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Ancien château des Baillet-Latour

Réduit à l’état de "masure" par les troupes françaises le 17 avril 1794 et progressivement restauré depuis les années 1960, l’ancien château des Baillet-Latour, situé sur l'entité de Virton, témoigne de l’histoire féodale du lieu. 

L’installation d’une seigneurie à cet endroit est attestée depuis le XIe siècle. Plusieurs fois assiégée et reconstruite, la forteresse est une dernière fois détruite en 1657. Vendu en 1659 à Mathieu Baillet, le château est restauré dans le dernier tiers du XVIIe siècle. La famille des châtelains est particulièrement proche du pouvoir autrichien : elle obtient reconnaissance de noblesse en 1674 et devient propriétaire d’une seigneurie haute-justicière. 

À la fin de l’Ancien Régime, l’impératrice Marie-Thérèse érige la seigneurie en comté en remerciement de services rendus par la famille. C’est dans ce contexte que le château est pillé et incendié par les troupes révolutionnaires françaises. Il n’est pas restauré par la famille de Baillet qui reste proche de l’ancien pouvoir sous le régime français : Charles-Antoine-Maximilien de Baillet (1737-1806) devient maréchal en 1796, commandant de l’armée d’Allemagne en 1797, président du conseil aulique autrichien en 1805 et propriétaire du régiment des Dragons de Latour, corps de soldats wallons au service de l’Autriche pendant les guerres napoléoniennes. 

Aujourd’hui, le château en quadrilatère a en partie été relevé de ses ruines et aménagé en hôtel-restaurant.

Rue du 24 août 1
6761 Latour (Virton)

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Frédéric MARCHESANI, 2014

SPW - G. Focant

Abbaye Saint-Laurent de Liège

L’ancienne abbaye bénédictine de Saint-Laurent a été fondée à la suite de la construction en 968 d’un oratoire dédié à saint Laurent par l’évêque de Liège Éracle. L’évêque Réginard offre au monastère sa charte de donation en 1034. L’abbaye reste jusqu’à l’annexion française un foyer intellectuel de premier plan jouissant d’un rayonnement exceptionnel. Les bâtiments subsistant s’articulent autour de deux cours jointives plantées d’arbres. 

La cour d’honneur est bordée par l’hôtel abbatial construit aux XVIIe et XVIIIe siècles, par le bâtiment dit "du Vivier" et par une aile néogothique érigée en 1904 pour remplacer les anciennes écuries. Au centre, autour du puits, sont disposées les colonnes d’origine de la première cour du palais des princes-évêques. La seconde cour est constituée par les trois côtés du cloître, lui aussi du XVIIIe siècle, surplombant la ville et fermé à l’origine par l’imposante église abbatiale, détruite en 1809.

Comme de nombreux autres établissements conventuels, l’abbaye Saint-Laurent voit son sort basculer avec la fin de l’Ancien Régime. En 1790, au plus fort de la Révolution, le prince-évêque de Liège appelle à l’aide ses voisins et des troupes prussiennes s’installent à l’abbaye et en perturbent l’activité religieuse. En 1792, à l’initiative du dernier prince-évêque François-Antoine de Méan, Saint-Laurent accueille des réfugiés de prestige : le comte d’Artois, frère cadet de Louis XVI et futur Charles X et sa famille venus de Namur. 

Après l’entrée triomphale du général Dumouriez à Liège en novembre 1792 et l’occupation de nos régions par les Français, les moines se résignent à accueillir des troupes et à transformer leur abbaye en hôpital militaire, à dater du 1er février 1793. Les soldats républicains, les malades, les blessés et même les galeux et les vénériens sont accueillis au rez-de-chaussée, dans le cloître et dans l’abbatiale. 

Après la débâcle de Dumouriez à Neerwinden, les moines réinvestissent leurs biens pour quelques mois seulement. La victoire de Fleurus et la seconde occupation de Liège par les troupes républicaines sonnent le glas de l’abbaye. En 1795, elle devient officiellement l’"Hôpital de l’Égalité". Le 1er septembre 1796, les biens de l’abbaye sont saisis et dispersés. 

En 1809, l’abbaye est sécularisée et l’abbatiale démolie. En 1814, au cours des dernières campagnes napoléoniennes, quelques soldats de la Grande Armée considérés comme prisonniers de guerre figurent au  nombre des "patients" de l’hôpital, au même titre que des Suédois, Hollandais, Prussiens, Autrichiens et Russes. Les Hollandais transforment l’ancienne abbaye en caserne militaire dès 1815 sans supprimer l’hôpital créé auparavant par les Français. Cet hôpital militaire fonctionne jusqu’en 1970.

