![](/sites/default/files/styles/patrimoine_detail/public/lieux-de-memoire/chateaubriand-champlon_bande_reduit.png?h=a5a87c0f&itok=HbA7sczw)
Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam
Stèle CHÂTEAUBRIAND
Sur les hauteurs du village de Bande, dans un endroit particulièrement isolé, le lieu-dit Au Zéro accueille depuis 1948 une borne en souvenir de François-René vicomte de Châteaubriand (Saint-Malo 1768 – Paris 1848). Précurseur du romantisme français, grand nom de la littérature française, Châteaubriand évoque explicitement dans ses Mémoires d’outre-tombe le périple qui le conduit de Longwy à Namur, puis à Bruxelles et finalement à Jersey.
Dans ses jeunes années, celui qui n’a pas encore la notoriété que lui vaudront Atala (1801), René (1802), Génie du christianisme (1802) et ses Mémoires d’outre-tombe (1848) est un lieutenant au service du régiment de Navarre, qui arrive à Paris en 1788, participe aux États de Bretagne et, après avoir effectué un périple dans Le Nouveau monde retrouve Saint-Malo (mars 1792), avant de partir pour Paris « offrir son épée à Louis XVI » ; mais en juillet, fuyant la Terreur, il décide de rejoindre l’armée des émigrés à Coblence (juillet), en passant par Lille, Tournai, Bruxelles et Liège.
Engagé dans les armées favorables au retour du roi de France contre les armées de la jeune République, Chateaubriand participe au siège de Thionville (août) et arrive à Verdun où, comme l’ensemble de la troupe il attrape ce qu’il appelle « la maladie des Prussiens».
L’armée de Condé étant licenciée, Châteaubriand obtient son congé le 16 octobre à Longwy et gagne directement Arlon. Il cherche alors à sortir de la République par le Nord et à gagner Jersey via Ostende, pour rejoindre les royalistes en Bretagne. Atteint aussi par la petite-vérole, Châteaubriand entreprend de traverser à pied le pays wallon ; il évoque explicitement Attert, Flamisoul et un endroit nommé Bellevue atteint après six jours de voyage effectué de charrettes en charrettes.
Désormais, il se retrouve seul et obligé de marcher, s’appuyant sur une béquille. Gagné par la fièvre et la fatigue, celui qui tient dans sa besace les premiers pages d’Attala s’évanouit soudain au bord du chemin et la mort l’eut cueilli si des hommes du Prince de Ligne ne l’avaient ramassé et ramené à la vie. Une fois soigné, il gagne Namur où il est aidé par de nombreuses habitantes de la cité, Bruxelles et Jersey convalescent.
Châteaubriand met alors un terme à sa carrière militaire. Il vit ensuite à Londres jusqu’en 1800 et y publie son premier ouvrage, un essai historique mais surtout politique. De retour à Paris, il y dirige le Mercure de France et y publie ses premières œuvres déjà citées, de même que son Itinéraire de Paris à Jérusalem, dont il a trouvé l’inspiration lors d’un périple dans l’est de la Méditerranée en 1806.
En lisant avec attention le chapitre 1 du livre 10 des Mémoires d’outre-tombe, on ne trouve à aucun endroit une mention explicite du lieu-dit Au Zéro. C’est pourtant dans ce coin perdu qu’est inaugurée la stèle Châteaubriand, le 21 août 1948, soit quasiment un siècle, presque jour pour jour, après la mort de l’écrivain (4 juillet 1848). Pour l’occasion s’est déplacé un aéropage de personnalités dont le ministre C. Hysmans, l’ambassadeur de France à Bruxelles, ainsi que de nombreux écrivains et amis des lettres dont Carlo Bronne, Thomas Braun, Gustave Charlier et bien sûr Pierre Nothomb, président de l’Académie luxembourgeoise depuis le 25 avril 1948. Après avoir commémoré en 1947 le passage de Pétrarque en Ardenne, la dite Académie plante dans le sol wallon une nouvelle « borne au sceau du génie latin ».
Comment l’Académie a-t-elle identifié l’endroit ? Cela reste un mystère, même si aujourd’hui les offices du tourisme, se référant à Émile Tandel, affirment que Châteaubriand fit halte au Zéro, dans ce petit hameau qui comptait alors trois maisons dont une auberge. Placé sur l’ancienne voie de circulation nommée « Vieille Pavée » ou « Route Marie-Thérèse », le bourg aujourd’hui disparu avait déjà vu s’arrêter l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche lors d’un périple sur ses terres d’en bas. À son tour, Châteaubriand est accueilli, logé et surtout soigné en ce lieu qui, en 1948, est surtout reconnu comme un haut lieu de la Résistance active durant la Seconde Guerre mondiale. Au-delà de la localisation, on peut aussi s’interroger sur la nature du message véhiculé par cette simple stèle de schiste, où les mentions sont réduites au minimum :
CHÂTEAUBRIAND
1792
L’Académie luxembourgeoise voulait-elle célébrer le lieu de (re)naissance de Châteaubriand, écrivain en devenir alors au bord de la mort ? Entendait-elle rendre hommage dans un même ensemble à la Résistance, à la France (représentée officiellement par l’ambassadeur et comte de Hautecloque) et à Léopold III ? On peut le supposer en ces années d’immédiat après-guerre marquées notamment par la question royale, même si la valorisation du Luxembourg est au cœur de la reconstitution historique réalisée par les Compagnons de Saint-Lambert, à l’occasion de l’inauguration officielle du monument.
