Paul Delforge – Institut Destrée - Sofam

Monument Léon COLIN

Au milieu de la rue Léon Colin, face à l’école communale de Mettet, un monument entouré de petits potelets de pierre reliés par une chaîne fait office de rond-point. Au sommet du piédestal constitué d’un bloc rectangulaire travaillé par le tailleur de pierre Stocq s’élève un buste en bronze réalisé par Victor Demanet. Sa signature est très reconnaissable sur la partie arrière du bronze daté de 1946. 

Sur la face avant du piédestal, on identifie facilement la personne honorée par le monument :
 

« A
LEON COLIN
1892-1945 »

Sur la partie arrière, une plaque de bronze témoigne du nom de l’un des initiateurs du monument :

« LA FEDERATION MOTOCYCLISTE BELGE
RECONNAISSANTE
AU DEVOUE LEON COLIN
SECRETAIRE DE L’UNION MOTOR
ENTRE SAMBRE ET MEUSE
METTET »


Sous la plaque en bronze, en lettres gravées dans la pierre, les autorités locales ont mis en évidence un autre aspect de la personnalité locale honorée :


« METTET
RECONNAISSANTE
A SON POETE
DISPARU A LUBECK »

Enfant du pays de Mettet, Léon Colin est âgé d’une vingtaine d’années quand éclate la Première Guerre mondiale : engagé volontaire dans un service de renseignements, il est repéré. Dans sa tentative de rejoindre l’Angleterre, il est arrêté, et emprisonné dans un camp près de Hanovre (1915-1918) ; il est reconnu comme invalide de guerre et prisonnier politique dans les années 1920. 

Après la Guerre, Léon Colin s’adonne à ses deux passions : l’art dramatique et la course automobile. Fondateur du cercle L’Indépendant de Mettet (1919), régisseur, il multiplie les représentations théâtrales et ses revues qui chantent le pays de Mettet recueillent un très grand succès. Passionné de sports en général, de courses automobiles en particulier, il s’intéresse tant aux motocyclettes qu’aux automobiles et, avec un groupe d’amis (Jean Rops, ses trois frères et Louis Galloy), il est l’un des pionniers du circuit de vitesse de Mettet et de l’Union Motor de l’Entre-Sambre-et-Meuse dont il assure le secrétariat. 

L’Entre-deux-Guerres est marqué par le développement du circuit et du club de Mettet, mais la Seconde Guerre mondiale viendra frapper fortement les principaux protagonistes de cette activité automobile en plein cœur du Namurois. En mai 1940, Colin voit sa maison détruite par des bombardements allemands. Résistant par la presse clandestine, il apporte aussi sa contribution au MNB et, en août 1944, Léon Colin est à nouveau fait prisonnier avec un groupe d’une vingtaine d’habitants de Mettet. Alors que les libérateurs sont aux portes du Namurois, Colin et ses amis sont envoyés en Allemagne. Dans la confusion qui règne à cette époque, on perd sa trace jusqu’en avril 1945, moment où il quitte Blumenthal pour une marche forcée vers le camp de Neuengamme, puis celui de Lubeck. Embarqué dans un navire pour la Suède, destination prétendue, Colin meurt dans les bombardements qui se déroulent les 2 et 3 mai 1945.
 

C’est à la fois à l’écrivain, au poète et au promoteur du circuit automobile de Mettet que les habitants et les autorités rendent hommage à la Libération. Des collectes auprès de plusieurs sociétés locales contribuent à réunir les fonds nécessaires pour élever le monument Colin. Le travail est confié à un tailleur local, Stocq, pour le piédestal, et au sculpteur Victor Demanet pour le buste en bronze.

Monument  Léon Colin

Né à Givet de parents namurois, Victor Demanet (1895-1964) a grandi au confluent de la Sambre et de la Meuse, ses parents tenant un commerce d’antiquités au cœur de la ville wallonne. Appelé à leur succéder, Demanet fréquente l’Académie des Beaux-Arts (1916-1919) où il est l’élève de Désiré Hubin, mais la révélation lui vient des œuvres de Constantin Meunier et surtout de la thématique sociale et ouvrière développée par le peintre/sculpteur bruxellois. Lors d’un séjour à Paris, les œuvres de Rude, Carpeaux et Rodin finissent par convaincre Demanet que sa voie est dans la sculpture. Remarqué au Salon des Artistes français de Paris, en 1923, pour son buste de Bonaparte à Arcole, Victor Demanet s’impose rapidement comme un portraitiste de talent auquel sont confiées de nombreuses commandes publiques. Il est aussi l’auteur de plusieurs dizaines de médailles, ce qui ne l’empêche pas de poursuivre une œuvre plus personnelle à l’inspiration comparable à celle de Constantin Meunier, avec de nombreux représentants du monde du travail. Installé à Bruxelles depuis 1926, il décède à Ixelles en 1964. Comme d’autres artistes de son temps, Demanet a réalisé plusieurs monuments aux victimes des deux guerres, dont le monument Colin de Mettet, inauguré sous le signe du souvenir, en présence des autorités locales, de toute la population et en particulier des élèves des écoles.

