© Sofam

Étienne Edmond-Jacques

Culture, Lettres wallonnes

Jodoigne 07 ou 08/04/1862, Jodoigne 11/04/1895

En composant, en 1888, son premier vaudeville en wallon de Jodoigne, Edmond Étienne a mis un pied, de fort heureuse façon, dans l’étrier de la littérature dramatique wallonne. D’autres œuvres suivront, apportant à son auteur une réputation débordant largement le roman païs de Brabant.

Bon élève à l’École moyenne de Jodoigne, Edmond Étienne brille surtout par ses résultats en « rédaction française ». La disparition de son père (1867) l’oblige cependant à accélérer le processus de reprise de l’activité familiale : un court apprentissage à Bruxelles, une initiation à Anvers, et voici Edmond Étienne relieur. Rentré à Jodoigne, où sa mère tient commerce de papeterie et de mercerie, il y installe son atelier de reliure et passe autant de temps à lire le contenu des ouvrages qu’à réaliser le travail demandé. Dans un premier temps, son seul passe-temps est la politique. Sa plume s’escrime volontiers contre ses adversaires ; elle est acerbe et le journal, Le Jodoignois, qu’il fonde alors, sert de tribune à ses humeurs.

Peu enclin à se porter lui-même candidat, il oriente son imagination vers un autre style d’écriture : en 1883, il compose un drame en trois actes, intitulé L’usurier, inspiré d’un roman de Francis Tesson, mais de piètre qualité. L’expérience lui est cependant utile : il se convainc que le seul vrai langage du pays est le wallon et il se lance dans la traduction libre et personnelle de quelques pièces du théâtre français qui sont jouées à l’initiative du cercle dramatique L’Emulation, qu’il a créé à Jodoigne, en 1886, et qu’il va présider jusqu’à son décès en 1895. Séduit par la saveur toute particulière du wallon de Jodoigne, il écrit sa première chanson wallonne en 1884 et, quatre ans plus tard, ils sont plusieurs acteurs à interpréter On pîd dins le strevire, comédie-vaudeville en trois actes, qui connaît un franc succès et où l’on retrouve le goût d’Étienne pour la politique, cette fois traitée avec humour.

Très vite, il est sollicité pour de nouvelles pièces de théâtre en wallon ; il publie dans les gazettes locales une série de scènes populaires qui forment Nos marians Cadie. Il signe ensuite La rose de Roux-Miroir (1890) : racontant les mésaventures d’un horticulteur réputé, créateur d’une nouvelle variété de poires et qui cherche à marier sa fille, la pièce dont il existe une version en wallon brabançon et une version en français, toute deux de la main d’Étienne, est jouée en 1891 et publiée en 1893. Cette œuvre vaut à son auteur d’être admis comme membre correspondant de la Société liégeoise de Littérature wallonne.

En 1891, une médaille d’argent, décernée par la Société liégeoise de Littérature wallonne a récompensé sa chanson On cèke wallon au Villadge ; ce n’est qu’un début : l’année suivante, deux pièces, Le Marchau ou Maujone piedroue (sur le thème du tirage au sort des soldats) et Po l’bouse et po l’cœur, reçoivent respectivement une médaille d’argent et une médaille de vermeil. Membre de la Société des Auteurs wallons, il lance un journal bimensuel, Le Sauverdia, consacré à l’illustration dialectale de Jodoigne, mais qui connaît le succès dans la Wallonie toute entière, car Étienne souhaite ardemment un instrument de liaison entre les différents dialectes du pays wallon. À l’époque, l’orthographe n’est pas fixée et Étienne, partisan de la plus grande liberté et de la phonétique, s’oppose, avec amitié, à Julien Delaite, « champion de l’orthographe analogique (avec le français) la plus complète ». Contraint par manque de moyen de cesser la publication de Sauverdia, Étienne en prendra ombrage dans les derniers temps de son existence.

La collaboration d’Étienne est sollicitée par des gazettes Aclots, ainsi que par Wallonia. Passionné par le folklore, il a entrepris d’explorer les traditions de son roman païs de Brabant ; il s’intéresse aux anciennes pratiques et à leur vocabulaire. Il nourrit d’exemples le Dictionnaire des Spots wallons de Joseph Dejardin, président de la Société liégeoise de Littérature wallonne et, consécration suprême, ses trois premières comédies sont traduites en wallon de Liège, tandis qu’une adaptation de son premier vaudeville paraît à Tournai. C’était là le souhait le plus cher du Brabançon wallon : éviter à des œuvres intéressantes de garder un caractère trop local et leur permettre de voyager dans tout l’espace wallon. Sans aucun doute, Étienne apporte sa contribution au mouvement pour une reconnaissance officielle de la littérature dramatique wallonne : les premiers subsides du gouvernement sont accordés en 1892.

Edmond Étienne était promis à une belle carrière littéraire en langue wallonne, mais sa santé chancelante depuis qu’un accident l’avait rendu infirme des jambes dans sa jeunesse l’empêchera de mener à bien ses nombreux projets.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Paul MOUREAU, Une belle figure wallonne. Edmond Étienne (1862-1895). Sa vie et son œuvre, Bruxelles, Service de Recherches historiques et folkloriques du Brabant, Bruxelles, 1930
Charles DEFRECHEUX, Joseph DEFRECHEUX, Charles GOTHIER, Anthologie des poètes wallons (…), Liège, Gothier, 1895, p. 301-303
L’Indépendance belge, 14 avril 1895