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5000

Paul Delforge-Diffusion Institut Destrée-Sofam

Monument Isabelle BRUNELLE

Les personnalités féminines statufiées dans l’espace public de Wallonie sont relativement rares (un monument sur vingt en moyenne). Elles sont encore plus rares au XIXe siècle. Christine de Lalaing a été la toute première à être honorée d’une statue imposante, c’était à Tournai en 1863. Avec la statue réalisée par Guillaume Geefs en l’honneur d’Isabelle Brunelle et inaugurée en 1872, on reste dans le domaine de l’exceptionnel d’autant qu’après le monument Léopold Ier inauguré en 1869, il s’agit du deuxième consacré à une personnalité qui prend place dans l’espace public namurois. En cette deuxième moitié du XIXe siècle, les autorités municipales continuent d’être encouragées par le gouvernement belge à contribuer au renforcement de l’identité belge par l’implantation de statues de personnalités héroïques dans les parcs et sur les places. À Namur, le phénomène commence à se développer au moment où l’enceinte de la ville est démantelée, où les portes et les tours sont détruites, tandis qu’un plan d’aménagement et d’embellissement de Namur trace les grandes orientations du futur. À l’entame de ces importants chantiers, l’Hospice d’Harscamps est aux premières loges : un échange de terrains est conclu entre les autorités municipales et la direction de l’Hospice qui, toujours en accord avec la ville, projette d’adjoindre un parc à ses bâtiments (1868-1869). À l’initiative de la Commission des Hospices civils de Namur, il est par ailleurs décidé qu’au centre du parc viendra prendre place un monument dédié à madame d’Harscamps et dont l’exécution sera confiée à Guillaume Geefs, sculpteur qui est en train d’achever la statue de Léopold Ier.
 

Monument Isabelle Brunelle, comtesse d’Harscamps

Formé à l’Académie d’Anvers, le jeune Geefs (1805-1883) avait été très rapidement repéré par ses professeurs ; une bourse lui a permis de parfaire sa formation à Paris et, à son retour, il était nommé professeur de sculpture à l’Académie d’Anvers (1833-1840). Membre de la classe des Lettres de l’Académie dès 1845, il la préside de 1858 à 1883. Il était membre de l’Institut de France. Présent dans différents salons, il s’impose avec le modèle de la statue du Général Belliard et le monument funéraire du comte Frédéric de Mérode. Le jeune royaume de Belgique venait de trouver l’un de ses sculpteurs capables de figer dans la pierre (ou le bronze) les personnes et les événements les plus illustres du pays. Répondant aux multiples commandes destinées à orner les églises, les places, les édifices, les cimetières ou les salons de toute la Belgique, il livre à Anvers une statue de Rubens (1840) et à Liège, celle de Grétry (1842), à Huy celle de Lebeau (1869), tout en réalisant de nombreuses statues de Léopold Ier, dont celle de Namur. C’est donc un artiste renommé qui réalise, pour Namur, la statue d’Isabelle Brunelle et qui y signera encore celle de Jean-Baptiste d’Omalius d’Halloy en 1881.

En 1869 déjà, G. Geefs a terminé la maquette en plâtre du monument Brunelle et la Commission a validé son projet. Cependant, les événements politiques qui secouent la France (1870-1871) sont à l’origine du retard dans l’acheminement du bloc de marbre qui a été choisi, en l’occurrence de l’Échaillon blanc exploité à une vingtaine de kilomètres de Grenoble. Entre-temps, le marbrier namurois Adolphe Balat est choisi pour réaliser le piédestal en pierres bleues d’Écaussinnes qui a une hauteur de 3,33 mètres. Finalement, la date du 15 mai 1872 retenue pour l’inauguration est respectée. Sous la pluie, la foule importante entend les discours du président de la Commission des Hospices et du sénateur de Woelmont au nom de la famille d’Harscamps. La statue dévoilée présente la comtesse en grande et forte femme, se tenant debout et serrant son testament dans la main gauche. Les habits qu’elle porte sont de l’époque Louis XV ; il s’agit d’une toilette de cérémonie. La robe et ses grands plus ont fait l’objet d’une attention particulière du sculpteur qui s’est par ailleurs inspiré des portraits peints d’Isabelle Brunelle pour réaliser son visage. Comme à son habitude, le sculpteur a laissé son signature sur la plinthe de la sculpture : « Gme Geefs/statuaire du roi ». Quant aux quatre faces du piédestal, elles portent chacune des inscriptions gravées en lettres d’or par Balat.

Sur la face avant :
« ISABELLE BRUNELLE
COMTESSE D’HARSCAMPS.
FONDATRICE
DE L’HOSPICE D’HARSCAMPS.
29 JANVIER 1805.

À droite :
NEE A AIX-LA-CHAPELLE
LE 3 SEPTEMBRE 1724.

À gauche :
DECEDEE A NAMUR


LE 8 MAI 1805.

À l’arrière : 
ERIGE
LE 15 MAI 1872. »

C’est une bienfaitrice des pauvres qu’honorent le monument et les discours, rappelant que celle qui était née à Aix-la-Chapelle en 1724, dans une famille de la petite bourgeoisie, sous le nom d’Isabelle Brunelle, avait épousé, en 1748, en Hongrie, le comte Pontian d’Harscamps, un capitaine de dragons au service de l’Autriche. Elle avait reçu une éducation attentive dans une maison de Liège ; lui était l’héritier d’une famille originaire de Gueldre qui avait fait fortune dans le Namurois et possédait d’importantes propriétés tant ce comté qu’en principauté de Liège et en Hongrie. Après avoir perdu ses trois enfants victimes de maladies, le couple vient s’installer au château de Fernelmont ; c’est là que mourut le comte en 1794. Les événements rendent alors difficiles la possibilité pour la veuve de vivre dans le Namurois. Néanmoins, vers 1800, elle retrouve Namur où elle s’installe dans son hôtel particulier du Marché de l’Ange. Se consacrant à diverses actions de bienfaisance, elle met sa fortune aux services des pauvres. Dans un testament plusieurs fois complété entre 1788 et janvier 1805, elle marque son intention de fonder plusieurs institutions charitables à Aix-la-Chapelle, sa ville natale, et dans les diverses localités où elle possède des immeubles. À Namur, en particulier, elle consacre une part importante de ses biens pour qu’y soit construit un hospice portant le nom de son époux. Quelques semaines plus tard, en mai 1805, elle décède subitement à Namur. En application des dispositions testamentaires, les autorités françaises de l’époque ouvre, le 1er octobre 1812, une maison de retraite qui accueille les personnes d’un certain âge que la bonne fortune a abandonnées. Le lieu choisi est l’ancien Couvent des Récollets supprimé par le nouveau régime. De 40 en 1812, les pensionnaires dépasseront les 200 dans les années 1860.


