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Paul Delforge

Stèle Richard HEINTZ

Stèle Richard Heintz, réalisée par Adelin Salle, 22 septembre 1935. 

Au décès de Richard Heintz, en mai 1929, ses amis forment un comité pour mieux faire connaître son œuvre et lui rendre durablement hommage (1930). Une grande rétrospective est organisée à Liège à la fin du printemps 1931, avant que le comité n’inaugure, le 22 septembre 1935, une série de lieux de mémoire dont un monument dans le village de Sy-sur-l’Ourthe. C’est dans ce hameau, en effet, que le peintre avait découvert les paysages qui l’inspiraient le plus. Ayant pris résidence à Nassogne, il se rendait souvent sur les bords de l’Ourthe, mais aimait aussi s’inspirer des horizons qu’offraient Stoumont, sur les bords de l’Amblève, ainsi que Redu, les sources de la Lesse et les forêts de Nassogne.


Natif de Herstal, en 1871, Heintz avait fait ses premiers pas artistiques à l’Académie de Gand (1887), avant de parfaire sa formation à l’Académie de Liège (1888-1892). La Mer du Nord, l’Ardenne et l’Italie (où il séjourne de 1906 à 1912 grâce à une bourse de la Fondation Darchis) sont ses premiers modèles. Ses explorations lui permettent de découvrir les secrets des jeux de la lumière et il commence à créer ses propres couleurs. Considéré comme « impressionniste par sa recherche de la sensation du moment, il se distingue cependant des principaux représentants français par sa technique plus large et sa palette plus grasse et souvent plus sombre, ses bleus profonds notamment » (Parisse). Sa manière de peindre est aussi plus impulsive. S’il ne professe pas à l’Académie de Liège, Heintz est considéré comme un maître à peindre, et ses disciples sont nombreux. De tempérament solitaire, il trouve à Sy son paradis. Il y revient régulièrement et, pour s’en rapprocher encore davantage, décide d’habiter à Nassogne de 1926 à 1929. C’est au bord de l’Ourthe qu’en mai 1929 la mort viendra le surprendre alors qu’il recherchait la meilleure lumière pour son prochain tableau.
Dans un premier temps, le Comité Richard Heintz (que préside Olympe Gilbart, aidé d’Armand Rassenfosse comme vice-président de Jules Bosmant comme secrétaire) envisage d’ériger un mémorial sur la Roche Noire. Pour des raisons techniques, le Comité opte finalement pour le hameau de Sy, à hauteur de la route de Filot. C’est là qu’une stèle en pierre bleue portant un médaillon est inaugurée le 22 septembre 1935, période des Fêtes de Wallonie, en présence de nombreux amis du peintre, de personnalités des mondes politiques et culturels liégeois et wallons. Dans ses discours, Olympe Gilbart classe Richard Heintz « parmi les peintres qui expriment avec la plus loyale tendresse la terre wallonne » et souligne que « son » comité a voulu « honorer celui qui a traduit avec la plus totale sincérité toutes nos émotions devant les arbres, les eaux et les rochers des Ardennes ».


Sollicité pour figer dans le marbre la personnalité du « peintre de Sy », le statuaire Adelin Salle relève le défi par un monument sobre. La stèle arrondie en pierres bleues supporte un médaillon de grande taille, en bronze, présentant le profil droit de Richard Heintz. Ayant été formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège, sa ville natale, après avoir travaillé quelques années dans la forge paternelle, Adelin Salle s’avère un portraitiste doué (Zénobe Gramme et César Franck) qui, comme nombre de ses collègues sculpteurs, est fortement sollicité au lendemain de la Grande Guerre pour réaliser des monuments aux victimes du conflit mondial (par ex. le monument aux lignes assyriennes du Sart-Tilman). Dès cette époque, il fait preuve d’un style classique qu’il n’abandonnera jamais. Outre des compositions allégoriques et divers sujets religieux, Adelin Salle n’est pas encore très connu quand il est sollicité pour le mémorial R. Heintz. Mais une certaine notoriété l’attend en 1937 quand il est fait appel à lui sur le chantier du Lycée de Waha et lorsqu’il signe une statue en marbre blanc, représentant en pied la reine Astrid présentant le prince de Liège. Après la Seconde Guerre mondiale, l’architecte Georges Dedoyard lui confie une partie de la décoration du pont des Arches (1947-1948). S’il est aussi nommé professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Liège de 1944 à 1949, Adelin Salle ne connaît pas l’aisance, lui qui ne vit que pour son art qu’il pratique quotidiennement dans son atelier de Cointe. Il s’éteint à Tilff en juillet 1952, localité où il avait signé un coq très reconnaissable sur le monument aux morts.


 

Stèle Richard Heintz

 

Sources



La Vie wallonne, août 1929, CVII, p. 294-296
La Vie wallonne, octobre 1931, CXXXV, p. 62-67
La Vie wallonne, octobre 1935, CLXXXII, p. 59-62
La Vie wallonne, IV, n°260, 1952, p. 305
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 689-690 et t. II, p. 394
Une certaine idée de la Wallonie. 75 ans de Vie wallonne, Liège, 1995, numéro spécial de La Vie wallonne, t. LXIX, p. 148
Jacques PARISSE, Richard Heintz 1871-1929. L’Ardenne et l’Italie, Liège, éd. Mardaga, 2005
Liliane SABATINI, Le Musée de l’Art wallon, Bruxelles, 1988, collection Musea Nostra
W. LEMOINE, dans Biographie nationale, t. 35, col. 370-373
Serge ALEXANDRE, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996

Route de Filot
4190 Sy

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Mémorial Guillaume LEKEU

Mémorial Guillaume Lekeu, réalisé par Adolphe Wansart, 27 septembre 1936.


À l’initiative d’un comité local, un mémorial Guillaume Lekeu est inauguré à Verviers, le 27 septembre 1936. Aucune date anniversaire liée à Lekeu ne motive cet événement qui s’inscrit résolument dans le cadre des Fêtes de Wallonie. 

Depuis la décision prise par l’Assemblée wallonne en 1913, celles-ci s’organisent grâce au dévouement de cercles privés dans les derniers jours de septembre ; la présence à Verviers du ministre François Bovesse – dont chacun sait qu’il a relancé la dynamique des fêtes de Wallonie à Namur, au début des années 1920 – rehausse l’événement. Au nom du comité verviétois, son vice-président, M. Herla, remet le mémorial entre les mains des autorités verviétoises qui s’engagent à en assurer la préservation. Au nom des Artistes wallons de Bruxelles, René Lyr vante les qualités du jubilaire : « Sans Lekeu, il manquerait quelque chose à la musique (…). Il a apporté dans l’art musical une note originale et nouvelle, un sentiment, une couleur d’âme unique, que l’on retrouve à chaque page, à tel point que l’on reconnaît immédiatement sa phrase musicale (…) » qu’il tenait de son sol natal, de son pays wallon.


