La réorganisation administrative de la Belgique imposée par l’occupant (1917-1918)

Appelés à administrer la Belgique, les Allemands en viennent rapidement à réorganiser profondément l’État. Bras droit de l’empereur, un gouverneur général dirige le pays : von Bissing d’abord, von Falkenhausen ensuite. Rencontrant dans un premier temps des revendications exprimées par le Mouvement flamand, l’occupant va plus loin et décide d’une séparation administrative de la Belgique. « Il est formé en Belgique deux régions administratives dont l’une comprend les provinces d’Anvers, de Limbourg, de Flandre orientale et de Flandre occidentale, ainsi que les arrondissements de Bruxelles et de Lou¬vain ; l’autre (comprend) les provinces de Hainaut, de Liège, de Luxembourg et de Namur. L’administration de la première de ces deux régions sera dirigée de Bruxelles ; celle de la deuxième, de Namur » (décret du 21 mars 1917). Pour la première fois de manière aussi claire, sont définies officiellement les limites d’un territoire administratif appelé la Flandre et d’un autre appelé la Wallonie. Bruxelles est considérée comme ville flamande. La partie romane du Brabant est répartie entre les provinces de Hainaut et de Namur. Au printemps 1918, l’occupant envisagera sérieusement de constituer une « Union de la Flandre et de la Wallonie sous une couronne unique ».

Référence
WPgM_Carte_8


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Les rêves d’une Grande Belgique (1916-1921)

En raison de l’occupation allemande en Belgique, la presse belge est plus que jamais patriotique, exalte l’âme belge et l’Union sacrée, et en vient même à s’interroger sur les perspectives d’avenir du pays. Dans les milieux officiels désormais réfugiés au Havre, on évoque sérieusement la possibilité d’élargir les frontières de la Belgique, pour devenir maître de l’embouchure de l’Escaut, pour mieux contrôler les eaux de la Meuse, voire pour protéger davantage la cité de Liège. L’annexion du grand-duché de Luxembourg et celle de la Prusse malmédienne sont considérées comme acquises (fin 1914, début 1915). L’idée d’une ‘Grande Belgique’ est caressée dans certaines milieux où refait florès la théorie des ‘frontières naturelles’ qui permettrait à la Belgique de s’étendre jusqu’au Rhin et le long des bassins mosan et scaldien. Un manifeste, des livres entretiennent les revendications ; certains ministres couvrent aussi l’idée que la Belgique devienne le pays auquel on confierait la garde des Lieux-Saints. Ces idées comme celle d’un retour aux frontières d’avant 1839, encore défendues au moment des négociations de paix (1919), seront très mal accueillies par les « Grandes puissances ».

Références
WPgM_Carte_9


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Ettapengebiet (1915-1918)

Pendant les quatre années de la guerre, la Belgique dépend à la fois des autorités militaires et du gouverneur général. En janvier 1915, le territoire belge s’accroît des territoires français de Fumay, Givet et Maubeuge. Procédant à sa réorganisation intérieure, les Allemands créent d’emblée deux zones bien distinctes en soustrayant au territoire occupé (Okkupationgebiet) d’une part, le district des Étapes (Etappengebiet) et la zone des armées d’autre part. Le district des Étapes est soumis à la seule autorité militaire qui autorise, ou non, l’application des décisions du gouvernement général prises à Bruxelles. Placée d’abord sous l’autorité de la 4e armée allemande, l’Etappengebiet se compose de la partie de la province de Flandre occidentale au nord de l’Yser, d’une grande partie de la province de Flandre orientale, l’extrême ouest de la province de Hainaut et de l’extrême sud de la province du Luxembourg. L’étendue du domaine des Étapes varie avec le temps.

