Warocqué Raoul

Socio-économique, Entreprise

Morlanwelz 04/02/1870, Bruxelles 28/05/1917

Le nom de Warocqué évoque immanquablement, au XIXe siècle, une dynastie d’entrepreneurs qui a fait fortune dans le charbon. Au XXIe siècle, il renvoie à un musée, celui de Mariemont, dont les riches collections ont été réunies et léguées par Raoul, dernier des Warocqué.

Venu de Mons à Morlanwelz pour créer les charbonnages de Mariemont, Nicolas (1773-1838) inaugure, avec le siècle naissant, une dynastie industrielle implantée sur les ruines du domaine royal qu’avait fait construire Marie de Hongrie, l’ancienne gouvernante des Pays-Bas (milieu du XVIe siècle). Fils de Nicolas, Abel Warocqué (1805-1864) hérite de l’entreprise familiale qu’il agrandit par l’achat de la moitié des charbonnages de Bascoup à Chapelle-lez-Herlaimont. Arthur (1835-1880) prend la relève de son administrateur délégué de père. C’est ensuite au tour de Raoul ; orphelin de son père à l’âge de dix ans, il se retrouve – à sa majorité – à la tête d’une fortune considérable, fruit du travail harassant de centaines de gueules noires. Se tournant vers d’autres charbonnages (Courcelles-Nord, Ressaix et Grand-Hornu), R. Warocqué n’hésite pas à souscrire aux participations de plusieurs sociétés qui se préparent à exploiter les mines de Campine. Sa mort, en 1917, ne permettra pas à celui qui était devenu président de l’Association des concessionnaires d’assister à la toute première extraction de houille limbourgeoise. Par ailleurs, ce grand propriétaire terrien de la région du Centre prend aussi des participations nombreuses dans d’autres secteurs d’activités tant en Wallonie qu’à l’étranger (énergie, aciérie, chemin de fer, etc.). Il se détourne cependant de l’entreprise coloniale.

Patron philanthrope et paternaliste, franc-maçon affichant un anticléricalisme radical, patriote et royaliste, Raoul Warocqué se lance en politique. À l’Université libre de Bruxelles où il étudie le Droit pendant quatre ans, il fait partie de la Jeune Garde libérale. Dans le Hainaut, il encourage la création de sections libérales et, en 1896, il se fait élire conseiller provincial du Hainaut (1896-1900). En 1900, il est tour à tour élu député de l’arrondissement de Thuin (1900-1917) et conseiller communal de Morlanwelz. D’emblée, il devient le bourgmestre de l’entité (1901-1917). Il s’appuie également sur un journal, Les Nouvelles, qu’il a créé. Réduit à l’opposition durant toutes les années passées à Bruxelles, il est un parlementaire discret qui dépose quelques propositions de lois à caractère social tout en s’opposant au droit de grève; ses interventions les plus remarquées concernent la reprise du Congo, le service militaire, l’instruction obligatoire et... les charbonnages. Inscrivant sa philanthropie et son mécénat dans une même perspective politique, il fait ouvrir des chauffoirs à Bruxelles (1891) avec distribution de soupe et de pain, il accorde des dons à l’Université libre de Bruxelles (pour la construction de l’Institut d’anatomie), soutient l’École des Mines et fonde l’Institut commercial des Industries du Hainaut (qui deviendra la Faculté Warocqué de Sciences économiques au sein de l’Université) à Mons, ainsi que l’Athénée du Centre (à Morlanwelz), un orphelinat, une crèche, une maternité... Il apporte encore sa quote-part généreuse dans l’organisation des expositions universelles de Bruxelles (1897 et 1910) et de Charleroi (1911).

Grand voyageur (Russie, Chine, Japon, Egypte, Indes, ainsi qu’en Europe), Raoul Warocqué est enfin un grand collectionneur, amateur d’antiquités et d’archéologie (Egypte, Grèce, Rome, mérovingien…). Conseillé par quelques grands spécialistes de son temps, Warocqué achète aussi selon ses coups de cœur : celui qui veut mesurer l’intérêt et l’importance de cette collection privée aura sa curiosité satisfaite par la visite du musée de Mariemont. Porcelaines, sculptures, livres précieux, objets de fouilles, médailles… devaient être cédés aux tout jeunes Musées royaux d’Art et d’Histoire : célibataire, le dernier de la lignée Warocqué en avait décidé ainsi. Mais quand un ministre catholique refuse la nomination du brillant Franz Cumont à l’Université de Gand parce que libéral, Raoul Warocqué change d’avis et décide que tout son patrimoine restera à Mariemont. Agrandi pour accueillir les nouvelles acquisitions, le château familial est détruit par un incendie en 1961 et c’est dans un nouveau bâtiment moderne, construit dans la vaste propriété, que se développent actuellement les activités du Musée de Mariemont, autour des pièces étonnantes et disparates de la collection Warocqué.

Sources

VAN DEN EYNDE Maurice, Les Warocqué. Une dynastie de maitres-charbonniers, Bruxelles, Labor, 1984
POTELLE Jean-François, Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000
FAIDER Paul, Biographie nationale, t. 27, col. 95-99
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. IV
La Wallonie à l’aube du XXIe siècle, Namur, Institut Destrée, Institut pour un développement durable, 2005

Mandats politiques

Conseiller provincial du Hainaut (1896-1900)
Conseiller communal de Morlanwelz (1901-1917)
Bourgmestre (1901-1917)
Député (1900-1917)