Intégrant sa culture wallonne à la formation « franckiste » qu’il reçoit à Paris et aux encouragements d’Ysaye qui l’a repéré, Guillaume Lekeu s’est très vite révélé un musicien, mais surtout un compositeur d’exception. Alors qu’il s’apprêtait à inscrire son nom dans l’histoire de la musique en Wallonie au XIXe siècle, son talent a été prématurément écrasé par le typhus. À 24 ans, le Verviétois (1870-1894) mourait en effet à Angers, où les affaires retenaient constamment sa famille, laissant de trop rares compositions. « Le monument s’élève, l’œuvre demeure, l’art est vivant », conclut François Bovesse lors de son discours qui salue également la réalisation d’Adolphe Wansart (1873-1854).

Mémorial Guillaume Lekeu

Portraitiste de talent, ce Verviétois est un artiste qui s’est adonné dans sa carrière autant à la sculpture qu’à la peinture. Formé au dessin aux Académies de Verviers et de Liège, avant de prendre des cours de peinture à l’Académie de Bruxelles, marié à la peintre Lucie De Smet, il s’est installé dans la capitale belge (Uccle), où il se signale d’abord par ses tableaux aux lignes simples et aux couleurs vives. 

Arrivé à la sculpture vers 1900, celui qui avait été l’un des élèves de Van der Stappen travaille autant le bois que la pierre ou le bronze. On le retrouve aussi médailleur. Laissant volontiers son imagination l’inspirer, l’artiste fréquente les Salons et s’y impose comme un « important représentant de l’école moderniste ». 

Sollicité sur des chantiers d’envergure internationale (expositions de Paris en 1925, de Bruxelles en 1935, de Paris en 1937 et de Liège en 1939), il répond aussi à des commandes privées ou officielles, réalisant aussi bien des bustes (Jean Tousseul, Pierre Paulus) que des œuvres plus monumentales, comme l’ensemble dédié à Jean Del Cour à Hamoir. Cet exemple montre que Wansart exécute volontiers des bas-reliefs. 

On retrouve sa signature sur l’un d’eux, à savoir sur le Pont des Arches de Liège (où il illustre, en 1948, la période bourguignonne/Moyen Âge) ou sur sa fresque du Grand Palais des Sports de Coronmeuse (lors de l’Exposition de l’Eau de 1939). C’est précédé de sa réputation acquise sur le monument Del Cour que Wansart est appelé à réaliser le mémorial Guillaume Lekeu dans sa ville natale. Ici, il ne représente pas le musicien lui-même, mais sa muse, debout, la tête inclinée sur sa lyre. Il sculpte l’ensemble dans la pierre blanche et la pose sur un premier socle, lui-même accueilli sur un piédestal presque cubique (en ciment ?) où est gravée la dédicace sur la face avant :
A GUILLAUME


LEKEU
1870-1894
 




 

La Vie wallonne, novembre 1927, LXXXVII, p. 70-75
La Vie wallonne, octobre 1936, CXCIV, p. 66-68
Le Thyrse, 1er novembre 1936, n°11, p. 348
Luc VERDEBOUT, Correspondance, Guillaume Lekeu, introduction, chronologie et catalogue des œuvres, Liège, Mardaga, 1993
J. ROBIJNS, dans Biographie nationale, t. 37, col. 522-526
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 775
http://balat.kikirpa.be/photo.php?path=M150784&objnr=10105107 (s.v. mai 2014)
Isabelle VERHOEVEN, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996

Square reine Astrid (près du Grand Théâtre) 

4800 Verviers

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Paul Delforge

 Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Buste MONTEFIORE-LEVI Georges

À l’entrée de l’Institut électrotechnique de l’Université de Liège, au Sart Tilman, le buste de Georges Montefiore-Levi (Streatham 1832 – Bruxelles 1906) évoque cette personnalité qui mena ses études supérieures à Liège, à l’École des Arts et Manufactures et qui, fortune faite, soutint fortement la création d’un Institut électrotechnique unique au monde, auquel sera donné son nom. 

C’est en 1904 que le buste Montefiore-Levi a été réalisé par le sculpteur Thomas Vinçotte et inauguré devant les locaux que l’Institut occupe à l’époque au 33 de la rue Saint-Gilles. Il sera transféré au Sart Tilman lors de l’installation des nouveaux bâtiments de l’Institut Montefiore (pose de la première pierre le 6 octobre 1975 et installation complète et définitive le 15 mai 1987).

Après ses humanités à l’Athénée de Bruxelles, le jeune Montefiore-Levi est venu habiter à Liège pour mener des études supérieures d’ingénieur civil. Recruté par la Société Bischoffsheim, Goldschmidt et Cie comme directeur d’une mine de nickel dans le Piémont, le jeune diplômé fonde ensuite, en bord de Meuse, sa propre usine, sous le nom « Mines et Fabriques de Nickel du Val Sesia et de Liège ». Directeur-gérant de la « Société G. Montefiore et Cie, fabrique de nickel » (1858), l’entrepreneur s’intéresse également au chemin de fer et à ses perspectives de développement, mais son expérience n’y sera pas heureuse (1856-1866).

Associé à la gestion et à l’administration de charbonnages et hauts-fourneaux appartenant à son beau-père (le riche banquier Jonathan Bischoffsheim), Georges Montefiore-Levi allie ses connaissances en chimie à des expériences en atelier et il parvient à mettre au point, en 1869, un alliage particulier de bronze phosphoreux qui va faire sa fortune. Avec le développement du réseau téléphonique, les fils en bronze phosphoreux Montefiore vont faire la fortune de son inventeur. Naturalisé (1882), Georges Montefiore-Levi qui a repris des activités fructueuses cette fois dans le domaine ferroviaire, est élu sénateur direct de Liège (1882) et siègera à la Haute Assemblée jusqu’en 1901. 

Mécène, attentif avec son épouse aux enfants pauvres et malades, l’industriel et chercheur contribue généreusement à la création de l’Institut électrotechnique dont les premiers cours sont dispensés à partir de 1883, avant d’accueillir des laboratoires, des ateliers en plus des salles de cours. 

Le succès de l’exposition universelle qui se déroule à Liège en 1905 était l’une des dernières préoccupations de George Montefiore-Levi qui siégea aussi au sein du « Comité du Monument Gramme » érigé en 1905 pour honorer l’inventeur de la dynamo. C’est vraisemblablement à ce moment que l’industriel liégeois fait la rencontre de Thomas Vinçotte, sculpteur choisi finalement pour réaliser l’impressionnant groupe Zénobe Gramme. En 1904, le statuaire réalise en effet le buste de Montefiore, celui que l’on peut voir aujourd’hui au Sart Tilman et qui, à l’origine, avait été installé dans la cour de l’ancienne École normale des humanités de Liège devenue Institut Montefiore. 

Très tôt intéressé par la sculpture, le jeune Vinçotte (1850-1925) avait déjà eu la chance de fréquenter l’atelier d’Alexandre et Guillaume Geefs quand il est admis à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Élève brillant auprès de Joseph Jaquet et d’Eugène Simonis, second au Prix de Rome 1872, il part se perfectionner dans plusieurs ateliers parisiens et les bustes (l’un de P. Orts, l’autre de Giotto) qu’il présente au Salon de Bruxelles en 1875 lui assurent une notoriété définitive. Après deux années en Italie (1877-1879), il répond à de multiples commandes publiques et du Palais royal, tout en poursuivant une œuvre personnelle. En marbre ou en bronze, avec des bustes, des statues, des monuments ou des bas-reliefs, réaliste ou introduisant de la fantaisie, Vinçotte s’impose comme une valeur sûre de son temps, se spécialisant, à partir des années 1880 dans la représentation des chevaux. Originaire de Borgerhout et décédé à Schaerbeek, il a été professeur de sculpture à l’Institut supérieur national des Beaux-Arts d’Anvers de 1886 à 1921. 

