Le coq, emblème de la Wallonie

S’il est bien un symbole incontestable de la Wallonie, un élément qui la représente et la caractérise a priori, une référence qui l’identifie sans hésitation aux yeux de sa population et de ses partenaires, c’est indiscutablement le coq … wallon.

Cette position, l’emblème wallon l’a conquise en un siècle, porté par une adhésion populaire croissante, depuis ses origines militantes jusqu’à la reconnaissance officielle par les autorités régionales.


Autoportrait d’un peuple

Comme le rappelait Corinne Godefroid, conservatrice du Fonds d’Histoire du Mouvement wallon, dans son article relatant les premiers pas du coq hardi, « se choisir un emblème est une chose délicate : ce choix reflète la situation d’un peuple ; c’est un miroir qui nous montre comment il se voit et comment il souhaite être perçu par les autres » (1).

Même si l’emblème wallon s’impose aujourd’hui comme une évidence, il convient, en effet, de parler de choix, à son égard. Un choix qui, d’emblée, témoigne des options retenues par les premières manifestations du Mouvement wallon.

En adoptant le lion des Flandres – popularisé par le roman d’Henri Conscience – dans les années 1890, la Flandre n’avait pas considéré comme un obstacle de créer son unité emblématique derrière un passé qui n’était pas partagé – loin s’en faut – par tous les locuteurs belges d’un dialecte thiois. L’emblème du Comté de Flandre fut ainsi étendu aux Anversois, aux Brabançons (flamands) et aux Limbourgeois, donnant symboliquement, a posteriori, à la Flandre historique les dimensions de la Belgique néerlandophone.

La Wallonie aurait pu, elle aussi, solliciter l’Histoire et, par exemple, étendre les limites de la millénaire principauté de Liège à l’ensemble des provinces wallonnes. Il n’en fut rien et, tout comme François-Charles-Joseph Grandgagnage avait forgé, en 1844, le terme fédérateur de « Wallonie » pour désigner le territoire occupé par ceux que l’Histoire avait baptisé « Wallons », le jeune Mouvement wallon se chercha un emblème unificateur auquel tous les Wallons puissent se rattacher et dont la symbolique rendrait l’âme d’un peuple.


Faut-il un drapeau wallon ?

Force est de reconnaître que la recherche fut particulièrement approfondie, au point de commencer par poser la question de l’opportunité même d’un drapeau propre aux Wallons.

En effet, pour les militants des origines, le drapeau des Wallons, c’est le drapeau belge des origines. C’est l’étendard brandi contre les Hollandais et leur volonté de néerlandisation ; celui de la Belgique francophone issue de l’Indépendance.

Pourtant, ce sentiment faiblit rapidement, avec les premières victoires du flamingantisme et l’évanouissement du mythe d’une Belgique unie autour de la langue française.

Dans les dernières années du XIXe siècle, la cause semble entendue au sein des milieux wallons les plus conscientisés. Le « Pacte de 1830 » est rompu et l’on pleure la Révolution « trahie » par les menées flamingantes. Dès lors, pour les militants, le drapeau officiel de la Belgique apparaît comme celui d’un pouvoir central dans lequel la Wallonie ne peut plus se reconnaître entièrement.

Organe de la Ligue wallonne de Liège, L’Ame wallonne montre clairement, en septembre 1898, un processus de transition mentale qui, sur le plan des symboles, traduit parfaitement l’évolution qui fera passer le Mouvement wallon de la défense d’une Belgique unitaire francophone à la promotion d’une Wallonie autonome dans un cadre belge « fédéralisé ».

« Le drapeau que nous déployons aujourd’hui dans nos fêtes nationales n’est pas le drapeau de 1830. Ce drapeau est adopté en 1834 […]. Le vieux drapeau de 1830, celui qui flottait sur les rangs de Volontaires belges, lors des Journées de Septembre […] a ses trois couleurs à la hampe, le noir au-dessus, le rouge en-dessous et le jaune au centre […]. Wallons, dans toutes les circonstances où nous aurons à déployer notre drapeau, déployons fièrement notre vieux drapeau de 1830. Ce sera une protestation significative contre les agissements flamingants » (2).

Cette volonté de demeurer fidèle à la Belgique de 1830 et la crainte de passer pour de « mauvais Belges » marquent les premiers temps de la prise de conscience wallonne. Elles semblent encore déterminantes lors du Congrès wallon de 1905   organisé par la pionnière Ligue wallonne de Liège, présidée par Julien Delaite   qui sera pourtant un jalon essentiel de l’affirmation identitaire de la Wallonie.

C’est dans ce cadre que le Tournaisien Paul Gahide pose, pour la première fois, la « question de savoir s’il n’y aurait pas lieu de déterminer la forme et les couleurs d’un drapeau wallon qui flotterait à côté du drapeau national dans toutes nos fêtes et dans toutes nos manifestations » (3).

Même si des mouvements pionniers comme la Ligue wallonne de Liège réfléchissent depuis 1899 à l’idée d’un drapeau autour duquel les Wallons pourraient se rallier, l’accueil est hésitant. D’aucuns   comme Hector Chainaye, Président de la Ligue wallonne du Brabant   y voient un excellent moyen de propagande mais beaucoup balancent encore, pris entre leur double attachement au symbole de 1830 et aux drapeaux arborés par les villes wallonnes.


Premiers battements d’ailes

Pourtant le débat est lancé. Il demeurera vivace, nourri par les tensions « communautaires » qui se succèdent au sein d’une Belgique qui ressent de plus en plus la prédominance flamande.

Dès ce moment, alors que les questions du drapeau et de l’emblème font leur chemin de pair, le coq apparaît et s’impose naturellement chez certains.

En décembre 1907, dans l’hebdomadaire militant Le Réveil wallon, un correspondant revient sur la question du drapeau, demeurée ouverte. Il affirme à ce propos : « L’emblème existe. C’est le coq » (4) et exprime son souhait de le voir figurer au cœur des couleurs bleu, blanc, rouge arborées à Jemappes.

Durant ces années, il est d’ailleurs beaucoup question de Jemappes et de la première victoire extérieure de l’armée républicaine française, en 1792. Ainsi, lorsqu’en 1911, un monument est inauguré pour commémorer cet événement symbolisant la fin de l’Ancien Régime dans nos régions, c’est un coq de bronze de trois mètres qui se trouve « tout naturellement » placé au sommet de l’obélisque.

Dès cette époque, l’association du fier gallinacé avec le combat wallon est manifeste, comme en témoigne, notamment, le vibrant discours prononcé par Jules Destrée lors de la cérémonie inaugurale :

« Chante coq gaulois, coq wallon !  Jette au loin ton cri d’éveil et d’espérance !  Dis ta fanfare allègre au travers des campagnes !  Donne aux trop endormis un sursaut de révolte !  Par l’amitié française et leur propre énergie, les Wallons d’aujourd’hui voudront vivre leur vie ! » (5).

C’est ce coq toujours, chantre du combat wallon, qui fait son apparition au fronton de différentes revues littéraires ou politiques, éditées dans la mouvance wallonne, au point de devenir l’attribut naturel de la Wallonie.


Les débats de l’Assemblée wallonne

Les esprits sont donc mûrs lorsqu’en 1912 les représentants du mouvement wallon optent pour la première fois officiellement pour le fédéralisme – encore pudiquement appelé « séparation administrative »   et créent l’Assemblée wallonne, premier parlement – officieux   de la Wallonie.

Celle-ci est constituée le 7 juillet 1912 à Namur - « Ville la plus centrale de Wallonie » - mais c’est à Charleroi qu’elle se réunit en séance plénière, le 20 octobre, pour répartir son travail en commissions, selon la pratique en vigueur dans les parlements officiels.

La question du drapeau et du blason, de même que celle de la fête et de l’hymne, sont confiées de la Commission de l’Intérieur, présidée par l’avocat carolorégien Paul Pastur, homme politique socialiste, militant wallon et grand promoteur de l’enseignement en Hainaut.

Pour alimenter la réflexion sur ces quatre thèmes, un questionnaire est envoyé aux membres. Ses deux premiers points concernent directement le coq.

1) « Drapeau – Faut-il adopter un drapeau existant ou en créer un nouveau ? Faut-il prendre dans le drapeau belge les couleurs jaune et rouge qui sont celles de Liège ?  Ou le rouge et le vert ?

2) Insigne ou armes – Convient-il d’adopter un insigne héraldique analogue au lion de Belgique ? On a proposé le perron liégeois, une étoile, le coq, l’alouette, le taureau, le sanglier, l’écureuil ? » (6).
 
Largement diffusé et repris dans la presse militante, ce questionnaire va susciter de nombreuses réactions et stimuler l’imagination wallonne.

Un rapport complet (7) sur la question est ainsi présenté par l’écrivain Richard Dupierreux, secrétaire de Jules Destrée, lors de l’Assemblée générale de Mons, le 16 mars 1913.

Ce rapport et la discussion qui s’en suit vont jouer un rôle déterminant dans l’adoption du coq comme emblème wallon, même si ce favori doit encore triompher d’autres candidats, parfois reconnus, parfois plus fantaisistes.


Le bestiaire de l’imaginaire wallon (8)

Il semble, en effet, que l’« appel à candidatures » lancé par l’Assemblée ait stimulé les imaginations, ravivant la flamme de symboles « historiques » et suscitant l’émergence de nouveaux prétendants.

