Derudder Jean-Claude

Culture, Théâtre

Quiévrain 07/09/1943

Comédien et dramaturge, professeur d’arts plastiques, Jean-Claude Derudder a enseigné pendant quarante ans, consacrant les vingt dernières années de sa carrière à la formation des régents en section des arts plastiques à l’École normale de Mons. Pratiquant tous les arts qui permettent de créer une réflexion à travers les images, qu’elles soient le fruit de la mise en scène théâtrale, du cinéma, de la photographie, de l’écriture, de la peinture, de la bande dessinée, de la publicité ou du dessin d’humour, il est une personnalité majeure de la scène théâtrale depuis les années 1970, à Mons, dans le Hainaut et en Wallonie. Acteur engagé, résolument progressiste, il est solidement ancré dans une Wallonie dont il se revendique pleinement, dont il défend l’originalité de la culture, en rappelant des origines familiales flamandes et françaises.

Avec Yves Vasseur et Louis Savary, il fonde sa propre troupe, le Kloak Group Théâtre qu’il anime pendant dix ans (1972-1982). Avec Barbara Bua, Patrick Descamps et Michel Jamsin, il fonde, en 1980, le Collectif théâtral de la Maison de la Culture de Mons, qu’il préside et dont il est le directeur artistique dans la version Collectif théâtre 2. Tour à tour comédien, interprète, concepteur, adaptateur, auteur, metteur en scène, chanteur, scénographe d’une multitude de pièces, il occupe le devant de la scène de plus de 80 spectacles différents. Depuis 1972, il  joue des textes, dramatiques ou non, d’auteurs de tous les horizons, wallons et bruxellois en particulier, comme Constant Malva, Jean Louvet, Jean-Pierre Verheggen, Pierre Mertens ou Marcel Moreau, intervenant aussi volontiers dans des spectacles en patois picard du Borinage. En 1979, avec le poète Louis Savary, il reçoit le prix de la ville d’Ath au Grand Prix de la chanson wallonne.

Comédien, Jean-Claude Derudder se met essentiellement au service du texte des autres pendant plus de quarante ans, interprétant une multitude de rôles et se glissant dans la peau de nombreux personnages : dès 1973, l’empereur dans L’Architecte et l’Empereur d’Assyrie d’Arrabal ; capitaine en 1980 dans Capitaine Shelle, capitaine Ecco de Rezvani ; Robespierre en 1988 ; on le retrouve dans Le Grand Complot de Jean Louvet en 1991 ; grand-père de Molière en 2010 chez Marco Martinelli et « militant du Front national borné, remonté contre les « barbus » de l’état islamique » en 2018, en passant par Van Gogh et Achille Chavée. 

Ayant adapté, interprété et écrit un texte avec Yves Vasseur fondé sur des lettres que Vincent Van Gogh a échangées avec son frère Théo (Van Gogh : Vincent, 1991), il rencontre un fort succès avec ce spectacle joué sans discontinuer jusqu’à l’année Van Gogh (1993) : il est nommé à l’ève du Théâtre du meilleur comédien de l’année 1991. Il reprend aussi des chansons et des extraits d’interviews de Brel (B. c’est plus court), des chansons de Jean-Roger Caussimon et des textes de Léo Ferré (Caussimon en trois mots). Acteur principal, endossant tous les rôles, du Coup de Semonce (1995), pièce de Jean Louvet, créée à l’occasion du 50e anniversaire de l’important Congrès national wallon qui se réunit à Liège les 20 et 21 octobre 1945 pour décider de l’avenir de la Wallonie, il reçoit le Prix des Arts de la scène décerné pour la première fois par la Province de Hainaut (décembre 1995) et le Prix Bologne-Lemaire du Wallon de l’Année 1996. En 2001, il retrouve Jean Louvet dans Conversation en Wallonie et participe à la création, à l’Atelier théâtral Jean Vilar, de sa toute dernière œuvre posthume, Tournée générale, reprise au festival de Spa (2017).

Au cinéma, Jean-Claude Derudder est l’acteur principal d’un court métrage, La mort du roi fou (1989), réalisé par Guy Lejeune, sur un scénario de Claude Renard et Yves Vasseur, ses complices. Trois ans plus tard, il joue pour les frères Dardenne dans Je pense à vous (1992). Il tourne ensuite dans des courts-métrages et documentaires, ainsi que dans Double 7 (1997) de Claire Fiévez, dans Le Violon brisé (2001) d’Alain Schwartzein et dans Le portrait d’un romancier noir (2006) de Jacques Duez. En 2009, il est à l’affiche de Lady Bar 2 un téléfilm de Xavier Durringer. En 2018, il témoigne dans le documentaire Marcel Moreau. Se dépasser pour s’atteindre, de Stefan Thibeau.