 


Fosses-la-Ville et Mettet, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 230
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 397
Dany BASTIN, Mettet, souviens-toi ! 1945-2005. Témoignages et photos de la Seconde Guerre mondiale. Hommage à Léon Colin, Mettet, chez l’auteur, 2005, principalement p. 2 à 11
Jacques TOUSSAINT, Victor Demanet dans Arts plastiques dans la province de Namur 1800-1945, Bruxelles, Crédit communal, 1993, p. 147
site Delcampe, document de remerciement suite au décès de Léon Colin, 1945
http://www.jules-tacheny.be/text.php?file=chap17.html
Thierry OGER, sur http://www.ville.namur.be/page.asp?id=797 (s.v. avril 2014)

Rue L. Colin, en face du n°12

Mettet 5640

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Statue saint ARNOULD

Statue de saint Arnould, réalisée par Victor Demanet, sur le pont de Liège 25 juin 1939 puis au bout du quai de la Tannerie après la Libération de 1945.

Sculpteur des rois et des reines, des soldats et des résistants, des personnages historiques lointains comme de personnalités contemporaines, Victor Demanet a fait de l’espace public, notamment de Wallonie, sa galerie d’exposition. Remarqué au Salon des Artistes français de Paris, en 1923, pour son buste de Bonaparte à Arcole, Victor Demanet s’est rapidement imposé comme un portraitiste de talent auquel sont confiées de nombreuses commandes publiques. Il a déjà participé à plusieurs expositions internationales et reçu d’importants prix et distinctions lorsque lui est confiée la réalisation de deux statues, l’une de saint Arnould et l’autre de Godefroid de Bouillon, destinées à la ville de Bouillon. 

Dans la deuxième moitié des années 1930, la cité achève en effet d’importants travaux de voirie : dédoublement de la rue de la Maladrerie et création d’un nouveau quai qui dégage de nouvelles perspectives (circa 1937). S’inspirant du Pont Saint-Ange à Rome, les autorités locales ont par conséquent décidé de garnir les deux accès du pont de Liège des statues en question. Chargé de cette importante commande publique, Victor Demanet doit inscrire les deux statues sur un socle imposant (2,5 m de haut, sur 0,9 m de large) où viendront s’inscrire des bas-reliefs en bronze à motifs héraldiques.

Dès 1938, les statues d’Arnould et de Godefroid sont achevées par le sculpteur et peuvent être installées aux accès du Pont de Liège. La cérémonie d’inauguration, le 25 juin 1939, se déroule en grandes pompes. La duchesse de Vendôme (la sœur de feu le roi Albert Ier) a fait le déplacement. Mais quelques mois plus tard, lors de l’invasion allemande de mai 1940, aucune chance n’est laissée au Pont de Liège. Miraculeusement, le bombardement épargne les deux statues. À la Libération, il n’est plus question de les réinstaller sur le pont reconstruit. Elles sont séparées et le Godefroid de Bouillon escalade le contrefort pour trouver place à quelques mètres de l’entrée du château, tandis que le saint Arnould est relégué en bord de Semois, au bout du quai de la Tannerie. On l’aperçoit tant bien que mal depuis l’autre rive, en scrutant bien depuis le boulevard Vauban. Saint Arnould aura moins de visibilité que son homologue Godefroid.

Moins célèbre en dehors de Bouillon que l’homme des croisades, Arnould (ou Arnoul) n’en est pas moins considéré comme le premier dans la généalogie des ducs de Bouillon, descendant des comtes d’Ardenne. Né vers 582 à Lay-Saint-Christophe, près de Nancy, Arnoul serait le fils de Bodogisel et de Chrodoara (celle qui deviendra l’abbesse d’Amay). Ayant grandi au sein d’une noble famille franque, il est considéré comme le fondateur de la dynastie des Arnulfiens, famille alliée aux Pépinides. Aussi appelé Arnoul de Metz, il a gouverné l’Austrasie avec Pépin de Landen à l’époque des Mérovingiens (en l’occurrence Thibert II, la régente Brunehilde, puis Clotaire II). Fils d’Arnoul, Ansegisel épouse d’ailleurs Begge, la fille de Pépin, contribuant ainsi au développement de la dynastie carolingienne. Mais lassé par la vie de cour, Arnoul accepte d’être désigné évêque de Metz, alliant alors fonctions administratives et religieuses (613-628) ; il est à ce moment aussi précepteur du jeune Dagobert Ier. Mais il aspire à consacrer exclusivement sa vie à Dieu ; il renonce définitivement aux affaires de la cité et vit désormais en ermite solitaire jusqu’à son décès en 640. Godefroid en serait un lointain descendant. Décédé un 18 juillet de l’année 640 ou 641, Arnoul est fêté localement à cette date. Patron des brasseurs, il n’est pas le saint patron de Bouillon car c’est saint Eloi qui a ce titre.

