Un nouvel impôt décidé par les deux bourgmestres de la cité de Liège (décembre 1602) provoque le mécontentement des métiers qui n’ont pas eu l’occasion de donner leur avis sur la décision. L’agitation populaire est à son comble. On craint une révolution. Dès lors, rentré d’urgence de Westphalie, le prince-évêque Ernest de Bavière entame une médiation forcée, prudente et attentive (janvier 1603). Le contesté règlement électoral dit de Heinsberg, datant de 1424, fait l’objet de nombreuses distorsions imposées progressivement par les Bons Métiers qui, sous le règne de Groesbeek, ont recommencé à prendre part à la vie politique.
Pressé par la bourgeoisie, Ernest de Bavière accepte, dès le 21 février, que l’accès aux « Bons Métiers » soit facilité et reconnu : tous les bourgeois majeurs, chefs ou pères de famille, résidant dans la Cité, Franchise et Banlieue, seront inscrits de droit dans un des « Bons Métiers » ; tous les membres auront droit de voter et devront s’assembler dès convocation, sous peine d’amende. Il s’agit d’une avancée insuffisante. Obligé de convaincre les trois États des réels besoins financiers de la principauté, le prince-évêque obtient qu’ils votent d’importants impôts (cheminées, boissons étrangères, etc.) en concédant le règlement dit de 1603, en date du 14 avril, qui élargit les dispositions du 21 février en accordant aux bourgeois électeurs la désignation des bourgmestres et jurés.
Ce nouveau règlement électoral prévoit que le jour de Saint-Jacques (25 juillet), trois membres sont tirés au sort dans chaque métier ; ceux-là que le sort a désigné élisent ensuite trois autres membres de leur métier, en jurant de les choisir pour leurs qualités. De ces trois élus, le sort en désigne un pour être « électeur », tandis que les deux autres deviendront jurés ou conseillers communaux. Comme il y a trente-deux métiers, les trente-deux « électeurs » qui viennent d’être tirés au sort se rassemblent à l’hôtel de ville. Après avoir fait profession de foi catholique et juré de leur intégrité, les « 32 » dressent une liste de candidats susceptibles de remplir parfaitement la fonction de bourgmestre. La liste est soumise aux vingt-deux commissaires nommés par l’évêque et qui jusque-là avaient le pouvoir le plus important dans le processus d’élection. Désormais, ils sont chargés uniquement d’éliminer toute personne accusée en justice et suspecte d’hérésie. Ensuite, la liste revient aux trente-deux électeurs qui en retiennent les deux bourgmestres. Le nouveau règlement précise qu’un intervalle de quatre années est imposé avant d’être rééligible comme bourgmestre, de trois ans pour les conseillers. Quant aux décisions mises en délibération à l’État Tiers ou au Conseil de la Cité (celui-ci se compose des deux bourgmestres et de 64 jurés, accompagnés d’un greffier), les Bons Métiers doivent être consultés et ont quinze jours pour s’exprimer. À défaut s’applique le principe du « qui ne dit mot consent ».
En acceptant un règlement dont les principes fondamentaux rappellent les temps précédant la funeste période bourguignonne, le prince-évêque s’assure une suite de règne paisible, obtient le vote de nouveaux impôts, mais il renonce à son propre pouvoir… Le gouvernement de la Cité par la Cité témoigne de l’avancée démocratique de Liège et tend à mettre un terme à une période où l’élection se gagnait à l’influence.