Henri Hurard


Verviers 25/12/1876, Verviers 02/01/1943

Né à Verviers, dans une petite maison de la rue du Canal, dans la nuit du 24 au 25 décembre, Henri Hurard semble avoir nourri très tôt, à l’égard du théâtre, une affection toute particulière : ses anciens condisciples se souviennent des marionnettes qu’il agitait avec ses doigts à partir de simples mouchoirs de couleur. Les punitions dues aux dissipations fréquentes de la classe ont renforcé la motivation de l’auteur de ces guignols improvisés. à l’entame des années 1890, nourri des pages de Lu Clabot – la gazette satirique liégeoise –et des représentations théâtrales auxquelles il assiste à « la Lyre ouvrière » de Hodimont ou à la « Société bien en mieux » de Verviers, il monte sur scène, sous le regard attentif de son parrain, François Thimister. Sous la direction de Pierre Limbourg, il joue au cercle des « Jeunes ouvriers » ; il commence aussi à écrire des chansons, des monologues, des poésies, en langue wallonne. Avec tous les défauts attribuables au débutant, sa toute première comédie date de 1894 (I-a des savates po tos) ; elle en annonce une soixantaine d’autres pièces, comédies, tableaux populaires et opérettes, où se révèle progressivement un réel talent.

Exerçant le métier de représentant de commerce, Henri Hurard va s’affirmer, au début du XXe siècle et surtout durant l’entre-deux-guerres, comme l’un des plus grands auteurs dramatiques wallons, contribuant avec Henri Simon, Georges Ista, Clément Déom, Joseph Durbuy et autres frères Legrand, à une des périodes les plus fastes de la dramaturgie dialectale.

Observateur de la société, il réussit à transposer avec art et humour les truculences de ses contemporains, ridiculisant leurs travers et stigmatisant leur hypocrisie, tout en se penchant sur la condition des plus humbles. S’il est volontiers frondeur et un tantinet caustique dans certaines œuvre, Hurard sait aussi être sentimental, voire moralisateur dans d’autres, le poète n’étant jamais bien loin.

Dans Les brîbeûs, il dépeint certains fainéants et dévoyés qui en ont fait… leur métier ; dans Ine Treuzin-me-Haute, il met en scène un caquetage de commères qui se termine en bagarre, non sans avoir exhumé des expressions à l’emporte-pièces fort imagées... Parnassien, il est le premier à aborder dans le théâtre wallon le thème de l’adultère, avec sa comédie Aux vérts Volets, en 4 actes, qui est présentée au théâtre wallon du Trocadéro à Verviers pendant quinze jours en 1924, et qui sera son œuvre de référence ; à de multiples reprises, encore après la Seconde Guerre mondiale, cette pièce où alternent des scènes tantôt gaies, sentimentales, douces amères et pleines de rebondissements autour d’une « servante devenue maîtresse », sera jouée sur les planches de Wallonie, ou diffusée sur les ondes de la radio « nationale », aux temps où la RTB retransmettait les spectacles en wallon.

Se risquer à citer l’une ou l’autre des compositions de Hurard, c’est maintenir toutes les autres dans l’ombre (Mau-pinsante, 1903 ; Gâtêye, 1904 ; La vîle matante, 1905 ; Les Mendiants, 1926 ; Toumas Berwète, conseiller communal,1927…). Or, il a reçu pas moins de 32 prix du gouvernement, la médaille d’or – la plus haute distinction du concours de la Société liégeoise de littérature wallonne – revenant à son Lu bon bèrdjî (1923). Chevalier de l’ordre de la couronne, il avait aussi reçu la médaille en vermeil (Les Plomes, 1922), cinq médailles d’argent et dix médailles de bronze. Certaines de ses compositions ont été traduites en français et en flamand. Ayant arrêté d’écrire en 1936 (Fin Marlou), il reprit sa plume pour Marièdje di Guère, créée au Trocadéro, à Verviers, en 1942.

Celui qui avait contribué à la création de la Ligue wallonne de Verviers, avant la Grande Guerre, n’entendait pas faire de la politique ; il portait son regard critique sur la société à travers ses créations et dans les activités qu’il menait au sein de nombreuses sociétés culturelles. Membre titulaire de la Société liégeoise de littérature wallonne, secrétaire-correspondant de l’Union des Scriyeûs, et régisseur du cercle littéraire L’Élan wallon, il apporta son écot à plusieurs journaux et revues, notamment L’Écho wallon, Franchimont et Le Réveil wallon. En 1913, il est l’auteur de Lu Coq walon, poème qu’il dédie, en 1914, à la Ligue wallonne de Verviers. Mis en musique par François Gaillard, Lu Coq wallon a été interprété par la chorale L’Emulation, lors de la toute première fête de Wallonie, organisée à Verviers, en septembre 1913.

En 1946, le cercle littéraire verviétois « Li vi Tchène », dont Hurard était le vice-président apprécié, décide la création d’un prix biennal portant son nom, doté de 1.000 frs, destiné à couronner une comédie en un acte, en hommage à l’enrichissement qu’il a apporté au patrimoine littéraire wallon.

Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de presse, dont La Meuse, 22 septembre 1913, p. 3 et Le Journal de Verviers, 26 janvier 1943, p. 1
Paul COPPE et Léon PIRSOUL, Dictionnaire bio-bibliographiques des littérateurs d’expression wallonne (1622-1950), Gembloux, Duculot, 1951, p. 214
Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. II, p. 825
Martine WILLEMS, dans Bruno DEMOULIN (dir.), Histoire culturelle de la Wallonie, Bruxelles, Fonds Mercator, 2012, p. 154
Maurice PIRON, Anthologie de la littérature dialectale (poètes et prosateurs), Liège, Mardaga, 1979, p. XII ; 386

Quelques publications

L’amoûr au viyèdje (1900)

Ruv’nou (1902)

Po s’fré

Mau-pinsante (1903)

Gâtêye (1904)

La vîle matante (1905)

Lu may d’amoûr

Mônôke

Pauvrès djins

Dju l’aurè

Mais l’coûr djasa

Bordons d’vîlèsse

En villégiature

L’èhale

Valet manqué

Lu feû d’tchansons

Artisse

Les Plomes (1922)

Lu bon bèrdjî (1923)

As vèrts Volets (1924)

Come su grand-père

Les Mendiants (1926)

Thomas Berwette (1927)

Paul Delforge, novembre 2021