© Jean-Pierre Ruelle

Colpé Lou

Culture, Cinéma

Namur 16/05/1991

Originaire de Hamois, Lou Colpé commence à filmer quand elle a 13 ou 14 ans, tous les mercredis après-midi en captant la vie quotidienne de ses grands-parents. Après ses humanités, elle s’inscrit à Institut des arts de diffusion (IAD, Ottignies – Louvain-la-Neuve), mais sans y trouver sa voie ; à l’inverse, l’année suivante, à l’École de recherche graphique (ERG, Ixelles), elle apprend à maîtriser l’installation, la performance, la sérigraphie et, plus particulièrement, la vidéo. Pour son mémoire de fin d’études, un sujet s’impose à elle. Le temps long retrace les huit dernières années de la vie de ses grands-parents ; elle les filme depuis longtemps, pour son plaisir, mais, progressivement, la maladie d’Alzheimer s’invite dans l’histoire du couple, provoquant chez la grand-mère des signes déconcertants. Le passage en maison de repos précipite la fin de vie du grand-père et suscite des questions. Filmer prend alors un autre sens : lutter contre l’oubli et faire acte ultime de résistance. C’est la maladie d’Alzheimer de sa grand-mère qui devient l’objet de son projet de fin d’études.

En 2014, elle mène pendant plusieurs mois un autre projet au sein de l’atelier artistique du Centre Sésame, centre de jour pour adultes handicapés mentaux et elle réalise Jackson, Je sautér pala fenètre (2015). Dans ce film, elle suit un jeune homme qui passe des heures à peindre, colorier, dessiner, tracer et remplir des feuilles de papier ; si elle s’immisce dans son univers protéiforme, c’est pour tenter de comprendre les liens, les objets, les lieux évoqués par Jackson, pour écouter ses craintes et ses envies.

Le 7 décembre 2014, elle apprend la disparition soudaine d’un ami très proche en Bolivie. Dès ce moment, elle se met à capter des images, tous les jours, à tous les instants, pendant 365 jours, à partir de son téléphone portable, le temps d’accepter le départ définitif, le temps d’observer la vie après la mort, le temps de prendre conscience de la signification de toutes ces images et de réaliser un montage, sur le thème du deuil, avec cette impression entêtante que synthétise parfaitement le titre, Si tu étais dans mes images (2016). Ni une question ni vraiment une affirmation. Jeune diplômée d’un master en arts plastiques, visuels et de l’espace en option vidéo – récits et expérimentations, elle est invitée à diffuser ce film intimiste, après l’avoir retravaillé, après avoir réalisé un nouveau montage dans l’atelier de production de Dérives, la société des frères Dardenne. En 2017, elle sort ainsi son premier court métrage de fiction (17 min.).

En 2019, sort son second film, Le temps long (41 min.), lui aussi retravaillé auprès des Ateliers de Dérives, société qui le produit. Au-delà du témoignage et de la création artistique, la réalisatrice interroge sur la vie des personnes âgées en maisons de repos, sur le mode de fonctionnement de ces établissements, sur le quotidien du personnel soignant et infirmier. Et elle plaide en faveur de l’introduction en Wallonie d’autres modèles de gestion que celui de « la cotation en bourse de multinationales du placement des vieux ». Deux modèles retiennent son attention : le modèle Tubbe qui s’inspire de ce qui se déroule dans un petit village de Suède (Tubbe) et dont trois expériences pilotes sont alors menées en Wallonie depuis 2017, en collaboration avec la Fondation roi Baudouin et l’AVIQ. Le second modèle, la méthode Montessori, « propose un accompagnement des personnes âgées présentant des troubles cognitifs en se fondant sur des idées humanistes fortes et en particulier sur trois valeurs indéfectibles : le respect de la personne, de sa dignité et un principe fondamental d’égalité. Cette méthode se fonde également sur l’application de quelques principes concrets, simples à appliquer à tous types d’activités pour permettre à la personne de retrouver progressivement une dynamique active et positive ». Elle aborde ces sujets dans son second documentaire, Le temps long, celui qui lui a valu le Prix du public du Documentaire belge 2019 au Festival International du Film francophone de Namur, et a contribué à l’attribution du Prix de la Wallonne de l’année 2019, décerné par l’Institut Destrée. Elle est au programme de l’Intime-festival en août 2021.

Spécialisée en art-thérapie, artiste intervenante dans des milieux d’aides et de soins, notamment dans des maisons de repos spécialisées dans la démence et dans les écoles, Lou Colpé est l’une des cosignataires d’une carte blanche qui réclame davantage d’attention à l’accueil de la folie et de la souffrance psychique au sein de la société (février 2023). Professeur à l’École de recherche graphique, elle y enseigne la narration en master.

 

Sources

Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de presse (-12/2024)
Marion Le Taillandier, Filmer la mise à l’épreuve d’un lien intime, ENS Louis-Lumière, Noisy-le-Grand, 2024 - https://www.ens-louis-lumiere.fr/wp-content/uploads/2024/07/ENSLL_CINEMA_LE-TAILLANDIER_2024_LD-1.pdf 
https://www.cinergie.be/actualites/deux-portraits-d-artistes-en-atelier   
https://www.rtbf.be/info/societe/detail_lou-colpe-realisatrice-pourquoi-est-ce-que-la-vie-s-arrete-completement-en-maison-de-repos?id=10538341 
https://www.cinergie.be/actualites/le-temps-long-de-lou-colpe
https://www.cinergie.be/film/temps-long-le 
https://en.calameo.com/read/001774295d0b28607f0f7?authid=CMxqlUlQQqyx 
https://www.kbs-frb.be/fr/Activities/Publications/2018/20180626avc 
https://www.rtbf.be/info/regions/namur/detail_le-modele-tubbe-arrive-dans-les-maisons-de-repos?id=10413899
https://www.ehpadia.fr/Troubles-cognitifs-des-personnes-agees-la-methode-Montessori-a-la-recherche-des-capacites-preservees_a133.html#:~:text=La%20m%C3%A9thode%20Montessori%20propose%20un,un%20principe%20fondamental%20d’%C3%A9galit%C3%A9%2C 
https://www.dailymotion.com/video/x7wqt5u (s.v. janvier 2025)