Référence
PaSLq-dep ; WPgM_Carte_6


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Le tour du monde en guerre des autos-canons belges (1915-1918)

Avec trois cents volontaires de guerre, dix autos blindées (soit six autos-canons et quatre autos mitrailleuses) contournent le champ de bataille de l’Europe de l’ouest pour rejoindre les troupes russes. Pour ces forces occidentales, il s’agit de venir en aide au grand-quartier impérial des armées russes et de participer à une guerre de mouvement. Au sein de ce corps expéditionnaire belge, Marcel Thiry et son frère Oscar partagent l’autocanon 14, surnommée Chochotte, avec notamment le futur mandataire communiste Julien Lahaut et le lutteur Constant-le-Marin, quatre fois champion du monde.
Ayant quitté Brest à destination d’Arkangel, le corps des autos-canons combat pour la première fois en 1916 en Galicie. Le succès est au rendez-vous. Fin septembre, le général russe Broussilof arrête cependant l’offensive. Malgré la désertion des soldats russes, Kerensky qui vient devenir le nouveau ministre de la guerre dans le 2e Cabinet du prince Lvov (mai 1917), lance une offensive contre les Allemands le 16 juin. La révolution bolchévique d’octobre met un terme à la guerre sur le front oriental. Alors que la paix de Brest Litovsk est en pour-parler, « le Corps se trouvait aventuré en position douteuse ainsi perdu au fond d’un immense État en révolution dont on ne voyait plus très bien comment on pourrait sortir ». En novembre, l’ordre est donné de rentrer en France mais les troupes sont bloquées à Kiev jusqu’à l’arrivée de l’armée rouge, fin janvier 1918. Il n’est cependant pas question de regagner le pays par l’ouest. Après bien des périples, les volontaires belges arrivent à Omsk et signent l’engagement individuel de ne pas combattre les bolcheviks, moyennant quoi ils ont la promesse d’atteindre la frontière orientale de l’ancienne Russie sans obstacle. Après 62 jours 10.000 kilomètres en wagons, Vladivostok est atteint où un paquebot américain les attend. Après dix-huit jours de traversée du Pacifique, le corps expéditionnaire belge est accueilli en grande pompe dans toutes les villes des États-Unis, engagés dans le conflit depuis avril 1917. Rien n’est trop beau pour fêter les premiers soldats qui reviennent du combat. De New York, sur le transatlantique La Lorraine, ils arrivent à Bordeaux où l’unité blindée est dissoute. La rentrée au pays se réalise au moment où les forces alliées prennent l’ascendant sur le Reich.

Références
Frat-C ; ThiM ; ThiO&M ; WPH04-400


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Première Guerre mondiale : les combats d’août à décembre 1914

Le 4 août, les troupes du Reich violent la frontière belge. Le 7 août, la brigade du général Erich Ludendorff parvient à entrer dans Liège et s’en empare, malgré la résistance pugnace des forts de la Meuse. Pendant une semaine encore, douze forts liégeois parviennent à retenir les autres divisions allemandes à l’entrée de la vallée qui donne accès à la France ; le 14 août, sept d’entre eux doivent pourtant se résoudre à capituler ; le 15, Boncelles et Lantin tombent de concert. Sous les coups des troupes allemandes désormais rassemblées, Loncin se rend à son tour. Dans le même temps, comme l’avaient prévu certains militants wallons, les Prussiens ont usé des voies ferroviaires récemment construites (notamment le tronçon Francorchamps-Malmedy-Stavelot) pour envoyer rapidement des troupes vers Verdun. Les 22 et 23 août, Neufchâteau, Virton, Namur, Charleroi, Mons, doivent admettre la supériorité de l’envahisseur. Le 26 août, l’ensemble de la Wallonie est sous domination allemande. Entre le 5 et le 26 août, plus de 5.000 civils sont exécutés par l’envahisseur, et plus de 15.000 maisons sont détruites. Plusieurs dizaines de communes wallonnes sont en droit de se considérer comme villes martyrs ; la mémoire collective wallonne retient surtout les noms de Visé, Soumagne, Andenne, Tintigny, Tamines, Ethe et Dinant.
Le 20 août, les troupes allemandes sont entrées dans Bruxelles. La stratégie militaire belge d’avant-guerre tente de faire ses preuves par la politique du réduit autour d’Anvers. Les bombardements allemands sur la métropole portuaire sont de plus en plus violents (octobre) et, rapidement, les troupes repliées doivent évacuer. Les 6 et 7 octobre, elles prennent la direction de l’Yser où commence une longue et pénible guerre de tranchées. Le 10 octobre, Anvers tombe. Le gouvernement trouve refuge à Ostende d’abord (6 au 13 octobre), à Sainte-Adresse, près du Havre ensuite, alors que le roi Albert qui ne veut pas quitter le « sol national » s’installe à La Panne.
La contre-offensive Joffre sur la Marne reporte sine die l’entrée des Allemands dans Paris, et les défaites essuyées à Ypres et à Arras les empêchent d’atteindre jamais la côte de la Manche. La résistance militaire qui se concentre dans les plaines de l’Yser annihile les espoirs allemands d’une victoire rapide.

