Dehaybe Roger

Culture, Fonction publique

Saint-Ghislain 31/05/1942, Liège 04/08/2023

Romaniste diplômé de l’Université de Liège (1965), Roger Dehaybe prend une part active, durant ses études, à la création d’une compagnie théâtrale, le Théâtre de la Communauté, ainsi que dans l’animation des Ateliers de la Colline, établis à Seraing ; avec d’autres jeunes étudiants, il s’inscrit ainsi dans la démarche du « théâtre-action », visant à placer la création théâtrale dans la réflexion et l’action sociale, et à la considérer comme une intervention dans la société contemporaine. Cofondateur du Centre culturel de Seraing qu’il dirige, il y fait venir et accueille quelques grands noms de la chanson française (dont son ami Léo Ferré, mais aussi Barbara, Claude Nougaro, Catherine Sauvage, etc.), ainsi que des compagnies théâtrales prestigieuses comme le Living theatre, le Bread and Puppet, et plusieurs centres dramatiques français (Comédie de Bourges, Compagnie de Nanterre), voire Patrice Chéreau dans un de ses premiers spectacles. 

Producteur pendant deux ans au centre de production de Liège de la RTB (1966-1968), Roger Dehaybe contribue, aux côtés de Robert Stéphane, à la mise en place de Radio-Télévision-Culture (RTC) sur la place de Liège : il en est le premier directeur. Adjoint auprès de l’administrateur de l’Université de Liège, Henri Schlitz, il devient, pour l’université, directeur de résidence universitaire, responsable des relations extérieures et contribue à la création du Musée en plein air du Sart Tilman. Il poursuit ensuite sa carrière au ministère de la Culture de la Communauté culturelle française de Belgique nouvellement créée, puis aux Relations internationales, avec l’inlassable objectif de faire rayonner la langue française dans le monde et d’inscrire la Communauté française de Belgique sur la carte diplomatique et culturelle de la francophonie.

Entretemps, ce militant socialiste qui préside pendant quelques années l’USC de Liège exerce à plusieurs reprises les fonctions de chargé de mission et de chef de cabinet auprès de ministres socialistes de la Culture et de l’Éducation (Pierre Falize, puis Jacques Hoyaux et Jean-Maurice Dehousse de 1973 à 1979), et auprès du ministre-président de la Région wallonne (1980-1982), en l’occurrence toujours Jean-Maurice Dehousse dont il restera un fidèle compagnon de route. De cette période remontent ses contacts avec Charles-Étienne Lagasse (directeur de cabinet du ministre François Persoons), avec lequel il apprend à connaître les enjeux de la problématique bruxelloise, en particulier les difficultés des francophones.

À partir de janvier 1983, nommé Commissaire général aux Relations internationales de la Communauté française de Belgique (1983-1997), il est chargé de mettre en place le tout nouveau CGRI qui, plus tard, portera le nom de Wallonie-Bruxelles International (WBI). En d’autres termes, il met en place une sorte de ministère des affaires étrangères de la Communauté française pour les compétences qui la concernent, menant des actions bilatérales, multilatérales et sectorielle, avec une centaine de collaborateurs ; c’est une démarche novatrice dans le système fédéral belge en train de se déployerb. Les fonctions qu’il exerce le mettent en contact avec d’autres pays francophones et lui font découvrir la créativité de ces sociétés, en même temps que les difficultés des pays du Sud. Considérant que les francophones de Belgique ont intérêt à nouer des partenariats avec les autres communautés francophones du monde, il entreprend de multiplier les relations multilatérales pour apporter des réponses collectives aux grands défis du moment. Convaincu que l’avenir de la Francophonie passera par l’Afrique, il mène aussi bataille pour la présence de la langue française dans les institutions européennes, dont il constate l’affaiblissement, 58% des documents des services de la Commission étant rédigés en français en 1986, et 3% seulement en 2020...

En 1986, le premier Sommet de la Francophonie est organisé à Paris et la Communauté française est, depuis lors, accueillie sur un pied d’égalité avec les États qui y participent. Il contribue aussi à la présence des universités wallonnes et bruxelloises au sein de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) et participe à la création de TV5 Monde dont la RTBF est l’une des fondatrices. Au sein de la Francophonie, il défend avec insistance les principes de l’égalité femme-homme, le droit à l’IVG, la reconnaissance de la convention d’Istanbul contre les violences faites aux femmes. Défenseur de la diversité culturelle et des minorités, professeur à l’INSAS, maître d’enseignement à l’Université libre de Bruxelles, il répétait volontiers être étonné que la Belgique soit le seul pays du monde à considérer la langue française non comme une langue internationale mais comme une langue régionale ! 

Œuvrant à la francophonie, depuis 1973, via l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) dont il préside la Conférence générale (1987), il accède à ses hautes sphères quand, lors du 7e Sommet de la Francophonie, à Hanoï, en novembre 1997, il est nommé administrateur général de l’Agence intergouvernementale de la francophonie (1998-2006) – aujourd’hui l’OIF. Aux côtés successivement des Secrétaires généraux Boutros-Boutros Ghali et ensuite Abdou Diouf, jusqu’en 2006, il assure la Présidence du « Comité de réflexion pour le renforcement de la Francophonie » dont les travaux constituent la base de la réforme fixant le nouveau cadre institutionnel de la Francophonie. Durant ces années, il continue de mener différents combats en faveur des droits de l’homme, pour la diversité culturelle et contre la marchandisation de l’éducation. En 2006, il est désigné Commissaire de « l’Année Senghor ».

La retraite atteinte et malgré une santé fragile, Roger Dehaybe continue à œuvrer activement à la reconnaissance de Wallonie-Bruxelles dans les sphères internationales et à baliser le rôle de l'État dans la politique éducative en évitant une libéralisation non maîtrisée. En 2012, il est fait citoyen d’honneur de la ville de Liège, au développement de laquelle il n’a cessé de travailler : ainsi, par exemple, celui qui avait signé la préface de Chefs-d’œuvre des musées de Liège (exposition de Lausanne, 1988) a contribué à l’organisation à Liège du colloque de l’Association internationale des maires francophones (2000) ; il a été un conseiller écouté dans l’élaboration du projet de « Centre International d’Art et Culture de la Boverie » (2007) ; en 2009, il était le commissaire du colloque Passages, croiser les imaginaires, avec l’objectif de faire dialoguer impérativement, à l’avenir, les acteurs de la culture, de la politique, de l’économie et les syndicats dans tous les projets concernant le développement économique de la région liégeoise.

 

Sources

Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de presse (-12/2024), dont Le Soir, 16 octobre 2020 
http://agora.qc.ca/francophonie.nsf/Dossiers/Roger_Dehaybe
https://fr.linkedin.com/pulse/ce-que-nous-laisse-roger-henri-monceau (s.v. janvier 2025)
Roger DEHAYBE, Le choix de la Francophonie, un parcours belge et international, Paris, Éditions du Cygne, 2020
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. III, p. 121 ; t. IV, p. 408
Informations communiquées par Jean-Marie Roberti (août 2023)