 

Statue de saint Arnould (Bouillon)

Ayant grandi au confluent de la Sambre et de la Meuse où ses parents tiennent un commerce d’antiquités au cœur de la ville, Victor Demanet (Givet 1895 – Namur 1964) était appelé à leur succéder si ses études à l’Académie des Beaux-Arts (1916-1919), ne lui avaient pas donné le goût de la pratique de la sculpture. Élève de Désiré Hubin, Demanet eut la révélation en voyant des œuvres de Constantin Meunier et surtout celles traitant de la thématique sociale et ouvrière développée par le peintre/sculpteur bruxellois. Lors d’un séjour à Paris, les œuvres de Rude, Carpeaux et Rodin avaient fini de convaincre Demanet que sa voie était dans la sculpture. Comme d’autres artistes de son temps, il va réaliser plusieurs monuments aux victimes des deux guerres ; auteur de plusieurs dizaines de médailles, il poursuit aussi une œuvre plus personnelle à l’inspiration comparable à celle de Constantin Meunier, avec de nombreux représentants du monde du travail.

 

 


Les sculptures en pierre de Victor Demanet à Bouillon, Les jalons d’une ville n°3, dans http://bouillon.communesplone.be/shared/revue-communale/2008.09.pdf
http://www.sculpturepublique.be/6830/Demanet-GodefroidDeBouillon.htm
http://www.osotatarl.com/monument_chapuis.86.html#Ch%C3%A2teau%20Bouillon%2001 (s.v. novembre 2013)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 397
Jacques TOUSSAINT, Les médailles du sculpteur-médailleur Victor Demanet (1895-1964), dans Revue belge de numismatique et de sigillographie, Bruxelles, 1984, n°130, p. 141-204 + planches
Jacques TOUSSAINT, Victor Demanet dans Arts plastiques dans la province de Namur 1800-1945, Bruxelles, Crédit communal, 1993, p. 147
M-J-F. OZERAY, Histoire des pays, château et ville de Bouillon, depuis l’origine du Duché jusqu’à la révolution de 1789…, Luxembourg, 1827, p. 313
Le Guetteur wallon, 1961, n°3, p. 65

sur le pont de Liège puis au bout du quai de la Tannerie après la Libération de 1945
6830 Bouillon

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Paul Delforge

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Monument Jean-Baptiste SCORIEL

Monument  Jean-Baptiste Scoriel, 18 septembre 1954.
Réalisé par Victor Demanet.

Pour découvrir le monument Scoriel, à Tamines, il convient, en venant de Fosses, de bifurquer à droite, à hauteur des feux qui précèdent l’accès au pont sur la Sambre. En prenant la direction de l’ancien abattoir, apparaît non loin de l'écluse de Moignelée, en bord de Sambre, un médaillon incrusté sur une stèle en marbre de Bioul qui rend hommage à 

Jean-B SCORIEL
PEINTRE DE LA SAMBRE

Certaines lettres de la dédicace se sont décrochées avec le temps et ont été repeintes de manière à identifier ce monument solitaire, loin du centre de Tamines, implanté à quelques mètres du chemin de halage, dans un endroit particulièrement calme, en d’autres termes dans un environnement que recherchait particulièrement le peintre honoré.

« Maître de la Sambre », mais aussi « maître de la neige », Jean-Baptiste Schorielle est l’aîné d’une famille de cinq enfants dont le père, venu de Flandre, est mineur au Roton, à Farciennes. Passionné par le dessin et la peinture dès son plus jeune âge, J-B. Schorielle (Lambusart 1883-Tamines 1956) se retrouve orphelin dès 1895 et contraint de subvenir aux besoins vitaux. Dès lors, il travaille en usine (briqueterie et fonderie), mais s’efforce néanmoins de suivre les cours de l’École des Beaux-Arts de Namur, dont Théodore Baron est le directeur. À Tamines où sa famille s’était établie depuis 1886, l’artiste s’imprègne de son environnement immédiat : la Sambre et la Biesme s’imposent comme ses sujets de prédilection, le peintre paysagiste s’attachant à la campagne comme à l’habitat ouvrier. Signant J-B. Scoriel, il s’inscrit dans le courant de l’École d'Émile Claus. Mobilisé durant la Grande Guerre, il est blessé sur le front. En convalescence à Dieppe, il y reste quelque temps, y poursuit sa production picturale, avant de revenir à Tamines, trop attiré par le cadre sambrien. En 1922, il réalise une toile représentant le massacre du 22 août 1914.

À partir des années 1920, s’ajoute à ses sujets de peinture une prédilection pour les paysages enneigés. Les « Neiges de Scoriel » fascinent. Elles lui valent son second surnom. « Maître de la Sambre » et « maître de la neige », Scoriel est en recherche permanente du calme et d’une lumière « du Nord ». L’exode forcé de mai 1940 place Scoriel en face de la lumière du Sud (il est réfugié dans le Tarn et Garonne). Il ne s’agira que d’une parenthèse dans l’œuvre de cet artiste dont le style n’a cessé d’évoluer et qui reste difficile à catégoriser, même si d’aucuns ont identifié cinq périodes dans son œuvre : la période réaliste, sous l’influence de son maître Baron, la période luministe, la période dieppoise, la notoriété et l’après-guerre. Plusieurs jeunes artistes trouvèrent des conseils auprès du maître, dont son fils Jean-Marie devenu peintre lui aussi.

