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Ruines de l’abbaye de Clairefontaine

Les origines du hameau de Clairefontaine sont indissociables de la fondation par la comtesse de Luxembourg Ermesinde d’une abbaye dans la première moitié du XIIIe siècle dans le but d’en faire une nécropole de famille. Le monastère s’affilie à l’ordre de Cîteaux en 1258, s’installe dans le creux d’une vallée boisée et se développe au fil des siècles : abbatiale, bâtiments abbatiaux, moulin, scierie, logements d’ouvriers, maison de justice. 

Le tout est ravagé en 1794 par des soldats français et laissé à l’état de ruines. Au XIXe siècle, de nouvelles constructions réutilisant les matériaux de la défunte abbaye s’implantent non loin de là. Aujourd’hui, les ruines de l’abbaye résultant des fouilles menées par la Région wallonne sont visitables. Elles présentent les vestiges de l’abbatiale des XIIIe et XIVe siècles et en particulier de la chapelle Sainte-Marguerite.

Rue du Cloître
6700 Arlon

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Frédéric MARCHESANI, 2014

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Tombeau Ermesinde

La chapelle de Clairefontaine © IPW

Les origines du hameau de Clairefontaine sont indissociables de la fondation par la comtesse de Luxembourg Ermesinde Ire d’une abbaye dans la première moitié du XIIIe siècle dans le but d’en faire une nécropole de famille et de concrétiser la prise de possession territoriale par le comte de Luxembourg du comté d’Arlon. 

Clairefontaine sera ainsi choisie pour devenir la nécropole comtale pendant près d’un siècle. Le monastère s’affilie à l’ordre de Cîteaux en 1258, s’installe dans le creux d’une vallée boisée et se développe au fil des siècles : abbatiale, bâtiments abbatiaux, moulin, scierie, logis d’ouvriers, maison de justice. 

Le tout sera ravagé en 1794 par des soldats français et laissé à l’état de ruines. 

Au XIXe siècle, de nouvelles constructions réutilisant les matériaux de la défunte abbaye s’implantent aux alentours. 

Objet d’importantes campagnes de fouilles archéologiques, l’abbatiale devait se déployer sur près de 20 m de long et 20 m de large. Sa nef centrale abrita jusqu’au XVIIe siècle les tombeaux de la famille comtale, depuis déplacés dans une chapelle construite par les Jésuites d’Arlon. En contrebas, les ruines de l’abbaye résultant des fouilles menées par la Région wallonne, sont visitables. Elles présentent les vestiges de l’abbatiale des XIIIe et XIVe siècles et en particulier de la chapelle Sainte-Marguerite.

Le vitrail moderne représentant la comtesse Ermesinde à Clairefontaine (1877). Photo J.-C. Muller © IAL



Propriétaire du lieu depuis de la fin du XIXe siècle, la communauté des Jésuites d’Arlon décide d’édifier une chapelle néo-romane en 1936 afin de commémorer la présence sous l’Ancien Régime d’une abbaye sur le site. 

Élevé en pierre de Mertzig, calcaire local, selon les plans de l’architecte Charles Arendt, il s’agit d’une petite et élégante construction mono-nef greffée d’absides semi-circulaires. 

La façade est sommée d’un clocheton à courte flèche octogonale. La chapelle est décorée de très beaux vitraux des XIXe et XXe siècles représentant des figures saintes ou historiques. 

Parmi celles-ci se trouvent les représentations de la comtesse Ermesinde, assoupie dans la forêt, de la comtesse de Luxembourg Marguerite de Bar (1200-1275) et de son époux, le comte de Luxembourg Henri V le blond (1216-1281). 

Au centre de la chapelle, au sol, se trouve une grande dalle de marbre noir datée de 1875 et replacée ici après la construction de l’édifice contemporain. 

Elle comporte une longue inscription dédicatoire évoquant la comtesse Ermesinde « Voici les os d’Ermesinde de Luxembourg, comtesse de Namur et de Luxembourg, princesse pieuse et magnanime (…) ». 

Les lieux ont été restaurés conjointement par la Région wallonne et le gouvernement grand-ducal entre 1997 et 2000. À cette occasion, les deux gouvernements ont fait apposer deux plaques, dans les deux langues, de part et d’autre de l’entrée de la chapelle : « Cet endroit est sacré. Ici se trouvent : les vestiges de l’abbaye noble de Notre-Dame de Clairefontaine, les tombes des moniales, le mausolée d’Ermesinde, comtesse de Luxembourg, la source bénite par saint Bernard et la statue de Notre-Dame du Bel-Amour».

