
Belvaux Lucas
Culture, Cinéma
Namur 14/11/1961
Frère de Rémy l’aîné et de Bruno le benjamin, Lucas Belvaux a grandi comme eux dans la région namuroise, à Philippeville. Avec des parents enseignants, il poursuit ses humanités à l’Athénée de Philippeville. Comme ses frères, il fait du théâtre, mais il est surtout attiré par le cinéma. Ce rêve – devenir comédien – pousse Lucas Belvaux à tenter sa chance à Paris. La légende veut qu’il débarque seul, dans la capitale française, en 1979, après avoir abandonné ses études. S’il n’achève pas ses humanités, il a cependant suivi quelques cours à l’Académie d’Ottignies, avant de préparer le concours d’entrée au Conservatoire national d’art dramatique et à l’École de la rue Blanche. Il est vrai qu’il rate les deux, mais que la chance lui sourit à l’atelier Sarah Sanders, où il rencontre un agent qui s’occupe de placer de jeunes acteurs. Pour la télévision, il joue dans des téléfilms, avant d’être repéré par Yves Boisset qui lui donne le premier rôle, à côté de Jean Carmet, dans le très remarqué Allons z’enfants, plaidoyer antimilitariste, où il apparaît comme un jeune insoumis obligé de devenir enfant de troupe (1981).
Utilisé par Joseph Losey, Jean-Claude Missiaen et Andrzej Zulawski (dans La femme publique en 1984), il devient le facteur trop bavard dans Poulet au vinaigre, de Claude Chabrol, face à Pauline Lafont et Jean Poiret. Ce rôle lui vaut d’être nommé au César de meilleur espoir masculin en 1986. Les réalisateurs Jacques Rivette, Fabrice Cazeneuve, Mary Jimenez, Olivier Assayas, Hervé le Roux font ensuite confiance au Namurois dans les longs métrages qu’ils tournent à la fin des années 1980 et au début des années 1990.
Attiré par la mise en scène après avoir côtoyé tant de réalisateurs renommés, Lucas Belvaux met sa carrière de comédien entre parenthèses sauf à de rares exceptions, comme tourner dans ses propres films, ou dans des courts métrages, comme il l’avait fait en 1987 dans Pas de C4 pour Daniel Daniel, réalisé par son frère Rémy, ainsi que Benoit Poelvoorde et André Bonzel. Le comédien fera ainsi quelques rares apparitions en répondant favorablement à Chantal Akerman (Demain on déménage, 2004), à Régis Wargnier (Pars vite et reviens tard, 2007), ou à Robert Guédiguian (L’Arme du crime, 2009).
Mais c’est en tant que réalisateur que Lucas Delvaux se lance en 1993, en signant son premier long métrage pour le cinéma avec Parfois trop d’amour, une œuvre intimiste, sombre road-movie, passée inaperçue, coproduite par les Films de la Drève, la société de Jean-Jacques Andrien. En 1996, par contre, le film Pour en rire, un vaudeville décalé, décroche le prix du meilleur scénario au festival de Thessalonique (1996) ; avec à l’affiche Jean-Pierre Léaud et Ornella Muti, il s’agit certes d’une œuvre de commande, mais elle est très instructive pour le jeune réalisateur. Après avoir tourné pour la télévision un film sur la dépendance à l’héroïne, avec Valérie Mairesse et Jérémie Renier (Mère de toxico, 2000), c’est en 2003 qu’il impose son nom en tant que réalisateur en présentant une trilogie ambitieuse et remarquée : Un couple épatant, Cavale et Après la vie sont tour à tour une comédie, un thriller et un mélodrame, dont les acteurs principaux dans l’un sont secondaires dans l’autre. Nommé aux César du meilleur réalisateur et du meilleur scénario, il décroche tour à tour, pour cette trilogie, le Prix André-Cavens 2003 de l’Union de la critique de cinéma (UCC) du meilleur film belge, le Grand Prix 2003 de l’Union de la presse cinématographique belge et le Prix Louis-Delluc 2003. Il reçoit aussi le grand prix 2003 du festival « France Cinéma » de Florence.