Sybille VALCKE, dans Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 415-417
Jean BOVESSE, dans Biographie nationale, t. 41, col. 53-57
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t.
http://www.harscamp.be/index.php/Le-monument-a-Isabelle-Brunelle-comtesse-dHarsca/le-monument-a-la-comtesse-dharscamps.html
http://www.harscamp.be/index.php/Le-monument-a-Isabelle-Brunelle-comtesse-dHarsca/linauguration-du-monument.html
http://www.harscamp.be/index.php/Le-monument-a-Isabelle-Brunelle-comtesse-dHarsca/bibliographies-et-sources9.html (s.v. avril 2014)

parc de l’Hospice d’Harscamps
5000 Namur

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Plaque François BOVESSE

À divers endroits et sous diverses formes, le souvenir de François Bovesse est bien présent dans l’espace public de la capitale wallonne : une plaque avec inscription sur sa maison natale (1946), une esplanade devant la Maison de la Culture et une plaque avec un médaillon sur un mur de la Halle al’Chair (1960), une plaque sur la maison de l’avenue Cardinal Mercier à Salzinnes sur le lieu de son assassinat (1962), le mémorial François Bovesse (1964), une présence sur la Fresque des Wallons, une rue et une place dans la périphérie. Depuis peu, l’Athénée a cependant officiellement enlevé son patronyme ; quant au dragueur de mines « M909 Bovesse », il n’est plus actif.

Défenseur de sa ville natale, militant wallon, député, figure de proue du parti libéral dans l’Entre-deux-Guerres, ministre – des PTT (1931-1932), de la Justice (1934-1935 et 1936-1937) et de l’Instruction publique, des Lettres et des Arts (1935-1936) – François Bovesse avait abandonné tous ses mandats électifs lorsqu’il avait été nommé gouverneur de la province de Namur (16 avril 1937). Quelques mois plus tard, il allait être démis de ses fonctions par l’occupant. Celui qui a repris officiellement ses activités d’avocat maintient ses convictions et prend des risques. Le 1er février 1944, il est assassiné par des collaborateurs rexistes qu’il n’a jamais cessé de dénoncer. Malgré les interdictions, son enterrement donne lieu à un impressionnant rassemblement de citoyens qui manifestent ainsi leur opposition à l’Ordre nouveau et surtout leur admiration à un homme qui a défendu son pays et ses libertés.

Après la Libération, le Comité central de Wallonie (que présidait Bovesse jusqu’en 1937 et qui organise les Fêtes annuelles à Namur) se préoccupe d’ériger un monument en l’honneur du disparu. Il faudra attendre 1964, soit vingt années après la disparition de Bovesse pour que soit achevé le monumental mémorial sur le pignon de la Maison de la Culture. Entre-temps, d’autres initiatives ont été prises dont, en septembre 1962, l’apposition d’une plaque commémorative sur la maison qu’occupait François Bovesse, le 1er février 1944, au n°2 de l’avenue cardinal Mercier. En présence de nombreux représentants des associations patriotiques, des mayeurs de la province de Namur, du ministre Héger et du bourgmestre de Liège Auguste Buisseret, la plaque est dévoilée par le gouverneur Gruslin et par Joseph Calozet, président du Comité central de Wallonie :


« ICI FUT LÂCHEMENT ASSASSINÉ
LE 1ER FÉVRIER 1944
LE GRAND PATRIOTE
FRANÇOIS BOVESSE
GOUVERNEUR DE LA PROVINCE »


Chaque année, lors des Wallonies, le parcours des plaques fait une halte à cet endroit pour honorer François Bovesse.



Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Jacques VANDENBROUCKE (texte), Pierre DANDOY (photos) : 40 ans de fêtes de Wallonie à Namur, Bruxelles, Luc Pire, 2000, p. 51
André BROZE, Quelques discours prononcés par Monsieur le Ministre François Bovesse durant l’année 1935, Bruxelles, 1936

avenue cardinal Mercier 2
5000 Namur

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Paul Delforge

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Mémorial François BOVESSE

À divers endroits et sous diverses formes, le souvenir de François Bovesse est bien présent dans l’espace public de la capitale wallonne : une plaque avec inscription sur sa maison natale (1946), une esplanade devant la Maison de la Culture et une plaque avec un médaillon sur un mur de la Halle al’Chair (1960), une plaque sur la maison de l’avenue Cardinal Mercier à Salzinnes sur le lieu de son assassinat (1962), le mémorial François Bovesse (1964), une présence sur la Fresque des Wallons, une rue et une place dans la périphérie. Depuis peu, l’Athénée a cependant officiellement enlevé son patronyme (sans évoquer la fin du dragueur de mines « M909 Bovesse »).

Défenseur de sa ville natale, militant wallon, député, figure de proue du parti libéral dans l’Entre-deux-Guerres, ministre – des PTT (1931-1932), de la Justice (1934-1935 et 1936-1937) et de l’Instruction publique, des Lettres et des Arts (1935-1936) – François Bovesse avait abandonné tous ses mandats électifs lorsqu’il avait été nommé gouverneur de la province de Namur (16 avril 1937). Quelques mois plus tard, il allait être démis de ses fonctions par l’occupant. Celui qui a repris officiellement ses activités d’avocat maintient ses convictions et prend des risques. Le 1er février 1944, il est assassiné par des collaborateurs rexistes qu’il n’a jamais cessé de dénoncer. Malgré les interdictions, son enterrement donne lieu à un impressionnant rassemblement de citoyens qui manifestent ainsi leur opposition à l’Ordre nouveau et surtout leur admiration à un homme qui a défendu son pays et ses libertés.

Après la Libération, le Comité central de Wallonie (que présidait Bovesse jusqu’en 1937 et qui organise les Fêtes annuelles à Namur) se préoccupe d’ériger un monument en l’honneur du disparu. En 1946, une pièce de théâtre de Jules Evrard est jouée au Théâtre afin de récolter les fonds. L’année suivante, une tombola nationale est organisée dans le même but. Avec les bénéfices de ces opérations, un concours est lancé pour confier la réalisation du « mémorial » au sculpteur monumentaliste Jacques Moeschal. Il est inauguré en grandes pompes le 18 septembre 1964. Est alors dévoilée une grande dalle de bronze, évoquant un livre ouvert, où est mentionnée une formule de François Bovesse devenue célèbre après que le ministre l’eut utilisée à la fin d’un discours qu’il prononça en 1935 devant la Societas Latina : 

« Ce qui demeure quand tout s’écroule, c’est l’âme, c’est l’esprit".

