La scission de la province de Brabant (1995)

En application des dispositions des lois linguistiques, les limites des provinces ont subi quelques modifications au cours du temps. Les deux dernières dates-clés sont 1963, moment où fut figée la frontière linguistique et formées des entités territoriales unilingues, et 1995 puisqu’au 1er janvier, la province de Brabant est scindée en un Brabant flamand et en un Brabant wallon.
La Wallonie compte désormais cinq provinces. À la même date du 1er janvier 1995, le financement des provinces est entièrement régionalisé et les interprovinciales passent sous la tutelle des régions. Souvent menacée d’être purement et simplement supprimée, la province connaît un profond lifting au tournant du troisième millénaire. En mars 2002, un premier décret wallon organise le partenariat et le financement général des provinces. Quant au décret voté par le Parlement wallon le 11 février 2004, on peut dire qu’il remplace la quasi-totalité de l’ancienne loi provinciale et règle désormais les missions et l’organisation des cinq provinces wallonnes : il leur est demandé davantage de clarté dans leur mode de fonctionnement ; le rôle du Conseil provincial est renforcé ; les compétences sont mieux définies ; les structures « para-provinciales » limitées et mieux contrôlées. Les dispositions du décret de 2004 sont d’application dès les élections d’octobre 2006.


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Statut linguistique des communes wallonnes

En vertu des lois de 1962 et 1963, coordonnées en 1966, de la fusion des communes opérée en 1976 et des réformes conduisant à la reconnaissance des communautés et des régions, les 262 communes wallonnes se rangent en quatre catégories selon leur statut linguistique. À l’exception des communes de la Communauté germanophone, toutes les communes ont la langue française comme langue principale. Dans deux localités, les habitants bénéficient de facilités en langue allemande, dans quatre autres de facilités en langue néerlandaise et trois autres bénéficient de facilités tant pour le néerlandais que pour l’allemand. Quant aux habitants des communes germanophones, ils bénéficient aussi de facilités en langue française.


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Situation des communes de la Voer en 1977

En 1976, les six municipalités de Mouland, Fouron-le-Comte, Fouron-Saint-Martin, Fouron-Saint-Pierre, Teuven et Rémersdael sont fusionnées sous l’appellation de Fourons. La situation créée par les lois de 1962 et 1963 n’est pas modifiée. Bien que leur statut ait fait l’objet de nombreuses discussions et ait fait tomber des gouvernements, les six communes fusionnées demeurent en province de Limbourg, et par conséquent en région unilingue flamande.
Lors du recensement décennal de la population de 1930, la majorité de la population de Fouron a répondu, à la question portant sur la langue utilisée, qu’elle parle le flamand. Une loi postérieure, datant de 1932, donne à cette déclaration des conséquences juridiques et certaines administrations sont flamandisées pour la population fouronnaise, puisqu’une majorité déclare parler cette langue. Depuis 1933, de manière structurée et organisée, une partie importante voire majoritaire de ces villages réclame le maintien du français comme langue administrative. Au lendemain de l’adoption des lois de 1962 et 1963, se constitue un groupe Retour à Liège qui, à chaque scrutin, jusqu’en 1994, remporte les élections dans tous les villages avec, en moyenne, 61,13% des votes valables. En accordant le droit de vote aux élections communales aux ressortissants des États membres de l’Union européenne, la loi modifie considérablement cette situation. En octobre 2000, la majorité communale glisse dans le camp de la liste Voerbelangen qui obtient 52,8% des votes valables et confirme ce basculement en 2006 et 2012.

Références
Pierre VERJANS, Fourons, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, t. II, p. 662-667 ; RiFL


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Le régime des facilités linguistique après fusion des communes (1977)

La situation créée par les lois de 1962 et 1963 n’est pas modifiée par la fusion des communes. Bien que leur statut ait fait l’objet de nombreuses discussions et ait fait tomber des gouvernements, les six communes de la Voer sont certes fusionnées, mais demeurent en province de Limbourg, et par conséquent en région unilingue flamande. En ce qui concerne les communes « bruxelloises », aucune fusion n’a été réalisée, en dépit des efforts du ministre de l’Intérieur, le PSC Joseph Michel. Le législateur n’a pas touché non plus aux six communes de la périphérie.

Références
LIBON Micheline, Encyclopédie du Mouvement wallon, t. II, p. 942-959 ; RiFL


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Le régime des facilités linguistiques (1963)

