G. Focant SPW

Élysette

Située à Jambes, en bord de Meuse, cette demeure privée fut construite en 1877 par Xavier Thibaut-Éloin, maître-tanneur, à la place d’une précédente habitation à cet endroit. De plan rectangulaire, elle s’élève sur trois niveaux. Le « château Thibaut » sera revendu en 1923 et occupé par plusieurs propriétaires dont le bourgmestre de Jambes Raymond Materne dans les années 1960 avant de devenir propriété publique. Rénové dans les années 1990, l’édifice changea peu à l’extérieur, à l’exception d’un étage supplémentaire, ajouté au volume central. L’intérieur fut, quant à lui, entièrement rénové et le parc se trouvant à l’arrière, totalement aménagé.

La présidence de l’Exécutif wallon

Appartenant jusqu’alors à la ville de Namur qui en avait « hérité » de la commune de Jambes, la « Maison jamboise » est acquise par l’Exécutif régional dès 1985 afin d’y installer un cabinet ministériel, mais le changement de coalition à la fin de cette même année reporte sine die la concrétisation de ce projet. Il ne sera réactivé qu’après le retour du PS au pouvoir, par l’Exécutif dirigé par le Namurois Bernard Anselme, qui prévoit d’y installer son propre cabinet. À ce moment, le bâtiment est inoccupé et s’est dégradé lentement, un incendie l’a même ravagé en 1988. La réhabilitation du bâtiment est confiée à l’architecte Francis Haulot et
les travaux durent ensuite une année environ. Le siège de la présidence de la Région est inauguré le 7 juin 1991. Il comporte quatre niveaux : au rez-de-chaussée se trouvent notamment les salles de réception des hôtes de la Région ainsi que la salle réservée aux réunions du Conseil des ministres ; le premier étage abrite le bureau du Ministre-Président, des secrétariats et une salle de réunion. De l’autre côté du parc, de vastes bâtiments abritent les services du cabinet proprement dit.

Depuis Bernard Anselme en 1991 et jusqu’au printemps 2009, cinq Ministres-Présidents se sont succédés dans les lieux : Guy Spitaels (de janvier 1992 à janvier 1994) dont l’arrivée eut pour effet collatéral inattendu le surnom d’Élysette donné par la presse au bâtiment et qui lui est resté, Robert Collignon (1994-1999), Elio Di Rupo (1999-2000 et 2005-2007), Jean-Claude Van Cauwenberghe (2000-2005) et Rudy Demotte (été 2007).

"Sous la présence tutélaire d’une citadelle désormais grande ouverte, le désespoir ne règne pas au coeur de la Présidence. Par les larges baies de la Maison jamboise, un soleil plus ardent semble jaillir, en mille reflets changeants, d’une Meuse empressée de retrouver sa Sambre. Non loin au confluent des artères wallonnes, dans une onde faussement nonchalante, un bâtiment – le Parlement – se mire, sobre et majestueux comme la fonction qu’ il incarne. Face à face, solidement établis dans leur capitale namuroise, exécutif et législatif wallons semblent s’adresser un regard complice, un regard résolument tourné vers l’avenir". Témoignage de Jean-Claude Van Cauwenberghe, in L’Aventure régionale, p. 315. 

Rue Mazy 25-27
5100 Namur

carte

Freddy Joris & Frédéric Marchesani, avril 2009

Materne Jean

Politique, Socio-économique, Entreprise

Wépion 22/07/1889, Jambes 21/06/1964

Malgré d’évidentes dispositions pour les études, Jean Materne interrompt ses humanités chez les Jésuites pour entrer dans la fabrique familiale : il a 15 ans. Quelques années plus tard, il succèdera à son père comme président-directeur général des Établissements Édouard Materne, entreprise installée à Jambes depuis 1896 et spécialisée dans la fabrication de confitures, de sirop et de conserves de fruits au naturel. Après la Grande Guerre et le pillage organisé par l’occupant, les Materne réinvestiront dans un outil plus moderne. Jean Materne partagera les commandes d’une entreprise en pleine expansion et poursuivra l’essor de l’initiative paternelle, disposant d’usines en Wallonie et en France dès 1938, qu’il gère de mains de maître, tout en contrôlant ses vergers et ses fermes productrices des matières premières. 