Références
Duby94 ; FH05-270 ; G14AAB02 ; G14AAB05  ; G14AAB06 ; GeGB52a ; H113 ; M262 ;Win73

 


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L’armée belge en position de paix renforcée (31 juillet 1914)

Reconnu en 1831 par le concert des nations, à l’exception des Pays-Bas, le nouvel État belge a reçu les garanties de sa pérennité au lendemain de la Conférence de Londres, en 1839. Sa neutralité – perpétuelle et armée – est garantie – soit collectivement soit individuellement – par les grandes puissances. Ainsi protégée, la Belgique ne va pas accorder une très grande importance à sa politique étrangère. Quant à sa politique de défense nationale, elle est dominée depuis 1860 par la doctrine dite « du réduit national » : en construisant le réduit d’Anvers, les responsables de l’époque estiment établir une citadelle inexpugnable à partir de laquelle tout ennemi pourra être refoulé. L’ennemi d’alors c’était surtout la France de Napoléon III. Au lendemain de 1870, la Belgique craint que Français et Prussiens règlent leur revanche sur le territoire de la moyenne Belgique, le long de la Meuse. Pour faire face à un danger qui pourrait aussi venir de l’est, des forts sont construits sur la Meuse, à partir de 1887. En 1906, alors que Français et Allemands se toisent à Tanger, une loi entérine officiellement une tactique qui consiste à ne livrer qu’une résistance sporadique en cas d’attaque, à mener quelques combats d’arrière-garde et, surtout, à se réfugier autour d’Anvers où des forts sont alors construits et où sont entreposées toutes les réserves de vivres et de matériels. On s’appuie ainsi sur la seule frontière néerlandaise en omettant de prévoir ce qu’il adviendrait d’une armée belge qui, assiégée au sud, verrait les frontières des Pays-Bas, pays neutre, verrouillées. Cette tactique suppose aussi l’abandon total du reste du pays dès le début de l’offensive : en l’occurrence toute la Wallonie et son riche bassin industriel, qui est aussi, par la vallée de la Meuse, la route directe de l’Allemagne vers la France. Les forts de Namur et de Liège n’ont d’autres objectifs que de retarder aussi longtemps que possible une éventuelle percée ennemie. Cette stratégie alerte et inquiète les milieux libéraux et certains milieux wallons. Après plusieurs mois de débats parlementaires, une importante réforme de l’armée est adoptée en 1913. Ces dispositions ne sont pas d’application quand l’Allemagne remet son ultimatum au gouvernement belge (2 août 1914).
En « positions de concentration », six divisions devaient assurer la défense du territoire. Dans un rôle d’avant-garde, la 1ère division (dite des Flandres) était orientée pour faire face à un danger qui pourrait venir d’Angleterre ; la 3e division (dite de Liège) regardait l’Allemagne ; les 4e et 5e divisions devaient se protéger de la France en cas d’attaque sur Namur ou par Maubeuge-Lille. Leur mission respective était de résister le temps qu’arrivent les cinq autres divisions en renfort. Dans ce dispositif, Liège et Namur servaient de places d’arrêt, de têtes de pont et de points d’appui. Anvers constituait un camp retranché et une place refuge.

Références
G14AAB01 ; G14AAB02  ; G14AAB06 ; Lent354


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L’Europe à la veille de la Première Guerre mondiale

À la veille de la Grande Guerre, des alliances ont été nouées entre de grandes puissances qui n’ont cessé de s’affirmer comme des nations tout au long du XIXe siècle. Les unifications italienne et allemande sont récentes ; du Schleswig-Holstein aux Balkans, les empires centraux restent en proie aux soubresauts internes ; le sort de territoires fixés lors du Congrès de Vienne reste controversé. Profitant de l’émergence des nationalités, la Russie lorgne vers la Méditerranée, alors que l’Allemagne rêve d’expansion à l’Est comme à l’Ouest. Après l’attentat de Sarajevo, le jeu des alliances emportera l’ensemble des pays dans la guerre.
La neutralité belge n’est pas une exception, même si plusieurs pays neutres parviendront à ne pas entrer dans le conflit. Engagée anciennement dans une Entente avec les puissances centrales (Allemagne et Autriche), l’Italie s’abstient d’entrer dans le conflit lorsqu’il éclate, avant de se laisser convaincre de rejoindre finalement les puissances alliées.

