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6730

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Ernest PSICHARI

Durant les combats particulièrement meurtriers qui se déroulent au mois d’août 1914 dans toute la province de Luxembourg (bataille des frontières), un jeune lieutenant français, du 2e régiment d’artillerie coloniale, perd la vie à l’entrée du village de Rossignol. S’il est enterré au cimetière militaire français de l’orée de la forêt (Rossignol) dès 1919, avec des dizaines d’autres de ses compagnons d’infortune, un premier monument est érigé en son honneur, dans l’espace public, quelques mois après l’Armistice (1920). 

Ce combattant n’est pas ordinaire : petit-fils de Renan, il est aussi l’un des tout premiers écrivains français tombés au champ d’honneur ; de surcroît, ses ouvrages les plus récents et son engagement dans la foi catholique donnent matière à transformer la mort d’Ernest Psichari en un martyr chrétien ou en un héros militaire.

Ernest Psichari

Né à Paris un 27 septembre 1883, Ernest Psichari est le fils du philologue Jean Psichari co-fondateur de la Ligue des Droits de l’homme, et, par sa mère, le petit-fils d’Ernest Renan et l’arrière-petit-neveu du peintre Ary Scheffer. Alors qu’il étudie la philosophie à Paris, au tournant des XIXe et XXe siècles, Psichari publie ses premiers poèmes qui s’inscrivent dans le courant symboliste. 

Désireux de servir la France, il délaisse une thèse de doctorat entamée sur le thème de « la faillite de l’idéalisme » pour le métier des armes (1904). Jeune brigadier, membre d’une expédition géographique, il tire de ses premiers services dans l’Oubangui-Chari-Tchad français (1906-1907) une nouvelle inspiration pour un récit de voyage qu’il rédige à son retour (Terres de soleil et de sommeil, 1908, couronné par l’Académie française). Essentiellement descriptif, Terres contient un étonnant dernier chapitre où on lit à la fois une justification de la colonisation, une apologie de la guerre, et une affirmation de la supériorité des blancs sur les noirs. Quand le sous-lieutenant de l’École d’artillerie de Versailles parvient à reprendre du service en Mauritanie (1909-1912), il se révèle un militaire aguerri, particulièrement attentif à affirmer la présence française. 

C’est en Afrique qu’il écrit L’Appel des armes, un roman à thèse qui, publié en 1913, tourne le dos au symbolisme et amplifie les idées en germe dans le dernier chapitre de Terres. Il s’agit d’un tournant dans sa pensée. Cet ami de Péguy y exprime un nationalisme hargneux et une pensée réactionnaire. « Le petit-fils de Renan, jusqu’alors connu pour son activité dreyfusarde et socialiste » (NÉAU-DUFOUR) change de camp, choisit celui de l’ordre, au point que certains historiens verront dans L’Appel des armes l’un des premiers témoignages d’une sensibilité préfasciste (GIRARDET).

Cependant, contrairement à ses contemporains – Péguy, Barrès ou Maurras –, Psichari ne cherche pas à élaborer une vision politique ; il n’aboutit à une forme de nationalisme intégral qu’en raison de sa propre crise intérieure qui n’est pas encore terminée. En effet, tandis que sa vie affective continue de connaître d’importants déchirements, éloignée cependant des périlleux chemins de traverse qu’il avait empruntés jadis, il abjure sa foi orthodoxe pour être baptisé selon le rite catholique. La quête sous-jacente d’une mystique le conduit sur le chemin du catholicisme intégral (vers 1912) et il réécrit par deux fois son dernier opus, en donnant une large place à « la recherche de la foi », tout en y manifestant un esprit de tolérance – notamment à l’égard de l’Afrique – et en se référant aux idéaux de 1789. Accoler une étiquette définitive à la pensée de Psichari apparaît par conséquent bien difficile. C’est à titre posthume que paraîtront en 1916 Le voyage du centurion, où il raconte les étapes de sa conversion, puis, en 1920, Les voix qui crient dans le désert.

Psichari achève l’écriture de ses deux romans autobiographiques, relevant de la « littérature catholique », quand éclate la Grande Guerre. Celle-ci l’empêche de prononcer ses vœux et d’entrer définitivement dans l’ordre des Dominicains. Envoyé sur le front belge, il se réjouit de prendre les armes pour ramener l’Alsace et la Lorraine dans le giron de la nation française. Mortellement touché au combat, le 22 août, à Rossignol, il est l’un des tout premiers écrivains, lieutenant appartenant au milieu intellectuel de son temps, à laisser la vie sur le champ de bataille. Celui qui était l’ami de Charles Péguy (tué lui aussi au combat quinze jours plus tard) et de Jacques Maritain devient très rapidement, dans la presse, la figure du héros militaire et celle du martyr chrétien. Après l’Armistice, sous la plume d’auteurs aussi divers que Henri Massis, Charles Maurras, Maurice Barrès, Jacques Maritain, Robert Garric, Charles de Gaulle, François Mauriac, Edmond Rostand et bien d’autres, on se dispute la mémoire de cette sorte de héros national de la France, défenseur de la patrie, de la nation et de l’Église.
 

