Mariage Benoit

Culture, Cinéma

Virton 19/07/1961

En mai 1997, sur la croisette à Cannes, un jeune réalisateur wallon est particulièrement remarqué pour un court métrage, entièrement tourné en noir et blanc, dans le Namurois, et où apparaissent Benoît Poelvoorde, Olivier Gourmet, Bouli Lanners et Louis Koscielniak. Sélectionné dans la compétition de la Semaine de la Critique, ce court métrage qui raconte la recherche impérative d’un signaleur pour une course cycliste remporte le Grand prix de la critique et, plus tard, en 1998, le Prix du Jury du festival de Clermont-Ferrand. Son réalisateur s’appelle Benoît Mariage. Outre quelques épisodes pour le magazine Strip Tease, il n’avait jusqu’alors à son actif qu’un court métrage réalisé sur une musique de Julos Beaucarne et intitulé La Terre n’est pas une poubelle (1996).

Dès son adolescence, Benoît Mariage a été captivé par la photographie et s’il poursuit des études de droit à l’Université catholique de Louvain, c’est pour ne pas déplaire à son père, titulaire d’une charge notariale. Une fois sa licence en poche (1983), c’est directement à l’Institut supérieur des arts du spectacle qu’il s’inscrit pour y mener des études d’art de l’image, sa réelle passion. Pigiste au journal Vers l’Avenir depuis ses 16 ans, moment où il réalise des comptes rendus sportifs, Benoît Mariage alimente aussi de ses photos la rédaction du journal régional, avant d’être engagé comme photographe de presse à mi-temps (1987). 

Après sa formation préférée à l’INSAS (1987), il entre à la RTBf et propose un projet original au duo Libon-Lamensch, les producteurs de Strip-Tease. Après des heures passées dans un couvent à filmer avec son cameraman Roger Beeckmans, il présente un mémorable Dieu seul suffit qui s’inscrit parfaitement dans l’esprit Strip-Tease où, dira-t-il plus tard, il a appris son métier ; pour ce documentaire, il reçoit un prix au festival namurois Media 10/10. Ses années de journalisme aiguisent son sens de l’observation et sa confrontation avec des situations incongrues consolide son savoir-faire. Au total, il réalise six épisodes dans des univers fort différents (dont Elvis, Le Proviseur, Radio Chevauchoir, René l’Africain) pour le célèbre magazine Strip-Tease qui déshabille la société du dernier quart du XXe siècle, et tous sont remarquables et remarqués. Le dernier, A fond la caisse !, a surtout frappé les esprits, quand il suit des parents qui rêvent d’un avenir de champion de motocross pour leur gamin de 4 ans.

Les diverses réactions que suscitent ce mini-film poussent Benoît Mariage à s’interroger sur le contrat de confiance entre le sujet d’un documentaire et son réalisateur, et finalement il décide de se consacrer à la fiction, parce que le genre permet une recherche plus approfondie de la vérité. À partir de 1990, dans le cadre de sa propre maison de production TRAM 33, il produit, cadre et réalise Un Tour en Afrique 1990 (Burkina Faso) Elif ou le choix de Chantal (Turquie, 1992), Chasseurs de papillons (Kenya, 1993) Trois p’tits rounds et puis s’en vont (France, Hongrie, Russie), Nemadis (Mauritanie, 1994) Hindou, une parole libre (Mauritanie, 1994), Nemadis, des années sans nouvelles (Mauritanie, 2001), ainsi qu’On the road again. Le cinéma de Bouli Lanners (2011).

Parallèlement, il se lance dans un premier long métrage. Dans Les Convoyeurs attendent (1999), on retrouve l’idée du transfert des espoirs du père vers le fils quand Benoît Poelvoorde entraîne son gamin à ouvrir et fermer une porte des milliers de fois par jour, afin d’inscrire le record et son nom dans le Guinness Book. Sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes 1999, ce premier film de Benoît Mariage reçoit le Cheval de Bronze 1999, prix décerné par le festival international du film de Stockholm. Il tourne ensuite un documentaire en Mauritanie (Némadis, 2000), avant de porter un deuxième long métrage où il raconte l’histoire vraie d’un couple dont la femme enceinte de jumeaux refuse la perspective d’élever deux enfants, le réalisateur observant la culpabilité du couple (L’Autre, 2003). 