En 2021, la Province de Liège achète le site de Saint-Laurent et y installe, un an plus tard, les services dépendant du département de la Santé et des Affaires sociales. 

Rue Saint Laurent 79
4000 Liège

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Frédéric MARCHESANI, 2014

G. Focant

Abbaye Saint-Denis-en-Brocqueroie

Implantée à quelques kilomètres de Mons, l’abbaye Saint-Denis-en-Brocqueroie a été fondée en 1081 par des moines bénédictins venus de l’abbaye de Saint-Denis sous l’impulsion de la comtesse Richilde de Hainaut. Les moines y aménagent un chapelet d’étangs, un moulin et un enclos monastique au bord de l’Obrecheuil, petit affluent de la Haine. 

L’abbaye entretient des relations privilégiées avec les chanoinesses de Sainte-Waudru tout au long de l’Ancien Régime avant de connaître une destinée nouvelle après la Révolution. 

Forcés d’abandonner leurs installations, les moines quittent un ensemble architectural d’une grande harmonie. Le site abbatial est toutefois épargné par la Révolution : ses nombreuses qualités (cours d’eau puissant et bâtiments vastes et solides) attirent l’attention des industriels. 

Le 3 mars 1798, l’abbaye est vendue comme bien national à Constant Duval de Beaulieu, maire de Mons de 1800 à 1815 et homme d’affaires davantage préoccupé par le développement technique et industriel que par la religion. Le bien ne reste que peu de temps entre ses mains ; l’abbaye est revendue le 23 janvier 1804 à Désiré-François Tiberghien, déjà propriétaire de l’abbaye d’Heylissem 2, qui réaffecte les bâtiments en filature de coton.

L’entreprise prospère rapidement. En 1808, on compte déjà 424 ouvriers fileurs, dont la plupart sont des femmes. Dans les dernières années de l’Empire, les effectifs passent à plus de 2 500 ouvriers. Certains considèrent même l’industrie de coton d’Obourg-Saint-Denis comme la plus importante filature de tout l’Empire à cette époque. 

C’est probablement la chute du régime et la défaite finale de Napoléon en 1815 qui occasionnent les premiers soucis à l’entreprise qui se maintient toutefois et procure du travail à quelques centaines de personnes jusqu’en 1957 lorsque les activités sont définitivement transférées sur un autre site. 

Un incendie provoque en 1959 la disparition de tous les aménagements industriels réalisés dans l’aile des dortoirs et des réfectoires. Les vestiges de l’activité sont toutefois encore assez importants pour considérer l’ancienne abbaye comme un site d’archéologie industrielle. Nous y trouvons une haute cheminée, les vestiges d’une machine hydraulique et le château de la famille Tiberghien. 

Depuis 1978, le site abrite un habitat groupé composé d’une vingtaine d’unités familiales réparties dans les anciens bâtiments abbatiaux et industriels.

Rue de la Filature 4
7034 Saint-Denis (Mons)

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Classée comme monument le 6 avril 1981

www.abbaye-st-denis.be

Frédéric MARCHESANI, 2014

Paul Delforge

Colonne Victor Hugo

Colonne Victor Hugo, réalisée par les architectes Manuel Ley puis par Jean Verhoeven, avec le concours du sculpteur Demanet pour le profil de Victor Hugo, première pierre le 22 septembre 1912, inauguration le 24 juin 1956.

Entamée en juin 1911 au moment où l’on célèbre le 50e anniversaire du séjour de l’écrivain à Waterloo, la construction de la colonne dite Victor Hugo a failli être inaugurée pour le… centième anniversaire de cet événement. L’homme de lettres Hector Fleichmann (1883-1914), le peintre Maurice Dubois (Bordeaux 1869 – Preignac 1944) et le poète Iwan Wilkin se sont lancés dans un projet ambitieux, rendre hommage par un monument à Victor Hugo qui écrivit à Waterloo les pages des Misérables, ainsi qu’aux artistes qui chantèrent Waterloo. En juin 1912 on devait fêter le 50e anniversaire de la publication des Misérables (la première partie, Fantine, avait été mise en vente à Bruxelles, le 30 mars 1862). Finalement, la première pierre est posée le 22 septembre 1912 en présence des initiateurs bien sûr, ainsi que, notamment, de Simon Sasserath au nom de la Ligue nationale pour la Défense de la Langue française. Sous la direction des architectes Manuel Ley et Jean Verhoeven, la colonne de granit s’élance rapidement dans le ciel.