Initiative conjointe des pouvoirs publics (l’État, la province et la ville de Liège), le monument Montefiore-Levi se présentait sous la forme d’un banc semi-circulaire qui supportait le buste en marbre blanc. George Montefiore-Levi assista à l’inauguration, le 4 juin 1904. 
Le banc disparaît au moment du transfert dans les années 1980 et, sur le socle qui supporte le buste, un long texte gravé explicite en détail les circonstances du transfert et de l’installation du nouvel Institut :

LE 8 OCTOBRE 1975,   M. WELSH RECTEUR,  H. SCHLITZ 
ADMINISTRATEUR, J. FRENKIEL PROFESSEUR ORDINAIRE 
ONT POSÉ LA PREMIÈRE PIERRE DE L’INSTITUT 
D’ÉLECTRICITÉ MONTEFIORE. 
SON INAUGURATION A EU LIEU LE 3 MAI 1978 
EN PRÉSENCE DE J. MICHEL MINISTRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE, 
E.H. BETZ RECTEUR, H. SCHLITZ ADMINISTRATEUR  
ET   J. FRENKIEL,   PROFESSEUR COORDINATEUR. 
LE TRANSFERT  COMPLET  DE L’INSTITUT AU SART- 
TILMAN A ÉTÉ CELEBRÉ LE 15 MAI 1987 EN PRÉSENCE  
DE A. DUQUESNE MINISTRE DE L’ÉDUCATION 
NATIONALE, M. WATHELET MINISTRE-PRÉSIDENT DE 
L’EXECUTIF  RÉGIONAL  WALLON,   A. BODSON   REC- 
TEUR,   H.  SCHLITZ  ADMINISTRATEUR,   J. FRENKIEL 
PROFESSEUR COORDINATEUR.
ARCHITECTE :    J. - D.     MAQUET 
BUREAUX    D’ETUDES : 
GENIE CIVIL : DELTA 
EQUIPEMENTS : COPPEE-RUST

 

- François STOCKMANS, dans Biographie nationale, t. 38, col. 596-618 
- Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 472-473 
- http://www.museepla.ulg.ac.be/opera/vincotte/montefiore.html 
- Benjamin STASSEN, La Fête des Arbres - 100 ans de protection des arbres et des paysages à Esneux et en Wallonie (1905-2005), Liège, éd. Antoine Degive, 2005, p. 11 
- Philippe TOMSIN, dans Vers la modernité. Le XIXe siècle au Pays de Liège, catalogue d'exposition, Liège, 2001, p. 470 
- Joseph TORDOIR, Des libéraux de pierre et de bronze. 60 monuments érigés à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, Centre Jean Gol, 2014, p. 125-128 
- Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°37, hiver 1970, p. 27 
- Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 434 
- Éric MEUWISSEN, Richesse oblige, Bruxelles, Racine, 1999 
- Hugo LETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 605-609 
- Anne VAN LOO (dir.), Dictionnaire de l’architecture en Belgique de 1830 à nos jours, Anvers, Fonds Mercator, 2003, p. 515-516 
- Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 757

Sart Tilman
4000 Liège 

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Stèle Octave PIRMEZ

À plusieurs reprises, les autorités locales d’Acoz ont rendu hommage à Octave Pirmez (Châtelet 1832 - Acoz 1883), citoyen de l’entité, décédé le 1er mai 1883. 

En 1932, le centième anniversaire de la naissance de l’écrivain a donné lieu à de très importantes manifestations. Si les cérémonies n’ont pas manqué en 1983, pour commémorer les cent ans de sa disparition, c’est en 2013, que les autorités de Gerpinnes lancent plusieurs animations et inaugurent, dans l’espace public, une stèle en pierre bleue, réalisée par la marbrerie fleurusienne Pyrotech, sur un dessin de Philippe Busine... 

Stèle Octave Pirmez (Acoz)

Fondée en 1865 par Octave Pirmez, la Société des Fanfares d’Acoz ne pouvait manquer ce rendez-vous au cours duquel des récitants font aussi revivre des extraits de l’œuvre de l’écrivain.

La forme rectangulaire du monument évoque celle de la Tour octavienne, lieu d’écriture privilégié d’Octave Pirmez ; le bâtiment désormais en ruine est représenté sur l’une des faces de la stèle ; sur deux autres côtés, ont été gravées deux citations de Pirmez :

« J’ai consumé dans/ la vallée d’Acoz/ vingt étés et/ autant d’hivers./ Elle a pris ma vie/ tout en/ m’inspirant./ Elle et moi nous/ ne faisons plus/qu’un./ Puis-je l’oublier/ dans mes livres ? »

« Quelle que/ soient la douceur/ et la majesté/ des sites que/ nous parcourons,/ nul ne nous/ touche aussi/ profondément/ que la contrée/ où s’éveillent/ nos premières/ émotions./ Là gît la racine/ de notre vie. »

Sur la quatrième face, celle qui est orientée vers le ruisseau, on peut lire au-dessus de la gravure d’une main tenant la plume :


OCTAVE
PIRMEZ
1832
1883



À l’entrée du RAVeL, le monument est proche à la fois de l’ancienne Tour et du château Pirmez. Acquis par sa mère en 1856, le château d’Acoz est entièrement restauré (1859) et sera le lieu de résidence principal de l’écrivain pendant plus de 20 ans. Ayant choisi de s’isoler du monde, Pirmez développe une écriture centrée sur sa personne, sa vie sentimentale et une profonde mélancolie. Il se livre à une forte introspection psychologique et apparaît, aux yeux de certains critiques, comme le parangon de l’écrivain wallon. À l’inverse, d’autres considèrent que l’œuvre de « ce dandy désuet » ne mérite pas de survivre (Piron). Si des pérégrinations en Europe inspirent à Pirmez quelques belles pages de ses romans, c’est par contre dans la romantique vallée d’Acoz et à l’ombre de la tour d’Acoz qu’il écrit Les feuillées, pensées et maximes (1861), Jours de solitude (1869) et Heures de philosophie (1873), Remo. Souvenir d’un frère (1881) et ses nombreuses lettres à José de Coppin (Lettres à José, 1881).

Président de l’asbl 4e centenaire de la Châsse de Sainte Rolende, président de l’harmonie de Gerpinnes, l’architecte Philippe Busine est particulièrement impliqué dans la vie culturelle de Gerpinnes. Cousin de Laurent et frère de Gabriel Busine, il n’a jamais quitté le village d’Hymiée où il a installé son bureau d’architecte et à partir duquel il mène plusieurs projets à caractère social. Plusieurs fois sollicité par les partis politiques traditionnels, il se laisse convaincre en 2005 et est candidat cdH lors du scrutin d’octobre 2006. Meilleur faiseur de voix, il décroche le maïorat et est confirmé dans ses fonctions, six ans plus tard. C’est par conséquent un maïeur-architecte qui conçoit et inaugure le monument Octave Pirmez.



Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse 
Maurice WILMOTTE, dans Biographie nationale, t. 17, col. 622-637.
Maurice PIRON, Les lettres wallonnes dans la Littérature française, Paris, Larousse, 1969, t. II p. 372.
Marguerite YOURCENAR, Souvenirs pieux, Paris, 1973.
La Vie wallonne, 15 novembre 1922, XXVII, p. 110 et ssv. ; 15 août 1924, XLVIII, p. 481-495 ; 15 septembre 1924, XLIX, p. 14 et ssv. ; 15 novembre 1924, LI, p. 93-106 ; 15 décembre 1924, LII, p. 133-152 ; mars 1931, CXXVII, p. 323-327 ; 1963, I, p. 73 ; 1983, I, n°381, p. 54-55.
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 399.
Joseph HANSE, dans La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 384-385
http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:tSKUttIxxQAJ:www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid%3DDMF20130226_00273786+&cd=5&hl=fr&ct=clnk&gl=be 
http://acoz.skynetblogs.be/archives/category/05-acoz-histoire-patrimoine/index-1.html/ (s.v. juillet 2015)
Cécile VANDERPELEN-DIAGRE, Des hommes d’élite ? L’identification des écrivains à une classe sociale en reconstruction (Belgique, XIXe siècle), Contextes 8, 2011, http://contextes.revues.org/4717 (s.v. octobre 2015)

À l’entrée de la rue de la Tour octavienne
(à hauteur du Ravel, sur la ligne 138)
6280 Acoz (Gerpinnes)

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Théodore SCHWANN

Statue à la mémoire de Théodore Schwann, réalisé par Alfred Courtens, 23 novembre 1954.

Lorsque l’on monte les escaliers d’accès à l’Institut de Zoologie de l’Université de Liège, ainsi qu’à l’Aquarium de l’Université, il est impossible de manquer, sur le côté droit, la statue en bronze d’Édouard Van Beneden et, sur le côté gauche, la statue en bronze de Théodore Schwann (1810-1882). Posée sur un promontoire rectangulaire en pierre bleue qui s’inscrit dans la nouvelle architecture donnée au bâtiment à l’entame des années 1950, la statue présente le professeur Schwann debout, en toge, le bras droit plié, avec la main légèrement vers l’avant tenant un microscope ; elle pose la stature du chercheur dont le nom est gravé au centre d’un rectangle de la pierre laissée brute dans ce cadre. L’inscription est sobre :

« THÉODORE SCHWANN
1810-1882 »

Afin d’éclairer davantage le passant sur les mérites du personnage ainsi statufié dans l’espace public, une plaque en bronze est apposée au bas de l’escalier, à hauteur du trottoir ; elle indique que l’initiative a pu être réalisée grâce à :

« LA GÉNÉROSITÉ DU PROF. P. NOLF (QUI)
A PERMIS
À L’UNIVERSITÉ DE LIÈGE
DE DÉDIER CETTE STATUE
LE 23 NOVEMBRE 1954
AU FONDATEUR DE LA
THÉORIE CELLULAIRE ».

À l’un des frontons du bâtiment datant de 1888, une exécution de Léopold Noppius montrait déjà Darwin au centre, tandis que Schwann figurait à gauche. Cette fois, c’est le sculpteur bruxellois Alfred Courtens (1889-1967) qui a reçu commande de représenter Théodore Schwann. Ayant grandi dans une famille de peintres, sculpteurs et architecte, le fils de Franz Courtens bénéficie des conseils de Charles Van der Stappen à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, avant de suivre les cours de Thomas Vinçotte à l’Institut supérieur national des Beaux-Arts à Anvers. Prix Godecharle 1913 (grâce à un Caprice exceptionnel, Le Caprice est le nom de l’œuvre audacieuse qu’il vient de réaliser), le jeune artiste cherche à sortir des sentiers battus ; mais, après la Grande Guerre, il répondra essentiellement à des commandes officielles, tout en accordant beaucoup d’attention à la famille royale de Belgique (notamment monument reine Elisabeth à Eisden, Léopold II à Ostende, reine Astrid à Courtrai, Léopold III à Courtrai, etc.). Désormais, la production de Courtens va correspondre à la volonté des autorités nationales d’honorer les victimes de la Grande Guerre et de réaffirmer le projet politique de 1830. Ses monuments sont essentiellement implantés en Flandre et à Bruxelles, mais pas seulement : il signe en effet le monument de La Louvière, de Virton et de Sombreffe pour les victimes de 14-18 et, en 1949, il est le lauréat du concours visant à ériger La borne de la Libération à Hértain, première localité libérée par les troupes britanniques en 1944. Des bustes lui sont aussi commandés par des industriels, des diplomates et des hommes politiques (Gutt, Pholien, etc.). « Illustrateur du sentiment patriotique belge », médailleur et statuaire de la Cour, Courtens est absorbé par la statuaire publique. De 1927 à 1951, il enseigne aussi le modelage et la sculpture à l’Académie de Dendermonde (la ville dont sa famille est originaire).

C’est quelques mois après avoir signé la statue équestre du roi Albert, au Mont des Arts, à Bruxelles, et surtout le buste du professeur Nolf (1873-1953), président de la Fondation médicale Reine Elisabeth que Courtens réalise le monument liégeois de Schwann. Ancien ministre (1922-1923), mais surtout président de la Croix-Rouge de Belgique et prix Nobel en 1925, le professeur Pierre Nolf permet l’érection du monument dédié à Schwann, tant par sa générosité que parce qu’il connaît bien Courtens et qu’il admire Schwann. 

Attiré à l’Université de Louvain d’abord (1839-1848), puis à celle de Liège (1848-1882), le professeur allemand Théodore Schwann (1810-1882) est l’initiateur d’un puissant courant de recherche biologique, dont les biotechnologies actuelles sont incontestablement redevables. Ayant assuré sa formation aux universités de Bonn, Wurtzbourg et Berlin, détenteur d’un doctorat (1834), Schwann est l’auteur de plusieurs découvertes fondamentales (entre 1835 et 1839), avant d’élaborer, en 1839, la « théorie cellulaire ». Pour la première fois, l’hypothèse est émise que des cellules sont présentes dans tous les tissus vivants et que tous les organismes ne sont rien d’autre qu’un assemblage de cellules. Les découvertes du physiologiste, histologiste et cytologiste ouvre ainsi les portes à la biologie générale, au développement de la physiologie et de la pathologie expérimentales, à l’étude de la transmission de la vie et donc de l’hérédité, tandis que l’anatomie traditionnelle devra désormais s’accompagner de l’embryologie. À Liège où lui survivra une véritable école, le professeur Schwann crée un laboratoire de pointe où beaucoup d’appareils sont de son invention. Travaillant de concert avec les milieux industriels liégeois, il contribue à divers perfectionnements et inventions, dont un appareil respiratoire particulièrement utile pour des sauvetages lors d’accidents miniers.

