Paul Delforge

Buste Paul HENRICOT

Buste de Paul Henricot, réalisé par Alfred Courtens,1948. 

À Court-Saint-Étienne, c’est surtout le nom d’Émile Henricot qui est connu. Un monument a d’ailleurs été élevé en son honneur, dès 1911, sur la place des Déportés, face au hall n°11 de la première usine dont il est devenu copropriétaire en 1867, avant d’en devenir l’actionnaire principal (1873), puis le seul propriétaire (1883). C’est autour de la prospère et moderne Usine Émile Henricot et de ses ateliers que va se développer l’entité de Court-Saint-Étienne, au tournant des XIXe et XXe siècles. Lorsque le « patron » disparaît en 1910, ses deux fils sont prêts à prendre le relais. Ayant été diplômés par l’Université de Liège comme ingénieurs civils, Paul (1873-1948) et Fernand (1871-1933) sont employés par la société depuis les dernières années du XIXe siècle et en deviennent les nouveaux directeurs dès 1910. À l’instar de son père qui fut aussi échevin, député puis sénateur, Paul Henricot se lance en politique, restant fidèle aux idées libérales. Entré au conseil communal de Court-Saint-Étienne dès 1910 où il remplace son père directement comme échevin, il est désigné au Sénat, en 1924, en remplacement de Joseph Berger décédé. De 1924 à 1946, il restera sénateur provincial du Brabant et assumera notamment la présidence du groupe libéral à partir de 1937. 

Comme son père, Paul Henricot témoigne d’attention à l’égard de son personnel en faisant construire un Foyer populaire (1913) ou en veillant à l’approvisionnement alimentaire durant les deux guerres mondiales. Resté seul à la direction de l’importante usine de Court-Saint-Étienne (1933), Paul Henricot fait l’objet d’un hommage particulier au lendemain de son décès, à Bruxelles, en 1948. 

À l’initiative du personnel de l’entreprise, le disparu est honoré – comme son père en 1911 – d’un monument dont la réalisation est confiée au sculpteur bruxellois Alfred Courtens (1889-1967). Ayant grandi dans une famille de peintres, sculpteurs et architecte, le fils de Franz Courtens a bénéficié des conseils de Charles Van der Stappen à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, avant de suivre les cours de Thomas Vinçotte à l’Institut supérieur national des Beaux-Arts à Anvers. Prix Godecharle 1913 (grâce à un Caprice exceptionnel, Le Caprice est le nom de l’œuvre audacieuse qu’il vient de réaliser), le jeune artiste a cherché à sortir des sentiers battus ; mais, après la Grande Guerre, il répondra essentiellement à des commandes officielles, tout en accordant beaucoup d’attention à la famille royale de Belgique (notamment monument reine Elisabeth à Eisden, Léopold II à Ostende, reine Astrid à Courtrai, Léopold III à Courtrai, etc.). Désormais, la production de Courtens va correspondre à la volonté des autorités nationales d’honorer les victimes de la Grande Guerre et de réaffirmer le projet politique de 1830. 

Buste Paul Henricot

Ses monuments sont essentiellement implantés en Flandre et à Bruxelles, mais pas seulement : il signe en effet le monument de La Louvière, de Virton et de Sombreffe pour les victimes de 14-18 et, en 1949, il est le lauréat du concours visant à ériger La borne de la Libération à Hértain, première localité libérée par les troupes britanniques en 1944. Des bustes lui sont aussi commandés par des diplomates, des hommes politiques (Gutt, Pholien, etc.), des industriels ou en leur honneur, comme c’est le cas à Court-Saint-Étienne. « Illustrateur du sentiment patriotique belge », médailleur et statuaire de la Cour, Courtens est absorbé par la statuaire publique. De 1927 à 1951, il enseigne aussi le modelage et la sculpture à l’Académie de Dendermonde (la ville dont sa famille est originaire). Le mémorial Paul Henricot est une synthèse du savoir-faire éprouvé de Courtens : sur une haute stèle rectangulaire en pierre bleue, le profil gauche de l’industriel en buste est réalisé en bas-relief dans un cartouche en bronze. Simple, la dédicace est gravée dans la partie inférieure :

A PAUL HENRICOT
1873 – 1948
LE
PERSONNEL RECONNAISSANT

Rénové en 2008 et dégagé de la végétation qui l’étouffait, le monument « Paul Henricot » est installé à proximité de l’ancienne usine n°2, entre l’ancienne conciergerie (datant de 1908) et les anciens Grands Bureaux (construits en 1926 et transformés en un Centre d'éducation et de formation en alternance CEFA).

 


Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 435
Axelle DE SCHAETZEN, Alfred Courtens, sculpteur, catalogue de l’exposition du Musée des Beaux-Arts d’Ixelles, juin-septembre 2012, Bruxelles, Racine, 2012
Judith OGONOVSZKY-STEFFENS, Alfred Courtens, dans Nouvelle biographie nationale, vol. 6, p. 87-91
Judith OGONOVSZKY-STEFFENS, Les Courtens. Deux générations d’artistes, Mouscron, 1999
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 262
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 363
Paul VAN MOLLE, Le Parlement belge 1894-1972, Ledeberg-Gand, Erasme, 1972, p. 174

Rue Belotte 5
1490 Court-Saint-Étienne

carte

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