Références
FH05-312 ; H112 ; Sel124 ; Sel25


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Répartition régionale et politique des députés (1912)

Majoritaire depuis 1884, le Parti catholique est fortement influencé par ses représentants à l’écoute des revendications flamandes. Dès lors, la mino¬risation politique de la Wallonie devient de plus en plus évidente et se manifeste paradoxalement davantage depuis que le système élec¬toral a été modifié. En effet, la revendication du suffrage universel, défen¬due par les socialistes et les libéraux progressistes, et qui s’est concrétisée en partie par l’introduction en 1892 du suffrage universel tempéré par le vote plural, a eu comme conséquence d’augmenter le poids catholique au Parle-ment. Or, comme la Fédération des Cercles catholiques compte ses électeurs surtout au nord du pays, les revendications flamandes trouvent de plus en plus d’échos au Parlement.
Les difficultés internes que connaît le Parti catholique en 1911 font naître de grands espoirs de changements dans les rangs de ses adversaires. Aux élections du 2 juin 1912, sous un régime de suffrage universel plural à la proportionnelle, et où le nombre de sièges de députés a augmenté par rapport à 1910, passant de 166 à 186, le succès catholique et flamand constitue une surprise. Au niveau national, la Fédération des Cercles catholiques progresse de 86 à 101 sièges (dont 28 en Wallonie) ; les libéraux maintiennent le statu quo (45, dont 17 en Wallonie) ; les socialistes passent de 34 à 39 (dont 27 en Wallonie) et le parti de l’abbé alostois Adolphe Daens  compte un élu. Après une campagne électorale très tendue, parfois violente, la défaite des libéraux et des socialistes est d’autant plus cuisante qu’ils ont largement pratiqué la formule des listes de cartel et qu’ils disposent d’une large majorité en Wallonie (44 sièges sur 72).

Références
Moyne


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Répartition régionale et politique des députés (1900)

Attribuant au système majoritaire leur disparition du paysage politique belge, les libéraux se mobilisent en faveur de l’introduction d’un scrutin à la proportionnelle. Ce principe est d’application lors du scrutin du 27 mai 1900. Le parti libéral retrouve des couleurs et surtout des élus, en Flandre et à Bruxelles, comme en Wallonie. À son tour, le POB bénéficie de la forte déroute du parti catholique surtout manifeste dans les arrondissements flamands. Néanmoins, les catholiques conservent une solide majorité à la Chambre (88 élus sur 152).

Références
Moyne


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Répartition régionale et politique des députés (1894)

Depuis plusieurs années, la revendication du suffrage universel est portée par les forces progressistes, surtout en pays wallon. Les élections législatives du 14 octobre 1894 sont les premières organisées selon le système du suffrage universel, masculin, tempéré par le vote plural. En d’autres termes, tous les hommes âgés de 25 ans, mais seulement les hommes, ont le droit de voter pour leurs députés ; un maximum de trois voix est accordé aux pères de famille de 35 ans, occupant une habitation qui représente un certain niveau d'impôt personnel ou aux propriétaires d'un immeuble d'une valeur définie, ou aux capacitaires qui disposent d'un diplôme d'enseignement supérieur ou de fin d'humanité. La réforme du régime électoral est inscrite dans la Constitution dont la révision a été réalisée sous la pression véritablement insurrectionnelle de la classe ouvrière.
À la Chambre, en 1894, les arrondissements de Flandre envoie 72 députés, dont 71 catholiques et un daensiste. Du côté wallon, le tout jeune Parti ouvrier belge (créé en 1885) dispose de ses 28 tout premiers députés, tous élus dans les arrondissements du sud du pays. Divisés depuis de longues années entre doctrinaires et progressistes, les libéraux sont, quant à eux, les grands perdants de ces élections : la représentation libérale passe de 60 sièges sur 152 aux élections du 14 juin 1892, à 20 sièges sur 152 en 1894 et à 13 sièges en 1896 et en 1898. En 1894, tous les députés libéraux proviennent du pays wallon.

Références
Moyne


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