Sources

Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°37, hiver 1970, p. 27
http://www.sculpturepublique.be/4000/Courtens-TheodoreSchwann.htm (s.v. août 2013)
Axelle DE SCHAETZEN, Alfred Courtens, sculpteur, catalogue de l’exposition du Musée des Beaux-Arts d’Ixelles, juin-septembre 2012, Bruxelles, Racine, 2012
Judith OGONOVSZKY-STEFFENS, Alfred Courtens, dans Nouvelle biographie nationale, vol. 6, p. 87-91
Judith OGONOVSZKY-STEFFENS, Les Courtens. Deux générations d’artistes, Mouscron, 1999
Léon FREDERICQ, Théodore Schwann, dans Biographie nationale, t. XXII, col. 77-98
Liber memorialis, l’université de Liége depuis sa fondation, Liège, Carmanne, 1869, col. 919-938.
Robert HALLEUX, Anne-Catherine BERNÈS, Luc ÉTIENNE, L’évolution des sciences et des techniques en Wallonie, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 262
Jean-Luc GRAULICH, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
 

Monument Théodore Schwann

Quai Van Beneden 
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Buste Louis Van Laere

Après avoir quitté la rue des Charbonnages, une des artères importantes de la ville de Châtelet, on entre dans la Cité Van Laere au centre de laquelle s’élève, sur la place, le buste de Louis Van Laere. « S’élevait » serait plus exact car au printemps 2015, le buste avait été emporté et il ne demeurait que le socle formé de trois cubes en pierre bleue, toutes légèrement espacées l’une de l’autre et reposant sur un pied évasé. Sur la pierre supérieure demeure, en lettres noires, l’inscription : LOUIS VAN LAERE, mais on cherche en vain le buste en bronze. En raison d’une série de vols commis dans la région, le buste en bronze de Van Laere a été placé en sécurité par les autorités locales et est conservé par le Service communal de la Culture.


Au lendemain de la Grande Guerre, Louis Van Laere est employé par l’administration communale de Châtelineau ; il reçoit la responsabilité de coordonner une série d’œuvres sociales mises progressivement en place. Ainsi, dès octobre 1922, devient-il le gérant du « Foyer Moderne » et, pendant 40 ans, il sera la véritable cheville ouvrière de cette société de logement, n’étant remplacé qu’en début des années 1960 par le bourgmestre Théo Toussaint. À partir de 1936, Van Laere est l’administrateur de la nouvelle Petite Propriété Terrienne ; il préside aussi une société de prêt dont il fut l’un des fondateurs. Enfin, à la Libération, Louis Van Laere a été aussi le secrétaire communal de Châtelineau (1944-1946).
 

Sources

Informations communiquées par Stéphane Fravezzi, Société d’Histoire « Le Vieux Châtelet », juillet 2015
Ernest MARTIN, Histoire de Châtelineau, Charleroi, 1951, 2 vol.

 

Buste Louis Van Laere (Châtelet)

Cité Van Laere 
6200 Châtelet

carte

Paul Delforge

© Musé de la Vie wallonne

Ramet Alphonse

Lettres wallonnes

Verviers 01/06/1873, Liège 19/05/1916

Après la Grande Guerre, la rue du Midi, cette importante artère fréquentée par de nombreux Verviétois, a changé de nom (septembre 1919). Si la « rue des Fusillés » fut proposée, c’est finalement « la rue des Martyrs » qui a été choisie, afin d’honorer la mémoire de quatre patriotes verviétois fusillés par les Allemands en raison de leurs activités d’espionnage : Orphal Simon est un ouvrier textile qui faisait partie d’une chaîne d’évasion et s’était mis au service du bureau de documentation française dirigé par le capitaine Benazet depuis Maastricht ; arrêté et jugé très rapidement, le jeune Verviétois fait partie des premiers fusillés pour espionnage (Liège, 18 octobre 1915). Pour le même motif, Henri Siquet est lui aussi fusillé, mais à la citadelle de Namur, le 25 avril 1918. Quant à Victor Lemoine (présenté comme plombier ou comme garçon de café) et Alphonse Ramet (ébéniste ou employé de commerce), ils sont exécutés à Liège en 1916.

Ces deux derniers s’étaient mis au service des renseignements militaires français. Ensemble, ils surveillaient les mouvements de troupes de l’occupant, ainsi que tout le trafic ferroviaire. Ils étaient en quelque sorte des résistants de la Première Guerre mondiale. Leurs activités furent découvertes et les deux hommes arrêtés, emprisonnés à la prison Saint-Léonard à Liège, avant de passer devant le Conseil de guerre de Liège. Le 18 avril 1916, Alphonse Ramet est condamné à mort « pour trahison pendant l’état de guerre en pratiquant l’espionnage ». Un mois plus tard, il est passé au poteau d’exécution au bastion de la Chartreuse à Liège, en même temps que Victor Lemoine (19 mai). La peine de mort est aussi prononcée contre sa sœur Alphonsine Ramet (tailleuse de son métier), mais elle est commuée en travaux forcés à perpétuité ; une autre sœur est condamnée à quinze ans. Leur mère, quant à elle, Louise Mathieu (veuve Ramet), négociante, elle est condamnée à dix ans de travaux forcés ; elle décèdera dans les premiers mois de 1917, des suites des mauvais traitements qui lui ont été infligés à la forteresse allemande de Siegburg où elle était détenue. Son corps est rapatrié à Verviers en mai 1923.

Martyr de guerre, Alphonse Ramet aurait pu entrer dans les livres d’histoire d’une autre façon car il consacrait une partie de ses loisirs d’avant-guerre à l’écriture. Dans la langue wallonne encore fortement usitée à l’époque, il compose de joyeuses pasquèyes, des poèmes, des monologues amusants, voire des cråmignons qu’il adresse à divers journaux. Sa chanson Lu Mèsse du doze eùres mons l’qwârt témoigne du potentiel qu’aurait pu exprimer cet espoir des lettres wallonnes. Écrivant aussi des chansons en langue française, il n’est pas rare que s’y expriment ses idées socialistes. Malgré ses convictions politiques, il s’engage comme volontaire en août 1914, et part combattre sur le front où il est blessé. Évacué en France où il est soigné, il revient à Verviers et met en place un réseau de renseignements en faveur de l’État-major français, avec ses sœurs et sa mère.

Après l’Armistice, la Ligue wallonne de l’arrondissement de Verviers et un Comité spécifique entreprennent de rassembler les productions éparses de l’auteur wallon et publient, à titre posthume, les Œuvres d’Alphonse Ramet, chansonnier wallon, mort pour la patrie le 19 mai 1916, ouvrage de 200 pages précédé d’une préface d’Eugène Bilstain. Il s’agit là de l’unique témoignage livresque des talents littéraires wallons d’Alphonse Ramet.

Sources

Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de Presse & https://www.belgicapress.be/ dont Le Télégraphe, 23 mai 1916 ; L’Écho de la Presse, 31 mai 1916, Le Bruxellois, 2 juin 1916, La Nation belge, 17 mai 1923, p. 5
Adolphe HARDY, La femme belge et la défense nationale. A propos du 4 août, dans La Libre Belgique, 7 août 1935, 
SOCIÉTÉ VERVIÉTOISE D’ARCHÉOLOGIE ET D’HISTOIRE, Bulletin trimestriel, avril-juin 2015, en ligne sur http://www.svah.be/Bulletins/2015-2.pdf 
http://www.bel-memorial.org/names_on_memorials/display_names_on_mon.php?MON_ID=582
http://www.bestofverviers.be/chroniques/historiques/1109-promenade-guerriere-rue-xhavee.html
http://www.1914-1918.be/civil_fusilles.php.

