La principauté de Liège sous le régime de l’Église impériale (XIe-XIIIe siècles)

À la fin du XIe siècle, l’évêque de Liège – soit comme chef spirituel, soit comme chef temporel et suzerain – exerce son hégémonie sur l’ensemble des régions romanes qui forment l’espace wallon actuel à l’exception de la partie romane du diocèse de Trèves (le pays gaumais). Les princes-évêques placent notamment les comtes de Hainaut sous leur domination féodale (1071-1076). Jusque-là, le comté de Hainaut était essentiellement compris dans le diocèse de Cambrai. Vers 1245, il semble que l’incorporation « temporelle » ne se réalise pas et le Hainaut reste en dehors de la principauté, situation consacrée en 1408 après la bataille d’Othée.
Cette hégémonie dure un siècle seulement, le temps de l’Église impériale. En effet, un vaste mouvement de réforme de la discipline monastique a démarré de l’abbaye de Cluny et s’est propagé dans nos contrées où les abbayes sont sensibles aux nouveaux préceptes. Parmi ceux-ci, la remise en cause de la désignation des responsables de l’Église (investiture) par des princes laïcs. Dès l’entame de son pontificat (1075), Grégoire VII s’emploie à combattre ce régime politico-religieux.
La querelle des Investitures, c’est-à-dire le formidable conflit entre l’empereur et le pape pour le contrôle de l’Église en général et de l’élection des évêques en particulier (1075-1122), puis l’effondrement de l’autorité impériale dans le courant du XIIIe siècle affaiblissent dans un premier temps, puis anéantissent finalement, le système ottonien de l’Église impériale, dont la mort de l’empereur Henri VI (1197) marque le tournant. Alors que la notion de Lotharingie disparaît, les lointains successeurs d’Otton se désintéressent des terres situées le plus à l’occident de l’empire. Le lien de subornation à l’égard de l’Église impériale se distend de plus en plus. L’élection des évêques va désormais aussi dépendre des grandes familles locales qui ont tissé leurs propres liens féodaux et assuré l’autonomie de leurs territoires, véritables petits États souverains.
À Liège, une distinction plus nette s’établit entre « diocèse » et « pays » de Liège. Le pape confère à l’élu l’autorité spirituelle, que symbolisent l’anneau et la crosse. L’empereur ne conserve que l’investiture laïque, remettant le sceptre et l’épée, symboles du pouvoir temporel. L’autorité temporelle de l’évêque ne dépasse plus les limites des domaines épiscopaux et donc de la principauté de Liège dont les frontières sont bien définies et qui s’affirme comme un État souverain, à l’instar de ses petits voisins. De surcroît, la faiblesse des héritiers de l’empire d’occident coïncide avec l’émergence de la puissance française, militaire, politique, culturelle (les arts, l’Université de Paris, le vin…, etc.) et économique (foires, etc.).

Références
AzKG-94 ; DHGe14 ; HPLg-41 ; HW04-113-114 ; Kup-527 ; LJGdLg48 ; Meuse-Rhin10 ; vRey-22


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)