De 1974 à 1982, il fait partie de la grande aventure du Super 8, qui retrouve à Bruxelles, en 2025, toutes ses lettres de noblesse. Seul ou en collaboration, Jean-Claude Derudder réalise une dizaine de films dont Borinage (1977), Via Marcasse (1980), Catalogue pour une Exposition (1981) avec Louis Savary. Diffusés régulièrement sur les chaînes publiques belge et française, ses films reçoivent de nombreux prix lors de festivals internationaux. En caméra numérique, il enregistre un grand nombre de ses derniers spectacles et réalise, avec Stefan Thibeau, des « documentaires » sur des thèmes qui lui tiennent à cœur : la Guerre d’Espagne (En résistance 1 : Floréal Vargas, 2012) ; l’importance de l’éducation (Mères belles à agitées, 2013) ; Van Gogh (Van Gogh, 17 rue du Peuple, 7033 Cuesmes, 2016).

Intéressé par l’image et ses représentations, il fonde la revue Kloak, pleine d’humour et de bandes dessinées, dont la dizaine de numéros accompagnent ses spectacles théâtraux. Dans le dixième numéro, s’exprime un jeune dessinateur promis à un bel avenir, Antonio Cossu, avec lequel il va plonger dans le rôle de scénariste. Dès 1977, Derudder et Cossu collaborent à la mythique revue Le 9e Rêve fondée par Claude Renard, animateur et fondateur de l’Atelier R en bande dessinée de l’Institut Saint-Luc (Bruxelles). Livrant illustrations et dessins d’humour dans plusieurs revues, le duo Derudder-Cossu s’attaque à un premier court récit, en 1980, pour la revue Métal Hurlant : L’Important dans la vie n’est pas de vaincre mais de participer ; Derudder collabore aussi à Sang anesthésie, l’un des premiers albums de Cossu, dans la collection « Noir sur blanc » (1982). Il a été aussi illustrateur, en apportant sa contribution à Baroud des Mohabites de son ami poète Louis Savary (1997) ; il réalise aussi, pour son amie Claudia Cornez, la couverture d’une quarantaine de ses livres. Peintre, il présente des œuvres illustrant l’interdit lors d’une exposition collective, sorte de rétrospective de son travail, avec ses anciens élèves François Vandorpe, Pierre-Jean Verhoeven, Johan Wallemacq, au Centre Marius Staquet de Mouscron (2010). 

C’est à partir de 2006 qu’il se met à écrire surtout pour le théâtre, sur des sujets variés, des textes qu’il interprète d’ailleurs le plus souvent, en s’occupant aussi de la mise en scène. Il signe alors Il treno del sole, son spectacle le plus populaire, pièce où il rend hommage à l’immigration italienne, dans une mise en scène de Christian Debaere. « Spectacle de prolétaires qui font le même travail, qui travaillent dans le même milieu, qui rient et qui pleurent de la même chose, qui voient les mêmes injustices, qui se révoltent et qui se plient aux diktat des puissants », la pièce est jouée sans discontinuer de 2007 à 2010, son succès l’amenant à effectuer une tournée en Sicile. En 2010, dans L’Avoir sur le bout de la langue, prenant pour prétexte les poèmes de Louis Savary, il invite à un voyage dans la langue et dans ses variations du pays noir (le borinage) au pays blanc (région de Tournai) jusqu’en France, à Lille au pays des chti’s. Avec Christian Debaere, il offre une tranche de rire, ambiance cabaret, avec Leroy se marre (2013), un spectacle aux antipodes de Van Gogh, 17, rue du peuple, 7033 Cuesmes présenté en 2015 : reprenant la correspondance de Vincent et Théo, il écrit ici un scénario qu’il interprète seul en scène, offrant un spectacle disruptif, qui s’inscrit au programme de Mons 2015, Capitale culturelle européenne. Avec Lire Lear, qu’il écrit avec Roland Thibeau, il entraîne le spectateur dans les préparatifs de la pièce de Shakespeare : le comédien qui s’apprête à jouer le roi Lear se remémore toutes les étapes de sa vie, continuellement interrompu par une voix extérieure féminine qui remet en cause ses certitudes (2016). En 2023, la pièce est jouée durant trois mois à Paris, à la Comédie Saint-Michel.