Monument  Jean-Baptiste Scoriel – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

L’amitié de Scoriel avec le sculpteur Victor Demanet désignait naturellement celui-ci comme exécuteur du médaillon destiné au monument du peintre. Né à Givet de parents namurois, Victor Demanet (1895-1964) a grandi au confluent de la Sambre et de la Meuse, où ses parents tenaient un commerce d’antiquités. Appelé à leur succéder, Demanet f

réquente l’Académie des Beaux-Arts (1916-1919) où il est l’élève de Désiré Hubin, mais la révélation lui vient des œuvres de Constantin Meunier et surtout de la thématique sociale et ouvrière développée par le peintre/sculpteur bruxellois. Lors d’un séjour à Paris, les œuvres de Rude, Carpeaux et Rodin finissent par convaincre Demanet que sa voie est dans la sculpture. Remarqué au Salon des Artistes français de Paris, en 1923, pour son buste de Bonaparte à Arcole, Victor Demanet s’impose rapidement comme un portraitiste de talent auquel sont confiées de nombreuses commandes publiques. Comme d’autres artistes de son temps, il réalise plusieurs monuments aux victimes des deux guerres. Il est aussi l’auteur de plusieurs dizaines de médailles, ce qui ne l’empêche pas de poursuivre une œuvre plus personnelle à l’inspiration comparable à celle de Constantin Meunier, avec de nombreux représentants du monde du travail. C’est par conséquent un artiste en pleine maturité de son art qui signe le médaillon Scoriel.

En 1954, une rétrospective des œuvres du « peintre de Tamines » se déroule dans sa ville natale qui honore ainsi l’enfant du pays et, à cette occasion, inaugure, en sa présence, le monument du bord de Sambre. La pierre est orientée de telle manière que le portrait du peintre, dans le médaillon, semble continuer à observer le paysage pour ses toiles d’éternité. Des témoignages locaux rapportent que l’emplacement du monument était l’un des endroits préférés du peintre qui y posait une toile de petite taille, avant de rentrer à son atelier, où il donnait libre cours à son talent sur une toile plus grande.

 

Informations communiquées par M. Bernard Janssens (mai 2014)
http://www.sambreville.be/culture-et-loisirs/tourisme/syndicat-d-initiative/patrimoine/tamines (s.v. juillet 2013)
http://www.galeriedupistoletdor.com/gdpo/Scoriel.html (s.v. mai 2014)
Edmond DOUMONT, Jean-Baptiste Scoriel, Tamines 1954, p. 7
Jean FICHEFET, Nouvelle Histoire de Tamines, Gembloux, J. Duculot, 1963
Frédéric MAC DONOUGH Abécédaire des peintres du Pays de Charleroi, Bruxelles, Labor, 2006.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 417

Rue de l'abbaye, en bord de Sambre
5060 Sambreville

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Paul REUTER

Monument Paul Reuter, 1948 
Réalisé par Victor Demanet.


Au pied de l’Église Saint-Donat, près de la rue du Bastion, un monument  dédié à Paul Reuter (Clausen 1865 – Arlon 1949) rappelle le souvenir du bourgmestre d’Arlon. Placé dans un espace arboré, le buste réalisé par Victor Demanet a été inauguré au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en présence

Monument Paul Reuter – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

du mandataire communal qui, quelques mois avant sa disparition, recevait ainsi le témoignage public de la reconnaissance de ses administrés.

Successeur de Numa Ensch-Tesch en 1921, Paul Reuter est avant tout un municipaliste qui perpétue une tradition libérale bien ancrée dans le chef-lieu de la province de Luxembourg. Depuis 1830 en effet, le parti libéral a toujours compté l’un de ses représentants à la tête du collège communal. Après Numa "le bâtisseur" (bourgmestre de 1901-1921), auquel il était apparenté, Paul Reuter abandonne l’échevinat de l’Instruction publique qu’il exerçait depuis 1895 pour ceindre l’écharpe maïorale. Il conforte la majorité libérale durant toute la durée de son mandat qui s’achève en 1949. Seules les occupations allemandes de 14-18 et de 40-45 ont été des périodes de contestation des choix politiques de Paul Reuter. Pour celui qui est né à Clausen, au grand-duché de Luxembourg en 1865, et qui défend la primauté de l’usage du français, la question de l’emploi des langues restera en permanence un enjeu important. Bourgmestre d’Arlon siégeant à l’Assemblée wallonne (1927-1940), Paul Reuter est écarté du maïorat d’Arlon par les autorités allemandes en 1941. Après trois années d’activités clandestines périlleuses, il reprend son maïorat le 10 septembre 1944, jour de la libération d’Arlon.

