
Belvaux Rémy
Culture, Cinéma
Namur 10/11/1966, Orry-la-Ville 05/09/2006
Frère de Bruno et de Lucas, Rémy Belvaux, le cadet de la fratrie, a grandi comme eux dans la région namuroise. La scolarité est ardue sauf quand il arrive en section Art appliqué à l’Institut Félicien Rops de Namur, partageant la classe de Benoît Poelvoorde ; il fréquente en parallèle l’atelier de bande dessinée de l’Académie des Beaux-Arts de Châtelet (l’atelier Léonardo, 1982-1984). Rêvant de devenir dessinateur et scénariste de BD, Rémy Belvaux est aussi attiré par le cinéma : son frère Lucas connaît déjà un certain succès à Paris. Néanmoins, c’est avec l’objectif de faire du dessin animé qu’il s’inscrit à l’École supérieure des Arts visuels de la Cambre (1986), où il rencontre Stéphane Aubier et Vincent Patar. Il signe un premier court métrage d’animation fort prometteur, Le Rouge et le Noir, qui raconte l’histoire de deux boxeurs sur une scène, dont les corps se transforment sous les coups de poings qu’ils s’échangent. Mais, après un an, il choisit le cinéma et s’inscrit à l’Insas, où il croise la route du Français André Bonzel et retrouve Benoît Poelvoorde, alors à l’École de recherche graphique. Ce dernier, qui se passionne pour le théâtre, apparaît dans le rôle principal de ses premiers films d’étudiant (dont 475°Fahrenheit, en 1986, et L’Amant de maman, en 1987). Rémy Belvaux s’associe aussi à André Bonzel pour réaliser un court métrage parodique, Pas de C4 pour Daniel Daniel, dans lequel on retrouve une fois encore Poelvoorde ; ce dernier dira plus tard avoir toujours apprécié la direction d’acteur et la complicité de son ami Rémy.
Dans le même esprit à la fois potache et sérieux, le trio se lance dans un projet débridé d’envergure : un long métrage en noir et blanc. Au départ, Rémy Belvaux avait proposé à l’Insas un scénario de science-fiction, refusé par ses professeurs parce qu’il nécessitait 10 jours de tournage, alors que la règle en imposait cinq ! Par ailleurs, le duo Libon-Lamensch qui venait de lancer Strip-Tease a proposé au jeune diplômé de tourner l’histoire d’une jeune fille rêvant de l’Olympia, chanteuse dans des homes pour personnes âgées. Gêné par la tournure de ce projet, il refuse de monter des images conduisant à moquer celle qu’il a filmée. C’est alors que naît l’idée de suivre un tueur, à la manière d’un courant d’humour noir que l’on rencontre dans la BD, et de traiter le sujet en s’inspirant du cinéma-réalité. Reprenant le travail de fin d’études simplifié qu’il avait déposé et défendu à l’Insas, Rémy Belvaux s’associe à André Bonzel, Vincent Tavier et Benoît Poelvoorde, pour soigner un scénario au cordeau, écrivant les dialogues au mot près et tournant les scènes, avec peu de moyens et sans subsides, sans s’imposer de délai ; le tournage prend du temps, mais se déroule dans les conditions optimales souhaitées par la petite équipe qui, en autoproduction, constitue la société Artistes associés. Interprétant le caméraman qui suit au jour le jour un tueur en série, Rémy Belvaux forme un duo de choc avec Benoît Poelvoorde, le tueur narcissique et volubile avide de célébrité télévisuelle. Comédie noire qui parodie la ligne éditoriale de Strip-Tease, inspirée de la télé-réalité et du cinéma-réalité, ce faux documentaire qui mêle humour et cynisme sans aucune retenue devient un véritable OVNI médiatique sur la Croisette, lorsqu’il est présenté au festival de Cannes, en mai 1992, lors de la Semaine de la critique.
Co-écrit, coproduit et réalisé par Rémy Belvaux, C’est arrivé près de chez vous remporte le Prix du Jury-jeunes, le Prix de la Semaine de la critique et le Prix de la Critique internationale 1992. Ce qui n’était qu’une blague d’étudiants se transforme en un succès planétaire et devient un véritable film culte, interpellant les médias sur leurs responsabilités, voire leur complicité, quand ils s’échinent à rechercher le buzz à tout prix. Un de ses ressorts consistait à placer le spectateur à la place de la caméra sans qu’il puisse s’identifier au tueur ni aux victimes.
Le film est un succès ; sa promotion dure 18 mois à travers le monde ; mais les jeunes gens ont très mal négocié leurs droits d’exploitation ; surtout, il ne permet pas à Rémy Belvaux de percer dans le milieu du cinéma ; il en gardera une amertume fatale. Avec ses comparses, à la tête de sa propre maison de production (Les Artistes associés), il envisage plusieurs nouveaux projets et peaufine surtout le scénario et le montage financier d’un film où auraient joué Lucas Belvaux, Benoît Poelvoorde et Noël Godin dans le rôle de Pieds Nickelés déchaînés. Malgré ses efforts, ce film ne se fait pas et il ne parvient pas à rééditer le coup de C’est arrivé près de chez vous.
Comme acteur, Rémy Belvaux tourne peu (Demain on déménage, Comme une vache sans clarine, Les carnets de Monsieur Manatane), malgré le soutien de son ami Poelvoorde. C’est dans le monde de la publicité qu’il se fait un nom, en France. Réalisateur de films publicitaires pour la société Quad Productions, il décroche six années consécutives le titre de meilleur réalisateur. Lauréat du Cristal, au festival du film publicitaire de Méribel, il signe des spots pour Total et Ikea, ainsi que pour Loto, la Maf et Coca-Cola ; il est aussi récompensé pour l’ensemble de la campagne SFR. Il reçoit encore un Lion d’argent au festival international de la Publicité de Cannes pour le spot Charal (2005). Offrant de lui une image de frondeur et de provocateur (il participe avec Noël Godin à l’entartage de Bill Gates à Bruxelles, le 4 février 1998), Rémy Belvaux cachait une méticulosité exacerbée et une profonde angoisse, le tout avec le ressentiment de n’avoir pas réussi à s’imposer dans le monde du cinéma. S’étant fort éloigné de ses comparses namurois depuis la fin des années 1990, il choisit d’en finir définitivement avec la vie, un soir de septembre 2006.
Sources
Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de presse (-12/2024), dont Le Soir, 12 août 1992, 25 janvier 1994, 7 septembre 2006, 21 février 2020 ; La DH, 7 septembre 2006 ; Vers l’Avenir, 17 mai 2017
Richard Olivier, Big Memory. Cinéastes de Belgique, s.l., Les Impressions nouvelles, 2011, p. 154-155