Œuvre principale

Œuvres d’Alphonse Ramet, chansonnier wallon, mort pour la patrie le 19 mai 1916 (1921, éd. posthume)

Heusy Paul

Culture, Littérature

Verviers 10/12/1834, Limeil-Brévannes (France) 22/11/1915

De brillantes études à l’Université de Liège confèrent à Alfred Guinotte le titre de docteur en Droit (1856), qui lui ouvre les portes du barreau de Liège. D’autres préoccupations motivent cependant le fils du négociant verviétois Henri-Guillaume Joseph Guinotte et de Marie-Anne Renand : la littérature et la politique dont il finit par faire la synthèse.

Fondée en 1854 avec le soutien du Grand Orient de Belgique, la Revue trimestrielle accueille ses premiers textes, deux nouvelles, Franz Brenner (1858), et Louise (1859). Éphémère directeur de la revue liégeoise La Belgique contemporaine (1861-1862), qu’il avait créée et où il côtoyait Thill Lorrain, Guinotte y publie surtout des chroniques politiques, où s’exprime son engagement social. Dans les années 1860, Guinotte préside la section de Liège de la Libre Pensée, et fait partie du comité de la Ligue de l’enseignement. Conférencier, consacrant son temps aux Cours populaires (il y présente notamment l’histoire de la Révolution française), l’avocat se met au service de la cause d’ouvriers arrêtés à la suite de manifestations. Son engagement politique mériterait d’être mieux connu car, en janvier 1870, lorsque la Ière Internationale ouvrière mobilise les ouvriers dans les rues de Liège, Guinotte figure parmi les orateurs, aux côtés notamment d’Eugène Hins et de Paul Janson, de Jean Fontaine, et des Verviétois Jamar et Larondelle. Il défend alors ouvertement le projet de créer, à côté de la Chambre des représentants, une « représentation exclusive des travailleurs », une assemblée composée de représentants élus au scrutin libre.

C’est chez son frère, Lucien, directeur de charbonnages dans le Hainaut, que l’auteur de la nouvelle Le mariage m’épouvante (1861) rencontre celle qui deviendra son épouse (1875), Laurence Le Hardy de Beaulieu, dont le père et le grand-père – le général Le Hardy, vicomte de Beaulieu, figure marquante de la Révolution de 1830 – vivent aux États-Unis.

Abandonnant ses fonctions d’avocat-conseil d’une industrie française située dans l’Hérault (1875-1876), Guinotte décide de se faire un nom dans la littérature. À Paris, où il s’installe, il survit en donnant quelques articles qu’il signe « Paul Heusy », en référence à sa région natale. Sur les conseils de Félicien Rops, il fréquente les milieux naturalistes et il parvient à faire paraître des nouvelles dans Le Réveil, puis La Marseillaise. Compilées, quatre nouvelles constituent son premier livre, Un coin de la vie de misère (Paris, 1878), qui s’avère un vrai succès littéraire, plusieurs fois réédité jusqu’au début du XXe siècle. Dédiés respectivement à Gustave Flaubert, Alphonse Daudet, Edmond de Goncourt et Émile Zola, les quatre récits ont pour personnage principal un ouvrier mineur de Liège (Antoine Mathieu), un berger solitaire de l’Hérault (Jean Benoît), une prostituée parisienne (La Fille de Jérôme) et une pauvresse du Parc Monceau (La Marchande de plaisirs). Il s’agit de la première œuvre de conception naturaliste à s’inscrire dans la littérature belge de langue française.

La reconnaissance parisienne lui ouvre les colonnes de plusieurs revues littéraires françaises, mais ce sera le seul livre que Guinotte parviendra à faire publier de son vivant. L’Histoire du peintre Eugène-Marie – histoire douloureuse d’un enfant adultérin –, sur lequel il travaille pendant quatre ans ne trouve pas d’éditeur. D’autres tentatives seront tout aussi vaines, si bien que le succès des chroniques très sociales qu’il fait paraître, de 1882 à 1883, dans le journal Radical, organe du Grand Orient de France, ne parvienne pas à satisfaire Guinotte.

À l’été 1883, il embarque sa famille et part pour la Floride. À l’invitation de son beau-père, il se lance alors dans la culture des oranges, entreprise qui ne lui sourit guère. Reprenant sa collaboration au Radical auquel il adresse des Lettres floridiennes (1886), il retourne à Paris. De 1887 à 1908, il est un rédacteur permanent du journal parisien auquel il livre près de 250 récits inspirés du carnet où il notait « les faits de la vie humble et de la vie haute ». Critique d’art, chroniqueur judiciaire, conteur, Paul Heusy a rangé son ambition d’écrivain, satisfait de vivre de sa plume de journaliste dont le style est davantage apprécié.

Il a 74 ans quand il accepte l’invitation de son épouse d’une nouvelle expérience américaine. Perdu dans le Minnesota, loin des amis du milieu parisien, il alimente quelques journaux du Vieux Continent en exprimant son amertume et son incompréhension de la vie américaine. Il décide alors de revenir à Paris, sans sa famille, à l’été 1913 ; il s’y attarde au point de ne pouvoir repartir en août 1914… À 80 ans, il remplace dans les salles de rédaction ses confrères envoyés au front. C’est un cancer qui l’emportera à l’hospice de Brévannes, fin 1915.

À l’initiative de Paul Delbouille, l’édition définitive d’Un coin de la vie de misère (1883) est réimprimée par l’Académie de langue et de littérature françaises de Belgique en 1942. Cinquante ans plus tard, la même Académie publie Gens des rues (1994), ouvrage où sont rassemblés 33 courts récits parmi les meilleurs de Paul Heusy.


Sources

Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de presse & https://www.belgicapress.be/ 
DELSEMME, Paul, Biographie nationale, t. 43, col. 463-472
DEFOSSE, Paul (dir.), Dictionnaire historique de la laïcité en Belgique, Bruxelles, Luc Pire, 2005, p. 162
Service de la Promotion des Lettres de la FWB, http://www.promotiondeslettres.cfwb.be/index.php?id=gensdesrueslesucrefilefigures 
Regards sur les lettres françaises de Belgique, Bruxelles, De Rache, 1976 

 

Principaux ouvrages

Franz Brenner (nouvelle, 1858)
Louise (nouvelle, 1859)
Le mariage m’épouvante (1861-1862, saynète)
Un coin de la vie de misère (recueil, 1878)
Gens des rues (recueil inédit, 1873)
Histoire du peintre Eugène-Marie (roman inédit)
Gens des rues (1994)

© La révolution liégeoise du 18 août 1789 - Gravue d'A. Weber

Fyon Jean Joseph

Révolutions

Verviers 1745, Liège 02/09/1816


Descendant d’une famille d’industriels actifs dans le marquisat de Franchimont et impliquée dans la vie de la cité, tant à Verviers qu’à Liège, fils du fabriquant lainier Edmond Fyon, Jean Joseph Fyon jouit très tôt d’une forte popularité qui le conduit à s’occuper à son tour de la chose publique. Conseiller de Régence en 1770 quand son père exerce la magistrature au moins pour la 3e fois, il devient l’un des deux bourgmestres de Verviers durant les années 1772 et 1773, ainsi qu’en 1777-1778. Par la suite, veuf en 1779 au moment où il est le père de sept filles en bas âge, Jean Joseph Fyon paraît surtout occupé à assumer sa charge de maître des postes impériales, à Verviers, succédant à Pascal Pirons, avant d’être démis de ses fonctions en raison « d’erreurs de gestion » (1776-1791). En litige de longue date contre certaines décisions du prince-évêque devant la Chambre impériale de Wetzlaer, son hostilité à l’égard du prince-évêque Hoensbroeck se nourrit volontiers des idées nouvelles portées dans le pays de Liège. Selon la légende qui entoure le personnage, avant même le 18 août 1789, Fyon paradait dans les rues, entouré d’une foule parée de cocardes franchimontoises, lui dressant une haie d’honneur, sous les cris de « Vive Fyon ! Vive la liberté ! ».