Sources:
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
La Vie wallonne, 1948, III-IV, n°243-244, p. 276-277
Émile TANDEL, Les communes luxembourgeoises, 1870
http://www.tourisme-marche-nassogne.be/fr/decouvertes-a-loisirs/patrimoine-et-nature/item/17820-lieu-dit-au-zero-et-stele-chateaubriand (s.v. mars 2015)
http://www.ebooksgratuits.com/ebooksfrance/chateaubriand_memoires_outre-tombe.pdf
Les Cahiers de l’Académie luxembourgeoise, Chronique 1938-1958, Arlon, Fasbender, 1959, nouvelle série 1, p. 16
![Stèle Châteaubriand (Bande - Champlon)](/sites/wallonie/files/styles/medium_width/public/lieux-de-memoire/images/chateaubriand-champlon_bande.jpg?itok=8nZ9I0k9)
Au Zéro – route de Lignières
6951 Bande (Champlon)
![carte](/sites/default/files/nassogne.png)
Stèle en souvenir de Châteaubriand, réalisée à l’initiative de l’Académie luxembourgeoise, 21 août 1948.
Paul Delforge
![](/sites/default/files/styles/patrimoine_detail/public/lieux-de-memoire/depremorel_adrien-nassogne_mo_reduit.png?h=cd846978&itok=gLDWfq__)
Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam
Monument Adrien de PREMOREL
Monument à la mémoire d’Adrien de Prémorel, réalisé à l’initiative des autorités locales, 1982.
Dans la rue de la Pépinette, à Nassogne, sur le côté droit de la route en s’éloignant du centre du village, un peu plus bas que la fontaine de Pépin, s’élève une pierre commémorative rappelant que
Adrien de PREMOREL
vécut dans cette propriété
de 1919 à 1935.
Poète, écrivain paysagiste
et animalier
nul mieux que lui
n’a chanté
la beauté sauvage
de nos forêts
et de leurs hôtes.
Sur le côté gauche de la plaque où est gravée cette inscription, le portrait d’Adrien de Prémorel, légèrement de profil, le représente en cravate, avec un air décidé, voire sévère. La plaque qui mentionne aussi les dates de naissance et décès (1889-1968) est apposée sur la partie supérieure d’une stèle en granit, polie sur la surface visible, et laissée brute là où la végétation s’est résolument installée.
![Monument Adrien de Prémorel (Nassogne)](/sites/wallonie/files/styles/medium_width/public/lieux-de-memoire/images/depremorel_adrien-nassogne_mo.jpg?itok=fWoRwV-k)
S’il naît à Bruxelles en 1889, Adrien de Prémorel passe l’essentiel de son temps en Gaume, en Ardenne, puis en Famenne. Depuis le milieu du XIXe siècle, sa famille possède le petit château de Bleid et c’est dans l’atmosphère des forêts et des châtelains-chasseurs que se déroule sa jeunesse. Après des études secondaires, Adrien de Prémorel bénéficie d’un niveau de vie qui lui permet de se contenter de ses rentes, tout en se consacrant à la chasse et à l’écriture. Par son mariage avec une fille d’Hoffschmidt, il devient le propriétaire de 35 ha de terres et du moulin de Nassogne. Les réceptions qui y sont alors organisées sont grandioses, mais elles épuisent les ressources familiales. En 1933, de Prémorel est forcé de vendre ses propriétés à Nassogne, là même où il a composé son premier ouvrage.
Après diverses publications où déjà se mêlent ses passions pour la chasse, la pêche, les plantes et les animaux, il publie en effet en 1931 un livre qui fait date : Sous le signe du martin-pêcheur, préfacé par Thomas Braun. Cet ouvrage de référence sera suivi, en 1935, par Cinq histoires de bêtes pour mes cinq fils et, en 1959, par sept récits de Nouvelles histoires de bêtes qui constituent les trois ouvrages majeurs de l’écrivain de la nature. Contraint et forcé de quitter Nassogne, de Prémorel s’installe dans son appartement bruxellois ; il le quitte cependant fréquemment pour s’immerger dans « son » Luxembourg, où il continue à partager son temps en parties de chasse ou en réunions de l’Académie luxembourgeoise, dont il est membre depuis 1934 et qu’il préside de 1966 à 1968. Promoteur de la cérémonie de la « Bénédiction de la Forêt » à Saint-Hubert, il est devenu, après la Libération, le rédacteur en chef de la revue Chasse et pêche où il signe la quasi-totalité des articles. Il tient aussi une chronique « nature » dans les pages du journal Le Soir. Cet exercice régulier d’écriture lui donne matières à d’autres livres : Au beau domaine des bêtes (1956), Dans la forêt vivante (1959), Le vrai visage des bêtes (1962).
Frédéric KIESEL, dans Nouvelle Biographie nationale, t. II, p. 121-123
La Vie wallonne, II, 1949, n°246, p. 118
La Vie wallonne, IV, 1962, n°300, p. 305-306
La Vie wallonne, IV, 1982, n°380, p. 273
Georges JACQUEMIN, Adrien de Prémorel, Dossiers L, Arlon, Service du livre luxembourgeois, 4e fascicule du n°21, 27 p.
Jean-Pierre LAMBOT, L’Ardenne, Liège, Mardaga, 1987, p. 18
http://www.tvlux.be/video/nassogne-adrien-de-premorel_8484.html (s.v. mars 2015)
Informations communiquées grâce au Syndicat d’Initiative de Virton et à madame Françoise Fincœur.
Informations communiquées par Jean-Luc Duvivier de Fortemps
Rue de la Pépinette
6950 Nassogne
![carte](/sites/default/files/nassogne_0.png)
Paul Delforge