
Masset Depasse Olivier
Culture, Cinéma
Charleroi 27/12/1971
Lors de la 10e cérémonie des Magritte du cinéma (2020), un film vole la vedette à toutes les autres productions. « Fascinant thriller psychique hitchcockien », Duelles enlève neuf Magritte sur dix nominations : meilleur montage, meilleure musique originale, meilleur son, meilleure image, meilleur second rôle masculin, meilleure actrice, meilleur scénario/adaptation, meilleur réalisateur et meilleur film. Le succès est total pour Olivier Masset-Depasse qui adaptait là le roman Derrière la haine (2012) de Barbara Abel, en cherchant à développer le côté sombre de l’instinct maternel.
Il ne s’agit pas là du premier long métrage du réalisateur de Charleroi qui, depuis, s’est vu confier la responsabilité du troisième chapitre de la franchise Largo Winch, Le Prix de l’argent, sorti dans les salles durant l’été 2024, sur un scénario auquel a évidemment participé Jean Van Hamme, avec toujours Tomer Sisley dans le rôle principal, et l’acteur américain James Franco dans le rôle du méchant. Avec ses scènes d’action spectaculaires, dont quelques minutes filmées à Charleroi, cette grosse production très attendue (notamment en raison des retards engendrés par la pandémie de la Covid-19) s’éloigne toutefois du film d’auteur à forte dimension sociale auquel le réalisateur carolorégien avait habitué.
Dans sa ville natale, le jeune garçon a tôt fait de découvrir la bande dessinée de l’École de Marcinelle : son père travaille aux éditions Dupuis… Fan de Franquin, il dessine d’abord sans relâche, avant de passer à l’écriture et au récit, de jouer de la musique, puis de faire de toutes ses activités une synthèse sous la forme du cinéma. Il est à peine âgé de dix-sept ans, quand une de ses vidéos est remarquée et reçoit de nombreux prix (1988), sans suite immédiate ; il accomplit en effet son service militaire – encore obligatoire à l’époque – chez les Chasseurs ardennais. Cette période le transforme en un antimilitariste convaincu quand il est rendu à la vie civile. Les cours de l’Université Européenne d’écriture lui ouvrent alors d’autres perspectives, avant de s’inscrire à l’Institut des Arts de Diffusion (IAD, Louvain-la-Neuve, 1995-1997). Cultivant davantage encore ses nombreuses références cinématographiques, il y apprend à travailler la fiction en réalisant quelques courts métrages de jeunesse ; en 2000, après un long et méticuleux travail préparatoire, Chambre froide s’avère un premier court métrage particulièrement abouti, comme en témoignent les nombreux prix remportés alors dans divers festivals, dont le FIFF de Namur et ses Bayard d’or ; ce sera aussi le cas de Dans l’ombre, sorti en 2004. Déjà, le scénariste et réalisateur se situe dans un cinéma d’auteur, attentif à l’aspect social, choisissant de placer délibérément un personnage féminin au cœur du propos. Déjà présente dès le court-métrage Chambre froide, l’actrice Anne Coesens – l’épouse de Masset-Depasse – participera à tous ses projets, jusqu’à Duelles, en 2018.
En 2006-2007, Cages est le premier long métrage d’Olivier Masset-Depasse. Dans cette romance au ressort dramatique très fort, il relate une passion amoureuse destructrice, suite à un grave accident de la route qui distant un couple. Remarqué par la critique et par les jurys de plusieurs festivals, Cages reçoit notamment le prix du public et le prix du jury Junior au FIFF de Namur 2006, et le prix spécial du jury du meilleur film au festival de Rome. En imposant un style nerveux et dynamique, le réalisateur cherche à créer, selon son expression, un véritable film d’actions psychologiques. Il y parvient totalement avec Illégal (2010), thriller psychologique sur fond de critique sociale. Dans ce film d’auteur, Anne Coesens incarne une mère russe exilée en Belgique, subitement séparée de son fils, suite à son placement en détention dans un centre fermé. Brinqueballée entre Bruxelles et la Pologne, où elle avait initialement demandé l’asile politique, elle retrouve la Belgique et son fils, au terme d’un parcours douloureux. Tourné notamment au parc économique de Hermalle-sous-Huy, le film est sélectionné pour représenter la Belgique aux Oscar 2011 dans la catégorie meilleur film en langue étrangère et nommé aux César 2011 dans la catégorie meilleur film étranger ; il reçoit le Bayard d’Or 2010 de la meilleure comédienne pour Anne Coesens au FIFF de Namur, le Valois 2010 du meilleur film au festival du film francophone d’Angoulême, le Prix Humanum 2010 de l’Union de la presse cinématographique belge, le prix du public mondial lors de la cérémonie de remise des prix Lumières à Paris, en 2011, tandis que le Magritte 2011 de la meilleure actrice revient à Anne Coesens, et celui de la meilleure actrice dans un second rôle à Christelle Cornil.
En 2015, celui qui travaille avec Versus production, la même maison liégeoise que celle qui produit Bouli Lanners, répond à une demande précise de Canal + qui lui confie la réalisation de Sanctuaire, un thriller qui se déroule dans les années 1983-1986, à une époque où les responsables et sympathisants des indépendantistes basques de l’ETA, particulièrement actifs dans le sud de la France et le nord de l’Espagne, sont pris pour cibles par le « Groupe Antiterroriste de Libération » (GAL). On soupçonne la présence de policiers espagnols et la complicité des autorités françaises derrière des règlements de compte meurtriers. Porté par Jérémie Renier, cette fiction politique d’un réalisme quasi documentaire a représenté au préalable pour Masset-Depasse un important travail de préparation et d’investigation ; comme avant Illégal, il se rend sur le terrain, interroge, prend la température et s’imprègne d’une atmosphère, pour offrir aux spectateurs une tranche d’histoire rarement abordée dans un téléfilm de ce genre. Sanctuaire reçoit le FIPA d’or du meilleur scénario 2015 au festival international des programmes audiovisuels de Biarritz…, l’élégante ville balnéaire de la côte basque.
Avant la pandémie de la Covid-19, le succès européen de Duelles fait surgir un projet de remake américain auquel Olivier Masset-Depasse est théoriquement associé. Ce sera Mother’s Instinct (2024), finalement réalisé par Benoît Delhomme, avec Jessica Chastain et Anne Hathaway dans les rôles principaux qu’interprétaient Veerle Baetens et Anne Coesens. Connaissant une expérience américaine cauchemardesque et ne se disant pas attiré par le monde du cinéma français, le réalisateur considère le genre du thriller comme une façon de continuer le film d’auteur en perte d’audience dans un marché du cinéma en pleine mutation.
Courts métrages
Chambre froide (2000)
Dans l’ombre (2004)
Longs métrages
Cages (2007)
Illégal (2010)
Sanctuaire (téléfilm pour Canal+, 2015)
Duelles (2018)
Largo Winch 3 : Le Prix de l’argent (2024)
Sources
Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de presse (-12/2024), dont Le Soir, 7 octobre 2006, 7 août 2024
Richard Olivier, Big Memory. Cinéastes de Belgique, s.l., Les Impressions nouvelles, 2011, p. 226-227
https://www.cinergie.be/personne/masset-depasse-olivier
https://www.cinergie.be/actualites/chambre-froide-d-olivier-masset-depasse (s.v. janvier 2025)