L’inauguration du monument Reuter, en 1948, est l’occasion d’honorer plus de cinquante ans d’activités communales. Le monument a été commandé à Victor Demanet (Givet 1895 – Namur 1964). Ayant grandi au confluent de la Sambre et de la Meuse où ses parents tiennent un commerce d’antiquités au cœur de la ville, le jeune Namurois était appelé à leur succéder si ses études à l’Académie des Beaux-Arts (1916-1919) où il est l’élève de Désiré Hubin, ne lui avaient pas donné le goût de la pratique de la sculpture. La révélation lui vient des œuvres de Constantin Meunier et surtout de la thématique sociale et ouvrière développée par le peintre/sculpteur bruxellois.

Lors d’un séjour à Paris, les œuvres de Rude, Carpeaux et Rodin finissent de convaincre Demanet que sa voie est dans la sculpture. Remarqué au Salon des Artistes français de Paris, en 1923, pour son buste de Bonaparte à Arcole, Victor Demanet s’impose rapidement comme un portraitiste de talent auquel sont confiées de nombreuses commandes publiques. Comme d’autres artistes de son temps, il réalise plusieurs monuments aux victimes des deux guerres. Tout en poursuivant une œuvre plus personnelle à l’inspiration comparable à celle de Constantin Meunier, avec de nombreux représentants du monde du travail, Victor Demanet est aussi l’auteur de plusieurs dizaines de médailles. C’est un artiste renommé et en pleine maturité qui signe le buste de Paul Reuter, placé à Arlon sur un piédestal en grès d’Esch-sur-Alzette, à la facture simple. En bronze, ce buste présente la particularité d’être plus élancé que les bustes habituels. 

La dédicace sur la face avant mentionne simplement :

A PAUL REUTER
LA POPULATION ARLONAISE RECONNAISSANTE 
1865 - 1948

 

http://www.routeyou.com/location/view/47438337/le-buste-au-bourgmestre-paul-reuter.fr (s.v. juillet 2013) 
Paul DELFORGE, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, 2001, t. III, p. 1416 
Bulletin trimestriel de l’Institut archéologique du Luxembourg, 1949, 25e année, p. 40-41 
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 397 
Jacques TOUSSAINT, Victor Demanet dans Arts plastiques dans la province de Namur 1800-1945, Bruxelles, Crédit communal, 1993, p. 147

Au pied de l’Église Saint-Donat
6700 Arlon

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Mémorial du général PIRON à Couvin

Les monuments d’hommage à la Brigade Piron sont nombreux, en Belgique, comme en France ou aux Pays-Bas. Ils sont une quarantaine à rappeler le rôle de la brigade dans la libération de certains lieux ou à évoquer la mémoire de ses soldats tombés au combat, évocation individuelle ou collective. Un seul monument, cependant, rend hommage individuellement au commandant de la First Belgian Brigade, Jean-Baptiste Piron et il est situé dans sa ville natale. En plus de donner son nom à la place principale de Couvin, les autorités locales y ont érigé une stèle avec un médaillon. L’ensemble a été réalisé à partir d’un médaillon qu’avait réalisé le sculpteur Victor Demanet.

Mémorial général Piron – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Le sculpteur Victor Demanet

Né à Givet de parents namurois, Victor Demanet (1895-1964) a grandi au confluent de la Sambre et de la Meuse, ses parents tenant un commerce d’antiquités au cœur de la ville wallonne. Appelé à leur succéder, Demanet fréquente l’académie des Beaux-Arts (1916-1919) où il est l’élève de Désiré Hubin, mais la révélation lui vient des œuvres de Constantin Meunier et surtout de la thématique sociale et ouvrière développée par le peintre/sculpteur bruxellois. Lors d’un séjour à Paris, les œuvres de Rude, Carpeaux et Rodin finissent par convaincre Demanet que sa voie est dans la sculpture. Remarqué au Salon des Artistes français de Paris, en 1923, pour son buste de Bonaparte à Arcole, Victor Demanet s’impose rapidement comme un portraitiste de talent auquel sont confiées de nombreuses commandes publiques. Comme d’autres artistes de son temps, il réalise plusieurs monuments aux victimes des deux guerres. Il est aussi l’auteur de plusieurs dizaines de médailles (dont une du général Piron), ce qui ne l’empêche pas de poursuivre une œuvre plus personnelle à l’inspiration comparable à celle de Constantin Meunier, avec de nombreux représentants du monde du travail. Installé à Bruxelles depuis 1926, il décède à Ixelles en 1964. Sans croiser la route de J.-B. Piron, l’artiste est un contemporain du militaire.

Jean-Baptiste Piron

En effet, c’est en 1896 que Jean-Baptiste Piron naît à Couvin. Entré à l’École militaire à 17 ans, il n’a pas 20 ans quand il est appelé à diriger un peloton au sein du 2e régiment de ligne en août 1914 et combat notamment sur l’Yser. L’armée sera sa destinée. Nommé capitaine en 1933, il fait partie de l'état-major du 5e corps d'armée quand commence la Drôle de Guerre. 