Trois possibilités sont ainsi envisagées.

D’abord, conserver les blasons existants des quatre provinces wallonnes, accompagnés de ceux des Villes de Nivelles   il n’existe pas encore de province du Brabant wallon   et de Tournai. Destrée, notamment, ayant insisté sur l’importance d’un choix qui « puisse devenir aisément populaire » et qui soit « simple et peu compliqué », cette compilation ne peut guère convenir.

Ensuite, reprendre un emblème historique. Dans cette option, le perron, symbole de la liberté communale et de résistance à l’oppression, a de quoi séduire. Pourtant, sa très grande identification avec la principauté de Liège, si elle le rattache à une longue tradition historique, finit par le desservir, compte tenu des difficultés qu’il y aurait à le faire accepter aux autres villes et régions wallonnes.

Dans cette veine historique également, le lion, absent du rapport, fait entendre son rugissement au cours des débats. Il figure dans les blasons de toutes les provinces et dans celui de nombreuses communes wallonnes. Son association désormais trop manifeste à la Flandre le rend cependant inapte à exprimer les aspirations de la Wallonie qui, elle aussi, s’affirme.

Enfin, troisième possibilité envisagée, distinguer un des prétendants nés des cogitations suscitées par le sondage de l’Assemblée. En soulignant leur intérêt, le rapport les écarte du fait qu’ils ne traduisent pas l’image que les Wallons ont et veulent donner d’eux-mêmes.

Le sanglier est esthétiquement adéquat et rappelle la force et les forêts où se conserve « un peu d’âme de chez nous » mais il incarne aussi la colère aveugle et la persécution. Ajoutez à cela qu’il avait servi à désigner les révoltés flamands au XIVe siècle et les raisons sont jugées suffisantes pour laisser le sanglier aux Ardennes.

L’étoile, symbole de l’espérance lointaine, n’incarne guère mieux un Mouvement wallon impatient de voir restaurer les droits de la Wallonie. Seule, elle est associée au Congo ; au nombre de quatre, pour les provinces, elles abandonnent le Roman Pays de Brabant.

L’alouette, symbole chrétien de la vertu et de la charité, ne traduit pas pleinement non plus l’image que les Wallons veulent offrir. Elle demeure citée pour mémoire.

Le taureau, à la fois force brutale et « haute patience soumise à un joug pesant », ne convainc pas davantage le rapporteur.

L’écureuil n’y parvient pas davantage car, si sa vivacité traduit bien la pétulance et l’individualisme wallons, sa timidité s’oppose à la sociabilité des habitants de Wallonie. La sympathie suscitée par le « spirou » ne suffira donc pas à en faire un emblème officiel.

Enfin, proposé en séance par un inspecteur de l’enseignement agricole d’Ath, l’étalon, malgré ses avantages, ne coiffera pas ses concurrents aux poteaux.

L’animal qui apparaît le plus adéquat au rapporteur est donc, sans conteste, le coq.

A noter, cependant, la réaction initialement peu favorable de Léonie de Waha, fondatrice de l’Union des femmes de Wallonie, qui, en mars 1913, écrit aux membres de l’Assemblée wallonne : « Pourquoi s’obstiner à vous faire représenter par une bête ?  Tous les animaux sont insignes monarchiques ou seigneuriaux. Nous n’allons pas, au XXe siècle, puiser dans cet arsenal d’un autre âge » (9). Et la républicaine liégeoise de préciser qu’elle eut préféré … le perron.

Ceci n’empêchera pas l’Union des Femmes de Wallonie de jouer un rôle important dans la diffusion rapide du coq après son adoption, de même que dans la popularisation de la gaillarde, fleur de Wallonie que l’Union diffusera et dont le succès méritera la reconnaissance de l’Assemblée wallonne en mars 1914 (10).


Le coq a la cote

Un consensus se dégage donc assez naturellement autour du coq comme emblème héraldique. Cette adhésion rapide et générale des militants wallons s’explique sans doute à la fois par la symbolique de l’animal et l’usage qu’en a fait l’histoire.

Symbole solaire par excellence, dont le chant appelle l’aurore, le coq s’impose dès l’Antiquité. Attribut d’Apollon chez les Grecs, associé à Athéna–Minerve et à Esculape   le Dieu guérisseur   dans le panthéon greco-latin, il est aussi l’attribut de Lug, l’important « Mercure gaulois ».

Ces vertus lui sont tout autant reconnues par le catholicisme qui lui attribue le capacité de faire reculer les démons et l’associe à un pouvoir guérisseur. A en croire Saint Ambroise, « il allège les souffrances des malades, calme les douleurs des blessures et fait tomber la fièvre ». Symbole du reniement de Pierre et de son repentir, il sera hissé sur le cloché de l’Eglise par Ramper, évêque de Brescias, dès le IXe, puis sur la basilique Saint Pierre par le pape Léon IV, avant de se généraliser dans tout l’Occident chrétien et particulièrement en Gaule, renforçant ainsi son implantation au sein du « petit peuple ».

Par ailleurs, cette association du coq à la Gaule trouve un fondement lointain dans le rapprochement opéré par Suétone dans sa Vie des douze Césars. Gallus signifiant à la fois « coq » et « Gaulois », il n’en avait pas fallu plus pour que le gallinacé soit promu emblème « national » d’une population qui n’eut pourtant jamais d’unité politique. Redécouverte et exploitée au Moyen Age par les ennemis de la France, cette identification sera reprise sur un mode beaucoup plus positif par les intéressés. Utilisé, depuis lors, pour symboliser le royaume de France aux XVI et XVIIe siècles, le coq survit à l’Ancien Régime. Emblème largement utilisé par la Première République, il s’efface au profit des aigles napoléoniennes puis des Lys de la Restauration. Renaissant de ses cendres sous la Monarchie de Juillet, il demeure en service sous la Deuxième République. En exil sous le Second Empire, il retrouve sa patrie sous la Troisième République pour faire face à l’aigle allemand. Le coq est donc bien vivant à la veille du XXe siècle et s’affiche tant sur les pièces de monnaie que sur les nouvelles grilles de l’Elysée ou à l’entrée de l’Exposition universelle de Paris, en 1900.


Du coq gaulois au coq wallon

Cela, les lettrés le savent et les militants wallons du début du nouveau siècle en ont pleinement conscience, sensibles qu’ils sont à la civilisation latine, au prestige de la culture française et aux idéaux de la République.

Ces éléments avaient influencé l’érection du monument de Jemappes, ils ont sans doute pesé dans l’unanimité qui se fait, ensuite, assez naturellement, au sein de l’Assemblée wallonne.

Il est cependant à noter que cette adhésion spontanée de la « celtique » Wallonie à son emblème comportait le risque de voir ce choix mal ou tendancieusement interprété par d’aucuns. De la francophilie, sincère et affichée, aux accusations d’irrédentisme   que la grande majorité des militants wallons récuse sincèrement   la marge est étroite. Les « représentants » sont donc bien conscients de la nécessité de couper court d’emblée à toute critique.

Dans son rapport, Dupierreux note ainsi que « depuis 1789, le coq a été par intermittence, l’animal emblématique de la patrie française […]. L’adopter à notre tour serait peut-être prêter le flanc aux attaques de ceux qui nous suspectent d’idées qu’aucun de nous ne partage ». Et de préconiser une solution qui sera suivie : « le coq français est chantant, la tête droite et le bec ouvert ; adoptons le coq hardi dont la dextre est levée ; le dessin héraldique en est aussi nerveux et la nuance pourra satisfaire tout le monde ».

Coq chantant (français)

Coq hardi (wallon)


L’Assemblée en voit de toutes les couleurs

Si l’accord sur l’emblème est donc assez consensuel, il en va tout autrement sur la question des couleurs du drapeau, que celui ci intègre ou non l’emblème héraldique.

Pour le rapporteur, il convient de distinguer le blason – où il place le coq   du drapeau. Ce dernier devrait, en outre, éviter les étoffes trop « riches et chatoyantes » pour pouvoir faire l’objet d’une production de masse.

Alors qu’une majorité des membres de la commission inclinent pour le rouge et le jaune, le rapporteur Dupierreux les écarte comme trop clairement liégeois, suivant l’objection déjà opposée au perron. Pour lui, l’ajout du blanc « concilierait la plupart des desiderata et éviterait la maigreur d’une bannière bipartite ».

Trace toujours présente de la crainte d’être taxé de « mauvais Belges », le rapport suggère de cravater ce drapeau aux couleurs nationales et d’y faire figurer les dates de 1830, pour une Révolution et une Indépendance qu’on revendique, et 1912, pour commémorer la création de l’Assemblée wallonne.

L’emblème serait donc distinct du drapeau, reporté sur un blason fait d’un coq hardi d’or, armé d’argent sur champ de gueules, soit, en des termes moins héraldiques, d’un coq jaune aux griffes blanches sur fond rouge.

Les débats sur le drapeau ont lieu l’après-midi (11), dans une précipitation certaine et aboutissent à l’abandon de la proposition du rapport au profit d’un drapeau unicolore blanc frappé d’un coq rouge.