Quant à Jacques Moeschal (1913-2004), il s’agit d’un architecte de formation, ayant eu notamment Henry Lacoste comme professeur à l’Académie de Bruxelles, sa ville natale. Après la Libération, il signe plusieurs maisons comme celle d’Arthur Grumiaux, mais trouve surtout son épanouissement quand il peut agrémenter de sculptures et de bas-reliefs les réalisations de ses collègues. Collaborateur du projet de la Flèche du génie civil lors de l’Expo 58 (avec Van Dosselaer et Paduart), il commence à prendre à ce moment une dimension internationale, s’exprimant à la fois avec l’aluminium, l’acier et surtout le béton. Sur la route qui le conduit vers cette reconnaissance, il réalise, en 1964, le mémorial Bovesse, à Namur qui représente bien ce qui constitue sa signature, à savoir l’intégration de sculptures monumentales dans l’espace urbain ou sur des bâtiments d’importance (en l’occurrence à Namur, la Maison de la Culture) dans la vie des hommes. Si son Signal de Grand Bigard (1963) et son Signal d’Hensies sont bien connus de ceux qui fréquentent ces tronçons autoroutiers, les œuvres de Jacques Moeschal se rencontrent, de manière toute aussi étonnante, à Mexico, dans le désert du Néguev, à la gare du Midi ou à l’aéroport de Bruxelles.



Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Jacques VANDENBROUCKE (texte), Pierre DANDOY (photos) : 40 ans de fêtes de Wallonie à Namur, Bruxelles, Luc Pire, 2000
André BROZE, Quelques discours prononcés par Monsieur le Ministre François Bovesse durant l’année 1935, Bruxelles, 1936
Jacques Moeschal - sculpteur architecte, collection ‘9’ dirigée par Robert NAHUM, Bruxelles, 180° éditions, Bruxelles, 2013
http://www.moeschal.be/jacques-moeschal/ (s.v. février 2014)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 189

pignon aveugle de la Maison de la Culture
5000 Namur

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Paul Delforge

Paul Delforge-Diffusion Institut Destrée-Sofam

Plaque Nicolas BOSRET

Après la Première Guerre mondiale, François Bovesse a donné ses lettres de noblesse au décret de l’Assemblée wallonne instaurant une fête de la Wallonie. Avec la création en 1923 du Comité de Wallonie, l’organisation des fêtes à Namur est désormais structurée et pérennisée : désormais, des manifestations rendent hommage aux volontaires wallons qui ont contribué aux Journées de Septembre 1830. Mêlant discours politique, folklore wallon et namurois, le rendez-vous annuel de septembre prend plusieurs déclinaisons dont l’inauguration de plaques commémoratives en souvenir de « grands Namurois ». 

Plaque commémorative Nicolas Bosret (Namur)

En 1925, à l’initiative des Amis de l’Art wallon, en particulier de la section namuroise, la plaque apposée sur la « maison natale » de Félicien Rops est la première à s’inscrire sur une liste qui ne va cesser de s’allonger, accueillant notamment par la suite une plaque dédiée à Nicolas Bosret, apposée sur sa maison natale. Le nombre deviendra à ce point conséquent qu’une sélection annuelle est faite pour déterminer le « parcours des plaques » qui s’inscrit dans le programme des fêtes de Wallonie. La plaque de Nicolas Bosret s’impose cependant comme un passage obligé.

« COLAS BOSRET
PRUMI DIRECTEÛR DES 40 MOLONS
A V’NU AU MONDE VAICI
LI 5 DI MAUS 1799 ».


Entre Nicolas Bosret et Namur, il existe une histoire d’amour qui remonte à 1856, lorsque la ville fait du Bia bouquet son hymne propre. On sait que Namur n’était pas la muse du compositeur wallon ; celui-ci évoque dans sa chanson ses états d’âme à la veille de son mariage. Musicien, bon vivant, sociétaire de plusieurs cercles culturels et d’amusement, co-fondateur des Moncrabeau, Nicolas Bosret est un personnage entré de son vivant dans le cœur des Namurois. Pour honorer sa mémoire à d’autres moments qu’à des anniversaires, une rue porte son nom dès 1878, un important buste est inauguré en 1929 et, par la suite, une plaque est apposée sur sa maison natale dans le vieux quartier de la capitale de la Wallonie. Chaque année, durant les fêtes de Wallonie, le parcours des plaques fait inévitablement halte devant cette maison située place Maurice Servais et les 40 Molons rendent un hommage particulier à celui qui a créé leur société, celle de Moncrabeau.


Jacques VANDENBROUCKE (texte), Pierre DANDOY (photos), 40 ans de fêtes de Wallonie à Namur, Bruxelles, Luc Pire, 2000, notamment p. 27
Mémoires de Wallonie, Les rues de Louvain-la-Neuve racontent…, Louvain-la-Neuve, 2011, p. 78
http://namur-cent-detours.skynetblogs.be/archives/category/des-statues/index-1.html 
Ernest MONTELLIER, dans Biographie nationale, t. 30, col. 183-187
Lucien MARÉCHAL, Nicolas Bosret et le « Bia bouquet », dans Le Guetteur wallon, décembre 1926, n°11 p. 232-237
Le Guetteur wallon, novembre 1926, p. 202 ; octobre 1928, n°8-9, p. 18

à l’angle de place Maurice Servais, de la rue des Échasseurs et de la rue de la Halle
5000 Namur

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Paul Delforge

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Buste BOSRET Nicolas

Situé dans le cœur de Namur, entre l’ancienne Bourse de Commerce et le Théâtre auquel il fait face, le buste de Nicolas Bosret (1799-1876) rend hommage au compositeur du Bia bouquet. Entre le compositeur et la cité mosane, il existe une histoire d’amour qui remonte à 1856, lorsque la ville fait du Bia bouquet son hymne propre. On sait que Namur n’était pas la muse du compositeur wallon qui évoque, en fait, ses états d’âme à la veille de son mariage. 

Musicien, bon vivant, sociétaire de plusieurs cercles culturels et d’amusement, co-fondateur des Moncrabeau, Nicolas Bosret est un personnage entré de son vivant dans le cœur des Namurois et dont la mémoire est régulièrement honorée : en 1893, l’occasion en est donnée par le cinquantième anniversaire de la fondation des Moncrabeau ; en 1901, c’est le cinquantième anniversaire du Bia bouquet qui sert de prétexte à évoquer un Nicolas Bosret qui a donné son nom à rue de Namur depuis 1878. La réalisation d’un monument se fait par contre attendre. Il voit le jour au lendemain de la Grande Guerre.

Au début des années 1920, en effet, les groupements wallons de Namur se mobilisent pour élever un monument à Nicolas Bosret et le cinquantième anniversaire de la disparition de Bosret est l’occasion retenue pour concrétiser le projet. La Société des Moncrabeau coordonne l’initiative. Malgré une forte mobilisation et pour de multiples raisons, l’année 1926 s’écoule sans que le monument voie le jour. Sans cesse reporté, il est finalement inauguré : un buste réalisé en septembre 1928 est placé sur un monument original installé rue Jean-Baptiste Brabant. Lorsque les travaux seront entrepris pour réaliser le pont des Ardennes, le monument sera déplacé à proximité du Théâtre.