Au sommet aurait dû figurer un coq chantant, en bronze, et, sur les côtés, un médaillon de l’écrivain, ainsi que des plaques avec inscriptions : 

A Victor Hugo/Aux poètes et artistes français/qui chantèrent/Waterloo/cette pierre/a été élevée/en juin MCMXII/Souscription publique/ Les Misérables

Waterloo, Waterloo, Waterloo, morne plaine

Le coq quant à lui n’était pas un coq wallon (le choix de cet emblème ne sera réalisé par l’Assemblée wallonne qu’au printemps 1913), mais devait être le coq chantant d’Auguste Cain. Il fut réalisé et resta dans une fonderie bruxelloise jusqu’en 1918, moment où l’emblème fut envoyé à la refonte. La Grande Guerre avait mis un terme au chantier, sans que l’occupation n’endommage les lieux. Les comités belge et français sont dispersés, d’autant que le décès inopiné d’Hector Fleichmann (victime d’une méningite en février 1914) avait déjà porté un coup dur au projet. Dès 1914, l’ensemble est impressionnant : avec ses 18 mètres de haut, il est destiné à dominer la plaine du champ de bataille de Waterloo, sans toutefois parvenir à faire de l’ombre à la célèbre butte, distante de 1500 mètres. La colonne aurait été conçue selon les proportions du nombre d’or (d’après les recherches récentes de Claude Van Hoorebeeck), en raison de l’appartenance de Fleichmann à la franc-maçonnerie (il était secrétaire général pour la France du Comité Victor Hugo et surtout initié à la loge « Victor Hugo » du Grand Orient de France). Le monument comprend deux parties : le fût dont la circonférence se réduit avec la hauteur comporte 61 anneaux de pierres taillées, de sa base jusqu’à la couronne ; viennent ensuite deux anneaux puis le chapiteau final.
Dans l’Entre-deux-Guerres, aucun progrès n’est enregistré. Il faut attendre les années 1950 pour que les travaux reprennent à l’initiative d’un Comité Victor Hugo, présidé par Serge Baguette, un éditeur bruxellois (1953). Avec un Comité d’honneur et un Conseil d'administration, l’asbl obtient le haut patronage de l’Ambassadeur de France et de ministres belges et français. Avec l’aide de l’architecte Verhoeven, le monument est achevé. Le 24 juin 1956, l’inauguration peut avoir lieu : les personnalités sont nombreuses parmi lesquelles on reconnaît Léo Collard, P-H. Spaak et des hauts responsables français. La colonne Victor Hugo est le seul monument civil implanté sur le site protégé du champ de bataille.

Plutôt que d’achèvement des travaux, il faudrait parler de transformation du monument initial. De coq, il n’y eut jamais au sommet. Un coq gaulois, en pierre, apparaît seulement dans un écusson à mi-hauteur de colonne, du côté de la route, avec l’année de l’inauguration, 1956. Toujours côté rue, le piédestal a été précédé par un escalier en pierre d’une dizaine de marches ; il a la forme d’un gros cube, renforcé aux angles et constitué en pierres bleues. Au-dessus de l’escalier, une importante plaque de bronze présente le profil gauche de Victor Hugo avec les inscriptions suivantes :

VICTOR HUGO
1802-1885

À l’opposé, soit à l’arrière du monument par rapport à la route, une autre plaque en bronze contient un texte plus long :

UN JOUR VIENDRA OÙ IL N'Y AURA PLUS
D'AUTRES CHAMPS DE BATAILLE QUE
LES MARCHÉS S'OUVRANT AU COMMERCE
ET LES ESPRITS S'OUVRANT AUX IDÉES

PARIS 22 AOÛT 1849
DISCOURS AU CONGRÈS DE LA PAIX

Quant au panneau aux lettres gravées dans la pierre qui se trouve sur la face du côté droit, il précise que :

CE MONUMENT PARACHEVÉ PAR LE
COMITÉ VICTOR HUGO
ASBL BRUXELLES
A ÉTÉ INAUGURÉ LE 24 JUIN 1956
et il rappelle en plus petits caractères que le premier promoteur en a été Hector Fleichman (décédé en 1914) que Manuel Ley (décédé en 1940) et Jean Verhoeven en ont été les architectes.

Enfin, du côté gauche, sur une plaque de bronze, on ne pouvait que retrouver cette formule restée fameuse :

WATERLOO WATERLOO WATERLOO MORNE PLAINE!
COMME UNE ONDE QUI BOUT DANS UNE URNE TROP PLEINE
DANS TON CIRQUE DE BOIS, DE COTEAUX, DE VALLONS
LA PÂLE MORT MÊLAIT LES SOMBRES BATAILLONS.

JERSEY 25 - 30 NOVEMBRE 1852
LES CHÂTIMENTS

Ces vers du poème Expiations datent de la période où l’écrivain séjourne à Jersey. À ce moment, il ne s’est toujours pas rendu sur le champ de bataille de Waterloo. Il n’arrivera au Mont-Saint-Jean que le 7 mai 1860 ; il restera deux mois à l’hôtel des Colonnes et y finira l’écriture des Misérables. Pour Claude Van Hoorebeeck, le monument perd ainsi une partie de son âme. « L’esprit des initiateurs du projet n’a pas été respecté. (…) le monument est devenu principalement hugolien » alors qu’il aurait dû s’ouvrir à tous les artistes français, de la plume et du pinceau. De surcroît, le message de paix et européen n’était pas non plus de mise en 1911.
Classé en 1979, le monument va se détériorer grandement à la fin du XXe siècle et devenir un danger en cas d’écoulement sur la chaussée nationale voisine. Il appartient à l’absl Comité Victor Hugo qui n’accepte pas les diverses propositions formulées par les bourgmestres de Plancenoit de racheter la colonne, du moins jusqu’à sa dissolution en 2005. En décembre 2010, le site devient propriété de la province du Brabant wallon, pour un euro symbolique. La nouvelle province prendra en charge les travaux de consolidation et de prévention. Des arceaux métalliques enserrent la colonne et son piédestal, tandis que des barrières empêchent l’accès immédiat du site. Bien qu’indispensables, les mesures de sécurité portent évidemment atteinte à l’esthétique du monument et de ses composantes. C’est notamment le cas du médaillon réalisé par Victor Demanet.

Né à Givet de parents namurois, Victor Demanet (1895-1964) a grandi au confluent de la Sambre et de la Meuse, ses parents tenant un commerce d’antiquités au cœur de la ville wallonne. Appelé à leur succéder, Demanet fréquente l’Académie des Beaux-Arts (1916-1919) où il est l’élève de Désiré Hubin, mais la révélation lui vient des œuvres de Constantin Meunier et surtout de la thématique sociale et ouvrière développée par le peintre/sculpteur bruxellois. Lors d’un séjour à Paris, les œuvres de Rude, Carpeaux et Rodin finissent par convaincre Demanet que sa voie est dans la sculpture. Remarqué au Salon des Artistes français de Paris, en 1923, pour son buste de Bonaparte à Arcole, Victor Demanet s’impose rapidement comme un portraitiste de talent auquel sont confiées de nombreuses commandes publiques. Comme d’autres artistes de son temps, il réalise plusieurs monuments aux victimes des deux guerres. Tout en poursuivant une œuvre plus personnelle à l’inspiration comparable à celle de Constantin Meunier, avec de nombreux représentants du monde du travail, Victor Demanet est aussi l’auteur de plusieurs dizaines de médailles : le médaillon qui lui est commandé pour honorer Victor Hugo correspond pleinement au savoir-faire de Demanet qui signe, à Plancenoit, une œuvre de belle facture.

Le monument, classé en 1979 et fortement dégradé, a été acquis par la province du Brabant wallon et restauré en 2012-2013.



Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse (Le Soir principalement)
Claude VAN HOOREBEECK, La colonne Victor Hugo, son histoire et son secret, Les éditions namuroises, 2011
Société belge d’études napoléoniennes, Bulletin, 1956, p. 22-24 consultable sur  http://www.sben.be/pdf/N20_septembre_1956_Inauguration_Mt_Victor_Hugo_p_22_24.pdf (s.v. mai 2014)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 397
Jacques TOUSSAINT, Victor Demanet dans Arts plastiques dans la province de Namur 1800-1945, Bruxelles, Crédit communal, 1993, p. 147

Chaussée de Charleroi
1380 Plancenoit

carte

Classée comme monument le 27 novembre 1979

Paul Delforge