La confusion des débats du 16 mars 1913 à Mons pousse Jules Destrée à demander la confirmation du vote lors de la réunion du 20 avril, dans une atmosphère plus sereine.

Le délai donne l’occasion aux Liégeois, qui avaient renoncé au particularisme de leur perron, de revenir à la charge sur la question des couleurs, en mettant en cause l’opportunité d’un drapeau blanc qui évoque curieusement le Japon et dont Léonie de Waha mettait aussi très pragmatiquement en doute l’usage pratique.

« Un mot du linceul, pardon, du drapeau blanc (celui des royalistes français). Il sera joli à Liège, à Charleroi, dans le Borinage !  Il faudra le lessiver tous les jours. Quelle dépense de savon […]. Pourquoi ne pas adopter […] le rouge et le jaune placés n’importe comment ?  Ce sont de belles couleurs, vives et gaies, comme le caractère wallon » (12).

Dès lors, à la réunion du 20 avril, un rapport complémentaire (13) conclut sur une alternative : soit un drapeau jaune, rouge et blanc, reportant le coq au blason, soit un drapeau au coq rouge sur fond or.

Les débats (14) reprennent sur cette base et voient notamment s’opposer des Carolorégiens comme Emile Buisset et Arille Carlier   qui souhaitent la confirmation de la décision du 16 mars et donc le drapeau blanc frappé d’un coq rouge   et des Liégeois comme Albert Mockel qui feraient pencher la balance vers le drapeau tricolore sans emblème.

Au final, lors du dépouillement des votes, c’est le drapeau jaune au coq rouge qui sort victorieux, dans des conditions confuses dont les sources conservées rendent assez mal compte.

Destrée avait souhaité ce second vote du 20 avril pour clore toute polémique, l’objectif est manqué, du moins dans un premier temps. En témoignent les protestations virulentes de personnalités comme le Carolo Arille Carlier pour qui « tout le mal est venu des Liégeois qui ne veulent voir partout et toujours que le pays de Liège. Ils font fi des susceptibilités locales ; ils ne savent pas distinguer entre la Wallonie et la Ville des Princes Evêques » (15).


Consécration du coq wallon

Le vote n’en est pas moins irrévocable et Jules Destrée, Secrétaire de l’Assemblée wallonne, fait publier dans son organe, « La Défense wallonne », un décret stipulant :

« Art. 1. La Wallonie adopte pour drapeau le coq rouge sur fond jaune, cravaté aux couleurs nationales belges.

Art. 2. Les armes seront le coq hardi de gueules sur or, avec le cri : Liberté et la devise : Wallon toujours » (16).

Par son premier parlement officieux, la Wallonie se dote, ainsi, « officiellement » d’un drapeau.

Ce résultat est obtenu au terme d’un débat passionné et parfois confus mais l’objectif de Destrée, à savoir que la décision adoptée soit « hors de toute contestation ultérieure », n’en est pas moins rapidement atteint.

Ainsi, Arille Carlier, qui avait été le plus virulent pour dénoncer le choix des couleurs liégeoises, s’y rallie explicitement à l’occasion des fêtes de Wallonie qui suivent l’adoption du drapeau :

« Un instant, nous avions voulu, pour poser notre coq, un champ d’argent, d’une blancheur immaculée, qui eut montré la loyauté et la sincérité de nos intentions ; nos amis de Liège, berceau permanent de la résistance wallonne, nous ont demandé ce léger sacrifice, d’adopter leur champ d’or et nous n’avons pas hésité à leur reconnaître cette satisfaction légitime » (17).

Les « bassins » se réconcilient donc sur le même emblème et sur des couleurs méridionales qui, en saluant l’action pionnière de Liège dans la prise de conscience wallonne, rattachent la Wallonie à l’histoire millénaire de la principauté via l’étendard de Saint-Lambert et l’antique vexillum romain qui l’aurait précédé (18).


Morphologie d’un coq

Décrit sommairement dans le décret comme étant « hardi », le coq wallon doit encore fixer sa morphologie officielle.

Le décret confie son exécution au Président de la Commission de l’Intérieur et c’est, dès lors, à Paul Pastur qu’incombe la charge de faire réaliser le « gabarit » du coq fraîchement reconnu.

Il confie immédiatement cette tâche au peintre de la Sambre et des paysages industriels, Pierre Paulus, qui avait été remarqué lors de l’Exposition de Charleroi sur l’Art wallon et devait connaître un succès interrompu en Europe et aux Etats-Unis.

Le coq de Paulus est adopté, le 3 juillet 1913, par une commission d’artistes réunis par l’Assemblée wallonne (19).

Ceci étant, dans l’intervalle, en moins de trois mois, différentes autres représentations étaient cependant déjà sorties de l’œuf, pour les besoins de la cause.

La Ligue wallonne de Liège confie ainsi à Léon Defrecheux le soin d’en dessiner promptement un, destiné aux commerçants liégeois désireux de l’arborer le 13 juillet 1913 à l’occasion de la Joyeuse entrée d’Albert et Elisabeth. A propos de cet événement, La Défense wallonne note ainsi : « Nous avons vu des coqs de toutes les tailles, de toutes les teintes et dans toutes les positions […] regardant la hampe ou lui tournant le dos, planant tout droit sur la foule ou pendu par les pattes en l’air » (20).

Parmi ces nombreuses représentations pré-officielles, on retient généralement celle réalisée par l’architecte liégeois Georges Faniel pour le programme de la réunion des Amitiés françaises du 29 mai 1913 et qui connaît une certaine diffusion. Il convient également de mentionner, pour mémoire, la présentation, plus chargée, ornant la couverture de la première histoire du Mouvement wallon, réalisée par Edmond Schoonbroodt, Secrétaire de la Ligue wallonne de Liège, toujours en 1913.

Le « modèle » de Paulus devait pourtant rapidement mettre les militants d’accord, s’imposant tant par sa reconnaissance officielle par l’Assemblée wallonne que par ses hautes qualités esthétiques.

L’histoire avait sans doute voulu réconcilier les bassins autour de leur emblème, en mettant aux couleurs liégeoises l’œuvre d’un peintre carolo, chantre du Pays noir.

Paradoxalement peut-être, le seul questionnement ultérieur sur ce choix viendra de Paulus lui-même qui, en 1920, proposera de remplacer son « débonnaire coq de la première heure » par un « coq fâché », hérissé d’une sainte fureur contre l’Allemand exécré. Fruit d’une époque et d’un traumatisme – qui poussa également Théophile Bovy à proposer un cinquième couplet « patriotard » à son Chant des Wallons – ce coq « circonstanciel » ne sortira pas des cartons de l’artiste et de la tradition d’un Mouvement wallon qui jamais ne s’affirma dans la haine de l’autre. Mais n’anticipons pas !


Premières sorties

Si l’on avait pu s’interroger sur l’opportunité d’un drapeau wallon en 1905, il est manifeste que, moins de dix ans plus tard, celui ci répond à une véritable attente des milieux conscientisés. Sa reconnaissance officielle donne ainsi lieu à une appropriation rapide et ostentatoire.

Ainsi, entre le 16 mars et le 20 avril 1913, c’est-à-dire entre les deux décisions de l’Assemblée wallonne, le coq avait déjà été arboré au moins à deux reprises en Hainaut : à Charleroi sur une scène de music-hall et à Mons, lors de grèves pour le suffrage universel, en présence de Jules Destrée et d’Emile Vandervelde (21). Cette association des combats progressiste et wallon allait avoir un bel avenir.

En avril, l’Union des Femmes de Wallonie l’utilise pour décorer ses programmes. Il orne les brochures de la réunion des Amitiés françaises en mai. On le trouve à Nivelles, en juin, lors du septième centenaire de Ste-Marie d’Oignies et, naturellement, au congrès wallon de Liège de juillet 1913.

C’est, cependant, lors de la Joyeuse entrée du Roi Albert à Liège, le 13 juillet 1913, que le coq fait sa première sortie massive, à la fois symbolique et politique, dans le cadre d’une prise de conscience wallonne clairement affirmée dans certains milieux.

A cette occasion, le coq orne l’éventail remis à la Reine par l’Union des Femmes de Wallonie mais est surtout arboré comme l’emblème d’une population prenant conscience d’elle-même.

On peut ainsi lire dans le journal Le Peuple du 14 juillet 1913 : « Lorsque […] la foule rompt les cordons policiers protégeant le Roi, les wallonisants exaspérés profitent du désarroi pour manifester à la famille royale leurs aspirations d’indépendance. Brandissant un drapeau au coq rouge, ils se précipitent vers le landau et balancent sous le nez du Roi les couleurs nouvelles. Ils y mettent tant de convictions que les plis du drapeau frappent à la face le souverain et qu’il doit se pencher de côté pour se dégager ».

En septembre, le pari est gagné et, à l’occasion des fêtes de Wallonie, le coq a clairement conquis son statut d’emblème naturel des Wallons. L’abbé Joseph Bastin se risquera même à le hisser au clocher de l’église de Faymonville, dans la région de Malmedy, annexée à l’Allemagne depuis le Congrès de Vienne de 1815.

Force est de reconnaître que l’appropriation très large dont il fit l’objet n’est pas étrangère à cette rapide diffusion.

