Marc Feulien, L’arc. 2003

Charleroi, rue de France n° 3. Accessible aux heures d’ouverture de l’Espace Wallonie

L’intégration de Marc Feulien à la maison du bailli est une œuvre très simple, dépouillée, abstraite mais riche de portée symbolique. Disposant d’un mur grand mur blanc et aveugle, traversé et coupé visuellement par une passerelle reliant les premiers niveaux des édifices anciens et modernes, Marc Feulien a travaillé sur le rituel du passage, préoccupation dans son travail depuis les années nonante. Non loin, à l’Eden, Centre Culturel régional, le plasticien avait exploité cette thématique pour une intégration commandée lors de travaux de rénovation de la salle de spectacle. Il s’agissait là de la traversée de systèmes cubiques. Ici, Marc Feulien insère, dans l’épaisseur du mur, un encadrement carré rouge. L’idée de passage a lieu dans l’image formée sur le mur, comme si le spectateur pénétrait dans le paysage abstrait mais aussi plus concrètement d’un lieu vers un autre. Le quart supérieur gauche du quadrangle est détaché du mur, perpendiculairement, afin d’obtenir une section en « L » renversé, surplombant la passerelle. Visuellement, lorsque l’on entre dans l’espace d’accueil, l’œil reconstitue le carré initial, il discerne aussi l’orientation vers l’ancien édifice que suggère la partie en décrochage.

Ici, le travail sur le bois laqué étonnera les amateurs de l’œuvre de Marc Feulien. Céramiste de formation, celui-ci a constamment exploité les effets de matière et de texture. Dans ses céramiques, ses pierres taillées et ses fontes, il s’est largement inspiré des tonalités et des matériaux qu’il trouvait dans les paysages industriels de sa région natale. Ici, le choix du rouge laqué s’est opéré par contraste. Le rouge primaire, choisi également pour le mobilier métallique, marque la scission entre le passé et le présent, il parvient à la même perfection en terme de traitement industriel que les autres matériaux utilisés dans l‘architecture (acier inoxydable, pierre polie…). Cependant, dans l’esprit de Marc Feulien, l’analogie entre la terre et le carré reste évidente. Le carré est le symbole du lieu idéal, sa propre synthèse spatiale du paysage. 

 Focus sur l’ancienne maison du Bailli à Charleroi

Comme la plupart des cités industrielles de Wallonie, Charleroi compte parmi ces villes dont les centres historiques ont connu de profonds bouleversements au XIXe siècle. De la forteresse du XVIIe siècle, démantelée en 1868, il ne subsiste que peu de vestiges, sinon un tracé significatif des rues de la Ville Haute. Parmi ces témoins du passé, il subsiste la maison du bailli, érigée en 1780 et située aujourd’hui au n°3 de la rue Turenne.

Sa façade, tournée vers l’un des côtés de l’hôtel de ville art déco (1936), est typique du style Louis XVI. L’intérieur comme l’extérieur ont fait l’objet de travaux de restauration importants en 2000. 

À l’arrière de l’édifice, après avoir procédé à la démolition de plusieurs immeubles, une communication a été établie sur une place publique et un passage pédestre vers la plus importante artère commerciale de la Ville. Une extension contemporaine à la maison du Bailli a été construite d’après les plans de l’architecte Jean-Michel Autenne.

Un intéressant contraste entre les façades a été ainsi créé. On retrouve d’un côté, l’édifice avec deux niveaux, son entrée axiale sous une allège millésimée 1780, un parement de briques enduites sur un soubassement en pierre calcaire ; de l’autre, une façade résolument contemporaine de verre et d’acier inoxydable. Entre ces deux univers, l’espace intérieur de la nouvelle construction profite d’une cour intérieure pour gérer le passage de l’ancien édifice vers le nouveau. C’est donc autour de ce vide central qu’est organisé, tout en transparence, le nouveau hall de lEspace Wallonie de Charleroi et de l’Agence wallonne à l’exportation (Awex). C’est là, au cœur de l’espace public que se situe, sur un mur de briques enduites de 5 x 9 m, l’intervention de Marc Feulien.