Patron attentif au sort de son personnel, Jean Materne est tout autant au courant des progrès techniques de son temps. Les avantages des méthodes de conservation par le froid qu’il avait perçus avant-guerre sont confirmés à la Libération. Avec les Américains débarquent aussi les congélateurs. Dès 1946, Jean Materne installe à Grobbendonck une toute nouvelle usine qui sera spécialisée dans la fabrication de conserves de légume : comme les pots de confiture Materne, les produits Frima vont inonder le marché alimentaire, débordant les frontières belges.

Après l’Armistice de novembre 1918, l’industriel qui fréquente les milieux libéraux de longue date et connaît bien François Bovesse accepte de se présenter au suffrage des électeurs. Conseiller communal élu en 1926, il siège d’abord dans l’opposition, avant de s’imposer, dès 1933, comme le bourgmestre de Jambes… pour trente ans. Il va gérer sa commune comme une industrie, contribuant à son agrandissement, et la dotant d’égouts et d’un second pont sur la Meuse. Dans le même temps, il siège aussi au conseil provincial de Namur (1929-1945) qu’il préside à partir de 1936. Durant son mandat, il est un promoteur décidé de l’École hôtelière de Namur. De 1941 à 1964, il fut aussi le président du Foyer Jambois, société de logements sociaux : plus de 500 maisons seront construites à l’entame des années 1960.

À sa sensibilité libérale s’ajoute un intérêt pour la question wallonne. Président de la fédération libérale de Namur, il provoque la réunion constitutive de l’Entente libérale wallonne, qu’il préside de 1937 à 1950, afin « d’étudier les problèmes spécifiquement wallons et faire entendre, dans le cadre national, les aspirations de la Wallonie libérale ». De 1938 à 1940, Jean Materne est aussi l’un des délégués de Namur à l’Assemblée wallonne. Après la Seconde Guerre mondiale, l’industriel libéral apporte encore son soutien au Congrès national wallon, et fait partie de son Comité permanent (1945-1950) ; il préside aussi le comité provincial namurois du Conseil économique wallon, organisme informel dont il est aussi membre du comité de direction et administrateur (1945-1964). Sénateur provincial désigné en 1954, il abandonne ce mandat le 19 janvier 1963, et il est remplacé par Michel Toussaint. D’abord fort réticent à l’idée fédéraliste, il s’y ralliera prudemment durant les années 1950.

Trois ans après la disparition de Jean Materne, sa société est rachetée par un groupe américain, WR Grace, et cesse d’être une entreprise familiale. Raymond (1931-2007) ne succède à son père qu’à la tête de la commune de Jambes. Dans les années 1960, il avait acquis une propriété en bord de Meuse qui, après être devenue patrimoine communal en 1971, accueillera, en 1993, le siège de la présidence du gouvernement wallon, l’Élysette.

 

Sources

Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 1085
Jacques MERCIER, Karl SCHEERLINCK, Made in Belgium, Un siècle d’affiches belges, Tournai, Renaissance du Livre, 2003, p. 81
Dictionnaire biographique namurois, sous la direction de Fr. JACQUET-LADRIER, Numéro spécial de la revue Le Guetteur wallon, n°3-4, Namur, 1999, p. 171
Cécile DOUXCHAMPS-LEFEVRE, dans Nouvelle Biographie Nationale, t. VI, p. 294-296

 

Mandats politiques

Conseiller communal de Jambes (1926-1964)
Bourgmestre (1933-1964)
Conseiller provincial (1929-1945)
Sénateur provincial (1954-1963)