Les revues wallonnes dialectales ou militantes ouvrent la voie. Li Coq wallon, publié à Marcinelle de 1913 à 1914 et Le Coq hardi édité à Couillet à la même époque lancent ainsi une succession impressionnante de titres comme Le coq, Le coq chantera, Le coq du Nord, Le coq enchaîné, Le coq déchaîné, Le coq hilare, Le coq rouge, Le coq d’Aousse ou les nombreux « Coq  wallon », sans oublier les autres « Chanteclerc », tous annonciateurs de l’aube wallonne (22).

Dans la foulée de sa reconnaissance, le coq se lance dans ce que nous appellerions aujourd’hui une large opération de « marketing », se multipliant à la devanture des magasins et sur de multiples supports : timbres, images et cocardes, à la mode à cette époque.


La résistance d’un emblème

Malgré ce départ en fanfare et cette adhésion massive dépassant les espérances, le projet de doter les Wallons d’un emblème commun aurait pu être tué dans l’œuf par la Première Guerre mondiale et ses conséquences.

Le coq suit ses militants dans leur attitude irréprochable face à l’occupant et ne se trouve entaché d’aucune connotation infamante. Néanmoins, les temps sont au patriotisme belge et le drapeau tricolore du Roi Chevalier retrouve une réelle popularité.

Cependant, les faits s’imposent vite sur les premiers sentiments et, avec les avancées du Mouvement flamand et les regains de tension « communautaire », le coq récupère rapidement sa position de symbole des Wallons et de leur combat.

De même, la symbolique statuaire de l’après-guerre en Wallonie fait un usage important du coq dans les monuments aux morts rendant hommage aux soldats français. On retrouve ainsi le coq – gaulois  , notamment, sur les monuments d’Arlon, de Châtelet, d’Houdeng-Goegnies et Dolhain.

Pas d’ambigüité, en revanche, sur le coq, bien wallon, qui orne la fontaine du monument Tchantchès, élevé à Liège en 1936 et inauguré dans le cadre des fêtes de Wallonie, en présence de nombreux militants wallons.

Sans concurrent et adopté par toute la mouvance wallonne, le coq reprend donc pleinement la place à la tête du combat wallon à la veille du second conflit mondial.

Cette guerre, le coq hardi la traverse sans plus de faux pas que la première. Déjà marginaux et au ban de la société wallonne, les mouvements collaborationnistes francophones se revendiquent de l’unitarisme belge et reprennent des emblèmes étrangers à la Wallonie, comme la croix de Saint-André rexiste.

En revanche, le coq s’associe à la croix de Lorraine, incarnant la Wallonie libre au côté de la France libre du Général de Gaulle.

C’est donc sans complexe qu’il étend ses ailes après la Libération, fortifié par son attitude résistante et reconnu par toutes les tendances autonomistes, des fédéralistes modérés aux indépendantistes en passant par les aux rattachistes qui l’intègrent au centre du tricolore français.


Le coq fait son chemin

Après avoir franchi ces étapes, la voie est définitivement ouverte pour un coq hardi qui ne cesse d’étendre sa reconnaissance, chez les militants mais aussi largement dans la population et les partis politiques. A noter, en cela, le rôle déterminant joué par le Mouvement populaire wallon qui, en amenant les masses ouvrières au combat fédéraliste, répand très largement l’emblème d’une cause et d’une population.

Conséquences de ses origines, le coq wallon éprouve cependant plus de difficultés à s’imposer dans le monde chrétien. Il est vrai qu’à l’aube du Mouvement wallon, au début du XXe siècle, l’Etat unitaire donne durablement à l’ensemble du pays une majorité absolue catholique qui n’aurait pu exister dans la seule Wallonie. Rien d’étonnant donc à ce que la mouvance chrétienne ne soit guère représentée dans les premières manifestations de conscience « politique » wallonne qui connaissent, de ce fait, une large prépondérance des libéraux et des socialistes. Rien d’étonnant non plus à ce qu’à ce moment, certains au sein du clergé n’hésite pas à qualifier ce drapeau de « torchon radical-socialiste ».

Si l’on excepte quelques figures éminentes du Mouvement wallon   comme les curés malmédiens, l’écrivain franciscain Omer Englebert, l’abbé Georges de Froidmont, l’abbé Jules Mahieu puis des personnalités comme Paul Gahide, Elie Baussart, Jacques Leclerc ou Alfred Califice   il faudra du temps pour voir s’éteindre cette méfiance originelle du monde chrétien. Cette évolution ne sera d’ailleurs véritablement accomplie qu’avec la réforme de l’Etat et l’institutionnalisation consécutive de l’emblème wallon, adopté par tous les formations politiques. En ce sens, on notera qu’en janvier 2009, après que la N-VA ait utilisé le coq de Paulus pour l’une de ses campagnes peu amènes envers la Wallonie, c’est le député social chrétien liégeois, Michel de Lamotte (cdH), qui interrogera le Ministre Président afin de savoir s’il ne convenait pas que les autorités wallonnes adoptent des dispositions particulières pour préserver l’emblème officiel de la Wallonie des utilisations abusives ou vexatoires (23).


Le paradoxe du coq francophone

La réforme de l’Etat allait être longue et surtout tardive pour la Wallonie. En effet, si par les articles 107quater et 59bis, Régions et Communautés sont inscrites en même temps dans la Constitution en 1970, seules ces dernières sont mises en œuvre immédiatement, tandis que les Régions devront attendre dix ans encore leur concrétisation.

C’est dans ce contexte que le militant wallon namurois, résistant et fondateur du Rassemblement wallon, Fernand Massart, se bat dans les années 70 pour faire reconnaître le drapeau wallon par la seule instance constituée à l’époque : la Communauté culturelle française.

Dès 1972, il dépose une proposition en ce sens, visant à ce que la Communauté reconnaisse le drapeau de la (seule) Wallonie. Cette proposition fera l’objet d’un avis négatif du Conseil d’Etat pour qui il est impossible de pourvoir d’un emblème une seule partie de la Communauté française.

Fernand Massart formule alors une deuxième, puis - ne pouvant faire reconnaître un drapeau pour la seule Wallonie - une troisième proposition, relative cette fois au drapeau de la Communauté culturelle française.

Les débats ont lieu le 24 juin 1975 (24). De façon marginale, ils voient formuler des objections générales qui allaient accompagner les rebondissements de la question de la reconnaissance de l’emblème jusqu’à la fin du XXe siècle.

Ainsi, sur l’opportunité du débat, un représentant bruxellois affirme qu’il s’en voudrait « de ne pas insister sur la très grande relativité du sujet dont nous devons nous occuper ce matin, à un moment où le pays a bien d’autres préoccupations ». Une polémique à laquelle Jean-Maurice Dehousse coupera court en disant que les problèmes rencontrés par le Congrès national de 1830 étaient au moins aussi préoccupants, ce qui ne l’avait pas empêché de délibérer sur la question du drapeau national (25).

De même, c’est de manière isolée qu’on entend une députée expliquer son vote négatif par ses craintes devant une « nouvelle expression de nationalisme culturel », ne se contentant pas de considérer « ce projet comme une aimable fantaisie folklorique mais comme une innovation dangereuse » (26). Le risque de dérive nationaliste : un spectre particulièrement fantomatique mais qui allait longtemps hanter les débats parlementaires et éditoriaux sur les questions de symbolique wallonne.

De manière beaucoup plus approfondie, les débats tournent autour de deux questions, à savoir l’absence de représentativité du coq pour les Bruxellois et la nécessité d’envisager ce vote dans la perspective de la mise en place future des Régions.

Concernant la première, la position bruxelloise est sans équivoque. Pour le député social chrétien José Desmarets, le coq wallon n’est pas l’emblème des Bruxellois, mais clairement celui des Wallons :

« Vous comprendrez aisément nos réticences lorsqu’il s’agit d’adopter l’emblème proposé. Je souhaiterais que nos amis Wallons présents dans cet hémicycle me comprennent bien. Nous sommes persuadés que le coq wallon est certes l’emblème le plus caractéristique de la Région wallonne mais il n’en est pas de même du côté bruxellois. Nos sentiments à cet égard sont plus partagés dans la mesure où il ne s’agit pas là d’un emblème qui fait partie de l’histoire bruxelloise » (27).

D’aucuns tentent bien de souligner que des délégués de Bruxelles avaient participé à la décision de l’Assemblée wallonne et même – notons la subtilité historique   que c’était une maison de Bruxelles qui avait fabriqué les premiers drapeaux conformes au prescrit officiel mais une large unanimité se dégage néanmoins pour reconnaître que l’emblème est assez exclusivement celui des Wallons.

Dès lors, ne pouvant encore adopter un drapeau pour la seule Wallonie mais ne voulant pas l’imposer aux Bruxellois francophones, les parlementaires francophones cherchent refuge dans une différenciation de son utilisation.

Le drapeau devrait ainsi être arboré aux édifices publics de la région de langue française - soit la Wallonie moins les communes germanophones - le 27 septembre ainsi qu’aux mêmes jours que le drapeau belge tandis que cette obligation serait limitée au seul 27 septembre dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale.