Se disant profondément inspiré par Déjà s’envole la fleur maigre de Paul Meyer, viendront ensuite au cinéma La Raison du plus faible (2006), Rapt (2009), 38 témoins (2012), Pas son genre (2014), Chez nous (2017), Des hommes (2020), et pour la télévision Nature contre nature (2004), Les Prédateurs (2007) et La fin de la nuit (2017). Imposant un style, mais surtout des réflexions profondes sur des sujets de société, Lucas Belvaux embarque aussi bien Claude Semal, Yvan Attal, Gérard Depardieu et Jean-Pierre Darroussin qu’Anne Consigny, Nicole Garcia, émilie Dequenne ou Catherine Frot dans des drames abordant des faits divers retentissants (la prise d’otage à Tilff par le gangster français Philippe Delaire, l’enlèvement du baron Empain) ou malheureusement plus ordinaires comme le féminicide, la solitude, le pouvoir de séduction de l’extrême droite, les séquelles de la guerre d’Algérie, sujets qui lui permettent d’aborder en profondeur les thèmes de la lâcheté et de l’indifférence dans le quotidien, de la difficulté des rapports sociaux, de l’envie et de la vengeance, de la violence en général, de celle faite aux femmes en particulier. Qu’il travaille sur un scénario original ou en adaptant un roman, le réalisateur wallon est attentif à situer ses films dans un territoire précis (le plus souvent une région de France) et à forcer la réflexion de ses spectateurs. En télévision, Nature contre nature suit un psychanalyste parisien venu s’installer dans un milieu agricole touché par la précarité et aborde la question des économies alternatives, alors que Les prédateurs (deux longs épisodes) aborde sans complaisance l’affaire Elf, et La fin de la nuit la question des préjugés.
Sélectionné deux fois au Festival de Cannes (La Raison du plus faible, Des hommes) et nommé à diverses reprises aux César (Rapt, 38 témoins, Pas son genre), Lucas Belvaux a reçu le Prix Claude Chabrol 2013 et le Magritte 2014 du meilleur scénario original pour le drame 38 témoins, et le Magritte 2015 du meilleur scénario original à nouveau pour sa comédie romantique et sociale Pas son genre.
En 2022, il publie un premier roman, Les Tourmentés, qui reçoit le Prix Régine-Deforges 2023.
Ses films en tant que réalisateur
Parfois trop d’amour (1993)
Pour rire (1996)
Un couple épatant, Cavale et Après la vie (trilogie, 2003)
La Raison du plus faible (2006)
Rapt (2009)
38 Témoins (2012)
Pas son genre (2014)
Chez nous (2017)
Des hommes (2020)
Ses films comme acteur
Allons z’enfants d’Yves Boisset (1981)
La Truite de Joseph Losey (1982)
Tir groupé de Jean-Claude Missiaen (1982)
La Mort de Mario Ricci de Claude Goretta (1983)
La Femme ivoire de Dominique Cheminal (1984)
Ronde de nuit de Jean-Claude Missiaen (1984)
La Femme publique d’Andrzej Żuławski (1984)
American Dreamer de Rick Rosenthal (1984)
Poulet au vinaigre de Claude Chabrol (1985)
Hurlevent de Jacques Rivette (1985)
La Baston de Jean-Claude Missiaen (1985)
Désordre d’Olivier Assayas (1986)
La Loi sauvage de Francis Reusser (1988)
L’Air de rien de Mary Jimenez (1989)
Trois Années de Fabrice Cazeneuve (1989)
Madame Bovary de Claude Chabrol (1991)
Grand Bonheur d’Hervé Le Roux (1993)
Sorrisi asmatici - Fiori del destino de Tonino de Bernardi (1997)
On appelle ça... le printemps d’Hervé Le Roux (2001)
Cavale de Lucas Belvaux (2003)
Après la vie de Lucas Belvaux 2003)
Un couple épatant de Lucas Belvaux (2003)
Demain on déménage de Chantal Akerman (2004)
Joyeux Noël de Christian Carion (2005)
La Raison du plus faible de Lucas Belvaux (2006)
Pars vite et reviens tard de Régis Wargnier (2007)
L’Armée du crime de Robert Guédiguian (2009)
Rapt de Lucas Belvaux (2009)
Sources
Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de presse (-12/2024)
L’Envers du décor, https://auvio.rtbf.be/emission/l-envers-de-l-ecran-20623, RTBf, 2014
https://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-979/biographie/
https://www.cinergie.be/personne/belvaux-lucas
https://www.cinergie.be/actualites/la-raison-du-plus-faible-de-lucas-belvaux (s.v. janvier 2025)