Depuis le court métrage Le Signaleur (1997), où le Namurois donnait la réplique à Olivier Gourmet, Benoît Poelvoorde sait gré à Mariage de lui avoir offert son premier rôle dramatique. Fort de leur complicité, Poelvoorde accepte volontiers de jouer à nouveau un journaliste, en quête de scoop, mais d’une manière différente de celle de C’est arrivé près de chez vous. Avec Cowboy (2007), Benoît Mariage s’inspire très librement d’un fait-divers marquant, en Wallonie, du début des années 1980 : un jeune homme détourne un autobus scolaire à Vielsalm, l’emmène vers Bruxelles où il espère exprimer sur les ondes de la RTBf sa colère contre l’injustice économique et le sort réservé aux personnes exclues de la société. L’affiche de ce film réunit notamment Olivier Gourmet, François Damiens, Bouli Lanners, Christelle Cornil, Julie Depardieu et Gilbert Melki. Une fois encore, Benoît Mariage se félicite de sa collaboration avec le monteur tournaisien Philippe Bourgueil. Dans Les rayures du zèbre (2014), Poelvoorde est cette fois recruteur de jeunes footballeurs en Afrique, cherchant à s’enrichir sur des transferts douteux en Belgique. S’inspirant une fois encore de faits divers réels, le film obtient quatre nominations aux Magritte 2015 et décroche la statuette du meilleur espoir masculin (pour Marc Zinga).

Professeur à l’IAD (Louvain-la-Neuve) depuis 2006 où il dirige l’atelier d’écriture et de réalisation en master 1, Benoît Mariage travaille avec François Damiens sur le premier film de ce dernier, Mon Ket (2018), qu’il co-écrit à partir des caméras cachées dont Damiens est devenu le spécialiste, et il parvient à sortir en 2022, après la pandémie de la Covid-19, son cinquième long métrage, Habid, la grande aventure, qu’il a réalisé et dont il est le scénariste. Avec à l’affiche Catherine Deneuve, ce conte burlesque, tourné principalement à Molenbeek, met en scène un jeune belgo-marocain désireux de devenir acteur, auquel on propose de jouer au théâtre le rôle de saint François d’Assise. 

 

Ses principaux films

Le Proviseur (Strip Tease, 1985)
Dieu seul suffit (Strip Tease, 1987)
A fond la caisse ! (Strip Tease, 1988)
Radio Chevauchoir (Strip Tease, 1989)
Elvis (Strip Tease, 1990)
La Terre n’est pas une poubelle (court métrage, 1996)
René l’Africain (Strip Tease, 1997)
Le Signaleur (court métrage, 1997)
Les convoyeurs attendent (1999)
Némadis, des années sans nouvelles (documentaire, 2001)
L’Autre (2003)
Cowboy (2007)
On the road again. Le cinéma de Bouli Lanners (documentaire, 2011)
Les Rayures du zèbre (2014)
Habib, la grande aventure (2022)

 

Sources

Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de presse (-12/2024), dont Le Soir, 6 octobre 2007, 18 avril 2018, 25 août 2023 
Marco LAMENSCH, Strip-Tease se déshabille, éditions Chronique, 2018, dont p. 50-51, 93-96
Richard OLIVIER, Big Memory. Cinéastes de Belgique, s.l., Les Impressions nouvelles, 2011, p. 224-225
https://www.cinergie.be/actualites/les-convoyeurs-attendent-de-benoit-mariage 
L’Envers de l’Écran, https://auvio.rtbf.be/media/l-envers-de-l-ecran-l-envers-de-l-ecran-2855417, RTBf, 2004
https://audiovisuel.cfwb.be/fileadmin/sites/sgam/uploads/Activites/Cineastes_en_classe/Realisateurs/Benoit-Mariage-CV.pdf (s.v. 01/2025)