D’aucuns, à Bruxelles, auraient même voulu faire de cette « obligation d’un jour » une simple faculté. Conséquent avec sa volonté d’officialiser un drapeau wallon, Fernand Massart se serait lui-même rallié à cette position, refusant d’« imposer le désir des Wallons aux Bruxellois ». Cependant, le fait que le lion de Flandre fasse l’objet d’un pavoisement obligatoire le jour de la fête de cette Communauté fait pencher la balance vers l’obligation d’arborer le coq hardi à Bruxelles … un jour par an.

Plus fondamentalement, ce débat pose la question de la fédéralisation du pays et des tergiversations devant la mise en œuvre des Régions qui devaient traduire les aspirations wallonnes.

Certains parlementaires déplorent le fait que les Régions wallonne et bruxelloise, encore maintenues dans une forme virtuelle, ne peuvent adopter officiellement leur propre drapeau.

Concrètement, en rendant hommage à l’engagement sincère de militants comme Fernand Massart, d’aucuns émettent la crainte de voir cette décision priver ensuite les Wallons de la possibilité de reconnaître un emblème que nul ne leur conteste.

Cette position est parfaitement incarnée par Jean-Maurice Dehousse qui, depuis les bancs de l’opposition, s’en prend à une majorité avec laquelle « c’est la Communauté qui s’impose et c’est la Région qui recule ». Derrière le symbole, ne se trouve donc rien de moins que la question du fédéralisme belge et de la remise en cause de la conception wallonne d’une structuration du pays sur base de trois Régions.

Sur la question du drapeau, J.-M. Dehousse soutient la position initiale du Conseil, à savoir « la détermination d’un drapeau wallon, réservé à l’usage de la Wallonie », disant s’exprimer   sous les applaudissements des bancs socialistes   comme « l’un des représentants du pays de Liège qui n’a pas attendu la décision d’un Conseil culturel pour reconnaître comme le sien le coq wallon ».

Pour lui, il convient donc de faire preuve d’un peu de patience pour prendre la bonne décision, dans la bonne assemblée : « Il faudrait renoncer – mais vous ne le ferez pas, je le sais – à voter aujourd’hui ce projet, faire en sorte que la loi sur la régionalisation soit modifiée dès la rentrée parlementaire et permettre, aux Conseils régionaux, de choisir un drapeau. Vous voteriez pour votre part, au Conseil régional wallon, l’adoption du drapeau que vous nous proposez aujourd’hui, en voulant l’imposer aux Bruxellois. Les Bruxellois, eux, s’ils le jugent désirable, pourraient se choisir un drapeau qui leur convienne ».

Cette suggestion   issue de l’opposition – n’est pas suivie et la proposition de décret est adoptée par 121 « oui » contre 2 « non » et 15 abstentions dont celle de personnalités comme Jean-Maurice Dehousse, Guy Mathot ou Robert Urbain, pour les raisons évoquées ici.

Le coq wallon devient donc l’emblème de la Communauté culturelle française, avec les ambiguïtés que cela allait générer mais aussi à la satisfaction de certains militants wallons qui voit enfin accorder à leur emblème une reconnaissance officielle, ne fut-elle pas encore celle qu’ils espéraient véritablement.

Comme le dit Fernand Massart au cœur du débat : « L’important est qu’après une longue lutte, pour prendre conscience d’elle-même, la Wallonie ait enfin un drapeau. En effet, que je sache, seuls les peuples conquis ou colonisés n’ont pas de drapeau. Je n’ai pas attendu 42 ans cette proposition de décret mais je n’oublie pas qu’en certaines circonstances, pour avoir osé afficher cet emblème non officiel, on était traité de certains noms que je ne répéterai pas. J’espère qu’aujourd’hui, enfin, le coq de Paulus sera le coq de la Wallonie » (28).

Aucune ambiguïté donc sur les motivations mais voilà pourquoi, par les aléas de l’histoire institutionnelle, le coq wallon allait être, aussi, celui de la Communauté française.

La décision de 1975 allait ultérieurement faire l’objet de quelques précisions par le décret communautaire du 3 juillet 1991 dont l’intention, évoquée dans l’exposé des motifs, est de décrire le drapeau conformément au prescrit de la vexillologie et les armes conformément à celui de l’héraldique. Un décret technique, donc, instituant des armes et un sceau aux côtés du drapeau et fixant clairement les formes du coq de Paulus, laissées dans l’ombre tant par le décret de l’Assemblée wallonne que par celui de 1975.

Désormais, les choses seront précises, à défaut d’être simples, puisque, selon l’art. 4, « ce drapeau a les proportions deux : trois ; le coq hardi est inscrit dans un cercle non apparent dont le centre coïncide avec celui du tablier, dont le diamètre est égal au guindant et dont la circonférence passe par les extrémités des pennes supérieures et inférieures de la queue et par l’extrémité de la patte levée. L’horizontalité du coq est déterminée par une droite non apparente joignant le sommet de sa crête à l’extrémité de la penne supérieure de la queue ».

Les débats sur cette adaptation se limitent donc aux aspects techniques. Tout au plus le rapporteur, Pierrette Cahay, rappelle t il qu’en 1975 « cet emblème était, depuis des décennies déjà, cher aux Wallons », précisant ne pas vouloir - en rappelant cela - froisser ses collègues bruxellois.

Dans ce cadre, seul Jean-Maurice Dehousse, fort de sa connaissance du dossier, interpelle le Ministre-Président Valmy Féaux sur les raisons pour lesquelles l’obligation d’arborer aussi à Bruxelles le drapeau communautaire « au même titre que le drapeau national » - dont nous connaissons les motifs en 1975 - n’avait pas été introduite à cette occasion. Ce à quoi le Ministre-Président répond que le drapeau national n’est jamais arboré sur les bâtiments de la Communauté française à Bruxelles (29). Dont acte, l’heure n’est manifestement plus au débat à ce propos et la différence de prescrit entre la Wallonie et Bruxelles restera.

Dans ces conditions, le texte est adopté par 78 voix pour et l’abstention d’un membre social chrétien, déçu d’avoir vu rejeter son amendement qui visait à intégrer une couronne dans le sceau de la Communauté pour souligner son appartenance au Royaume de Belgique.


Le coq percole

Armoiries de Limelette

Bien que reconnu de façon imparfaite en 1975, par une institution communautaire avec laquelle il ne coïncide que partiellement, le coq wallon poursuit, ces années-là, son implantation symbolique en terre wallonne, par le biais des pouvoirs locaux.

On l’a vu, le coq fut un emblème d’élection, adopté à l’aube du XXe siècle. De ce fait, on ne le retrouve pas dans les blasons et armoiries des pouvoirs provinciaux ou locaux généralement antérieurs à l’émergence d’une Wallonie politique.

Un seul cas « historique » est identifié en Wallonie, celui de la commune wallo brabançonne de Limelette.

Armoiries d'Ottignies-Louvain-la-Neuve

Dans le cadre conjugué de la fédéralisation de l’Etat et de la fusion des communes (1977), ce cas « rebondit », désormais chargé d’une symbolique nouvelle. Ainsi, lors de l’intégration de l’entité, ce symbole est repris, avec un sens enrichi par l’histoire, dans les armoiries d’Ottignies-Louvain la Neuve ; une commune, elle aussi, très symbolique de l’évolution institutionnelle de la Belgique et de l’avenir de la Wallonie.

Armoiries de Charleroi

Un autre exemple contemporain de l’intégration volontaire du coq, explicitement wallon cette fois, est donné par Charleroi qui, en raison de son attachement historique à la cause wallonne, choisit de le mettre clairement à l’honneur dans son nouveau blason.

Suite à la fusion, la première ville de Wallonie décide, en effet, dès 1977, de créer de nouvelles armoiries, inspirées de son passé, bien sûr, mais aussi de ses engagements contemporains.

C’est ainsi que, de haut en bas, le blason carolorégien affiche la fleur de lys, symbole de la France et du développement qu’elle donna à la forteresse initiale   déjà présente sur le blason de la ville avant fusion  , quinze carrés représentant les quinze anciennes communes, la représentation stylisée de la forteresse, berceau de la Ville et, entourant celle ci, douze étoiles européennes ; l’ensemble flanqué d’un imposant coq hardi rouge, posant sa dextre sur le blason, en un geste protecteur.

Composantes du logo de la ville de CharleroiComposantes du logo de la ville de Charleroi

Dans un même esprit, lorsqu’en 2015, le conseil communal carolo adoptera un logo pour la communication de la métropole sambrienne, celui-ci consistera en un « C » surmonté d’un pictogramme de trois triangles figurant la crête du coq hardi dessiné par Pierre Paulus, les terrils du pays noir et la couronne de Charles II d’Espagne dont la ville tient son nom. 

Armoiries du Brabant wallon

De même, en accédant à l’existence politique en 1993, la jeune province du Brabant wallon intègre au blason de la défunte province unitaire de Brabant, deux coqs hardi de gueules, se faisant face sur fond d’or. Celui qu’on appelait depuis des siècles le Roman Pays de Brabant choisit, en cela, d’affirmer clairement son appartenance wallonne.

Parallèlement, les autorités de Wallonie continuent de consacrer la symbolique du coq dans la statuaire publique. Ainsi, la ville de Charleroi met à l’honneur le talent de Charles Delporte, à travers un groupe de trois coqs monumentaux intitulés Le Chantre de la Liberté, installés non loin du boulevard Tirou, en 1996.