Dans Les Talents d’Achille (2019), Derudder s’inscrit dans un projet global qui rend un hommage appuyé à l’homme aux multiples facettes que fut Achille Chavée : sur scène avec deux musiciens, il se met à la place d’un Chavée attablé à un bistrot, en 1968, qui se réjouit des événements parisiens de mai et qui évoque ses souvenirs. En 2019, encore, avec Le Goût de la crevette, Jean-Claude Derudder et Roland Thibeau réinventent La cigale et la fourmi dans un style drôle et émouvant et, en 2020, ils signent Ego te absolvo. En 2023, il écrit et interprète Nougaro : la chair des mots, dans une mise en scène de Christian Debaere, un complice de longue date (création à Mouscron, octobre 2023). En 2025, il met la dernière main à Ghost Lamp, pièce mise en scène par Roland Thibeau, un autre complice de toujours.

 

Au théâtre

L’Architecte et Empereur d’Assyrie, de Fernando Arrabal (1972), mise en scène Christian Debaere
Le Grand Organe, écriture collective (1974), mise en scène Christian Debaere
Temokrazi, écriture collective (1975), mise en scène Christian Debaere
Le Show des Momies, de Michel Jamsin (1976), mise en scène Christian Debaere
Choucroute Party, de Louis Savary, d’après Aristophane (1978), mise en scène Christian Debaere
Amensy international, d’après Jacques Sternberg, « Lettre ouverte aux Terriens » (1979), mise en scène Christian Debaere
Capitaine Shelle, Capitaine Ecco, de Serge Rezvani (1980), mise en scène Elvire Brison
Ma Nuit au jour le jour, de Constant Malva (1981), mise en scène Yves Vasseur
Le 151e anniversaire de la Belgique, création collective (1981), mise en scène Roland Thibeau 
Kriss l’emballeur, de Jacques Sternberg (1982), mise en scène Patrick Descamps
Liberté à Brême, de RW. Fassbinder (1983), mise en scène Philippe Van Kessel
La Salle des profs, de Liliane Wouters (1983), mise en scène Roland Thibeau
Striptriste, de Olivier Cauvain et Jean-Claude Derudder (1983), mise en scène Patrick Descamps
Avec Ramsès, de Jacques Crickillon (1984), mise en scène Micheline Hardy
Elles, d’Olivier Cauvain et Jean-Claude Derudder (1984), mise en scène Patrick Descamps
L’Amérique, de Jacques Probst, mise en scène Jean-Pierre Denefve (1985)
La trilogie du revoir, de Botho Strauss (1985), mise en scène Philippe van Kessel
La Machine infernale, de Jean Cocteau (1986), mise en scène Dominique Seron 
En quatre tons de Graham Swannel (1986)mise en scène Adrian Brine
Une maison de poupée, de Henrik Ibsen (1987), mise en scène Robert Cordier
Mademoiselle Julie, d’August Strindberg (1987), mise en scène Robert Cordier
Fool for love, de Sam Shepard (1987), mise en scène Robert Cordier
La Nuit des rois, de William Shakespeare (1987), adaptations et mise en scène, de Robert Cordier 
Le Monologue d’Adramelech, de Valère Novarina (1988), mise en scène Barbara Bua
La fausse suivante, de Marivaux (1988) mise en scène Robert Cordier
Angel City, de Sam Shepard (1988), adaptation et mise en scène Robert Cordier 
Cuir 88, de H. Eppendorfer et H. Fichte (1988), mise en scène JC Derudder et JP Denefve
Oncle Vania, d’Anton Tchekhov (1989)mise en scène Robert Cordier
Robespierre, derniers temps, de Jean-Philippe Domecq (1989), adaptation Yves Vasseur, mise en scène Robert Cordier
Sauvé(s), d’Edward Bond (1990), mise en scène Guy Pion
Van Gogh : Vincent, de Jean-Claude Derudder et Yves Vasseur (1990), mise en scène Jean-Claude Derudder et Claude Renard
Le Grand Complot, de Jean Louvet (1991), mise en scène Yves Vasseur
La Force de l’habitude, de Thomas Bernhard (1991), mise en scène Barbara Bua
La Ronde, d’Arthur Schnitzler (1992)mise en scène Guy Pion
Stabat Mater, de Jean-Pierre Verheggen (1992), mise en scène Daniel Simon
La Conquête du pôle Sud, de Manfred Kargue (1993), mise en scène Philippe van Kessel 
Flammes, de Pierre Mertens (1994), mise en scène Patrick Bonté
Le Journal intime de Sally Mara, de Raymond Queneau (1995), mise en scène Guy Pion