La réalisation du buste a été confiée au sculpteur et ornemaniste Désiré Hubin (1861-1944). Formé à l’Académie des Beaux-Arts de Namur, où il fut l’élève de Ferdinand Marinus, il reçoit aussi les enseignements de Charles Van der Stappen à Bruxelles. Auteur de sculptures décoratives et d’ornementations, il devient professeur de sculpture à l’Académie de Namur à partir de 1916. Maître de Victor Demanet et de Gustave Fischweiler notamment, Hubin réalisera d’autres bustes (Theo Tonglet, René Barbier, Jules Genisson ou Ernest Montellier) que celui de Bosret.
Le buste du monument Bosret est en bronze ; il est placé au sommet d’un haut piédestal en pierre fort évasé à sa base. Sur la face avant du socle, a été représenté et sculpté dans la pierre le « blanc bouquet » ; il est surmonté par les inscriptions minimalistes suivantes :

« Nicolas
Bosret
1799-1876 ».


En 1960 (ou 1953 ?, Vandenbroucke, p. 35), le Comité central de Wallonie offre la « pierre de vérité » aux 40 Molons dans le cadre de la redynamisation des fêtes de Wallonie à Namur. À partir de 1963, le monument Bosret est réinstallé près du Théâtre où quatre Molons en uniforme montent une garde d’honneur autour de la statue de leur fondateur lors des fêtes de Wallonie, en septembre. Au pied de la colonne, là où les passants peuvent s’asseoir sur une large pierre faisant office de banc entourant et soutenant l’ensemble, apparaît, sur la partie toujours, l’emblème/l’écusson en cuivre gravé de la Société Moncrabeau. 

La « pierre de vérité » est une sorte de siège qui joue un rôle important, chaque année, début septembre, à la veille des Fêtes de Wallonie : c’est là en effet que les candidats au concours de menteries de ladite Société s’asseyent pour raconter leur « minte ». Le lauréat devient Prince-Président de la République libre des Menteurs.


Jacques VANDENBROUCKE (texte), Pierre DANDOY (photos) : 40 ans de fêtes de Wallonie à Namur, Bruxelles, Luc Pire, 2000, p. 35, 54
Mémoires de Wallonie, Les rues de Louvain-la-Neuve racontent…, Louvain-la-Neuve, 2011, p. 78
http://namur-cent-detours.skynetblogs.be/archives/category/des-statues/index-1.html
Ernest MONTELLIER, dans Biographie nationale, t. 30, col. 183-187
Le Guetteur wallon, novembre 1926, p. 202
Lucien MARÉCHAL, Nicolas Bosret et le « Bia bouquet », dans Le Guetteur wallon, décembre 1926, n°11 p. 232-237
Le Guetteur wallon, octobre 1928, n°8-9, p. 18
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, p. 730

rue de Bavière, près du Théâtre
5000 Namur

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge-Diffusion Institut Destrée-Sofam

Monument Théodore BARON

 
Monument Théodore Baron, réalisé par Charles Van der Stappen, 12 juillet 1903 ; 2 juillet 1911. 

C’est le dimanche 12 juillet 1903 qu’a été inauguré le monument dédié au peintre paysagiste namurois Théodore Baron. L’œuvre réalisée par le sculpteur Charles Van der Stappen était alors située près du Casino. Quelques années plus tard, en juillet 1911 précisément, un nouvel emplacement est choisi pour accueillir le monument : le parc de la Plante devient son lieu définitif et le 75e anniversaire de l’Académie des Beaux-Arts de Namur sert de prétexte officiel. Figé dans le bronze pour l’éternité, le peintre statufié est entouré d’arbres et de végétation et a la compagnie proche et permanente de la Meuse, l’une de ses principales sources d’inspiration.

Né à Ixelles en 1840, Théodore Baron a fait de la vallée de la Meuse et des sommets de l’Ardenne son espace de travail pendant plusieurs années. Après des études à l’atelier Saint-Luc à Bruxelles (1854-1858), Théodore Baron avait d’abord peint des paysages de Campine et c’est de cette époque que remonte une prédilection pour le gris qui en fait l’un des fondateurs de l’école du gris. Secrétaire et organisateur des expositions de la Société libre des Beaux-Arts (1868), il plaide en faveur d’une totale liberté dans l’expression artistique. Découvrant Anseremme puis les environs de Profondeville où Camille Lemonnier l’a invité dans sa maison de campagne, Baron tombe amoureux des paysages forgés par les multiples cours d’eaux de la vallée mosane. Quand il voyage en Europe, il est surtout attiré par la vallée de la Moselle et par l’Eifel. Tournant le dos au romantisme, il s’inscrit dans un courant résolument réaliste quand il représente la nature ; son grand intérêt pour la science qu’est la géologie se ressent dans son œuvre ; son observation méticuleuse exclut l’improvisation, voire parfois une certaine spontanéité. 

Ayant opté pour des dominantes ocres et brunes tout en continuant à privilégier les gris, il s’arrête sur toutes les particularités des paysages – rochers, schistes, ruisseaux, taillis, ciel, etc. – et il s’efforce d’en rendre tous les aspects réels, n’hésitant pas à utiliser abondamment la pâte pour faire ressentir la lourdeur des pierres ou la pesanteur des nuages. Il excelle aussi dans les paysages hivernaux. Quand il devient professeur à l’Académie de peinture de Namur, il se laisse séduire par le courant impressionniste. En 1893, il succède à Marinus à la tête de l’Académie de Namur. À l’annonce de son décès, à Saint-Servais, en 1899, ses amis et ses proches décident d’honorer sa mémoire par un monument dont la conception et la réalisation sont confiées à Charles Van der Stappen.

Contemporain de Baron, né lui aussi à Bruxelles (Saint-Josse-ten-Noode précisément) en 1843, Van der Stappen n’était pas issu d’un milieu aisé. Muni des fondamentaux de l’école primaire, il contribue aux revenus de la famille en travaillant comme plâtrier pendant la journée, avant d’entreprendre des cours, en soirée, à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, dans les années 1860. Il y bénéficie des conseils avisés des Liégeois Jéhotte et Simonis. Il fréquente aussi l’atelier de Portaels où le hasard lui fait rencontrer Meunier et Lemonnier. Tentant sa chance lors de salons et de concours, il travaille sur divers chantiers de décoration, dont un à Paris qui lui permet de fréquenter l’École des Beaux-Arts. C’est à partir des années 1870 que ses œuvres commencent à être véritablement remarquées, après sa médaille d’or au Salon de Bruxelles (1869). La commande par l’État du monument Gendebien à Bruxelles, ainsi que l’aide de mécènes lui procurent les moyens de mener des voyages d’étude en Italie (Rome, Florence, Naples), tout en repassant par Paris où les œuvres de Jean-Baptiste Carpeaux et d’Auguste Rodin l’influencent encore.