A Namur, à l’Elysette, siège du Gouvernement wallon, le Ministre Président Robert Collignon confie, deux ans plus tard, aux époux Léon et Peggy De Pas le soin de représenter l’annonciateur de l’aube. Son successeur, Jean-Claude Van Cauwenberghe, y adjoint, en 2003, un coq à la fois hardi et chantant, caractéristique de l’art de Martin Guyaux, dressé sur une carte de Wallonie, sculptée dans la pierre bleue.

De même, lors de son installation au Saint-Gilles, en 1998, le Parlement wallon choisit de coiffer le tableau des votes surplombant la tribune et le fauteuil de sa Présidence d’une représentation en marbre du coq de Paulus.

 

 

 

 

 

Inspirateur des artistes, le coq est aussi celui des artisans wallons et continue de s’imposer comme objet de création pour les orfèvres en dinanderie ; les céramistes de Bouffioulx ; les maîtres verriers du Val Saint-Lambert ou encore les Potstainiers hutois, renforçant sa présence quotidienne auprès de la population.

Coq en dinanderie

Le coq par le Val Saint-Lambert

Coq en dinanderie

Coq des Potstainiers hutois

Coq des Potstainiers hutois

Coq des Potstainiers hutois

 

Le coq sur les grès de Bouffioulx

 

La Wallonie reconnaît (enfin) son emblème

Une reconnaissance indirecte par la Communauté, une apparition dans les armoiries locales mais, surtout, une appropriation spontanée par la population wallonne et un usage ininterrompu bien qu’officieux pendant des décennies expliquent sans doute pourquoi après quasi vingt ans d’existence, la Région wallonne n’avait toujours pas reconnu officiellement son emblème et son drapeau.

Arboré par les militants et les politiques et utilisé comme symbole wallon par les médias, le coq hardi flottait, en effet, en Wallonie sans la légitimité d’une reconnaissance politique régionale officielle.

Cette lacune apparait plus clairement lorsque le député Willy Burgeon propose de combler une autre carence, en reconnaissant l’historique Chant des Wallons de Théophile Bovy et Louis Hillier, comme hymne officiel de la Région wallonne.

La proposition fait couler beaucoup d’encre et suscite, chez certains, une campagne de dénigrement dont les mobiles ne sont pas toujours aussi purs que d’aucuns cherchent à le faire croire. Certains médias ont néanmoins le mérite de recadrer le débat, en posant simplement les bonnes questions. C’est le cas de la La Nouvelle Gazette qui, le 22 juillet 1997, demande par la plume de Michel Delwiche : « les Wallons sont-ils des gens à part ?  Ils n’ont pas de fête nationale ; ils n’ont pas de drapeau national ; ils n’ont pas d’hymne national » (30).

L’initiative du député Burgeon a, en cela, le grand mérite d’attirer l’attention du politique sur la nécessité de doter l’entité majeure qu’est devenue la Wallonie, de symboles identitaires à vocation mobilisatrice.

A côté du décret visant à reconnaître l’hymne, une autre proposition déterminant le jour de fête et les emblèmes propres à la Région wallonne est ainsi déposée par des représentants des quatre partis démocratiques : MM. Maurice Bayenet (PS), Serge Kubla (PRL), Albert Liénard (PSC) et José Daras (Ecolo).

Dans ce contexte, si d’aucuns avaient mis en cause l’opportunité du choix du Chant des Wallons avant qu’un large consensus ne se constitue autour de lui, personne ne remet en question l’évidence des autres symboles, qu’il s’agisse des fêtes de Wallonie ou du coq hardi.

Le débat, tant en commission qu’en séance plénière, porte donc sur la question que Dehousse et consorts avaient mise en avant dès 1975, à savoir la compatibilité d’un drapeau wallon régional avec le drapeau communautaire reconnu précédemment.

L’alternative est posée en termes clairs par le député socialiste Paul Ficheroulle : « tant l’histoire que la logique et le sentiment populaire font qu’il n’est pas possible de prendre pour drapeau un autre symbole que celui du coq wallon. L’alternative est simple : ne rien avoir ou adopter le coq ».

Ce point de vue est partagé par le député libéral Pierre Hazette pour qui le fond du problème est de « rapatrier » un drapeau qui est, avant tout, le drapeau wallon. Commentant les débats, le 30 juin 1998, le journal L’Echo choisit d’ailleurs un titre très significatif : « La Wallonie se réapproprie le coq de Pierre Paulus » (31).

Face à cette position unanime, la question de savoir si deux entités peuvent utiliser un drapeau identique – question par ailleurs soulevée par le Conseil communautaire de Vexillologie – est évoquée par le chef de groupe PRL, Serge Kubla. Et, là encore, un consensus se dégage pour affirmer que, si changement il doit y avoir, la solution est à chercher du côté de la Communauté qui doit, soit adopter un drapeau différent, soit transformer son drapeau, à l’exemple de celui adopté par la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale (Cocof).

Ce faisant, les députés wallons de l’année 1998 s’inscrivent dans une voie qui avait déjà été évoquée lors des débats de 1975, par des personnalités comme Jean-Maurice Dehousse mais aussi par le député social chrétien Paul de Stexhe qui affirmait alors que, « si une décision devait être prise par la communauté, il fallait qu’on considère le décret comme provisoire et qu’on envisage une possibilité de révision, réservant à la Communauté culturelle française d’adopter éventuellement un autre emblème tandis que la Région wallonne choisirait le coq wallon » (32).

A noter anticipativement qu’à terme, c’est cette solution qui s’imposera, puisqu’en 2011, les autorités parlementaires et gouvernementales de la Communauté française   officieusement rebaptisée « Fédération Wallonie-Bruxelles »   reverront non pas son drapeau mais ses logos, afin de nuancer les coqs en vigueur au profit d'une évocation plus stylisée du « W » wallon et le « B » bruxellois, aux couleurs  des deux Régions associées.

En 1998, en séance plénière du Parlement wallon, cette question de la « propriété » wallonne du symbole est déjà tranchée dans l’esprit des participants. Les débats sur le coq se limitent donc, largement, à la question   parfois démagogique   de l’opportunité de débattre de la nécessité d’emblèmes au moment où la Wallonie doit affronter de nombreuses difficultés économiques et sociales. Depuis l’opposition mais dans un consensus général, Serge Kubla se charge d’y répondre avec une ferme sérénité : « Je crois très clairement pouvoir dire que le sentiment de l’Assemblée était de considérer que, non, ce n’est vraiment pas inutile. A l’inverse, ce n’est certainement pas indispensable mais il y a, dans cette démarche, quelque chose de digne et de logique. Je n’ai pas entendu de critiques caricaturales quand la Région flamande s’est dotée d’un drapeau et d’un hymne, je n’ai pas entendu de critiques quand la Région bruxelloise a adopté l’Iris ; je ne vois pas pourquoi, quand la Wallonie se penche sur ce même genre de dossier, nous devrions subitement être l’objet de railleries. Je tiens donc à dire clairement que c’est sans la moindre réticence intellectuelle que nous nous sommes engagés dans cette réflexion. […] C’est simplement l’affirmation de ce que nous sommes et d’une série de valeurs auxquelles nous sommes attachés. […] Nous avons simplement décidé de doter notre Région d’un drapeau, d’un hymne et d’une date officielle de fête. D’autres Régions l’ont fait avant nous, c’est notre tour » (33).

Pour le reste, dans un échange où le Ministre Jean-Claude Van Cauwenberghe, insiste sur l’importance de la dimension culturelle dans tout projet de développement wallon coordonné ; les représentants de tous les partis démocratiques s’accordent pour reconnaître que les Wallons ont un emblème naturel : le coq hardi.

Dans ce cadre, le groupe Ecolo qui s’était dissocié du choix de l’hymne, rejoint les autres pour affirmer que « nous avons besoin de symboles pour retrouver nos racines et les fondements de notre, de nos cultures » (34) et adhérer au décret reconnaissant la fête et le drapeau ; décret voté à l’unanimité des 62 membres présents.

Par le décret du 23 juillet 1998, ratifié et promulgué par le Gouvernement conduit par Robert Collignon, la Wallonie se dote enfin officiellement de son emblème.

Pour beaucoup de Wallons qui l’avaient adopté spontanément depuis bien des années, cette décision ne changea pas grand chose. Elle était néanmoins une nécessité et fut, parmi d’autres, une étape symbolique de la prise de conscience wallonne et de l’affirmation de notre Wallonie.

Dans la foulée de cette décision, le Parlement wallon adopte un nouveau logo, mettant à l’honneur l’emblème wallon au cœur d’un « P » illustrant l’institution parlementaire. Mentionné à l’article 3 du Règlement d’ordre intérieur de l’Assemblée, les formes de l’« emblème du Parlement wallon » sont fixées en annexe de celui-ci.


Le coq wallon déploie ses ailes

Depuis le décret du 23 juillet 1998, les choses sont donc claires : l’emblème de la Région wallonne est le coq hardi qui apparaît dans ses armoiries (art. 2), son sceau (art. 3) et son drapeau (art. 4). Dans ce même décret, le législateur wallon précise que le coq peut être utilisé isolément comme symbole de la Région.