Le vitrail contemporain représentant le comte Henri V de Luxembourg dans la chapelle de Clairefontaine (1918) © IPW


Dans la crypte de l’édifice repose toujours la comtesse Ermesinde. 

Son cénotaphe représente un gisant simple, sculpté dans du bois et peint. 

Il contient un coffret contenant les ossements d’une femme du XIIIe siècle que l’on identifie comme étant ceux de la comtesse. 

Née en juillet 1186, elle est la fille unique d’Henri l’Aveugle, comte de Luxembourg et de Namur et d’Agnès de Gueldre. 

Elle hérite uniquement du Luxembourg à la mort de son père et, de par sa politique habile et ses mariages avisés, parvient à regrouper sous son autorité des territoires disséminés et à mener une première unification luxembourgeoise. 

Mariée une première fois au comte Thibaud de Bar, elle règne avec lui sur le Luxembourg. 

Veuve en 1214, elle se remarie la même année avec Waleran, héritier du duché de Limbourg sur lequel il règne sous le nom de Waleran III. 

Sous son règne, les comtés de La Roche, Durbuy et Arlon sont intégrés au comté de Luxembourg. Décédée en 1247 à l’âge de 61 ans, elle cède sa place à son fils, Henri V le blond.

Le vitrail contemporain représentant la comtesse de Luxembourg Marguerite de Bar dans la chapelle de Clairefontaine (1918) © IPW

 




Le monument présent aujourd’hui dans la crypte est l’héritier de plusieurs mausolées ayant abrité la dépouille de la comtesse. 

Du premier, installé dans l’abbatiale après son décès, nous ne possédons aucune information. 

Un second mausolée fut érigé ensuite dans la chapelle Sainte-Marguerite ; détruit en même temps que l’abbaye, nous n’en possédons également aucune description. Les reliques changent à nouveau de place en 1552 et intègrent un troisième monument funéraire. 

Afin de les protéger des vandales, les moniales de Clairefontaine prennent la décision en 1747 de déplacer une fois de plus les restes de leur fondatrice et font réaliser un cénotaphe de marbre représentant Ermesinde en gisant. 

Les reliques ne se trouvent pas dans le monument mais sont placées dans un loculus à 2 m de là. 

C’est à cet endroit que les Jésuites retrouvent en 1875 le coffret contentant les ossements de la comtesse. Les pères décident alors de construire un nouveau monument, analogue au précédent mais cette fois en bois. Il est placé au-dessous d’un vitrail représentant son fils, Henri V de Luxembourg. En 1984, le monument est déplacé de la chapelle vers la crypte.

Rue du Cloître

6700 Arlon

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Frédéric MARCHESANI, 2013

l'Aveugle Henri

Politique

Namur c. 1112, Echternach 14/08/1196


Quand Conrad II, comte de Luxembourg, meurt en 1136, il ne laisse aucun héritier. Fils de Godrefoi Ier comte de Namur et d’Ermesinde de Luxembourg, Henri est désigné pour succéder à son cousin Conrad, et prend le nom de Henri IV de Luxembourg. Il est soutenu par l’empereur qui ne souhaite pas qu’un comte français s’empare de ce comté. Trois ans plus tard, à la mort de son père (1139), Henri hérite du comté de Namur, ainsi que des comtés de Durbuy et de Laroche, et des avoueries des abbayes Saint-Maximin et Saint-Willibrod. En réunissant ainsi sur sa personne un vaste ensemble entre Meuse et Moselle, il devient un puissant prince territorial mieux connu, plus tard, sous le nom de Henri l’Aveugle (il devient aveugle en 1182) ou aussi de Henri de Namur.

S’il aide le prince-évêque de Liège à récupérer Bouillon au comte de Bar (1141), Henri l’Aveugle rend ses voisins prudents. Ses tentatives pour étendre encore ses biens se heurtent notamment au prince-évêque de Liège et au duc de Brabant, mais aussi à l’archevêque de Trèves. En 1151, la bataille d’Andenne se solde par une victoire écrasante de l’évêque de Liège. Le territoire d’entre Meuse et Moselle ne grandira pas, restant borné par ses puissants voisins. L’archiviste et historien Félix Rousseau a vu dans ces événements la préfiguration potentielle de l’émergence d’un espace wallon dont Namur aurait été la capitale, tout en constatant que les rivalités de l’époque empêchaient un tel destin, les princes du Hainaut, de Brabant et de Liège aspirant, sans le formaliser, à réaliser un projet similaire à partir de leur propre capitale.