Monument Théodore Baron

Mais son séjour en Italie le conduit plutôt à adopter le style néo-Renaissance version Michel-Ange et Donatello. Ayant redécouvert la technique oubliée de la cire perdue, il la remet au goût du jour et ne va pas manquer dans l’enseigner à Bruxelles lorsqu’il est chargé de cours à l’Académie de 1883 à 1910. Il dirige aussi l’institution de 1898 à 1901 et de 1907 à 1910, manifestant clairement ses goûts en faveur de l’usage de toutes les techniques, anciennes comme nouvelles (la photographie notamment). Lui-même n’avait pas hésité à renouveler son style et ses techniques, innovant sans cesse. Les commandes publiques qu’il remporta dès les années 1870 n’ont pas monopolisé le travail de Van der Stappen ; il offre dès lors régulièrement à la vue des œuvres originales lors de Salons et d’Expositions, signe des bustes pour des particuliers et réalise des objets de décoration tant pour les jardins que pour les tables ou les intérieurs. 

Les critiques et les polémiques seront nombreuses tant son style et ses sujets d’inspiration apparurent singuliers, voire déroutants. C’est à un artiste dans la pleine maturité de son art qu’est confiée, en 1902, la statue de Théodore Baron. À l’époque, Van der Stappen travaille sur des projets ambitieux, de très grande dimension, qu’il n’aura jamais l’occasion d’achever, la mort l’emportant en 1910. Ainsi ne verront jamais le jour le Monument à l’infinie bonté – initiative personnelle – et le Monument au Travail – pour la province de Brabant. Par contre, présentée sous forme d’esquisse au Salon de la Libre esthétique en 1902, la statue de Théodore Baron est bien achevée et inaugurée le 12 juillet 1903. À cette occasion, Edmond Picard rend hommage à Baron, « l’un des maîtres du paysage belge ».

Avec son allure de marcheur infatigable muni de grandes bottes, à la recherche d’un angle de vue pour un nouveau paysage, elle présente le peintre en mouvement, tenant son chapeau dans la main droite, tandis que son matériel de travail apparaît sous le coude de son bras gauche. Dans l’épaisseur du socle rond, en bronze, qui soutient la statue, apparaissent la signature du sculpteur et la mention de la « Fonderie nationale des bronzes/Ane Firme Petermann/ St Gilles-Bruxelles ». Le piédestal a lui aussi une forme arrondie. Sur la partie avant apparaît la mention :


«A
Théodore Baron
Ses amis . Ses admirateurs».


Axelle DE SCHAETZEN, Alfred Courtens, sculpteur, catalogue de l’exposition du Musée des Beaux-Arts d’Ixelles, juin-septembre 2012, Bruxelles, Racine, 2012, p. 21
Notice de Georges Mayer, http://balat.kikirpa.be/peintres/Detail_notice.php?id=173 (s.v. avril 2014)
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. 2, p. 542-543
Hugo LETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 574-582


http://www.sculpturepublique.be/5000/VanDerStappen-TheodoreBaron.htm 
http://namur-cent-detours.skynetblogs.be/archives/category/des-statues/index-3.html (s.v. juillet 2013)
S. HOUBART-WILKIN, dans Biographie nationale, t. 31, col. 43-48
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 603
L’Art moderne, 5 juillet 1903, n°27, p. 241 ; 9 août 1903, n°32, p. 278-279

parc de la Plante, rue Théodore Baron – 5000 Namur

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Paul Delforge

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Plaque Édouard THIRIONET

Plaque commémorative sur la maison natale d’Édouard Thirionet, réalisée à l’initiative des Rèlîs namurwès et de l’Association des écrivains wallons anciens combattants, 26 octobre 1930.

En février 1930, quand décède Édouard Thirionet (1891-1930), c’est l’un des piliers de l’association des Rèlîs namurwès qui disparaît. S’il n’était pas parmi les quatre fondateurs en 1909, il est le premier membre extérieur recruté dès 1910 par cette association fondée pour l’étude et l’encouragement de la littérature wallonne, en particulier du wallon namurois. Il en sera aussi le quatrième président, de 1924 à 1930. Afin de préserver le souvenir de cette personnalité jamboise particulièrement impliquée dans la vie culturelle locale et dans la valorisation de la langue wallonne, ses amis des Rèlîs et de l’Association des écrivains wallons anciens combattants s’empressent d’apposer une plaque commémorative sur la façade de la maison natale de Thirionet, en associant à la fois les autorités politiques locales, la Fédération des Invalides, le Comité de Wallonie, la Fédération wallonne, les Pierrots philanthropes, la société Moncrabeau, l’Association des écrivains wallons anciens combattants et le Club La Perle, autant de cercles dans lesquels Thirionet était fort actif.
Contrôleur des contributions à Auvelais, cet ancien étudiant de l’Athénée de Namur avait contribué grandement aux expériences éditoriales des Rèlîs namurwès, que ce soit dans Lî Ban Cloke (1909-1911), ainsi que pendant la Grande Guerre, voire aussi au Guetteur wallon. Usant des pseudonymes de Maulair et Djean Kîrit, il croque, en wallon, une série de types namurois, bien connue sous le titre de Djins d’nos djins. C’est la maladie contractée au moment où il était prisonnier dans les camps allemands qui eut finalement raison de celui qui était un compagnon de la lutte wallonne de François Bovesse. Témoignage de son engagement wallon, il avait souhaité que son cercueil soit recouvert du drapeau wallon. En octobre 1930, les autorités politiques locales ainsi que les militants wallons de Namur étaient présents pour l’inauguration de la plaque en marbre apposée sur sa maison natale.
 

Sources

Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1524
Émile ROBIN, À la mémoire d’Édouard Thirionet, dans Le Guetteur wallon, novembre 1930, nlle série, n°2, p. 56-60
Lucien MARÉCHAL, Vingt-cinq années d'activité wallonne du cercle royal littéraire Les Relis Namurwès, dans Le Guetteur wallon, avril 1934, 10e année, n°129, nlle série n°43, p.  147
Les Kriegscayès. Un témoignage de guerre inédit en wallon, Namur, Rèlîs Namurwès, 2015, p. 84-86
Association des Ecrivains wallons Anciens combattants, Xe anniversaire. Plaquette-Souvenir, 1931, p. 18

Rue du Commerce
5100 Jambes

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Plaque Félicien ROPS

Plaque commémorative Félicien Rops, 20 septembre 1925.
Réalisé à l’initiative des Amis de l’Art wallon.