Monument Ernest Psichari (Rossignol)

Le monument inauguré à Rossignol le 23 août 1920 n’échappe pas à cette compétition mémorielle. L’initiative est revient à Henri Massis, critique littéraire parisien déjà proche de Maurras et de l’Action française, ainsi qu’au poète et juriste bruxellois Thomas Braun, grand admirateur de l’Ardenne, et à Jean Psichari, le père d’Ernest. 

L’inauguration se déroule après une cérémonie religieuse célébrée par un père dominicain du prieuré Saulchoir, celui-là même où Psichari devait faire son noviciat. En présence du colonel français Cayrade, elle se déroule à l’endroit (ou près de l’endroit) où le soldat tomba à la tête de sa batterie. La presse s’en fait particulièrement l’écho, Le XXe siècle consacrant plus d’une page à honorer Ernest Psichari. D’autres initiatives seront prises par la suite dans le village de Rossignol qui devient, dans l’Entre-deux-Guerres, un lieu de pèlerinage particulièrement fréquenté par les milieux catholiques belges et français, qu’il s’agisse des scouts, des jécistes, des acéjibistes ou de la Ligue des familles nombreuses.

En bord de route, à quelques dizaines de mètres du cimetière civil, le monument Psichari s’élève en trois niveaux ; un large socle en pierres du pays accueille le monument proprement dit, composé d’une base en pierres légèrement arrondies qui supportent un obélisque d’environ 2 mètres de haut. 

Sur la face avant de l’obélisque, un glaive dressé verticalement est surmonté de l’inscription :


ERNEST
PSICHARI


Du côté droit, au sommet de l’obélisque a été gravée la date du 22 août 1914, tandis qu’à gauche apparaît la mention « ici tomba ». Sur le socle, on peut voir deux flambeaux avec les inscriptions :


LES TROUPES DE LA MARINE (à droite)
LE SOUVENIR FRANÇAIS (à gauche)


Aucune indication ne permet de connaître le nom du sculpteur ou de l’architecte ayant conçu ce monument.



Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse (en particulier la période d’août 1920 et Le XXe siècle)
Daniel CONRAADS et Dominique NAHOÉ, Sur les traces de 14-18 en Wallonie, Namur, IPW, 2013, p. 137.
Frédérique NÉAU-DUFOUR, Ernest Psichari : l’ordre et l’errance, Paris, éd. du Cerf, 2001
Raoul GIRARDET, La société militaire dans la France contemporaine 1815-1939, Paris, Plon, 1953, p. 307.
http://www.ftlb.be/pdf/WAR14-18.pdf 
http://ftlb.be/fr/attractions/fiche.php?avi_id=2852 
www.STADTAUS.com_rossignol_ernest_psichari.pdf (s.v. juillet 2015)

Rue Camille Joset
6730 Rossignol (Tintigny)

carte

Paul Delforge

Bruxelles, KIK-IRPA 

Monument CLESSE

La pierre tombale d’un autre prêtre réfractaire se trouve aujourd’hui encastrée dans un mur de l’église Saint-Nicolas. 

La dalle funéraire a été sculptée dans l’ardoise en 1841. Elle se présente sous la forme d’un haut bloc d’ardoise surmonté d’un fronton triangulaire sur lequel est sculptée une croix. Le bloc est, pour sa part, décoré d’un calice et d’une hostie, et gravée de l’épitaphe du défunt : « Ici repose le corps de […] Clesse, curé de Rossignol. Né à Tintigny le 4 juin 1763, ordonné prêtre à Trèves le 10 7bre 1789. Il fut confesseur de la foi en refusant de prêter le serment exigé par la loi du 10 fructidor en V [sic]. Condamné à l’exil perpétuel, il fut déporté à l’ile de Rhé [sic]. Rendu à la liberté en 1800, il revint dans son pays où il exerça dignement le S[ain]t ministère et mourut à Rossignol le 10 juillet 1841. Pleuré comme un père par ses paroissiens qu’il aimait comme ses enfants. R.I.P. ».