Assurément soutenu par une bande à sa dévotion, Fyon s’empare du pouvoir par la force, le 18 août 1789 et, acclamé par la foule, prend la tête de la Magistrature verviétoise, en même temps que son ami Thomas de Biolley. Lors de la première séance du Congrès de Polleur, où il siège comme délégué de Verviers, Jean Joseph Fyon est choisi à la présidence, avant de laisser à de plus convaincus la conduite des travaux. Il en va de même à l’assemblée des bonnes villes réunies à Liège, où il a été nommé député de Verviers. En juillet 1790, avec Dethier, il constitue la Société des révolutionnaires franchimontois, mais sans prendre part à ses travaux. Par contre, il se montre davantage assidu lorsqu’un bataillon de volontaires franchimontois prend les armes ; éphémère commandant (mai 1790), il est nommé colonel de l’un des deux régiments de l’armée « nationale » liégeoise et prend part aux expéditions dans le Limbourg face aux forces « exécutrices ». Il ne peut cependant empêcher le retour du prince-évêque, début 1791, et son rôle en vue – ainsi que des aspects peu glorieux – le place au premier rang des bannis : tous ses biens sont confisqués.

Réfugié à Paris, Jean Joseph Fyon se mêle aux cercles politiques qui préparent de nouveaux plans. Membre du Comité des Belges et Liégeois réunis, il rejoint ensuite le Comité révolutionnaire des Belges et Liégeois réunis, mais il est davantage enclin à la bagarre qu’aux débats d’idées. Rentré au pays de Liège après le succès de Dumouriez, il reçoit le commandement militaire du pays de Liège et est élu membre de la convention nationale (20 décembre 1792). Général de brigade à la tête de la Légion liégeoise, il reprend les armes, ne peut éviter la seconde restauration autrichienne (printemps 1793) et se retrouve réfugié à Paris, repris dans le tourbillon politique avec ses « amis » franchimontois. La zizanie s’installe pourtant dans leurs rangs et, loin de partager l’idée d’une annexion à la France, Fyon rallie le parti dit des modérés, installant une haine définitive avec ses adversaires franchimontois. Fin 1793 et en avril 1794, Fyon connaît même la prison, victime des intrigues liégeo-liégeoises à Paris, et accusé de conspiration. Hyacinthe Fabry n’hésite pas à le qualifier de « colonel assassin ».

Ayant disparu des cercles politiques au printemps 1794, celui qui est alors surnommé avec exagération le « général Fyon » réapparaît sur ses terres liégeoises au lendemain de l’absorption de la principauté et des Pays-Bas autrichiens au sein de la République (1er octobre 1795) et est choisi comme député du département de l’Ourthe au Conseil des Anciens, lointain ancêtre du Sénat qui tient ses réunions à Paris. Cependant, Fyon n’en a pas fini avec les problèmes. Considéré comme trop montagnard pour certains, il est soupçonné par d’autres de tremper dans la « Conjuration des égaux » (mai 1796) et dans l’affaire dite du camp de Grenelle (septembre 1796), conduite par Gracchus Babeuf, chez qui l’abolition de la propriété individuelle est une priorité. Si les idées de Babeuf peuvent être rapprochées de la Déclaration des droits de l’homme du Congrès de Polleur qui se distinguait de la Déclaration française de 1789 par l’absence d’un 17e article, celui consacrant, en France, la propriété privée comme droit inviolable et sacré, les idées de J-J. Fyon apparaissent moins radicales. Dans l’entourage de Babeuf, on considérait « Fyon vendu aux ex-conventionnels ; Fyon est un modéré ; c’est un homme amphibie, on ne sait pas ce qu’il est » (Charles Germain, cité par RIVIALE, p. 167). Pressenti comme militaire pour encadrer le soulèvement espéré, le général de brigade Fyon échappe de justesse à une condamnation lors du procès de Babeuf, son cas étant renvoyé à plus tard. Il est finalement acquitté, mais ne récupère pas son mandat au Conseil des Anciens.

Retrouvant du service actif comme chef de bataillon dans la Légion des Francs du Nord (octobre 1799), Fyon demeure étiqueté « jacobins » et, après l'attentat de la rue Saint-Nicaise (24 décembre 1800), il est repris sur la liste des proscrits que Bonaparte, miraculeux rescapé, fait dresser, convaincu que la « conspiration de la machine infernale » est l’œuvre de ceux qui contestent son pouvoir personnel. Bien que l’implication des Chouans soit rapidement prouvée, le premier consul Bonaparte maintient sa mesure contre les républicains de gauche et Fyon figure sur la liste des 133 proscrits élaborée par Fouché. Il semblerait avoir obtenu un passeport pour sortir de France et aurait ainsi échappé à une déportation qui lui aurait été funeste.

 

Sources

Paul HARSIN, La Révolution liégeoise de 1789, Bruxelles, Renaissance du Livre, 1954, coll. Notre Passé, p. 98, 119

Henri PIRENNE, dans Biographie nationale, t. VII, col. 397-402

Liste des bourgmestres de Verviers de 1650 à nos jours, selon Detrooz, complétée jusqu’en 2001 (cfr http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:jHB_nmF2tLEJ:ecolescommunales.verviers.be/tourisme/canevas/Chap01_Pages/personnalites/09/bourgmestres.doc+&cd=2&hl=fr&ct=clnk&gl=be) (s.v. avril 2013)

Pierre LEBRUN, L’industrie de la laine à Verviers pendant le XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, Liège, 1948, p. 123

Philippe RIVIALE, Le procès de Gracchus Babeuf devant la Haute cour de Vendôme, ou La vertu coupable, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 166-170, 255

Augustin GURDAL, Jean-Joseph Fyon et son temps, Verviers, P. Féguenne, 1931

Augustin GURDAL, dans BSVAH, vol. 26, 1933, p. 73-76

Léon LECONTE, Les événements militaires et les troupes de la Révolution liégeoise (1789-1791), dans Bulletin de l’Institut archéologique liégeois, Liège, 1932, t. LVI, p. 4-410

Adolphe BORGNET, Histoire de la révolution liégeoise de 1789, de 1785 à 1795, d’après des documents inédits, Liège, 1865, t. II

Jean DESTREM, Les déportations du consulat et de l’empire d’après des documents inédits, Paris, 1885, en particulier la note qui se trouve dans l’index
 

Maystadt Philippe

Politique, Député wallon, Ministre wallon

Petit-Rechain 14/03/1948, Charleroi 07/12/2017

Député wallon : 1980-1981 ; 1981-1985 ; 1985-1987 ; 1988-1991 ; 1992-1995
Ministre wallon : 1979-1980

Docteur en Droit (1970) et licencié en Sciences économiques de l’Université catholique de Louvain (1970), Philippe Maystadt complète sa formation par un Master of arts in Public Administration (Claremont Graduate School – Los Angeles en 1973), tout en étant assistant à la Faculté de Droit de l’UCL depuis 1970. Il reste premier assistant jusqu’au moment où il se consacre exclusivement à la politique (1977).