Au sortir de la Grande Guerre, un certain temps est nécessaire pour que d’anciennes associations culturelles reprennent leurs activités. C’est le cas de l’association des Amis de l’Art wallon et surtout de ses sections. À Namur, sous l’impulsion de Jean Grafé, la section ne renaît qu’en 1925. Sa première activité consiste à placer une plaque commémorative sur la maison natale de Félicien Rops. Depuis son inauguration, le 20 septembre 1925, dans le cadre des Fêtes de Wallonie, une pierre bleue figure ainsi à mi-hauteur, entre le rez-de-chaussée et le premier étage du n°33 de la rue du Président, dans le vieux Namur. Gravées et surchargées de rouge, les lettres de la dédicace indiquent :

ICI EST NÉ
FÉLICIEN ROPS
LE 7 JUILLET 1833

S’inscrivant dans le cadre des Fêtes de Wallonie, l’inauguration rassemble de très nombreuses personnalités : parmi d’autres et notamment les membres de la famille Rops, on reconnaît le bourgmestre Golenvaux, trois échevins et de nombreux conseillers communaux dont François Bovesse, des représentants du ministère des Sciences et des Arts et des institutions culturelles namuroises, des artistes (Pierre Paulus, Victor Rousseau et Armand Rassenfosse), ainsi que les responsables des sections de Liège et de Namur des Amis de l’Art wallon. Les discours sont l’occasion de rappeler à la fois la personnalité de l’artiste honoré et les prolégomènes de la plaque commémorative.

En effet, dès 1912, les Amis de l’Art wallon avaient pris la décision d’inscrire un monument dans l’espace public de Wallonie en l’honneur de Rops. Chargé d’en étudier les modalités pratiques, Jean Grafé avait fait adopter les conclusions à l’unanimité : des soutiens nombreux étaient assurés pour garantir une souscription généreuse quand la Grande Guerre éclata. Au lendemain du conflit, la section de Liège des Amis de l’Art wallon se mobilise autour d’un projet tout aussi ambitieux, mais en l’honneur de César Franck dont on doit célébrer le centenaire de la naissance en 1922. Pour éviter confusion et concurrence, les « Namurois » patientent, mais ne voyant rien se concrétiser, décident d’aller de l’avant : la plaque commémorative apposée en 1925 n’est cependant qu’une étape. La section namuroise des Amis de l’Art wallon ne désespère pas en effet de réaliser un monument plus imposant, digne du « plus grand graveur que le monde ait engendré », selon la formule de Jean Grafé.

Peintre, aquafortiste, dessinateur, illustrateur et graveur, Félicien Rops (Namur 1833 – Essonnes 1898), le provocateur, le compositeur du Pornocratès, n’avait pas consenti beaucoup d’efforts pour éviter de tomber dans un purgatoire justifié seulement par la pudibonderie de son temps. Les esthètes de l’art wallon ne s’y étaient cependant pas trompés ; ils avaient rapidement reconnu dans l’œuvre de Rops des qualités exceptionnelles qu’il fallait absolument partager avec le plus grand nombre, tout en faisant de Rops un représentant majeur de l’art produit en Wallonie. Dans les milieux artistiques que fréquente le jeune Rops alors qu’il est inscrit aux cours de Droit de l’Université libre de Bruxelles, on a très vite reconnu aussi le talent du caricaturiste et du lithographe. Illustrateur des Légendes flamandes (1858) de Charles de Coster, il est poussé par Charles de Groux et Constantin Meunier. Maîtrisant toutes les techniques (vernis mou, pointe sèche, aquatinte), il excelle dans la gravure à l’eau-forte qu’il a étudiée à Paris. Illustrateur de Baudelaire (Épaves en 1866, et les poèmes condamnés des Fleurs du mal), Rops devient l’un des illustrateurs les plus recherchés de la capitale française où il s’installe définitivement en 1874, sans renoncer à voyager à travers l’Europe et l’Amérique du Nord. Il en ramène d’éblouissants paysages ; mais à côté de cette peinture à l’huile, le dessinateur continue d’affoler les bourgeois bien-pensant par ses thématiques provocatrices. Membre du Groupe des XX, Félicien Rops a encore croisé la route d’Armand Rassenfosse (1886). De leur profonde amitié naissent une technique particulière de gravure et un vernis mou transparent, au nom évocateur, le « Ropsenfosse ».

En inaugurant la plaque commémorative du côté de la rue du Président, les Amis de l’Art wallon n’ignorent pas que Rops est né dans un logis provisoire dont l’entrée est située du côté du Marché au Beurre ; choisissant de rendre la plaque plus visible, ils optent cependant pour l’hôtel de maître principal qui a sa façade principale du côté de la rue du Président. Ainsi, estiment-ils, la plaque commémorative rendra davantage le service pédagogique attendu, à savoir « rendre à Rops la place qu’il devrait occuper depuis longtemps dans l’esprit de chacun ». Saluant en Félicien Rops « un artiste wallon », le bourgmestre Golenvaux accepte au nom de la ville de Namur de prendre sous sa garde la plaque commémorative.

Insistant sur les très nombreux liens qui rattachent Rops à Namur, les Amis de l’Art wallon organiseront par la suite une rétrospective de l’artiste, envisageront l’érection d’un monument plus imposant et manifesteront leur intention de créer, à Namur, un Musée qu’ils enrichiraient progressivement, afin de remplacer le Musée des Beaux-Arts détruit pendant la Première Guerre mondiale (l’acquisition par les pouvoirs publics de l’Hôtel de la Croix, rue Saint-Antoine, permettrait d’en faire un musée des arts anciens majeurs et mineurs du Namurois). Ils ont fait l’annonce de leurs intentions lors d’une courte réunion solennelle dans la salle des séances du conseil communal de Namur.

Sources

Wallonia 1912, p. 561
La Vie wallonne, 15 août 1921, n°12, p. 573 et ssv
La Vie wallonne, 15 octobre 1925, LXII, p. 81
La Vie wallonne, 15 décembre 1925, LXIV, p. 133-146
La Vie wallonne, octobre 1933, CXLVIII, p. 66-68
Maurice KUNEL, dans Biographie nationale, t. 33, col. 627-631

Rue du Président 33
5000 Namur

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Mémorial Félicien ROPS

Mémorial Félicien Rops, 17 septembre 1933.
Réalisé par l’architecte Jules Lalière et le sculpteur Armand Bonnetain.

