Plateau Joseph

Culture, Cinéma

Bruxelles 14/10/1801, Gand 15/09/1883

« Trois personnalités, nées ou ayant travaillé en Wallonie, ont contribué à l’invention du cinéma : Robertson, Plateau et Dumont » (Mélon, p. 315). On est là dans l’archéologie du 7e art, au moment où, après des siècles à vouloir donner un mouvement aux images, de réelles expérimentations conduisent enfin les hommes à réaliser ce rêve. Parmi les pionniers, Joseph Plateau occupe une place majeure pour avoir inventé le stroboscope.

Fils de l’artiste-peintre Antoine Plateau, le jeune Joseph Plateau est destiné à suivre l’exemple paternel quand il est inscrit dans une académie de dessin. Orphelin en 1815, il retrouve un enseignement classique quand il est accueilli par un oncle. À l’Athénée de Bruxelles, puis à la toute récente Université de Liège (1822), le jeune Plateau se révèle si doué qu’il attire sur lui l’attention d’Adolphe Quetelet. Après une année en philosophie et lettres, il s’inscrit en droit et se passionne pour les sciences ; en parallèle, elle mène alors ses études en droit et en sciences physiques et mathématiques (1824), tout en prodiguant des cours de mathématiques à l’Athénée de Liège pour pourvoir à ses moyens. Le 3 juin 1829, la dissertation qui lui procure son titre de docteur en sciences à l’Université de Liège est consacrée à Quelques propriétés des impressions produites par la lumière sur l’organe de la vue

Ce parcours brillant est cependant assombri par un accident de santé survenu lors d’une expérimentation faite au cours de ses études : il abîme irrémédiablement sa vue après avoir observé trop longtemps le soleil à l’œil nu. Après une période de repos à Bruxelles (1830), il reprend ses activités. Professeur à l’Institut Gaggia, un des plus importants établissements d’instruction de la nouvelle Belgique, il est incité par Quetelet à postuler pour la chaire de physique expérimentale de l’Université de Gand. Chargé de l’enseignement de la physique dès 1835, il est nommé professeur ordinaire dans cette université d’état en 1843, au moment où il devient totalement aveugle. Grâce à des collaborateurs dévoués et éclairés (Lamarle, Duprez, Delbœuf, Van den Mensbrugghe et de son collègue mathématicien, P. Mansion), celui qui est l’initiateur d’une branche nouvelle de la physiologie optique continue à développer un domaine important de la physique expérimentale, tout en poursuivant ses recherches et en réalisant de nouvelles découvertes.

Suite à ses travaux liégeois sur la persistance rétinienne, Joseph Plateau met au point, en 1832, le phénakisticope, cet instrument optique qui donne l’illusion de mouvement grâce à un jeu optique, et qui est l’une des toutes premières avancées conduisant, plus tard, à l’invention du cinéma. Le phénakisticope est le tout premier appareil qui réalise la synthèse d’un mouvement à partir de plusieurs images élémentaires. En 1833, Plateau publie un article qui fait avancer la science. Quand Plateau s’applique à perfectionner son phénakistiscope (ou Fantascope), le mathématicien viennois Simon Ritter Von Stampfer invente un stroboscope, disques ajourés à regarder dans un miroir, inspirés de la « roue de Faraday » (1833). En 1834, en Angleterre, William Horner met au point un zootrope. Tous, ils utilisent le principe de la persistance de la vision avec une série de fentes pratiquées sur les côtés d’un cylindre en rotation à travers lesquelles le spectateur perçoit des images séquentielles dessinées sur des bandes de papier. Ils donnent l’illusion de mouvement d’un personnage dessiné.

Mettant encore au point son anorthoscope qu’il décrit comme une espèce d’anamorphose (1836), Joseph Plateau est aussi reconnu dans l’histoire comme l’inventeur, au même titre que Von Stampfer, de cet instrument désormais appelé stroboscope, toujours utilisé aujourd’hui dans le domaine de la physique, notamment afin de mesurer la fréquence des phénomènes. Il est également employé dans les crashs tests et, dans un domaine plus léger, celui des boîtes de nuit.

En 1849, Joseph Plateau et son équipe décrivent la stéréoscopie appliquée aux images animées et proposent l’utilisation de photographies pour la reconstitution du mouvement. Il s’agit d’une nouvelle étape importante dans l’histoire de l’invention du cinéma. Il est alors contacté par le physicien et inventeur anglais Charles Wheatstone, inventeur du premier télégraphe électrique en 1838. Il s’agirait de « combiner le principe du stéréoscope avec celui du phénakistiscope ». Les formes « peintes sur le papier seraient inéluctablement vues en trois dimensions et en mouvement [et] présenteraient ainsi entièrement toutes les apparences de la vie. Ce serait l’illusion de l’art poussée à son paroxysme ». Wheatstone propose en outre à Plateau d’utiliser pour l’appareil seize daguerréotypes stéréoscopiques d’une figure en plâtre déplacée progressivement. « Cela demanderait sans doute un long effort, écrit Plateau, mais il serait récompensé par la nature merveilleuse des résultats ». Il n’existe cependant aucune preuve que Plateau ait poursuivi le développement d’un phénakistiscope stéréo. Mais sa contribution majeure à l’invention du cinéma ne fait aucun doute.

 

Sources

Marc-Emmanuel Mélon, Le cinéma et les arts audiovisuels, dans Bruno Demoulin (dir.), Histoire culturelle de la Wallonie, Bruxelles, Fonds Mercator, 2012, p. 315-317
Ray Zone, Stereoscopic cinema and the origins of 3-D Film 1838-1952, Presses universitaires du Kentucky, 2007, p. 28-30
Maurice Dorikens, En exergue de la physique : Joseph Plateau, dans Robert Halleux (dir.), Histoire des sciences en Belgique, 1815-2000, Bruxelles, Dexia/La Renaissance du Livre, 2001, t. 1, p. 117-124
Paul Brien, Joseph Plateau 1801-1884, dans Florilège des sciences en Belgique pendant le XIXe et le début du XXe siècle, Bruxelles, Académie de Belgique, Classe des sciences, 1968, p. 185-204
Charles BergmansPlateau (Joseph-Antoine-Ferdinand), dans Biographie nationale, Bruxelles, 1903, t. XVII, col. 768-788
Gustave Van der MensbruggheJoseph-Antoine-Ferdinand Plateau, dans Annuaire de l’Académie de Belgique, Bruxelles, t. 24, 1885, p. 389