La loi du 8 novembre 1962 fixant la frontière linguistique n’est que le premier volet d’un triptyque. Les éléments complémentaires concernant d’une part, l’emploi des langues en matière administrative (30 juillet) et, d’autre part, l’emploi des langues dans l’enseignement (2 août) seront votés durant l’été 1963.
Désormais, la Belgique est partagée en quatre régions linguistiques : région de langue néerlandaise englobant l’arrondissement constitué par les six communes de la périphérie bruxelloise, région de langue française, région de langue allemande et région bilingue de Bruxelles-capitale.
Dans les deux premières, en principe unilingues, il subsiste des “ minorités protégées ”, dotées d’un régime de “ facilités ”. Ainsi en est-il des vingt-cinq communes à la lisière de la frontière linguistique, soit les communes à l’entour de Mouscron, de Comines ainsi que les six communes des Fourons. Il en est de même dans les vingt-cinq communes de la région de langue allemande insérées dans l’arrondissement de Verviers et dans les six communes malmédiennes relevant de la région de langue française. Dans cet ensemble – sauf les communes malmédiennes – sur le plan administratif, les avis, communications et formulaires adressés au public sont bilingues : français-néerlandais, français-allemand selon les cas. La correspondance avec les particuliers ainsi que certificats, déclarations, autorisations destinés aux mêmes le sont dans la langue du requérant (Libon).

Références
LIBON Micheline, Encyclopédie du Mouvement wallon, t. II, p. 942-959 ; RiFL


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Fixation définitive de la frontière linguistique (1962)

Les résultats du volet linguistique du recensement de 1947 sèment l’embarras dans les milieux flamands. Les années 1950 sont marquées par des recherches et des rapports où s’impose l’idée de fixer définitivement la frontière linguistique. Dans le double but de fixer une fois pour toutes le tracé de la frontière linguistique et de réconcilier les limites provinciales et communales avec ce tracé, une majorité parlementaire adopte la loi du 8 novembre 1962. Désormais, les limites provinciales, d’arrondissements et communales coïncident avec celles des régions linguistiques, malgré les protestations des habitants des six communes de la Voer.

Références
RiFL ; votée à la Chambre le 31 octobre 1962 et au Sénat le 9 octobre, la loi est promulguée le 8 novembre et paraît au Moniteur belge du 22 novembre 1962.


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

La frontière linguistique en application de la loi de 1932 et du recensement de 1947

La loi de juillet 1932 sur l’emploi des langues en matière administrative continue de se référer aux limites provinciales et aux résultats du volet linguistique du recensement décennal de la population : quand elle est majoritaire, la réponse donnée à l’expression « langue parlée uniquement ou le plus fréquemment » à l’occasion des recensements rend obligatoire la langue utilisée par les administrations communales. Si une minorité atteint 30%, l’administration communale est tenue de communiquer au public dans les deux langues. La mise en application de la loi de 1932 fut vivement contestée avant-guerre, sous prétexte que la référence de la loi au recensement linguistique n’était pas connue des recensés. Ce n’est plus le cas lors du recensement de 1947.
« À la frontière linguistique et à la périphérie de la région de Bruxelles de nombreux recensés optent pour le français, écrit P-H. Levy. À Enghien, si la connaissance du français passe, entre 1930 et 1947, de 90 à 96% sa « pratique la plus fréquente » passe de 47 à 89%. La majorité change et la pratique du flamand tombe loin en dessous des 30% nécessaires à la communication dans les deux langues ! À Bruxelles, toute l’agglomération devient à majorité francophone par la francisation de Molenbeek, Jette, Koekelberg et Anderlecht auxquelles viennent s’ajouter Ganshoren, Evere et Berchem-Sainte-Agathe ; d’autres communes périphériques se francisent et les milieux flamands usent de l’expression de la tache d’huile de Bruxelles pour qualifier le phénomène. Le résultat du recensement de 1947 est refusé par les Flamands. La lutte se fera plus vive et c’est finalement par accord entre néerlandophones et francophones que le recensement linguistique est supprimé en mai 1960 » (Lévy). Néanmoins, la loi s’applique en 1954, dès que le nouveau gouvernement publie les résultats du volet linguistique du recensement de 1947.

Référence
Loi du 28 juin 1932 ; Ency02 ; Ency03


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

La frontière linguistique en application de la loi de 1932 sur l’emploi des langues en matière administrative

La loi de 1921 sur l’emploi des langues en matière administrative ne donne pas entière satisfaction au Mouvement flamand. Un nouveau texte est proposé en 1930 par un groupe de parlementaires et provoque des débats très animés. Finalement, la nouvelle loi de juillet 1932 sur l’emploi des langues en matière administrative continue de se référer aux limites provinciales et aux résultats du volet linguistique du recensement décennal de la population : quand elle est majoritaire, la réponse donnée à l’expression « langue parlée uniquement ou le plus fréquemment » à l’occasion des recensements rend obligatoire la langue utilisée par les administrations communales : l’avis du conseil communal n’est plus sollicité. L’emploi de la langue de la région administrative s’impose. Si une minorité atteint 30%, l’administration communale est tenue de communiquer au public dans les deux langues.
Quand la loi est votée en 1932, le recensement de 1930 est achevé depuis plusieurs mois, mais on n’en connaîtra les résultats qu’en 1934. À ce moment éclate la polémique quand, du côté flamand, on estime qu’il faut mettre immédiatement en application les informations recueillies, sans discussion, alors que du côté des Wallons et des Bruxellois francophones, on estime que l’on ne peut utiliser des données qui ont été recueillies en 1930 et qui ne pouvaient tenir compte de l’usage nouveau et particulier qui en serait fait plus tard. Très vite, autorités communales et citoyens contestent la référence aux résultats du recensement de 1930 car elle oblige certaines localités à abandonner, contre leur gré, la langue généralement employée dans les rapports avec les administrés : entre la langue habituellement parlée et celle que l’on souhaite utiliser avec les autorités, il y a une préférence que les « recensés » n’ont pas eu l’occasion d’exprimer. Aucune modification n’interviendra avant qu’éclate la Seconde Guerre mondiale et le recensement de la population réalisé en 1947 constitue un véritable test.