Depuis 1912, les membres namurois de l’association des Amis de l’Art wallon piaffent d’impatience à l’idée de pouvoir inaugurer à Namur un édifice commémoratif digne du talent de Félicien Rops. Malgré un parcours semé d’embuches, l’objectif est atteint quand, le 17 septembre 1933, est dévoilé le monument Rops dans le parc Louise-Marie. Il s’agit d’une réalisation à la fois simple et très originale puisqu’a été reproduit à Namur l’escalier que Félicien Rops lui-même avait imaginé, dessiné et réalisé dans son jardin de la Demi-Lune, à Essones, près de Paris. À l’arrière de cette maison qu’il habitait, à la fin de sa vie, Rops se fit aider par ses deux jardiniers ; il utilisa les pierres ramassées sur place et construisit l’escalier qui relier deux des terrasses de ce jardin garni de roses, qui dévale de la route de Fontainebleau vers la Seine. « Cet escalier à double révolution encadre une muraille où s’enchâsse un vivant médaillon [dû au] sculpteur Armand Bonnetain ». Il trouve très bien sa place dans le cadre arboré du parc aménagé entre 1874 et 1880 et dédié à Louise-Marie d’Orléans.

S’inscrivant dans le cadre des Fêtes de Wallonie, l’inauguration de « l’escalier Rops » attira la grande foule ; en l’absence de Jules Destrée, Armand Rassenfosse – vice-président du Comité du monument Rops – remet officiellement le monument à la garde de la ville de Namur qui l’accepte, via Louis Huart, son bourgmestre.

Pour les amis de Félicien Rops, cette inauguration scelle définitivement une initiative qui remonte à 1912. Au sein des Amis de l’Art wallon, association constituée au lendemain des deux grands salons artistiques organisés par Jules Destrée dans le cadre de l’Exposition internationale de Charleroi en 1911, l’affirmation d’un art wallon passe obligatoirement par l’élévation d’un monument Rops dans l’espace public de Wallonie. Les ambitieux projets ayant été remisés en raison de la Grande Guerre, un autre obstacle se mit sur la route du « monument Rops » après l’Armistice. La section de Liège des Amis de l’Art wallon s’était mobilisée autour d’un projet tout aussi ambitieux, en l’honneur de César Franck. Le centenaire de sa naissance, en 1922, devait donner naissance à un monument que l’on ne voulait pas concurrencer. L’échec de l’initiative des Liégeois raviva le projet des « Namurois » qui posèrent un premier acte concret, en 1925, par l’accrochage d’une plaque commémorative sur la maison natale de Félicien Rops. D’autres projets furent alors élaborés, mais seul le monument inauguré en 1933 aboutira, même si ses initiateurs regrettèrent vivement ne pas avoir réussi à récolter tous les fonds nécessaires à la réalisation d’un imposant bas-relief qui aurait été la reproduction d’un frontispice bien connu de Rops, La Femme et la Chimère, qui aurait parfaitement symboliser son œuvre.

L’inauguration de « l’escalier Rops » qui doit encore se couvrir de rosiers grimpants est alors l’occasion pour les orateurs (principalement Charles Delchevalerie) de rappeler que le « Grand Namurois » est un artiste wallon des plus exceptionnels. Peintre, aquafortiste, dessinateur, illustrateur et graveur, Félicien Rops (Namur 1833 – Essonnes 1898), le provocateur, le compositeur du Pornocratès, n’avait pourtant pas consenti beaucoup d’efforts pour éviter de tomber dans un purgatoire justifié seulement par la pudibonderie de son temps. Les esthètes de l’art wallon ne s’y étaient cependant pas trompés ; ils avaient rapidement reconnu dans l’œuvre de Rops des qualités exceptionnelles qu’il fallait absolument partager avec le plus grand nombre, tout en faisant de Rops un représentant majeur de l’art produit en Wallonie.

Dans les milieux artistiques que fréquente le jeune Rops alors qu’il est inscrit aux cours de Droit de l’Université libre de Bruxelles au milieu du XIXe siècle, on a très vite reconnu le talent du caricaturiste et du lithographe. Illustrateur des Légendes flamandes (1858) de Charles de Coster, il est poussé par Charles de Groux et Constantin Meunier. Maîtrisant toutes les techniques (vernis mou, pointe sèche, aquatinte), il excelle dans la gravure à l’eau-forte qu’il a étudiée à Paris. Illustrateur de Baudelaire (Épaves en 1866, et les poèmes condamnés des Fleurs du mal), Rops devient l’un des illustrateurs les plus recherchés de la capitale française où il s’installe définitivement en 1874, sans renoncer à voyager à travers l’Europe et l’Amérique du Nord. Il en ramène d’éblouissants paysages ; mais à côté de cette peinture à l’huile, le dessinateur continue d’affoler les bourgeois bien-pensant par ses thématiques provocatrices. Membre du Groupe des XX, Félicien Rops a encore croisé la route d’Armand Rassenfosse (1886). De leur profonde amitié naissent une technique particulière de gravure et un vernis mou transparent, au nom évocateur, le « Ropsenfosse ».

Loin de ces techniques, mais faisant preuve d’une créativité indéniable, l’architecte Lalière et le sculpteur Bonnetain intègrent hardiment le mémorial Rops dans le parc Louise-Marie. Proche ami de Jules Destrée, Armand Bonnetain (Bruxelles 1883 – Uccle 1973) signe un médaillon présentant le profil droit de Félicien Rops. Ce médaillon en bronze est enchâssé dans une large plaque de marbre où se lit la dédicace : 1833-1898, Félicien Rops. Quant à Jules Lalière, il adapte à Namur l’œuvre parisienne de Rops.

Médailleur-statuaire, ce fils d’un chef-coq de nationalité française ne prend la nationalité belge qu’en 1926. Ancien élève de Constant Montald, Bonnetain s’adonne d’abord à la peinture avant d’être happé par la sculpture à la suite des cours de Charles Van der Stappen qui l’initie plus particulièrement à l’art de la médaille. Contemporain des Anto Carte, Paul Delvaux, René Magritte et Edgar Tytgat, de Pierre Theunis et Marcel Rau, Armand Bonnetain se spécialise dans le seul genre de la médaille. Du portrait de l’épouse de Van der Stappen, en 1902, à la représentation du compositeur Léopold Samuel, sa dernière réalisation en 1968, Bonnetain signe près de trois centaines de médailles, réalise des bas-reliefs, parfois de grande taille, ne réalisant des bustes exceptionnellement que pour ses amis (comme celui de Jules Destrée en 1913). Comme l’écrit François de Callataÿ, « Bonnetain s’inscrivit comme l’héritier de la tradition renaissante du portrait en médaille, qui fait correspondre au portrait physique du droit celui moral du revers ». S’il est le plus souvent adepte du format rectangulaire, il signe à Namur un médaillon arrondi pour Félicien Rops. Il s’intègre dans une pierre rectangulaire beaucoup plus large qui prend place au milieu de l’escalier réalisé par Jules Lalière (Lambusart 1875 – Namur 1955). Formé à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles dans les années 1890, il sera désigné architecte-urbaniste de la ville de Namur en 1946, nomination consacrant une intense activité d’un demi-siècle dans la capitale wallonne. Installé dès le début du XXe siècle à Namur, il y réalise trois maisons de maître « Art Nouveau » avant de mener la construction de son propre hôtel particulier inspiré par Victor Horta. Le succès qu’il rencontre avant-guerre dans la vallée mosane ne se dément pas quand sonne l’heure de la reconstruction. Si son plan d’aménagement de la Grand’ Place de Namur n’est pas retenu, il obtient des commandes privées (cinéma « Renaissance », maison de François Bovesse, hôtel du Château de Namur à la Citadelle) ou plus sociales (Cité Renaissance à Saint-Servais) où s’expriment des styles fort différents. S’étant consacré aussi à la restauration de monuments anciens, il entre sans surprise comme membre effectif de la Commission royale des Monuments et des Sites (Section Monuments) en 1937. En tant qu’architecte, Lalière apporte une contribution remarquée à deux monuments commémoratifs : le mémorial du massacre de Tamines (avec Mascré, en 1920) et son « escalier Rops » (avec Bonnetain).