À l’issue de la Campagne des 18 Jours et de la capitulation décidée par Léopold III, J.-B. Piron refuse de se constituer prisonnier et, après plusieurs mois de pérégrination, parvient à atteindre l’Écosse (février 1942). En Grande-Bretagne, après la disparition tragique de Georges Truffaut qui avait tenté de constituer les bataillons d’une armée belge opérationnelle, Piron se voit finalement confier, par Hubert Pierlot, le commandement d’un noyau de combattants capables d’aider les forces alliées. 

À la tête de la First Belgian Brigade, le colonel arrive en Normandie en août 1944 et participe à la campagne de libération, avant d’être propulsé vers l’avant du front : le nord de la France est dégagé plus rapidement que prévu et la Brigade Piron accompagne les troupes britanniques dans leur mouvement de libération, essentiellement du côté des provinces flamandes ; les hommes de la Brigade Piron seront encore de la Bataille des Ardennes et livreront de durs combats aux Pays-Bas (fin 1944 - début 1945). 

Général-Major (décembre 1945), Piron reste à la tête des troupes belges qui occupent une partie de l’Allemagne aux côtés des Alliés (décembre 1946 - décembre 1947), avant d’être nommé Lieutenant-Général (décembre 1947), puis chef de l'état-major de la Force terrestre belge et aide de camp du roi Baudouin (janvier 1951). En 1954, contre son gré, il est placé à la présidence d’un Conseil supérieur des Forces armées. Sa carrière militaire s’achève en juillet 1957 et il consacre ses loisirs à écrire ses mémoires. Il accepte aussi de participer aux hommages rendus à sa brigade, ou à sa personne comme c’est le cas à Couvin, en septembre 1971.

Ce jour-là, les autorités locales dévoilent en effet l’imposante stèle en marbre rouge sur laquelle est incrusté le médaillon en bronze où Demanet avait représenté le profil gauche de J.-B. Piron, le regard autoritaire, fixant l’horizon. Sous le médaillon, apparaissent trois carrés aux couleurs l’un des armes de la Brigade Piron, l’autre de la Belgique, et le troisième de Couvin. Alors que figurent côte à côte, tout en bas, les drapeaux de l’Angleterre, de la France, des Pays-Bas et des États-Unis, une large plaque en bronze, gravée, développe la longue dédicace :

LA VILLE DE COUVIN ET LES ANCIENS
COMBATTANTS DE LA BRIGADE PIRON
EN HOMMAGE
AU LIEUTENANT GENERAL
J.PIRON - D.S.O.
NATIF DE CETTE VILLE QUI EN 1944
A LA TÊTE DE LA FIRST BELGIAN BRIGADE
PARTICIPA AU DEBARQUEMENT EN
NORMANDIE ET CONTRIBUA A LA LIBERATION
DE LA FRANCE, LA BELGIQUE ET LA HOLLANDE

René DIDISHEIM, Au-delà de la Légende : L'histoire de la brigade Piron, Liège, Pim Services, 1946.
Henri BERNARD, dans Nouvelle Biographie nationale, t. I, p. 290-291.
Jean-Baptiste PIRON, Souvenirs 1913-1945, Bruxelles, 1969.
G. WEBER, Des hommes oubliés, Histoire et histoires de la brigade Piron, Bruxelles, 1978.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 397
Jacques TOUSSAINT, Victor Demanet dans Arts plastiques dans la province de Namur 1800-1945, Bruxelles, Crédit communal, 1993, p. 147.
http://www.brigade-piron.be/monuments_fr.html (s.v. mai 2014)
Informations communiquées par Jean Henrard (juin 2014)

 

Place du général Piron/
rue du Bercet
5660 Couvin

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Mémorial PATTON à Arlon

Six ans avant Bastogne, les autorités de la ville d’Arlon prennent l’initiative de célébrer le célèbre général américain George Patton, le vainqueur de la bataille des Ardennes fin 1944, début 1945. L’idée d’un monument revient en particulier à la Commission des Fêtes d’Arlon, présidée par Julien Breyer. L’ensemble est réalisé par le Service communal des Travaux sur base des plans de son directeur René Barbier. 

L’obélisque est offert par le sénateur Gilson d’Izel, et le médaillon est l’œuvre de Victor Demanet. L’inauguration se déroule le 26 mai 1957 en présence de nombreuses autorités civiles et militaires, dont le gouverneur du Luxembourg Octave Lohest et le général américain Fleming, commandant la « US Communication Zone/Advance Sector à Verdun ». 

Monument général Patton (Arlon)

Le profil droit de Patton apparaît dans un grand médaillon en bronze et précède un double texte – français puis anglais – gravé dans la pierre de la stèle :


D’ICI
LE 24 DÉCEMBRE 1944
LE GÉNÉRAL PATTON
LANÇA LA 3E ARMÉE
DANS LA BATAILLE DES ARDENNES


FROM THIS POINT
ON DECEMBER 24, 1944
GENERAL PATTON
SENT FORTH THE BIRD ARMY
INTO THE BATTLE OF THE ARDENNES


L’endroit où est implanté le monument est celui où le militaire américain aurait motivé ses troupes, en vue de la contre-offensive des Ardennes, contre les armées du maréchal von Rundstedt. La tactique de ce dernier vise à prendre les ponts de la Meuse et à séparer les armées anglaises des forces américaines pour reprendre le port d’Anvers. 