Le Marchand de Venise, de William Shakespeare (1995), mise en scène Michel Tanner
Le Coup de Semonce, de Jean Louvet (1995), mise en scène Jacques Herbet 
Le Chant de l’amour et de la mort, de Rainer Maria Rilke (1996), mise en scène Christian Leblicq
L’histoire de Kou l’Ahuri, d’après Jacques Duboin (1996), mise en scène Christine Delmotte 
Dans la Solitude des champs de coton, de Bernard-Marie Koltes (1996), mise en scène Herbert Rolland
Ultima Verba, de Marcel Moreau (1996), mise en scène Michel Tanner
B c’est plus court, de Jean-Claude Derudder (1998), mise en scène Claude Renard 
Ahmed le subtil, d’Alain Badiou (1999) mise en scène Christine Delmotte
Hippolyte, d’après Euripide (2000), mise en scène Philippe Asselin et Nathalie Le Corre 
Le Jour des coumères, de Roland Hourez, d’après Les Joyeuses Commères de Windsor, de William Shakespeare (2000), mise en scène Michel Tanner
L’Auberge espagnole d’Alain Berenboom (2000)mise en scène et en voix Christine Delmotte
Les Horloges ramassent les rêves, d’Emile Saussez (2001)mise en scène Emile Saussez
Un Ami fidèle, de Jean-Pierre Dopagne (2002), mise en scène Roumen Tchakarov
Conversation en Wallonie, de Jean Louvet (2002), mise en scène Armand Delcampe
Kasimir et Karoline, d’Ödön von Horváth (2002)mise en scène Michaël Delaunoy
La nuit à l’envers, de Xavier Durringer (2003), mise en scène David Géry
Le Journal d’un Fou, de Nicolas Gogol (2003), mise en scène Roumen Tchakarov
Stabat Pater, d’après des textes de Bayon et Jean-Pierre Verheggen (2003), mise en scène Jean-Claude Derudder et Jean-Marc Navez
La Paix d’Aristophane (2004)adaptation et mise en scène Christine Delmotte 
Vingt-sept remorques pleines de coton, de Tennessee Williams (2005), mise en scène Roumen Tchakarov
La Damnation de Freud, de Tobie Nathan et Isabelle Stengers (2005), mise en scène Christine Delmotte
Caussimon en trois mots, écrit et interprété par Jean-Claude Derudder (2005), mise en scène Christian Debaere
Cinecitta, de Thierry Debroux (2006), mise en scène Thierry Debroux
Ahmed le philosophe, d’Alain Badiou (2006), mise en scène Christine Delmotte
Autour d’Armand Simon, de et avec Jean-Claude Derudder (2006)
Il treno del sole, de Jean-Claude Derudder (2007), mise en scène Christian Debaere
Abel et Bela, de Robert Pinget (2008), mise en scène Jean-Marc Chotteau
Terril Apache, de Thierry Debroux (2009), mise en scène Jasmina Douieb
Le Gardien du phare, de Baptiste Coppens (20009), mise en scène Christian Debaere
Detto Molière, de Marco Martinelli (2009), mise en scène Christian Debaere
L’Avoir sur le bout de la langue, de Jean-Claude Derudder (2009)
Les névroses sexuelles de nos parents, de Lukas Bärfuß (2010), mise en scène Guy Pion
Blind poets blues, de Lawrence Ferlinghetti et Louis Savary (2011), mise en scène Christian Debaere
Le Mouton et la baleine, d’Ahmed Ghazali (2012)mise en scène Jasmina Douieb
Leroy se marre, de Jean-Claude Derudder et Christian Debaere (2013)
Le Tramway des enfants, de Philippe Blasband (2014), mise en scène Pierre Sartenaer et Philippe Blasband
Van Gogh 17, rue du Peuple 7033 Cuesmes, de et avec Jean-Claude Derudder, musique originale de Michel Mainil (2014)
Moneuse, de Claude Renard et Yves Vasseur (2015), mise en scène Claude Renard 
Hommage à Émile Verhaeren (2016)
Tournée générale, de Jean Louvet (2016), mise en scène Armand Delcampe
Hommage à Jean Louvet, collectif (2017)
Pour en finir avec la question musulmane, de Rachid Benzine (2018), mise en scène Rachid Benzine
Les Talents d’Achille, de et avec Jean-Claude Derudder (2019), mise en scène Armand Debaere
Nougaro : la chair des mots, de et avec Jean-Claude Derudder (2023), mise en scène Armand Debaere
Ghost Lamp, de et avec Jean-Claude Derudder (2025), mise en scène Roland Thibeau

 

Sources

Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de presse (-12/2024)
Informations communiquées par Jean-Claude Derudder (janvier 2025)