Sources

Wallonia 1912, p. 561
La Vie wallonne, 15 août 1921, n°12, p. 573
La Vie wallonne, 15 octobre 1925, LXII, p. 81
La Vie wallonne, 15 décembre 1925, LXIV, p. 133-146
La Vie wallonne, octobre 1933, CXLVIII, p. 66-68
Maurice KUNEL, dans Biographie nationale, t. 33, col. 627-631
François DE CALLATAŸ, Armand Bonnetain, dans Nouvelle Biographie nationale, t. IX, p. 54-58
Marc SIMON, Jules Lalière, dans Nouvelle Biographie nationale, t. III, p. 211-212
Anne-Françoise GOFFAUX, Bernard WODON, Répertoire des architectes wallons du XIIIe au XXe siècle, Namur, 1999, Études et documents, série Aménagement et Urbanisme n°4, p. 99

 

Mémorial Félicien Rops – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Parc Louise-Marie
5000 Namur

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Plaque Henri MICHAUX

Après la Première Guerre mondiale, François Bovesse a donné ses lettres de noblesse au décret de l’Assemblée wallonne instaurant une fête de la Wallonie. Avec la création en 1923 du Comité de Wallonie, l’organisation des fêtes à Namur est désormais structurée et pérennisée : désormais, des manifestations rendent hommage aux volontaires wallons qui ont contribué aux Journées de Septembre 1830. 

Mêlant discours politique, folklore wallon et namurois, le rendez-vous annuel de septembre prend plusieurs déclinaisons dont l’inauguration de plaques commémoratives en souvenir de « grands Namurois ». En 1925, à l’initiative des Amis de l’Art wallon, en particulier de la section namuroise, la plaque apposée sur la « maison natale » de Félicien Rops est la première à s’inscrire sur une liste qui ne va cesser de s’allonger. En septembre 1987, trois ans après sa disparition, le poète Henri Michaux, à son tour, est honoré par l’apposition d’une plaque sur une façade de la place de l’Ange 

Plaque Henri Michaux (Namur)


Plusieurs poèmes de Michaux sont lus à cette occasion par Robert Delieu, ainsi que par des artistes de l’Atelier poétique de Wallonie. Né en Wallonie, élevé six ans en Flandre puis à Bruxelles, ce fils de bonne famille insoumis s’est exilé en France, où il s’est employé à renier ses racines. Après une adolescence chaotique, Michaux découvre l’œuvre de Lautréamont (1922), puis de Rimbaud, voire de Charlie Chaplin, ainsi que la peinture de Klee, Ernst et Chirico (1925) ; c’est l’étincelle qui provoque en lui le besoin de l’expression.  

Il se lance dans l’exploration du monde, il dessine, écrit et peint ce qu’il voit, ressent et vit : hauts sommets de l’Équateur, descente de l’Amazone en pirogue, voyages sur les pentes de volcans, en Inde, en Chine, au Japon... Ses chemins sont tortueux ; il ne trouvera pas la sérénité, même si, à Paris, Jean Paulhan devient son éditeur à la NRF et Jacques-Olivier Fourcade un ami éditeur et conseiller littéraire. 

Ses premiers dessins sont des pages d’écriture prenant la forme de pictogrammes. Ses livres sont tumultueux. Ses carnets de voyage sont tantôt réels tantôt imaginaires. Ses gouaches et aquarelles représentent des forêts vierges luxuriantes sur fond noir. Sa peinture capte les images intérieures de L’Espace du dedans (1944). En 1938, il a créé un personnage, Plume, spécimen extraordinaire de l’individu moderne. Ses dessins doivent beaucoup à la mescaline, une des substances hallucinogènes dont Michaux fait une expérience systématique de 1956 à 1960. Ses graphiques créent un nouvel univers de signes. Son long périple au pays du soi-même s’accompagne d’expériences poétiques étranges dont la drogue n’est pas absente à partir de 1954. Toujours à contre-courant, Henri Michaux – qui a obtenu la citoyenneté française en 1955 – a publié une trentaine d’ouvrages, reportages, histoires fantastiques et réalistes, contes fantaisistes et humoristiques. 

Finalement, même si l’intention est d’honorer un des plus remarquables créateurs wallons du XXe siècle, apposer une plaque commémorative sur la maison natale de Henri Michaux peut apparaître comme un geste iconoclaste, tant Henri Michaux a combattu pour se couper de ses origines. Fondamentalement, Henri Michaux ne voulait pas naître, et toute sa vie, il a traîné ce fardeau originel. Peut-être est-ce pour cela que la plaque apparaît comme une sorte de mensonge : Michaux n’est pas né là, mais non loin de là, dans un immeuble figurant dans le pâté de maisons qui ont été détruites pour aménager la place de l’Ange. La maison natale de Michaux n’est plus là, mais son esprit hante encore le cœur de Namur. 

 

- Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, septembre 1987 
- Jacques VANDENBROUCKE (texte), Pierre DANDOY (photos) : 40 ans de fêtes de Wallonie à Namur, Bruxelles, Luc Pire, 2000, notamment p. 119 
- Mémoires de Wallonie, Les rues de Louvain-la-Neuve racontent…, Louvain-la-Neuve, 2011, p. 303 
- Le Guetteur wallon, octobre 1928, n°8-9, p. 18 
- Raymond BELLOUR, Ysé TRAN, Henri Michaux Œuvres Complètes, Gallimard, coll. « La Pléiade », Paris, 1988

Place de l’Ange 50
5000 Namur

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Paul Delforge