C’est autour de Bastogne que la bataille décisive se déroule au cours d’un hiver particulièrement terrible. Encerclées par la 5e Panzer Armee, les troupes alliées parviennent à résister et reçoivent finalement l’aide de l’aviation, avant que la division blindée de George Patton entre dans la ville le 26 décembre, créant un couloir de communication entre les défenseurs de Bastogne et les renforts. L’accomplissement de ce fait d’armes était remarquable. Le monument arlonais rend ainsi hommage au général américain qui commanda notamment la 7e, puis la 3e armée des États-Unis lors de la libération de l’Europe. 

George Smith Patton Jr.

Depuis son plus jeune âge, servir l’armée américaine est l’objectif de George Smith Patton Jr. Actif au Mexique contre Pancho Villa, en Europe de l’ouest lors de la Grande Guerre, il est un ardent défenseur d’un accroissement de la puissance matérielle de l’armée US. Ayant débarqué au Maroc en 1942, il mène la campagne de Tunisie, conduit les troupes de la 7e armée en Sicile et arrive le premier à Messine (17 août 1943). Après le débarquement en Normandie, il reçoit le commandement de la 3e armée, mène une guerre éclair jusqu’en Lorraine, se montre décisif dans la bataille des Ardennes et poursuit sa route vers l’Allemagne. Nommé brièvement gouverneur militaire de la Bavière, avant d’être affecté au commandement de la 15e armée, il est victime d’un accident de la route et succombe à ses blessures (21 décembre), un an presque jour pour jour après la libération de Bastogne.

Le sculpteur Victor Demanet

Sculpteur des rois et des reines, des soldats et des résistants, des personnages historiques lointains comme de personnalités contemporaines, Victor Demanet a fait de l’espace public, notamment de Wallonie, sa galerie d’exposition. Remarqué au Salon des Artistes français de Paris, en 1923, pour son buste de Bonaparte à Arcole, il s’est rapidement imposé comme un portraitiste de talent auquel sont confiées de nombreuses commandes publiques. 

Ayant grandi au confluent de la Sambre et de la Meuse, où ses parents tiennent un commerce d’antiquités au cœur de la ville, Victor Demanet (Givet 1895 – Namur 1964) était appelé à leur succéder si ses études à l’académie des Beaux-Arts (1916-1919) ne lui avaient pas donné le goût de la pratique de la sculpture. Élève de Désiré Hubin, Demanet eut la révélation en voyant des œuvres de Constantin Meunier et surtout celles traitant de la thématique sociale et ouvrière développée par le peintre/sculpteur bruxellois. 

Lors d’un séjour à Paris, les œuvres de Rude, Carpeaux et Rodin avaient fini de convaincre Demanet que sa voie était dans la sculpture. Comme d’autres artistes de son temps, il va réaliser plusieurs monuments aux victimes des deux guerres ; auteur de plusieurs dizaines de médailles, il poursuit aussi une œuvre plus personnelle à l’inspiration comparable à celle de Constantin Meunier, avec de nombreux représentants du monde du travail. Sur le bord de la veste du général Patton, la signature de V. Demanet est particulièrement apparente.



Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse 
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 397
Jacques CHAMPAGNE, Arlon et son Patrimoine, Mémoires de bronze et de granit, t. I, Arlon, éditions Glane, province de Luxembourg 2011.
Jacques TOUSSAINT, Les médailles du sculpteur-médailleur Victor Demanet (1895-1964), dans Revue belge de numismatique et de sigillographie, Bruxelles, 1984, n°130, p. 141-204 + planches
Jacques TOUSSAINT, Victor Demanet dans Arts plastiques dans la province de Namur 1800-1945, Bruxelles, Crédit communal, 1993, p. 147.
http://users.skynet.be/fa530432/Intro/Monuments.htm 
http://www.luxembourg-belge.be/diffusio/fr/je-choisis/visiter/tourisme-memoire/2eme-guerre/arlon/le-monument-au-general-patton_TFO10024.php 
http://ftlb.be/fr/attractions/fiche.php?avi_id=1551 (s.v. juillet 2015)

Place du 12e Bataillon de Fusiliers « Remagen »
(carrefour des rues de Bastogne et de Neufchâteau)
6700 Arlon

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Statue Godefroid de Bouillon à Bouillon