Chef de Cabinet auprès du ministre Califice, responsable du Comité ministériel des Affaires wallonnes, Philippe Maystadt prend part à la mise en place des premières institutions wallonnes provisoires et contribue à la préparation du tout premier budget de la Région wallonne (1974-1977).

Élu député dans l’arrondissement de Charleroi en même temps qu’Alfred Califice, Ph. Maystadt est appelé à succéder à son mentor et à incarner pour plusieurs années le PSC dans la circonscription carolorégienne (1977-1999). Secrétaire politique du PSC en même temps que Melchior Wathelet (mai-octobre 1979), en charge des dossiers régionaux et communautaires, bref représentant du PSC au Conseil économique régional de la Wallonie (1978-1979), Ph. Maystadt fait partie du premier Exécutif régional wallon quand il remplace Antoine Humblet. En charge de l’Économie régionale et de l’Aménagement du territoire, il devient Secrétaire d’État à la Région wallonne et jusqu’à la désignation de Charles Michel en 2000, le plus jeune ministre à accéder à des responsabilités wallonnes (15 octobre 1979). Membre du deuxième Exécutif régional wallon (23 janvier-18 mai 1980), il est simplement député quand sont votées les lois d’août 1980 créant notamment les institutions politiques wallons. Lors du vote à la Chambre, le 4 août, Philippe Maystadt prend la parole au nom du groupe PSC pour souligner que la régionalisation signifie à la fois l’autonomie des entités fédérées et leur contribution à la définition des politiques nationales. Dès le 15 octobre, il participe aux travaux du nouveau Conseil régional wallon, dont il reste membre de 1980 à 1995, tout en exerçant ses fonctions ministérielles.

En charge de la Fonction publique et de la Politique scientifique, ainsi que de la coordination de la Politique de l’Environnement dans les gouvernements Martens IV (22 octobre 1980-26 février 1981) puis de Mark Eyskens (6 avril-17 décembre 1981), Philippe Maystadt devient ministre du Budget, de la Politique scientifique et du Plan dans le premier gouvernement Martens-Gol (17 décembre 1981-28 novembre 1985), ministre des Affaires économiques dans le second (28 novembre 1985-9 mai 1988). Essayant de faire entendre la voix de la démocratie chrétienne, il hérite des fonctions de vice-Premier ministre et par conséquent de numéro 3 du gouvernement quand Ch-F. Nothomb tombe sur la question fouronnaise (18 octobre 1986-9 mai 1988).

Dans les coalitions PS-PSC qui vont se mettre en place dès le début de 1988 et qui seront renouvelées en 1992 et 1995, jusqu’en juillet 1999, Philippe Maystadt va se retrouver dans une majorité de centre-gauche plus conforme à ses convictions politiques. En charge des Finances pendant dix ans (10 mai 1988-19 juin 1998) dans les gouvernements Martens VIII et IX, Dehaene I et II, il devient vice-Premier ministre le 4 septembre 1995 lorsque Melchior Wathelet démissionne et postule à la Cour européenne de Luxembourg. Il est alors le chef de file du PSC dans le gouvernement fédéral. Le 21 mai 1995, lors du triple scrutin électoral (Chambre, Sénat, Parlement wallon), Ph. Maystadt quitte le Sénat où il n’aura siégé qu’entre 1992 et 1995 et opte pour la Chambre fédérale dans un arrondissement de Charleroi élargi à Thuin. Dans le gouvernement Dehaene II, il retrouve les Finances, ainsi que le Commerce extérieur (23 juin 1995-19 juin 1998).

Ayant opté pour un mandat de parlementaire, Ph. Maystadt refuse de se porter candidat à un scrutin dont il sait qu’il n’assurera pas le mandat. Seule exception, sa présence sur une liste européenne en 1989 pour soutenir Gérard Deprez. Ne cachant pas sa sympathie pour une ligne wallonne, fédéraliste, progressiste et sociale-chrétienne, il contribue à la mise en place et à l’adoption des réformes institutionnelles de 1988-1989 et 1992-1993.

Entre réunions européennes ou internationales, pour l’Union européenne ou le FMI, Philippe Maystadt a pris une stature internationale : président du Comité intérimaire du FMI (septembre 1993-octobre 1998), Gouverneur de la Banque interaméricaine de Développement, de la Banque asiatique de développement, de la BIR, et de la Banque africaine de Développement (1988-1998). Les contacts qu’il entretient au niveau international suscitent de nombreuses rumeurs : on le voit faire carrière au FMI, devenir Commissaire européen, ou président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement… Or, en fait, il est avant tout le chef de file du PSC dans le gouvernement fédéral (1995) puis une sorte de sauveur d’un PSC en perdition (1997-1999). Pressé de toutes parts, Ph. Maystadt finit par se plier à l’avis du Comité directeur du PSC et se présente en ticket avec Joëlle Milquet (fin mai 1998). Renonçant à ses fonctions ministérielles, retrouvant son mandat de député fédéral (19 juin 1998-13 juin 1999), Philippe Maystadt accède à la présidence du PSC, le transforme en « nouveau PSC »,  lui fait passer le difficile cap du triple scrutin de 1999, en étant élu au Sénat (3e score du collège francophone), tout en proposant un ambitieux « plan de convergences pour la Wallonie » à l’horizon 2010.

À partir du 1er janvier 2000, Philippe Maystadt abandonne tous ses mandats belges pour accéder à la présidence de la Banque européenne d’investissement, mission qu’il remplit jusqu’au 1er janvier 2012. Expert international, auteur de plusieurs rapports et livres sur l’économie et la finance, président de la toute jeune ARES (Académie de recherche et d’enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles, août 2014), il est élu à la présidence du Centre international de formation européenne (Cife) (janvier 2015-décembre 2017) et l’un des fondateurs de « Ceci n’est pas une crise », fondation créée pour lutter contre l’essor du populisme (2015).

 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse 2009-2017
Cfr Encyclopédie du Mouvement wallon, Parlementaires et ministres de la Wallonie (1974-2009), t. IV, Namur, Institut Destrée, 2010, p. 422-427

 

Mandats politiques

Député (1977-1995)
Secrétaire d’État aux Affaires wallonnes (1979-1980)
Membre du Conseil régional wallon (1980-1991)
Ministre (1980-1998)
Sénateur (1992-1995)
Membre du Parlement wallon (1992-1995)
Député fédéral (1995-1999)
Ministre d’État (1998)
Sénateur (1999-2000)


Parlementaires et ministres de Wallonie (2017)