Église Saint-Nicolas
6730 Rossignol (Tintigny) 

carte

Frédéric MARCHESANI, 2014

Bruxelles, KIK-IRPA

Dalle funéraire de Charles Goffin

Située dans le cimetière de Tintigny, dressée contre le mur de l’église, se trouve la dalle funéraire d’un ancien curé de la localité. D’une hauteur de 170 cm sur une largeur de 69 cm, elle a été gravée en 1854 et décorée d’une croix entourée de deux étoiles et de deux chandeliers d’église et décorée d’un calice surmonté de l’Hostie. À son pied se trouve un crâne. Il s’agit ici d’un programme traditionnel de l’iconographie funéraire liée à un membre du clergé. Dans la partie inférieure se trouve un cartouche gravé d’une inscription latine rappelant le sort réservé au prêtre suite à la Révolution : « À la mémoire du révérend Charles Goffin qui, aux époques calamiteuses, s’est exilé 15 mois dans l’île de Ré, puis pour 25 ans à Sainte-Marie, il est mort pieusement à Tintigny le 16 juillet 1854 à l’âge de 76 ans ».

Rue des minières

6730 Tintigny

carte

Frédéric MARCHESANI, 2014

D. Nahoe

Cimetière militaire dit "du Plateau" à Rossignol

En 1917, les troupes d’occupation décidèrent d’établir des cimetières militaires pour regrouper les corps des milliers de soldats allemands et français morts lors des combats de Rossignol le 22 août 1914. Après l’Armistice, le cimetière du Plateau est devenu français. Les corps de 887 soldats y étaient ensevelis, mais de nombreuses familles ont alors souhaité rapatrier en France la dépouille de leur proche. Quant aux tombes allemandes, elles furent transférées à Virton. 

Peu étendue, la nécropole est dessinée dans un sous-bois et les croix y forment une structure concentrique incitant à la méditation.

Rue de Neufchâteau

6730 Tintigny

carte

Classé comme site le 30 novembre 1989
 

Institut du Patrimoine wallon

D.Nahoe

Cimetière L'Orée de la forêt et ses abords de Rossignol

Établi par l’occupant dans le courant de l’année 1917 sur la route de Neufchâteau en même temps que le cimetière du Plateau, il est devenu un cimetière militaire français à l’issue de la Grande Guerre. Il rassemble 2.500 soldats des troupes coloniales tombés lors des combats meurtriers du 22 août 1914. 

À l’entrée de la nécropole, le monument abritant la statue du tirailleur, dénommé « A la Gloire des Coloniaux », rappelle que plus de 4 500 hommes appartenant à six régiments coloniaux originaires d’Afrique du Nord et du Sénégal sont tombés en terre gaumaise. Œuvre de l’artiste Jeanmart de Sainte-Marie-sur-Semois, il fut édifié en grès bleu en 1927. Sous une sorte de dais, un soldat aux traits africains avance, le doigt sur la gâchette de son fusil. Sur le socle de la statue, de nombreuses inscriptions rappellent plusieurs autres épisodes de l’un des affrontements les plus sanglants de la Première Guerre mondiale, puisqu’il laissa sur le terrain 20 000 soldats français et 20 000 soldats allemands en moins de 48 heures, outre des centaines de civils, victimes d’exactions allemandes dans les villages avoisinants.

Rue de la Chaussée romaine

6730 Tintigny

carte

Classé comme site le 30 novembre 1989
 

Institut du Patrimoine wallon

G. Focant - SPW

Église Notre-Dame de l'Assomption à Tintigny

L’église Notre-Dame de l’Assomption est un édifice comportant divers styles architecturaux. Il est composé de trois nefs de cinq travées et d’un chœur à deux travées. Les collatéraux et le chœur sont terminés par un chevet plat. Le corps de l’édifice est composé de moellons de calcaire, tandis que la façade est caractérisée par l’utilisation de calcaire gris et d’un appareil à parement ébauché. L’avant-corps est construit en 1896 par l’architecte Remont à l’emplacement d’une tour dont le portail en plein cintre portait le millésime « 1633 ». Des motifs de frontons emboités sont ajoutés au XIXe siècle, un trait architectural inventé par l’architecte vénitien Andrea Palladio au XIVe siècle. La façade est dotée d’une tour ouverte d’un portail néorenaissance. Elle est surmontée d’une flèche octogonale.

Au flanc nord, la chapelle seigneuriale est dédiée à sainte Anne et saint Michel. Elle communique avec le chœur par une grande baie à arc en plein cintre millésimé. Le chevet est flanqué d’une sacristie restaurée ou reconstruite en 1736, selon le millésime présent sur le linteau. Au  XIXe siècle, des contreforts sont ajoutés à l’édifice et au début du XXe siècle, un escalier monumental à balustres vient s’y greffer. Témoin de la présence des Jésuites, propriétaires de l’édifice pendant deux siècles, le mobilier est caractérisé par sa richesse. On épinglera notamment la chaire de vérité et le maître-autel de style Renaissance.

Grand Place
6730 Tintigny

carte

Classée comme monument le 21 octobre 1980

Institut du Patrimoine wallon