’abord terre d’empire, circonscription administrative ensuite, le Hainaut s’est détaché progressivement de toute autorité souveraine pour devenir une principauté quasi autonome, mais dépendante de la lignée seigneuriale (XIe siècle).
À la mort de Herman en 1051, sa veuve, Richilde, déjà fort active dans les affaires du comté, déjoue les difficiles relations entre Germanie et Francie, mais ne peut éviter un mariage avec le fils du comte de Flandre, le futur Baudouin VI qui règnera sur la Flandre de 1067 à 1070. Depuis le IXe siècle, les comtés de Hainaut et de Flandre se sont en effet développés parallèlement et la limite « naturelle » que constitue l’Escaut a déjà été contestée à diverses reprises, les dynastes cherchant à s’étendre par-delà le fleuve.

Références
ANA ; Bo ; DCM17; DCM20; Er35c; WPH01-219


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Avec la romanisation, les cultures celte et romaine ont vécu en cohabitation étroite et permanente, au point de fusionner avec le temps. Ce phénomène, conjugué à l’action de l’Eglise qui perpétue l'héritage romain et diffuse largement le latin, a engendré, en Wallonie, un mode de vie différent des territoires voisins. Découvrez dans cette leçon, synthèse et documents à l’appui, les sources de ce phénomène qui a durablement marqué notre territoire et notre mode de pensée.

Liège sous Notger, évêque et prince (972-1008)

Empereur d’Occident, se proclamant héritier des Romains et de Charlemagne, Otton Ier utilise son droit de nommer les évêques à des fins politiques. En attribuant aux évêques des charges comtales, l’empereur évite la dispersion de son patrimoine. Bien que Saxon et non carolingien, Otton accorde de l’importance à ses terres les plus occidentales. Comme les « (…) principautés territoriales du Hainaut, de Louvain-Brabant, du Limbourg, du Luxembourg et de Namur se sont édifiées au préjudice de l’autorité royale », la principauté liégeoise sera construite « par la volonté des rois – particulièrement ceux de la dynastie des Otton – désireux d’enrayer le processus d’hérédité ou, ce qui revient au même, de confiscation, par les princes territoriaux laïcs, des hautes charges publiques » (Histoire de la Wallonie, p. 113).
Véritable incarnation du système ottonien, Notger, par ailleurs formidable personnalité politique de son époque, peut être considéré comme le fondateur de la principauté de Liège. Désigné évêque de Liège par Otton Ier en 972, il obtient d’Otton II la confirmation de l’immunité des possessions de l’Église de Liège (980) ; en d’autres termes, soustraites à une charge comtale, plusieurs possessions (à Huy, Maastricht, Namur, Dinant, Tongres, Marchienne-au-Pont, Theux, etc.) dépendent de la seule autorité de l’empereur. En déléguant son pouvoir à la cathédrale saint-Lambert et à son titulaire, l’empereur transforme de facto l’évêque, en l’occurrence Notger, en un comte ayant droit de haute justice, de lever le tonlieu, de battre monnaie, d’établir des marchés et de dresser des fortifications. En 985, Notger reçoit en donation le comté de Huy, d’autres suivront. Les pouvoirs de l’évêque et du prince se rejoignent pour régler le spirituel et le temporel sur un territoire. La principauté de Liège devient le modèle de ce que l’on appellera l’« Église impériale ottonienne » (Reichskirche).


Références
AzKG-94 ; DHGe14 ; HW04-113-114 ; LJGdLg48 ; Meuse-Rhin10


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Le comté de Louvain au Xe siècle

Concernant l’organisation initiale et les premières années d’existence du comté de « Brabant », les sources sont rares et les conjectures restent fortes. Il semble néanmoins que c’est de Louvain, où étaient établis des membres de la famille Régnier, que vint l’impulsion. Avec le soutien du roi de France, les Régnier continuent à contester violemment le pouvoir impérial. En 977, l’empereur Otton II est forcé de rendre aux fils de Régnier III les terres qui lui avaient été confisquées. Lambert Ier reçoit ce qui deviendra le comté de Louvain (première mention en 1003). Jusqu’au XIe siècle, cette région était restée sans nom. La dynastie qui y prend racines, dans un espace situé entre le pagus Bracbantiensis et le pagus Hasbania, se prévaudra d’une double filiation, celle des Régnier et celle des Carolingiens, que lui contesteront ses voisins.

Références
Col ; ErCoverBbt ; VuBrbt69


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