Plon Henri-Philippe

Socio-économique, Entreprise

Paris 26/04/1806, Paris 25/11/1872

Henri(-Philippe) ne doit pas être confondu avec Henri (Ghislain-Joseph). Fils de Charles (1774-1843), le premier, qui nous intéresse ici, devient l’imprimeur de l’empereur Napoléon III, poursuivant ainsi la longue tradition de cette famille d’imprimeurs montois installés en Hainaut depuis le XVIe siècle, et dont Henri G.J. a été l’un des maillons. 

Forts de leur savoir-faire acquis à Mons, les Plon sont montés à Paris, où naît Henri-Philippe. Formé aux études classiques dans un collège parisien, Henri-Philippe Plon se familiarise aux techniques de l’édition auprès de son père, chez l’imprimeur Didot, puis chez Paul Dupont. Comme ses deux frères, il est confronté à toutes les étapes du métier. Metteur en pages (1823), il dirige une équipe de compositeurs et, avec ses premières économies, se fait l’éditeur d’opuscules et autres almanachs que plusieurs librairies détaillants vendent sous leur nom. Percevant l’intérêt des affaires de librairie, Henri-Philippe Plon accomplit un voyage exploratoire au Royaume-Uni des Pays-Bas au cours duquel le roi Guillaume lui propose de créer et d’organiser une imprimerie royale (1827) ; abandonnant sa première idée, Plon accepte le projet avant d’y renoncer sans l’avoir achevé (1828).

Revenu à ses premières intentions, à savoir devenir imprimeur-éditeur en Belgique, plus spécialement sur la place de Bruxelles, Henri Plon rencontre fortuitement les Belin, libraire à Paris et imprimeur à Epernay, et conclut avec eux un contrat de société. Fondateurs de la première imprimerie de Sézanne, Henri Plon et Théophile Belin y installent leur matériel, engagent du matériel et développent leur activité en prospectant régulièrement la clientèle à Paris. Mais l’éloignement de la ville de Champagne nuit aux affaires et Henri Plon met un terme à sa collaboration avec Belin et revend l’imprimerie pour s’installer à Paris, en association avec le même Théophile Belin et Maximilien Béthune. Jusqu’en 1845, la société Béthune-Plon est une imprimerie installée au cœur de la capitale française, rue Vaugirard, qui va bénéficier des retombées de l’activité culturelle et intellectuelle qui s’y développe. D’emblée, les presses Béthune et Plon impriment le Dictionnaire de la conversation qui, outre le fait de compter 52 volumes, est un réel succès qui attire d’autres célébrités. Victor Hugo, Lamartine, Alexandre Dumas, Balzac, Bernardin de Saint-Pierre et bien d’autres recourent aux presses de la rue Vaugirard et Henri Plon veille à la qualité de l’édition. 

Médaille d’argent à l’exposition de l’industrie française, à Paris, en 1844, l’imprimerie Béthune-Plon est cependant remplacée par une association familiale, Plon frères, qui dispose de l’imprimerie dénommée désormais L’imprimerie des abeilles (1845). Directeur général, Henri-Ph. Plon compte sur ses frères, oncle et cousin pour la gestion des différents départements ; dans le même temps, il dispose seul de sa propre librairie qu’il a ouverte en 1843. Commençant avec des livres liturgiques illustrés, il conserve des contacts privilégiés avec les écrivains de son temps, Balzac et George Sand, son intense réseau de relations s’étendant bien au-delà du monde des lettres, auprès de politiques, philosophes et autres économistes ou entrepreneurs de sa trempe. C’est ainsi que Plon se lance dans un projet de construction de maisons au cœur de Paris et dans un autre concernant des essais d’asphalte, mais sans grand résultat. Il est plus heureux dans son secteur d’activités : le glaçage du papier encore humide qu’il avait introduit en 1839 pour Les Pèlerinages en Suisse améliore considérablement une impression qui apparaît plus nette et plus brillante. Les illustrations des livres pieux sont aussi admirées, ainsi que les gravures sur bois que les lecteurs du journal L’Illustration apprécient d’autant plus qu’ils savent que leur feuille paraît à un rythme soutenu. Et en patron d’industrie, Henri Plon n’hésite pas à investir dans de nouvelles machines, comme c’est le cas pour son imprimerie de la rue Vaugirard, même si, à peine installées, elles furent démolies par les émeutiers de la révolution de 1848. L’année suivante, on sait néanmoins qu’il dispose d’une trentaine de presses (8 mécaniques et 20 à bras) et qu’il a investi dans une fonderie de caractères.