Sculpteur des rois et des reines, des soldats et des résistants, des personnages historiques lointains comme de personnalités contemporaines, Victor Demanet a fait de l’espace public, notamment de Wallonie, sa galerie d’exposition. Remarqué au Salon des Artistes français de Paris, en 1923, pour son buste de Bonaparte à Arcole, Victor Demanet s’est rapidement imposé comme un portraitiste de talent auquel sont confiées de nombreuses commandes publiques. Il a déjà participé à plusieurs expositions internationales et reçu d’importants prix et distinctions lorsque lui est confiée la réalisation d’une statue de Godefroid de Bouillon destinée à la ville de Bouillon. Paradoxalement, en effet, il existe à Bruxelles, depuis 1848, l’impressionnante statue équestre réalisée par Eugène Simonis et à Liège, depuis 1884, une statue due au ciseau de Léon Mignon sur la façade du Palais provincial, mais Bouillon ne dispose d’aucune représentation de son plus illustre représentant. L’occasion de réparer cet oubli est offerte aux autorités locales au moment où s’achèvent d’importants travaux de voirie : jusque-là fort encombrée, la rue de la Maladrerie a fait l’objet d’un dédoublement et le nouveau quai dégage de nouvelles perspectives (circa 1937). À l’instar plus modeste du Pont Saint-Ange à Rome, les autorités locales décident de garnir les deux accès du pont de Liège d’une statue : l’une dédiée à Saint-Arnould, l’autre à Godefroid de Bouillon. La commande des deux œuvres est passée à Victor Demanet qui doit inscrire les deux statues sur un socle imposant (2,5 m de haut, sur 0,9 m de large) où viendront s’inscrire des bas-reliefs en bronze à motifs héraldiques.
Artiste certes aguerri, Victor Demanet est ainsi confronté au défi de supporter la comparaison avec ses illustres devanciers liégeois, tout en inscrivant « son » Godefroid dans l’histoire locale, celle du duché millénaire et de la ville natale de Léon Degrelle.

Réalisée en terre cuite en 1938, son étude (19 cm) convainc ses commanditaires et rapidement la statue de Godefroid de Bouillon, signée Victor Demanet et datée de 1938 (sur le côté droit du socle), peut être installée à l’un des deux accès du Pont de Liège. La cérémonie d’inauguration, le 25 juin 1939, se déroule en grandes pompes. La duchesse de Vendôme (la sœur de feu le roi Albert Ier) a fait le déplacement. Mais quelques mois plus tard, lors de l’invasion allemande de mai 1940, aucune chance n’est laissée au Pont de Liège. Le bombardement épargne miraculeusement les deux statues. À la Libération, il n’est plus question de les réinstaller sur le pont reconstruit. Elles sont séparées et le Godefroid de Bouillon escalade le contrefort pour trouver place à quelques mètres de l’entrée du château. Son socle est réduit au minimum, bénéficiant cependant de la pente du contrefort pour conserver le caractère dominateur qu’avait imaginé le sculpteur. Ni cheval ni cotte de maille, ni heaume ni épée, ni couronne ni drapeau, le Godefroid de Bouillon de Demanet est plutôt solennel, presque religieux, en partie caché ou protégé par un haut bouclier. Ostensiblement, sur le côté droit du duc lotharingien, apparaît un parchemin avec trois sceaux, et seule se lit la fameuse formule des croisés répondant à l’appel du pape Urbain II : « Dieu le veult ». On ignore si le sculpteur était ravi par l’emplacement choisi après-guerre pour sa statue, mais on sait que l’œuvre avait été appréciée. De nombreux exemplaires en petit format ont en effet été produits et vendus par la suite ; de surcroît, lors du neuf centième anniversaire de la naissance de Godefroid de Bouillon (1961), les talents de médailliste de Victor Demanet sont à nouveau sollicités pour la réalisation d’une médaille représentant en buste l’illustre chef de la croisade.

Ayant grandi au confluent de la Sambre et de la Meuse où ses parents tiennent un commerce d’antiquités au cœur de la ville, Victor Demanet (Givet 1895 – Namur 1964) était appelé à leur succéder si ses études à l’Académie des Beaux-Arts (1916-1919), ne lui avaient pas donné le goût de la pratique de la sculpture. Élève de Désiré Hubin, Demanet eut la révélation en voyant des œuvres de Constantin Meunier et surtout celles traitant de la thématique sociale et ouvrière développée par le peintre/sculpteur bruxellois. Lors d’un séjour à Paris, les œuvres de Rude, Carpeaux et Rodin avaient fini de convaincre Demanet que sa voie était dans la sculpture. Comme d’autres artistes de son temps, il va réaliser plusieurs monuments aux victimes des deux guerres ; auteur de plusieurs dizaines de médailles, il poursuit aussi une œuvre plus personnelle à l’inspiration comparable à celle de Constantin Meunier, avec de nombreux représentants du monde du travail.

 

Sources

Les sculptures en pierre de Victor Demanet à Bouillon, Les jalons d’une ville n°3, dans 
http://www.sculpturepublique.be/6830/Demanet-GodefroidDeBouillon.htm
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 397
Jacques TOUSSAINT, Les médailles du sculpteur-médailleur Victor Demanet (1895-1964), dans Revue belge de numismatique et de sigillographie, Bruxelles, 1984, n°130, p. 141-204 + planches
Jacques TOUSSAINT, Victor Demanet dans Arts plastiques dans la province de Namur 1800-1945, Bruxelles, Crédit communal, 1993, p. 147
Général GUILLAUME, Godefroid de Bouillon, dans Biographie nationale, t. 2, col. 802-819

Statue de Godefroid de Bouillon

Pont de Liège
6830 Bouillon

carte

Paul Delforge