Celui-ci est rapidement adopté sur la papeterie officielle du Gouvernement et des différents ministres et, moins de deux ans après sa reconnaissance, c’est une adaptation dynamique de l’emblème qui trône sur le Contrat d’Avenir pour la Wallonie. Le Gouvernement conduit par Elio Di Rupo marque donc sa volonté d’associer cette symbolique historique avec ce grand pas dans la gouvernance wallonne que constitue l’adoption du premier plan portant une stratégie de développement régionale intégrée pour la Wallonie.

Quelques années plus tard, en 2006, c’est à nouveau Elio Di Rupo qui, avec Philippe Courard, Ministre des pouvoirs locaux, introduit dans les signes distinctifs des élus communaux, la possibilité pour les échevins et les présidents des centres publics d’action sociale de frapper leur écharpe d’un coq rouge (35).

A la même époque, le projet de décret spécial instituant une constitution wallonne, déposé le 4 mai 2006 par Jean Claude Van Cauwenberghe, José Happart, Maurice Bayenet, Christophe Collignon, Paul Ficheroulle et Eliane Tillieux, non voté mais symboliquement marquant, consacre un chapitre à ces questions. Lui aussi place cette consécration dans un esprit de reconnaissance d’une situation historique. L’article 13 du projet de constitution porte ainsi, notamment, « § 1er. La Wallonie reconnaît officiellement les emblèmes que l’histoire et l’adhésion populaire ont progressivement consacrés : 1° les armoiries de la Wallonie sont le coq hardi de gueules sur fond d’or. Le coq de ces armoiries est utilisé isolément comme symbole de la Région wallonne ; 2° le drapeau de la Wallonie est jaune au coq hardi rouge. Ses proportions sont de 2/3. […] § 2. Le décret précise au besoin les formes de ces symboles et les modalités de leur diffusion. Moyennant les exceptions éventuellement prévues pour les communes de langue allemande, il prescrit leur utilisation par l’ensemble des instances publiques wallonnes, ainsi que par les pouvoirs provinciaux et locaux ».

De manière plus concrète, la poursuite de l’intégration du coq dans la symbolique wallonne va bénéficier de la volonté du Plan Marshall 2.vert, adopté en 2009, de soutenir une conscience wallonne fière et ouverte comme source de mobilisation pour la population et de valorisation internationale de la Wallonie. Dans l'esprit des conclusions de la « Commission Zénobe » mise en place, en 2008, par le Ministre Jean-Claude Marcourt pour préparer l'actualisation du plan Marshall, il s’agit là d’inclure dans la stratégie wallonne la dimension identitaire, nécessaire pour renforcer l’adhésion des citoyens à un projet collectif et pour fortifier leur confiance dans leurs capacités.

Dans ce cadre, diverses initiatives à haute valeur symbolique ajoutée sont prises à l’initiative du Ministre-Président Rudy Demotte. Ce dernier est à l’initiative du décret confirmant Namur comme capitale de la Wallonie, siège du Parlement et du Gouvernement régional, adopté à l’unanimité par le Parlement, ainsi que du remplacement de l’appellation « Région wallonne » par « Wallonie » dans le cadre de la communication des instances régionales, une initiative, elle aussi, confirmée à l’unanimité par l’Assemblée législative wallonne.

Parachevant le mouvement lancé près d’un siècle plus tôt, c’est dans ce même élan que, par ses décisions du 11 mars et du 1er avril 2010, le Gouvernement wallon choisit d’unifier les visuels et logos des instances gouvernementales et administratives wallonnes autour du coq de Paulus, « emblème le plus identifiant de la Wallonie » (36), afin de donner désormais une visibilité unique et cohérente à l’ensemble des actions régionales. C’est sur cette base qu’il adopte comme logo de communication officiel le coq de Paulus souligné de la mention « Wallonie » (37) dont l’utilisation est réglée par une charte graphique.

En application de cette décision, le Service public de Wallonie revoit sa communication interne sur base d’un cartouche associant les initiales SPW au logo régional.

Pour sa communication interne, le Service public wallon décline même symboliquement la patte de l’emblème sur le pictogramme que chaque direction générale associe au logo commun.

  

Dans la foulée, alors que le coq identifie les bâtiments publics régionaux présents sur le territoire wallon, dans la même optique de visibilité wallonne, les produits dérivés réalisés par l’administration régionale pour accompagner les activités d’information du Service public de Wallonie affichent et diffusent le coq sur ses stands et sur une multitude de supports à destination de la population wallonne et des visiteurs de la Région.


 

De son côté, la salle du Conseil des Ministres wallon se pare d’un marbre appelé à assurer l’identification médiatique de l’exécutif régional.

Au même moment, les salons s’ornent d’une réinterprétation de l’emblème wallon par l’artiste Bernard Gigounon qui, sur le mode du tangram recompose un coq sur base du matériau fourni par Paulus.

Dans ce contexte symbolique, en 2013 toujours, le coq accompagne la première inscription du terme « Elysette » dans la pierre indicatrice de la présidence produite par la carrière régionale de Gore, à Sclayn.

 

Parallèlement, toujours dans cet esprit, en mars 2011, le Parlement adopte, cette fois encore sur proposition du Gouvernement et toujours à l’unanimité, les décrets créant « une distinction officielle, portant le nom de « Mérite wallon », destinée à consacrer la reconnaissance des autorités wallonnes à toute personne physique ou morale dont le talent ou le mérite a fait ou fait honneur à la Wallonie dans une mesure exceptionnelle et contribue ainsi d’une façon significative à son rayonnement » (38). Ces décrets précisent que « Le mérite wallon est représenté par des médailles qui s’inspirent des meuble héraldique et couleurs de la Wallonie véhiculés par son drapeau, à savoir le coq hardi et le rouge et le jaune » et habilitent le Gouvernement à en définir les formes.

Les arrêtés du Gouvernement du 8 septembre 2011 (39) opèrent cette fixation des formes des décorations des quatre rangs du Mérite wallon, mettant en exergue le coq de Paulus, inscrit en haut relief sur une base résolument moderne, en deux étages bordés, figurant le « M » et le « W » du « Mérite wallon ».

Dans la foulée, le coq s’affiche et se décline à travers les initiatives et les campagnes lancées par les membres du Gouvernement wallon. Ainsi, il orne ostentatoirement les maillots de l’équipe cycliste Wallonie-Bruxelles-Crédit agricole lancée, en 2011, par le Ministre des Sports André Antoine, il labellise les Espaces publics numériques promus par le Ministre des Pouvoirs locaux Paul Furlan et, sous l’impulsion du Ministre Carlo Di Antonio, depuis juillet 2013, il signale aux consommateurs les produits issus de l’Agriculture de Wallonie. Cette « pastille » rejoint en cela le Coq de cristal décerné depuis 1994 dans le cadre de la Foire de Libramont ou les Producteurs, Points de vente et Tables du terroir distingués par l’Office des Produits wallons.

On le retrouve sur l’insigne identifiant les membres de la police affectés à la sécurité du Gouvernement wallon.

De même, à l’initiative conjointe du Ministre-Président Demotte et du Ministre de l’Equipement Di Antonio, depuis 2013, c’est lui qui accueille, sur fond d’azur, les visiteurs de la Wallonie aux entrées autoroutières frontalières.

Au moment de célébrer de son centenaire, le coq, compagnon de la première heure d’une population wallonne en marche vers son affirmation identitaire et la maîtrise de son destin, étend donc résolument ses ailes sur le champ de la symbolique wallonne.

Dans ce contexte, évoquant la volonté « de renforcer le sentiment chez les Wallons d’appartenir à un même peuple, ou en tout cas de partager un destin commun », François Brabant soulignait dans Le Vif/L’Express du 17 septembre 2012 l’importance « de ne pas agir seulement sur la tuyauterie institutionnelle » et d’ajouter : « Dans un monde qui va trop vite, où l’argent-roi efface les vieux repères, l’identité wallonne ne s’imposera pas sans un minimum de cœur et d’âme. A cet égard, il y avait quelque chose de réjouissant dans la liesse qui a envahi Namur ce week-end, dans ces drapeaux wallons qui flottaient sur la ville, chez ces jeunes filles avec un coq rouge tatoué sur la joue, dans ces bières locales avalées goulûment, dans cette Petite Gayole entendue de ci de là. Ni hystérie nationaliste, ni commémoration agressive, ni repli aigre. Juste la fierté joyeuse et décontractée de faire partie d’un peuple qui a ses défauts, mais aussi ses qualités ».

Symbole à la fois fier et serein d’une population ouverte sur le monde et tournée vers l’avenir, le coq hardi appelle de son chant à la mobilisation des hommes et des femmes de Wallonie pour relever, ensemble, les défis qui leur font face.

Autant de raisons d’être fier de cet emblème et, sans vain « cocorico », de porter haut ses couleurs.

