Lemaître Georges

Académique, Eglises, Nobel, Science, Physique

Charleroi 17/07/1894, Louvain 20/06/1966

Si tout le monde s’est accordé à reconnaître le génie d’Albert Einstein, de sa théorie de la relativité restreinte (1905) et celle de la gravitation, dite de la relativité générale (1915), rares étaient ceux qui en comprenaient les principes. Parmi ces exceptions figurait Georges Lemaître qui non content d’assimiler les découvertes de ses illustres prédécesseurs, en contestait certains aspects et en dégageait une nouvelle théorie concernant l’univers (1927, 1931) que des observations américaines confirmeront beaucoup plus tard (1992).

Originaire du pays de Charleroi, le jeune Lemaître a entrepris des études d’ingénieur à Louvain que la Grande Guerre a interrompues. Engagé volontaire, il participe à la bataille de l’Yser et termine la guerre avec le grade d’adjudant. En 1920, il achève ses études à l’Université catholique de Louvain, comme docteur en sciences physiques et mathématiques. Formé dans la brillante école de mathématique de Louvain, auprès de Charles de la Vallée-Poussin (analyse) et d’Ernest Pasquier (mécanique et cosmologie), il se familiarise très tôt avec les idées d’Einstein.

Une étude sur La Physique d’Einstein lui vaut d’ailleurs une bourse de voyage et il est admis comme étudiant-chercheur à l’Université de Cambridge (1923). Capable d’appréhender les concepts nouveaux de son époque, Georges Lemaître s’initie aux théories stellaires modernes avec l’astronome anglais Eddington, avant de passer une année au Harvard College Observatory de Cambridge et de défendre sa thèse de doctorat au Massachusetts Institute of Technology (1926). Aidé par les découvertes de l’astronome américain Edwin Hubble (galaxies extérieures à la nôtre) et en conciliant la théorie d’Einstein avec lequel il est en désaccord (un univers stable et homogène, fini dans sa masse et son volume mais sans limite) et celle de De Sitter (un univers croissant en volume dans l’espace et le temps, donc en expansion, mais instable), Lemaître contribue à asseoir la théorie de l’univers en expansion (1927) et émet sa théorie de l’atome primitif, début temporel de l’univers (1931). Déjà, il pose l’hypothèse que le rayonnement cosmique porte la trace des événements initiaux, en d’autres termes qu’il existe un écho de la naissance du monde. Popularisée plus tard sous le nom de théorie du Big Bang (bien que l’expression soit initialement utilisée par ironie - 1949), cette thèse, éminemment révolutionnaire, nécessitera plusieurs années avant de s’imposer. En effet, Lemaître identifie l’univers à un atome gigantesque dont l’explosion, à une époque donnée, expliquerait la structure actuelle du cosmos. L’explosion aurait provoqué l’émission de protons, neutrons, électrons et photons à une température énorme. En 1992, les observations américaines confirmeront et compléteront l’hypothèse du Big Bang.

La théorie de l’univers en expansion et le traitement mathématique magistral qu’il en fit placent Georges Lemaître parmi les grands noms du monde scientifique de son époque. Et ses nombreux voyages lui permettent de confronter ses idées avec ses prestigieux collègues. Aux États-Unis, il voit naître les « machines à calcul » et il se passionne pour ces outils dont il maîtrise rapidement les fonctions. Après la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il s’intéresse à la formation des nébuleuses, il devient l’un des pionniers des machines à calculer sur le vieux continent. Dans les années ’50, il introduit la première machine électronique à Louvain. Il s’intéresse à la programmation en langage machine, et suit de très près cette évolution. Passionné de mathématiques, il a contribué par une série de travaux tant à la théorie des intégrales elliptiques, qu’à la mécanique théorique, à l’analyse numérique et au calcul élémentaire.

À sa carrière de professeur à la Faculté des Sciences de Louvain, où il est en charge du cours de « relativité » (1926-1964), Georges Lemaître ajoute une dimension spirituelle. Entré au Grand Séminaire de Malines, il a été ordonné prêtre en 1923. À aucun moment, le scientifique n’établira de confusion entre ses découvertes et sa foi, entre le « commencement » physique et la « création » philosophique.

Prix Franqui (1934), Prix décennal des Sciences appliquées (1933-1942), membre de nombreuses académies internationales, Georges Lemaître reçoit le prix quinquennal des Amis du Hainaut en même temps que J. Destrée et J. Bordet en 1935. Médaille Mendel (1934), il est porté à la présidence de l’Académie pontificale des Sciences en 1960 ; il en est membre depuis 1940. En 1960 encore, la prélature lui est conférée.
Engagé résolument dans la défense d’une section française à l’Université catholique de Louvain, le chanoine Lemaître assure la présidence de l’ACAPSUL (avril 1962), organisme qui défend avec vigueur les intérêts de la communauté universitaire française à Leuven et s’oppose à l’expulsion des Wallons.

Sources

LAMBERT Dominique, Un atome d’univers, Bruxelles, 2000
Lemaître, le père du Big Bang, les génies de la science, avril 2007
LUMINET Jean-Pierre, L’invention du big bang, Paris, Seuil, 1997
MAWHIN Jean, Les mathématiques, dans Histoire des sciences en Belgique, 1815-2000,  II, Bruxelles, 2001, p. 77
MANNEBACK Charles, Biographie Nationale, 1975, t. 38, col. 453-466