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Pahaut Jean-Hubert

Socio-économique, Syndicat

Ogné-Sprimont 09/03/1835, Liège 01/03/1914


Dans la vallée de l’Ourthe et de l’Amblève, les carrières occupent de nombreux hommes en ce XIXe siècle caractérisé par la révolution industrielle. Le travail est rude, les cadences exigeantes. Dans ce monde rural, on partage les préoccupations du monde urbain, celui des ouvriers et des travailleurs des mines et de l’industrie. Dès lors, quand éclatent les émeutes de 1886 dans le bassin industriel wallon, les carriers du pays de l’Amblève semblent se joindre au mouvement, conduits par Jean-Hubert Pahaut. Dans les rues de Liège, le 18 mars, jour de l’anniversaire de la Commune, de nombreux commerces sont saccagés. Alors que le mouvement insurrectionnel s’étend au bassin industriel hennuyer, l’ordre revient à Liège. Mais Pahaut ne renonce pas à forcer les patrons à la négociation et entreprend un important travail de propagande. Un mouvement de grève spontané reprend chez les carriers (9 avril), s’appuyant sur un solide cahier de revendications (réduction de la journée de travail de 16 à 12 heures, remplacement du calcul journalier par le calcul horaire du salaire, fin du truck system, etc.). 

L’arrestation de Pahaut pendant quelques jours (12-15 avril) ne freine pas le mouvement qui s’étend. Vers le 20 avril, s’ouvre une période de négociations qui doit aboutir le 22 mai au plus tard ; le travail a repris. En l’absence d’une organisation structurée et alors que le dialogue semble s’embourber, J-H. Pahaut réussit une action d’éclat spectaculaire : juché sur un cheval blanc, il arrive à Liège, place Saint-Lambert, à la tête d’un cortège de 4 à 500 carriers résolus (24 mai). D’autres chiffres circulent recensant 3.000 grévistes... À Liège, Pahaut est chargé de remettre au gouverneur, Pety de Thozée, les revendications des ouvriers sous la forme d’une pétition à remettre au Parlement. Muni d’un maillet de tailleur de pierre, Pahaut le place dans la main du gouverneur en lui disant en wallon : Tinez, moncheu, sûri-ve bin bouhi avou cist’ usteie-là doze heures par djou ?

Le coup de force impressionne ; le carrier de Sprimont, à la stature herculéenne, est surnommé le « roi Pahaut » ; le gouverneur de la province promet de forcer les patrons carriers à conclure. Pourtant, à la suite de son arrestation d’avril, Pahaut doit comparaître devant le tribunal correctionnel de Liège. Dans une atmosphère de lendemain d’émeutes où le pouvoir doit donner les gages que l’ordre est rétabli, il est condamné à un mois de prison (juin). Son appel est pris en considération et Pahaut est finalement acquitté. Dans le même temps, les patrons carriers ont fini par accepter plusieurs revendications ouvrières : le « Règlement Pahaut », comme on le nomme, s’étend à l’ensemble du bassin. Le bilan social est relativement positif.

Conforté dans l’idée de structurer ce mouvement ouvrier, Pahaut fonde la Société syndicale et coopérative les Ouvriers Carriers sprimontois. Ralliant le Parti ouvrier belge naissant, il contribue à l’émergence d’une dizaine d’autres structures syndicales. De 1890 à 1891, il préside la Société syndicale des carriers sprimontois. Mais Pahaut n’est pas d’humeur commode et il se retrouve en marge de l’activité syndicale qui restera fragile jusqu’à la Grande Guerre. Maître de carrière et ouvrier tailleur de pierre, Hubert Pahaut, par son action d’éclat, est resté une figure un peu mythique du mouvement ouvrier en train de se structurer.

 

Sources

http://www.helmo.be/esas/mapage/euxaussi/luttes/sprimont.html 
Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. II, p. 184
René HENRY, Hier en Ourthe-Amblève. Mythes et destinées, t. II, Liège, Dricot, 1994, p. 10-18
La Meuse, L’Express et Journal de Charleroi, 9 mars 1914
Louis BERTRAND, Histoire de la Coopération en Belgique, Bruxelles, 1904