Référence
Loi du 28 juin 1932 ; Ency02 ; Ency03


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Confirmation de la frontière linguistique par la loi sur l’emploi des langues en matière administrative (1921)

Dès la signature de l’Armistice et le retour des gouvernement et parlement belges à Bruxelles, toutes les dispositions prises par les Allemands sont supprimées et le statu quo ante bellum est rétabli. Les questions liées à l’emploi des langues et les revendications régionales ne disparaissent cependant pas. À l’heure où plusieurs projets wallons de type fédéral retiennent la frontière linguistique comme ligne de partage entre des régions à créer, le député flamand Van Cauwelaert prend l’initiative d’une nouvelle proposition de loi destinée à régir l’emploi des langues en matière administrative. Abrogeant finalement la loi de 1878 dont elle maintient les principes pour leur donner davantage d’impact, la loi adoptée en juillet 1921 garde le critère des limites provinciales, réduit la zone bruxelloise à l’agglomération et non plus à l’arrondissement, et définit, cette fois, la région administrative où il devra être fait exclusivement usage de la langue française. Elle ajoute cependant un nouveau critère, lié aux résultats du volet linguistique du recensement.
Depuis 1910, en effet, deux nouvelles questions ont été introduites dans la rubrique des « langues parlées » du recensement décennal. Le « recensé » doit d’abord indiquer quelle(s) langue(s) nationale(s) il sait parler (français, flamand et allemand). Ensuite, s’il est « plurilingue », il doit préciser « la langue employée le plus fréquemment ». En dépit des multiples interprétations que l’on peut faire de cette expression, les statistiques linguistiques sont utilisées comme instrument par le législateur, pour la première fois, en 1921. En effet, s’il apparaît que la langue majoritairement parlée n’est pas celle du groupe linguistique auquel la (nouvelle) loi les rattache, le conseil communal concerné a le droit de décider du choix de la langue pour ses services extérieurs et la correspondance.
Contournant l’obstacle déjà rencontré par la loi de 1878 (les limites des provinces ne prennent pas en compte la dimension linguistique), la loi de 1921 introduit le principe du bilinguisme dans les provinces wallonnes, ce qui ne s’était jamais produit auparavant. Du côté wallon, le mécontentement sera considérable. Si elle contribue à définir « la région administrative de langue française » par référence aux limites des provinces et arrondissements wallons, la loi s’écarte des critères retenus depuis 1889 et de la définition de la Wallonie formulée par Albert Mockel.

Références
La loi est votée à la Chambre le 29 juillet janvier 1921 et au Sénat le 15 mai 1921, avant d’être promulguée le 31 juillet. Elle paraît au Moniteur belge, le 12 août 1921, n°224, p. 6566-6568.


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Première reconnaissance du principe de la séparation administrative (1878)

En 1876, à l’initiative du député catholique anversois Jan Delaet, une proposition de loi vise à faire du flamand la langue administrative des communes et des provinces de la région flamande, dans leurs relations entre elles, avec le public et l’État. La définition du territoire administratif concerné est l’objet de vives discussions au Parlement et l’on s’accorde finalement à reconnaître, dans la loi du 24 mai 1878, une région administrative flamande où prévaut désormais une forme de bilinguisme qui privilégie nettement le flamand. Elle est constituée par les provinces d’Anvers, de Flandre occidentale, de Flandre orientale et de Limbourg, ainsi que des arrondissements de Louvain et Bruxelles. Un statut particulier est instauré pour l’arrondissement de Bruxelles, où l’emploi du français reste privilégié, mais où particuliers et communes ont le droit de demander que leur correspondance soit en flamand.
Par soustraction apparaît dès lors une région administrative wallonne où seule la langue française est de rigueur. Ce « solde » n’est pas mentionné dans le texte de la loi et le territoire administratif n’apparaît que par défaut : l’espace wallon est constitué par les provinces de Hainaut, Liège, Luxembourg, Namur, ainsi que par l’arrondissement de Nivelles.
Dès ce moment surgit le problème des communes où domine le français mais située dans une province flamande, et des communes où une majorité de citoyens pratiquent le flamand mais situées dans une province qui n’est pas flamande. Ces situations ne sont pas prises en compte par le législateur à ce moment.

Référence
Votée à la Chambre le 8 mai 1878, au Sénat le 15 mai, la loi paraît au Moniteur belge du 24 mai 1878, n°144

 


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)