Notes :

1. C. GODEFROID, Premiers pas d’un coq hardi. La naissance de l’emblème wallon, [Non publié, consultable au Fonds d’Histoire du Mouvement wallon].
2. L’Ame wallonne, 17 septembre 1898.
3. Congrès wallon de 1905. Compte rendu officiel, Liège, 1905, p. 285.
4. Le Réveil wallon, n° 6, 19 décembre 1907.
5. Cité dans Ph. CARLIER, Le coq, dans Image de la Wallonie dans le dessin de presse (1910–1961), sous dir. L. COURTOIS et J. PIROTTE, Louvain-la-Neuve, 1993, p. 91-93.
6. Fonds d’Histoire du Mouvement wallon. Fonds Arille Carlier : Assemblée wallonne.
7. Publié dans La Défense wallonne, n° 3, mars 1913, p. 138-168.
8. Pour reprendre l’expression de Corinne Godefroid dans son article déjà cité.
9. Lettre non datée publiée dans La Lutte wallonne, n° 13, 30 mars 1923. 
10. Histoire relatée dans C. GODEFROID, Une belle étrangère : la Gaillarde « fleur de Wallonie », dans Enquêtes du Musée de la Vie wallonne, t. XX, n° 237 – 240, Liège, 2001.
11. Compte rendu des débats de la séance du 16 mars 1913, dans La Défense wallonne, n° 3, mars 1913, p. 131-137. 
12. Lettre de la baronne Léonie de Waha, op. cit.
13. Rapport complémentaire de Richard Dupierreux, dans La Défense wallonne, n° 4, avril 1913, p. 244-247.
14. Compte rendu des débats de la séance du 20 avril 1913, dans La Défense wallonne, n° 5, mai 1913, p. 259-261.
15. La Lutte wallonne, 11 mai 1913.
16. La Défense wallonne, n°6, juin 1913, p. 267.
17. La Défense wallonne, septembre 1913, p. 466-467.
18. Sur les origines de ce drapeau, on consultera L. POLAIN, Le Drapeau liégeois, dans Bulletin de l’Institut archéologique liégeois, t. XXV, Liège, 1905.
19. Directives de la Commission des artistes, Musée de la Vie wallonne, Fds AW. 
20. La Défense wallonne, juillet 1913, p. 424.
21. Le Peuple, 14 avril 1913.
22. Sur ces revues, on consultera, notamment, l’Encyclopédie du Mouvement wallon, 3 volumes, Institut Jules Destrée, Charleroi, 2000-2001.
23. Question orale de M. de Lamotte à M. Demotte, Ministre Président du Gouvernement wallon, sur « l’utilisation abusive du coq wallon par la N-VA ». Parlement wallon, compte-rendu intégral de la Commission des affaires générales, de la simplification administrative, des fonds européens, du règlement et de la comptabilité, séance du 28 janvier 2009, p. 15-19. Suite C.R.I., séance du 3 mars 2009, p. 6-8.
24. Conseil culturel de la Communauté culturelle française, compte-rendu intégral, séance du 24 juin 1975.
25. MM. Desmarets et Dehousse dans Conseil culturel de la Communauté culturelle française, C.R.I., op. cit., p. 9 et 10.
26. M. Verdin-Leenaers dans Conseil culturel de la Communauté culturelle française, C.R.I., op. cit., p. 20.
27. M. Desmarets dans Conseil culturel de la Communauté culturelle française, C.R.I., op. cit., p. 9.
28. Fernand Massart, Conseil culturel de la Communauté culturelle française, C.R.I., op. cit, p. 17.
29. Conseil de la Communauté française, C.R.I., séance du 28 mai 1991, p. 39.
30. La Nouvelle Gazette, 22 juillet 1997.
31. L’Echo, 30 juin 1998.
32. Conseil culturel de la Communauté culturelle française, C.R.I., séance du 24 juin 1975, p. 14.
33. Parlement wallon. C.R.I., séance du 15 juillet 1998, p. 35. 
34. Jean-Paul Snappe, élu Ecolo de Wallonie picarde.
35. Arrêté du Gouvernement wallon du 20 avril 2006 déterminant le signe distinctif des bourgmestres et échevins, article 1 : « […] Les échevins portent un écharpe à fond noir et jaune, avec franges rouges. L’écharpe d’échevin peut être frappée d’un coq rouge ». Arrêté du Gouvernement wallon du 20 avril 2006 déterminant le signe distinctif des présidents des centres publics d’action sociale, article 2 : « Le président du centre public d’action sociale porte une écharpe à fond noir et jaune, avec franges rouges. L’écharpe du président peut être frappée d’un coq rouge ».
36. Décision du Gouvernement wallon du 11 mars 2010 relative à la promotion d’une identité wallonne positive et ouverte comme facteur de confiance et de mobilisation. 
37. Décision du Gouvernement du 1er avril 2010 relative au nom et à l’identification de la Wallonie.
38. Décret du 31 mars 2011 relatif au Mérite wallon et décret du 31 mars 2011 relatif au Mérite wallon pour les matières réglées en vertu de l’article 138 de la Constitution.
39. Arrêté du Gouvernement wallon du 8 septembre 2011 portant exécution du décret du 31 mars 2011 relatif au Mérite wallon et arrêté du Gouvernement wallon du 8 septembre 2011 portant exécution du décret du 31 mars 2011 relatif au Mérite wallon pour les matières réglées en vertu de l’article 138 de la Constitution.

Orientation bibliographique

Travaux :

R. LEJEUNE, Naissance d’un chant et d’un drapeau, dans la Wallonie, le pays et les hommes. Lettres, Arts, Cultures, t. IV, Bruxelles, 1981, p. 481-488.

M. PIGNOLET, La symbolique du coq, dans Le Guetteur wallon, n° 3, 1985, p. 81-104.

Y. MOREAU, La genèse du drapeau wallon, dans Enquêtes du Musée de la Vie wallonne, t. XVI, Liège, 1987, p. 129-174.

C. GODEFROID, Premiers pas d’un coq hardy. La naissance de l’emblème wallon ou naissance et enfance du coq wallon [non publié, consultable au Fonds d’Histoire du Mouvement wallon].

A. COLIGNON, Drapeau wallon, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, t. I, Charleroi, 2000, p. 511-515

Le coq, symbole de la Wallonie, dans Au chant du coq. Autour de la collection de Jean Claude Van Cauwenberghe, Ed. Luc Pire, Bruxelles, 2004, p. 11-39.

C. GODEFROID, Une belle étrangère : la gaillarde, « fleur de Wallonie », dans Enquêtes du Musée de la Vie wallonne, t. XX, n° 237-240, Liège 2001.

Ph. CARLIER, Le coq, dans Image de la Wallonie dans le dessin de presse (1910 – 1961), sous dir. L. COURTOIS et J. PIROTTE, Louvain-la-Neuve, 1993.

L. POLAIN, Le Drapeau liégeois, dans Bulletin de l’Institut archéologique liégeois, t. XXV, Liège, 1905.

L. LEVEQUE et A. COLIGNON, Paulus Pierre, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, t. III, Charleroi, 2001, p. 1244-1245.

Armoiries communales en Belgique : communes wallonnes, bruxelloises et germanophones, Dexia Banque, Bruxelles, 2003.

Sources :

Rapport de Richard Dupierreux sur la question des emblèmes à la Commission de l’Intérieur de l’Assemblée wallonne, dans La Défense wallonne, n° 3, mars 1913, p. 138-168.

Presse militante wallonne : La Défense wallonne et La Lutte wallonne, année 1913.

Décret du 20 juillet 1975 instaurant un drapeau et un jour de fête propres à la Communauté culturelle française (M.B. du 14 août 1975).
Document du Conseil n° 47 (1974-1975) n° 1.
Compte rendu intégral – Séance publique du 24 juin 1975.

Décret du 3 juillet 1991 déterminant le jour de fête et les emblèmes propres à la Communauté française de Belgique (M.B. du 15.11.1991).
Document du Conseil n° 193 (1990-1991), n° 1 ; 2 et 3.
Compte rendu intégral – Séance publique du 28 mai 1991 (matin et après-midi).

Décret du 23 juillet 1998 déterminant le jour de fête et les emblèmes propres à la Région wallonne (M.B. du 08.08.1998).
Documents du Conseil 384 (1997-1998) n° 1.
Compte rendu intégral – Séance publique du 15 juillet 1998.

Arrêté du Gouvernement wallon du 20 avril 2006 déterminant le signe distinctif des bourgmestres et échevins.

Arrêté du Gouvernement wallon du 20 avril 2006 déterminant le signe distinctif des présidents des centres publics d’action sociale.

Décision du Gouvernement wallon du 11 mars 2010 relative à la promotion d’une identité wallonne positive et ouverte comme facteur de confiance et de mobilisation.

Décision du Gouvernement du 1er avril 2010 relative au nom et à l’identification de la Wallonie.

Décret du 31 mars 2011 relatif au Mérite wallon. 
Dossier PW 349 (2010-2011)
Compte rendu intégral de commission 104 (2010-2011) 28.02.2011
Compte rendu intégral 12 (2010-2011) 23.03.2011

Arrêté du Gouvernement wallon du 8 septembre 2011 portant exécution du décret du 31 mars 2011 relatif au Mérite wallon.

Décret du 31 mars 2011 relatif au Mérite wallon pour les matières réglées en vertu de l’article 138 de la Constitution. 
Dossier PW 350 (2010-2011)
Compte rendu intégral de commission 104 (2010-2011) 28.02.2011
Compte rendu intégral 12 (2010-2011) 23.03.2011

Arrêté du Gouvernement wallon du 8 septembre 2011 portant exécution du décret du 31 mars 2011 relatif au Mérite wallon pour les matières réglées en vertu de l’article 138 de la Constitution.