Bodart Marie-Thérèse

Culture, Littérature

Arlon 07/08/1909, Bruxelles 11/08/1981

Romancière, essayiste, critique et dramaturge, Marie-Thérèse Guillaume – de son nom de jeune fille – est une écrivaine fantastique surtout connue pour le scandale qui suivit la sortie de son premier roman, Les roseaux noirs, qui lui coûta la perte de son poste de professeure à l’école moyenne des filles de Verviers.

Fille du directeur de la prison de Mons, Marie-Thérèse Guillaume étudie les Lettres à l’Université libre de Bruxelles ; jeune licenciée (1933), elle s’installe à Liège et enseigne à l’École moyenne des filles de Verviers. 

Épouse (1934) du juriste et poète Roger Bodart, elle publie, en 1937, son premier roman. Il ne s’inscrit pas dans la veine fantastique, mais elle bénéficie d’une préface prestigieuse puisqu’elle est rédigée par Charles Plisnier, premier écrivain non français à recevoir le Prix Goncourt. 

Paradoxalement, avec quelques autres écrivains wallons, Charles Plisnier s’oppose à une écriture régionaliste comme à l’idée d’une littérature nationale, et affirme que la littérature française de Belgique appartient à la France littéraire ; or, c’est dans les Hautes Fagnes, où elle a vécu durant son enfance, que Marie-Thérèse Bodart fait évoluer explicitement les personnages de son roman. 

Si elle n’est pas encore fantastique, cette œuvre de jeunesse « décrit un monde habité par des forces occultes, un univers codé, marqué du signe indélébile du bien et du mal » (Anne RICHTER). Histoire d’inceste, d’adultère et de passion, Les Roseaux noirs reçoit un accueil très favorable de la critique belge et parisienne – l’ouvrage est finaliste au prix Femina –, mais il provoque une virulente campagne de protestation de la part de « la presse bien-pensante ». On y évoque peu le genre littéraire, pour se focaliser sur une intrigue jugée scandaleuse : l’auteure est contrainte de démissionner de son poste à Verviers et elle part s’installer à Uccle d’abord, à Auderghem, ensuite, où elle est entourée de poètes et écrivains à l’écoute de son écriture.

En 1946, elle publie son second roman, La Moisson des orges, avant de bifurquer la même année vers le théâtre, avec Le Combat n’est pas sur la mer et Et Adam répondit, sorti l’année suivante (1947). En 1956, après plusieurs années de silence, elle renoue avec le genre romanesque avec Le mont des oliviers, qui traite de la vocation religieuse, une histoire directement inspirée par sa demi-sœur Marcelle Guillaume, entrée dans un couvent de bénédictines. Quatre ans plus tard, paraît son roman majeur, L’Autre (1960), œuvre fantastique à nouveau campée en plein cœur des Fagnes, pour laquelle elle se voit attribuer, en 1961, le Prix quadriennal Auguste Beernaert de « l’œuvre la plus remarquable sans distinction de genre ou de sujet ». 

« Toute l’œuvre de Marie-Thérèse Bodart semble placée sous le signe du paroxysme. Ses premiers ouvrages, [comme évoqué plus haut,] baignent déjà dans un climat insolite, une atmosphère raréfiée où se meuvent des créatures d’exception, des monstres ou des anges » (Anne RICHTER). Son dernier roman, Les Meubles, sorti en 1972, un court récit à l’univers épuré et « à l’atmosphère angoissante », range définitivement Marie-Thérèse Bodart parmi les auteurs fantastiques et « les romanciers du mal de vivre, marqués par la mort et la défaite » (WAUTHIER).

Chroniqueuse littéraire à la revue internationale Synthèses, elle rédige également plusieurs essais, notamment sur le poète surréaliste bruxellois, Marcel Lecomte (1970) et sur Tolstoï (1971). 

Marie-Thérèse Bodart eut deux filles, Anne, écrivain connue sous le nom d’Anne Richter (1939-) et Françoise (1945-).

Sources

Florence RICHTER, dans Nouvelle Biographie nationale, t. XII, p. 27-28
Éliane GUBIN, Catherine JACQUES, Valérie PIETTE, Jean PUISSANT (dir.), Dictionnaire des femmes belges. XIXe et XXe siècles, Bruxelles, Racine, 2006, p. 296-297
Marie-Thérèse BODART, Les roseaux noirs ; L’autre ; Les meubles, romans réunis sous coffret, avec un avant-propos de Jean-Luc WAUTHIER, Bruxelles, Samsa – Académie de Langue et de Littérature françaises, 2014
Anne RICHTER, « L’œuvre fantastique de Marie-Thérèse Bodart : démons, doubles et miroirs », dans Textyles, n° 10, 1993, p. 113-121, en ligne sur http://textyles.revues.org/1904 
Francis VANELDEREN, dans La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres. Arts. Culture, t. III, p. 107
Christiane P. MAKWARD, Dictionnaire littéraire des femmes de langue française, Karthala, 1997, p. 85
https://www.servicedulivre.be/Auteur/bodart-marie-th%C3%A9r%C3%A8se 
Christian LIBENS, « Noire et sulfureuse : Marie-Thérèse Bodart », dans Le Carnet et les Instants, 25 février 2015, en ligne sur http://le-carnet-et-les-instants.net/2015/02/26/noire-et-sulfureuse/#more-476 (s. v. mars 2015)

Œuvres principales

Les roseaux noirs (roman, 1937)
La moisson des orges (roman, 1946)
Le combat n’est pas sur la mer (théâtre, 1946)
Et Adam répondit (théâtre, 1947)
Le monde éclatera demain (théâtre, 1956)
Le Mont des Oliviers (roman, 1956)
L’autre (roman, 1960)
L’impromptu du Pont d’Oye (essai, 1965)
Marcel Lecomte, poète surréaliste : présentation et choix de textes (essai, 1970)
Tolstoï (essai, 1971)
Les meubles (roman, 1972)