Bravant les épreuves, Plon et ses associés poursuivent leurs activités, se lançant, en janvier 1850, dans l’impression d’un journal, Le Napoléon, soutenant le programme politique de Louis-Napoléon, comme d’ailleurs en parallèle de feuilles satiriques dénonçant le prétendant. Celui-ci n’en ignore rien, puisqu’il rend visite à l’imprimeur une fois par semaine pour finaliser la mise en page de son journal ; lorsqu’il devient « l’Aiglon », il ne tarde pas à conférer à Henri Plon le titre officiel d’Imprimeur de l’Empereur : l’acte officiel date du 4 décembre 1852, soit deux jours après la proclamation du Second Empire. La distinction de Napoléon III confirme ce que des concours et des expositions montrent depuis plusieurs années, la perfection du travail des frères Plon. Médaille d’or de l’exposition de Paris 1849, prize medal à l’Exposition universelle de Londres de 1851, les mérites professionnels de la maison Plon sont vantés par ses pairs. Quand Henri Plon est fait chevalier de la Légion d’honneur en novembre 1851, il offre un banquet à ses ouvriers...

Contraint au déménagement en 1854, installé à l’hôtel Roquelaure rue Garancière, Henri Plon mène des recherches techniques pour pouvoir imprimer en couleurs, opte pour des planches sur cuivre et parvient à produire des « aquarelles typographiques » assez réussies. Unique propriétaire à partir de 1855, tant de l’imprimerie, de la librairie, de la fonderie, Henri Plon constitue un catalogue de publications exceptionnel au rang desquelles l’Histoire du Consulat et de l’Empire par Auguste Thiers est une sorte de best-seller, au-delà de la performance rentable qu’ont constitué sa réalisation et ses rééditions. Au sein de la maison d’édition qui garde son nom, Henri Plon avait réussi très tôt à constituer des collections thématiques (histoire et histoire politique, jurisprudence, littérature, almanachs, etc.) comprenant des auteurs de grande réputation. Co-fondateur de plusieurs journaux, il réussit quelques belles opérations avec des titres touchant à de multiples domaines. Recherchant une formule aussi heureuse que le Mathieu Laensberg, il trouva en un ancien député de la Seconde République (élu de la Drôme) un prévisionniste appelé Mathieu qui accepta que ses propos soient présentés, avec des informations plus scientifiques, sous les titres Annuaire…, Double… et Triple Almanach Mathieu (de la Drôme) qui eurent un vrai succès.

Médaille honoris causa lors de l’Exposition internationale de Londres en 1862, l’éditeur wallo-parisien s’est imposé comme une référence dans sa corporation ; appelé à diverses reprises comme conseiller et expert, il fut choisi vice-président de la Chambre des imprimeurs de Paris, avant d’en devenir le président de 1861 à 1863. Il a aussi été vice-président du Cercle de la Librairie. Réfugié durant les événements de 1870 et 1871, H. Plon ne perdit pas le sens des affaires : dès la reprise des activités, il était en mesure de présenter une collection d’ouvrages portant sur la guerre de 1870 et 1871 et rédigés par les principaux acteurs du temps. Mais les événements eurent raison de la santé de cet entrepreneur inventif.

Le « négoce » de Henri Plon est poursuivi par son fils avant de connaître un creux au tournant des XIXe et XXe siècles. Repris par ses petits-enfants, le seul secteur de l’édition perpétue la mémoire des Plon désormais noyés au sein de groupes multinationaux.

Sources

La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 15, 20
Eugène PLON, Notre livre intime de famille, Paris, Pion, 1893, http://www.bookprep.com/read/mdp.39015036893462 
Musée d'archéologie de Nivelles, « À l'origine de la tradition d'imprimerie à Nivelles, la famille Plon », exposition, 1992
Ernest MATTHIEU, dans Biographie nationale, t. XVII, col. 817-818
F.P., Henri Plon. Paris 26 avril 1806-25 novembre 1872. Addresses and newspaper articles on his death
Moniteur universel, Journal officiel de l’Empire, 7 décembre 1852