D’autre part, il convient de retenir du règne d’Henri l’Aveugle qu’il « importe » les habitudes namuroises en Luxembourg, essentiellement le « droit de Namur », afin d’affaiblir le poids de la noblesse. Franchises et privilèges sont accordés aux villes et bourgeois, mais aussi étendus aux communautés rurales. En 1152, il fonde l’abbaye Notre-Dame de Leffe à Dinant et y installe des chanoines prémontrés.

Resté longtemps sans descendance, Henri l’Aveugle a fait naître de nombreux espoirs politiques concernant sa succession. Lui-même s’est aventuré dans des plans que son dernier mariage et la naissance d’une fille, en 1186, remettent en question, lésant les intérêts des comtes de Hainaut. Il faudra l’intervention de l’empereur pour démêler le conflit.

Réfugié à Luxembourg dont il favorise le développement, Henri l’Aveugle meurt en 1196 en laissant une fille de six ans comme seule héritière (Ermesinde). Les biens de Namur et de Luxembourg, réunis en 1136, sont à nouveau séparés (le premier revient au comte de Hainaut) et promis à des existences distinctes.

 

Sources

Félix ROUSSEAU, Henri l'Aveugle : comte de Namur et de Luxembourg, 1136-1196, Liège, Bibliothèque de la Faculté de philosophie et lettres de l'Université, 1921
Gilbert TRAUSCH (dir.), Histoire du Luxembourg. Le destin européen d’un « petit pays », Toulouse, Privat, 2010

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Politique

Namur ( ?) 07/1186, 12/02/1247

Au terme du long règne d’Henri l’Aveugle, ses biens sont dispersés : sa dernière fille, Ermesinde, hérite des seuls comtés de Laroche et Durbuy, et doit renoncer au comté de Luxembourg et au comté de Namur que détenait son père depuis 1136. Par son premier mariage avec Thiébaut Ier, comte de Bar, elle parvient à obtenir de l’empereur la récupération du comté de Luxembourg. La tentative du couple de récupérer le comté de Namur par les armes se heurta à l’opposition de Philippe de Hainaut et le traité de Dinant (26 juillet 1199) acta le statu quo.

Peu de temps après le décès de son premier mari, Ermesinde contracta un second mariage (1214), avec le fils du comte de Limbourg, cette fois. Ermesinde inscrit alors le Luxembourg dans une nouvelle histoire car Waléran, son nouvel époux, lui apporte le comté d’Arlon et, par conséquent, le lien territorial unifiant toutes ses terres. Ayant échoué dans une nouvelle tentative de reprendre le comté de Namur (2e traité de Dinant, 13 mars 1223), Waléran garantit néanmoins à Ermesinde les possessions de son premier mariage et lui apporte une descendance, dont Henri V est le plus connu.

Veuve à nouveau (1226), la comtesse Ermesinde organise son État et accorde les premières franchises aux deux seules villes dignes de ce nom : Echternach (en 1236/8) et Luxembourg (1244), ainsi qu’à Thionville qui jouit d’un statut particulier (1239). Durant son règne, Ermesinde fera construire l’abbaye cistercienne de Clairefontaine pour servir de nécropole comtale à sa famille. Elle est établie à proximité d’une source, qui sera bénite en 1471 par saint Bernard de Clairvaux. Lors de fouilles archéologiques entreprises sur le site de l’ancienne abbatiale, les tombeaux de la comtesse Ermesinde et de son fils Henri ont été mis au jour.

Ermesinde de Luxembourg est l’héroïne du roman Les Héritiers du Lion, de Marc Ronvaux.

Félix ROUSSEAU, Henri l’Aveugle : comte de Namur et de Luxembourg, 1136-1196, Liège, Bibliothèque de la Faculté de philosophie et lettres de l’Université, 1921
Gilbert TRAUSCH (dir.), Histoire du Luxembourg. Le destin européen d’un « petit pays », Toulouse, Privat, 2010
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse