Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam
Buste Auguste LANNOYE
Buste à la mémoire d’Auguste Lannoye, réalisé par Victor Rousseau,vraisemblablement en août 1945.
Jusqu’en 2012, le long de l’avenue Auguste Lannoye, à l’entrée des bâtiments industriels de la papeterie, un buste rappelait que l’initiateur des activités du lieu était le même Auguste Lannoye qui avait donné son nom à l’avenue. Après des décennies de prospérité, la papeterie a fini par fermer ses portes et le site délaissé fait l’objet d’un important projet d’assainissement et de transformation, étant considéré comme site à réhabiliter par la Région wallonne (SAR). Dès l’été 2012, le processus de démolition des bâtiments industriels a été entamé et, au printemps 2015, il ne restait aucune trace des activités du passé. Avant les importants travaux, le buste d’Auguste Lannoye a quitté l’espace public wallon pour être mis à l’abri par l’entrepreneur, en attendant la fin du chantier.
C’est à Genval, initialement, qu’Auguste Lannoye (1874-1938), nanti d’un diplôme d’ingénieur civil, avait créé sa propre fabrique de papier. En inventant un système de broyeur de vieux papiers, « le triturateur Lannoye » (1907), il obtient très vite d’excellents résultats ; en 1911, est constituée la SA Papeteries de Genval et un second site est ouvert à Mont-Saint-Guibert. Il restera spécialisé dans la papeterie tandis que, dans l’Entre-deux-Guerres, la maison de Genval perfectionnera un brevet anglais et mettra sur le marché un produit révolutionnaire, le « Balatum », destiné à concurrencer le linoléum. Bourgmestre catholique de Genval (1926-1938), Auguste Lannoye soutiendra aussi l’initiative de son fils aîné, Jean, quand celui-ci transforme un journal catholique local, L’ouvrier, en un hebdomadaire paroissial, Dimanche, qui va tirer à plus de 100.000 exemplaires avant 1940. Après avoir assuré la prospérité de la région et lui avoir apporté des centaines d’emplois, la papeterie a fermé ses portes en 1980. L’important site laissera place à un ensemble de bâtiments commerciaux, à la suite d’une profonde reconversion industrielle qui ne laissera guère de traces de la période ancienne, hormis le buste de Lannoye, réalisé par Victor Rousseau, en 1939. L’initiative en revient au personnel et au Conseil d'administration de la papeterie. C’est par conséquent une double commande qu’exécute Victor Rousseau, puisqu’un autre buste de Lannoye, de facture différente, est installé aussi à Genval. Il est permis de supposer que l’inauguration a été réalisée en même temps, c’est-à-dire en août 1945.
En se tournant vers Victor Rousseau, les initiateurs du projet choisissent l’un des portraitistes les plus renommés du moment. L’artiste est alors au sommet de son art. Prix Godecharle 1890, Grand Prix de Rome 1911, Grand Prix des arts plastiques 1931, Prix des amis du Hainaut 1935, le sculpteur Victor Rousseau (1865-1954) ne donne plus le cours de sculpture à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1901-1919) qu’il a dirigée deux fois, entre 1919 et 1922, puis entre 1931 et 1935. Représentant actif de l’art wallon dont on cherche à cerner la définition tout au long des premières années du XXe siècle, le « Grand » Victor Rousseau a derrière lui une œuvre considérable, « sculptée » sur de nombreux chantiers et composée de multiples commandes officielles ou œuvres personnelles : chantier pharaonique du Palais de Justice de Bruxelles dans les années 1880, décoration du Pont de Fragnée à Liège, cour d’honneur de l’ancien château de Mariemont (Vers la Vie), Memorial in Gratitude à Londres. C’est ce « sculpteur d’âmes », originaire de Feluy, qui fige Auguste Lannoye dans le bronze pour l’éternité (la fonte a été effectuée par la Compagnie des Bronzes, à Bruxelles) dès 1939.
Sources
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse (dont supplément Eco-Soir, 23 septembre 1994)
Renseignement communiqué par Mme Pinson, membre de l’echarp.bw (mai 2015), et par M. J-L. Son (novembre 2015).
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 416-417
François DE TROYER, Les papeteries de Genval, dans Les feuillets historiques, n° 10, Rixensart, 1998
Luc LANNOYE, Regards sur le passé. Auguste et Marie Lannoye-Stévenart, s.l.n.d., p. 61
Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 435, 441
Éric MEUWISSEN, Auguste Lannoye, dans Nouvelle Biographie nationale, t. X, p. 256-258
Éric MEUWISSEN, Auguste Lannoye, dans Valmy FÉAUX (dir.), 100 Brabançons wallons au XXe siècle, Wavre, 1999, p. 120
Éric MEUWISSEN (texte) et Guy FOCANT (photos), Ces rivières qui ont façonné le Brabant wallon. Le patrimoine du roman pays de Brabant au fil de l’eau, Namur, IPW, 2013, p. 125
Richard DUPIERREUX, Victor Rousseau, Anvers, 1944, coll. Monographie de l’art belge
Marcel BOUGARD, Victor Rousseau. Sculpteur wallon, Charleroi, Institut Destrée, 1968, coll. Figures de Wallonie
Denise VANDEN EECKHOUDT, Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 539
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 382
Avenue Auguste Lannoye 13
1435 Mont-saint-Guibert
Paul Delforge