Falleur Oscar
Charleroi 23/08/1855, Jeannette (Pensylvanie) 04/1896
La Révolution industrielle qui s’installe très tôt en pays wallon a pour conséquence de bouleverser considérablement les rapports sociaux. Face au rouleau compresseur de la rentabilité et de la productivité, la défense des intérêts des travailleurs tarde à s’organiser. La Commune de Paris, en 1871, semble avoir montré les limites de l’anarchisme et l’on voit naître des structures syndicales et politiques destinées à défendre la classe ouvrière dans son ensemble ou de manière sectorielle. Dans la région de Charleroi, les mineurs et les verriers tentent de se structurer, en même temps qu’Albert Delwarte cherche à former un parti politique socialiste. Sous l’influence de la puissante organisation américaine des Chevaliers du Travail, une Union verrière est fondée en avril 1882.
Parmi les fondateurs, on trouve Delwarte, ainsi que Xavier Schmidt et Oscar Falleur. Leur Union devient la section 3.628 des Knight of Labour of America, sous le nom de « Assemblée des Verriers à Vitre belges, ou EUREKA ». Falleur en est le secrétaire. Dès 1884, l’Union verrière engage un bras de fer avec le patronat et obtient des augmentations salariales. Le 5 avril 1885, Falleur participe, avec Delwarte, au congrès constitutif du POB, en tant que représentant du bassin de Charleroi. Le monde ouvrier est en train de se structurer quand, au printemps 1886, le souffle de la révolution gagne l’ensemble du bassin industriel wallon ; on parle de jacquerie ouvrière.
Les troupes commandées par le général Vandersmissen y mettent fin de manière sanglante. Quant à la Justice, elle entend punir sévèrement les meneurs qu’elle cherche en vain, mais elle trouve des responsables parmi les militants ouvriers de l’époque : les dirigeants d’une Union verrière qui a montré toute sa puissance sont tout désignés. Avec 17 autres inculpés, Oscar Falleur comparaît devant la Cour d’Assises de Mons. Malgré la défense du jeune avocat Jules Destrée, Falleur est condamné à vingt ans de travaux forcés (2 août 1886) : la condamnation précise qu’il n’a pas personnellement participé aux pillages et incendies, qu’aucun délit de ce type ne peut être retenu contre lui, mais qu’il est responsable d’avoir incité les ouvriers à la grève et à la révolte.
Emprisonnés à Louvain, Falleur et Schmidt n’ont pas perdu leur combat. Certes leur puissante Union verrière est décapitée et ne renaîtra qu’en 1893, mais, dans la rue, la classe ouvrière se mobilise, d’autres ligues et partis se constituent, on manifeste à la fois en faveur du suffrage universel et de la libération des condamnés. À côté du POB se constitue un Parti républicain socialiste (1887). Obligées de lâcher du lest, les autorités prennent une mesure d’amnistie. En 1888, Falleur (comme Schmidt) est libre, mais obligé de quitter le pays.
De Jumet, il se rend à Trélon, en France où Falleur a de la famille. De là, avec d’autres compagnons d’infortune, il gagne l’Angleterre puis les États-Unis. Falleur ne voyage pas seul ; il semblerait avoir épousé la sœur de X. Schmidt.
Installés en Pennsylvanie, près d’une ville nommée… Charleroi, les exilés wallons ne renoncent pas à leurs activités syndicales et politiques. Actif dans la défense des droits des travailleurs, Oscar Falleur est proche de la LA300 des Knights of Labor, les Chevaliers du Travail de Pittsburgh. Mais son entente avec les syndicats américains n’est pas parfaite. De sa propre initiative, Falleur semble avoir lancé les premières coopératives verrières aux États-Unis.
Sources
Pol DEFOSSE, Jean-Michel DUFAYS, Martine GOLDBERG (dir.), Dictionnaire historique de la laïcité, Bruxelles, Luc Pire, 2005, p. 89
Paul LOOTENS, 1886 : révolte ouvrière et répression bourgeoise, Aden, 2008
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. II, p. 173
Journal de Charleroi, 14 avril 1896
La Bataille, 19 avril 1896
L’Actualité, n°193 du 27 septembre 1903
Mémoire ouvrière. 1885/1985. Histoire des Fédérations, t. 8, Charleroi, Bruxelles, PAC, 1985, p. 5-11
1885-1985. 100 ans de socialisme, Bruxelles, 1985
Jean-Jacques MESSIAEN et Luc PEIREN (dir.), Un siècle de solidarité 1898-1998, Histoire du syndicat socialiste, Bruxelles, 1997, p. 26-27
Paul Delforge