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Godefroid Wauthier

Socio-économique, Entreprise

Lantremange (Waremme) date de naissance inconnue, Liège 1595

Au XVIe siècle, Wauthier Godefroid (ou Godefrin) apparaît comme un investisseur audacieux et « un pionnier de la fonderie liégeoise », selon l’expression de l’historien René Evrard qui, le premier, l’a sorti de l’oubli. Bourgeois de la cité liégeoise disposant de quelques fonds qu’il cherche à investir, Wauthier Godefroid exerce le métier de brasseur quand il décide d’exploiter un fourneau avec fonderie aux portes de la cité, du côté du quartier des Vennes ; l’autorisation lui est accordée le 13 octobre 1548 par le prince-évêque. Ne disposant pas lui-même des compétences nécessaires, Godefroid s’associe avec un spécialiste, Lambert de Spa, maître de forges et ancien gouverneur du bon métier liégeois des fèvres. Entre le marchand et le technicien, entre le commercial et l’artisan, l’alchimie est parfaite : très vite voit le jour ce qui peut être considéré comme le berceau de la future puissante Compagnie générale des Conduites d’eau.

Réalisant d’abord des produits moulés d’usage commun, le marchand se porte acquéreur d’une affinerie du côté de Colonster pour transformer en fer ses surplus de fonte. Son remariage vers 1565 contribue au développement de ses affaires qu’il diversifie (notamment la meunerie), mais sans abandonner ses activités sidérurgiques. Tout en achetant plusieurs gisements de fer, de calamine, de cuivre et de plomb de la région, il acquiert pour moitié un autre fourneau à Sauheid (1569), y construit une nouvelle fonderie (1572), puis acquiert encore un fourneau à Colonster, toujours le long de l’Ourthe.

Dans le même temps, la guerre est aux portes de la principauté de Liège, les Espagnols étant aux prises avec une opposition à la fois politique et religieuse. Quand l’Angleterre décide de stopper ses livraisons de canons, les Espagnols cherchent de nouveaux fournisseurs. Avec Lambert de Spa, Wauthier Godefroid relève le défi de fournir dans un délai très court une commande qui dépasse de loin les capacités de ses outils et qui ne correspond pas à sa production habituelle. S’alliant avec un concurrent et bénéficiant du savoir-faire technique de Lambert de Spa, Wauthier Godefroid respecte son contrat, tout en fournissant des canons d’une qualité supérieure (1575). En soi, il s’agit d’un exploit technique puisque des fabricants de fonte moulée se sont transformés en très peu de temps en fondeurs d’artillerie.

Malgré les difficultés générées par les Espagnols à la réception de la commande, W. Godefroid poursuivra pendant vingt ans ses livraisons d’armement, fournissant même un nouveau type de canon en fer d’une plus grande puissance de tir. « Grâce à cet audacieux, les fonderies du pays de Liège allaient devenir trois siècles durant les spécialistes de deux fabrications aussi dissemblables que les massifs canons de fonte et les minces poteries domestiques, et ouvrirent la région à la grande métallurgie du fer » (RCEW). De 1575 à 1582, Godefroid exploite – en le louant – le fourneau dit des Polets, dont se servira plus tard Daniel Kock.

Disparaissant au moment où émerge Jean Curtius, Wauthier Godefroid a fait œuvre de précurseur. Comme l’observe René Evrard, le brasseur des origines rompt avec les méthodes traditionnelles, se défait de toutes attaches à l’égard des corporations, et creuse son sillon par une politique d’investissement décidée, en tissant des alliances personnelles utiles et en s’entourant d’associés compétents. Directeur commercial et financier, Wauthier Godefroid oriente ses capitaux avec efficacité et est l’un des premiers représentants du capitalisme industriel qui va s’étendre à tout le pays wallon. En l’absence d’héritier, l’entreprise des Vennes est acquise par la famille Butbach.

 

Sources

René EVRARD et Armand DESCY, Histoire de l’Usine des Vennes, suivie de Considérations sur les Fontes Anciennes 1548-1948, Liège, Soledi, 1948, en particulier p. 35-46
René EVRARD, Wauthier Godefroid, le premier fondeur de canon de fer, dans Industrie, 1955, p. 401-404
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 277
Revue du Conseil économique wallon, n°27, juillet 1957, p. 74-75
Chronique archéologique du Pays de Liège, Liège, IALg, 1964, p. 65-66
Jean YERNAUX et M. MATHY, Une famille de pionniers industriels wallons au XVIIe siècle : les Kock, de Limbourg, dans Bulletin de l'Académie Royale de Belgique, classe des Lettres, 5e série, t. 46, p. 66-124