Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument André-Hubert DUMONT

Monument  André-Hubert Dumont, réalisé par Eugène Simonis, 15 juillet 1866.

Pendant près d’un quart de siècle, entre 1842 et 1866, l’une des toutes premières statues présentes dans l’espace public de Wallonie et dédiées à un personnage historique était celle d’André-Modeste Grétry, figé dans le bronze par Guillaume Geefs, et placée sur la place de Liège située entre la salle académique de l’Université de Liège et la façade de la Société libre d’Émulation. Lorsque le monument « Grétry » est déplacé devant l’opéra (1866), la statue d’André-Hubert Dumont vient le remplacer sur cette place baptisée plus tard « place du XX août », suite aux événements tragiques des premières journées de la Grande Guerre.

L’inauguration du monument Dumont a lieu le 15 juillet 1866, en présence de Léopold II qui effectue à Liège l’une de ses toutes premières sorties depuis son intronisation comme deuxième roi des Belges (17 décembre 1865). Cette présence souligne toute l’importance accordée à l’époque à la « statuomanie » officielle qui vise à peupler l’espace public de monuments en l’honneur des « grandes gloires nationales belges ». Les peintures d’histoire ne suffisent pas. Il faut toucher le plus grand nombre et lui inspirer un sentiment national. Dès les années 1840, les gouvernements belges ne manquent pas d’inciter les pouvoirs locaux et provinciaux à faire preuve d’initiative. En honorant Grétry (1842) puis A-H. Dumont, « ses enfants », Liège participe à ce mouvement qui se poursuivra avec le monument « Charlemagne » (1868), les statues de la façade du Palais provincial (1884) puis de la Grand Poste (1901), ainsi qu’avec les monuments Zénobe Gramme et Charles Rogier en 1905.

Déjà auteur d’un buste d’André-Hubert Dumont destiné au Palais des Académies à Bruxelles en 1856, le sculpteur Louis-Eugène Simonis est presque naturellement choisi pour réaliser la statue « liégeoise ». Formé à l’Académie de Liège, sa ville natale, Eugène Simonis (1810-1882) a bénéficié d’une bourse de la Fondation Darchis qui l’a mené en Italie (1828-1832) ; à son retour, il refuse la place de professeur à l’Académie de Liège qui lui est proposée afin de consacrer tout son temps à la fois au développement de ses propres œuvres et aux commandes qui lui parviennent. La statue équestre de Godefroid de Bouillon inaugurée à Bruxelles (1848) est sans doute la plus connue, mais elle occulte souvent les multiples œuvres d’imagination qu’il expose dans les Salons et celles qu’il réalise à Bruxelles. Ayant installé son atelier à Koekelberg, le sculpteur wallon anime l’école de sculpture bruxelloise. Sur le tard (1859-1881), il a accepté de donner des cours – composition historique et d'expression –, et il accède à la direction de  l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles de 1863 à 1877. Travaillant le plâtre, le marbre, le bronze ou la pierre de France, Simonis ne se contente pas d’exécuter des œuvres monumentales ; ses bustes sont nombreux, représentant des proches ou des personnalités célèbres, voire les deux, comme le buste d’Henri-Joseph Orban, son beau-père, par ailleurs père de Walthère Frère-Orban.

Tandis que Jéhotte – l’autre sculpteur liégeois qui fait carrière à Bruxelles – se démène pour installer son Charlemagne à Liège, Simonis est donc convié à laisser sa signature sur un autre monument marquant de « la capitale de la Wallonie » de l’époque. S’inspirant du buste de l’Académie, il réalise en bronze la statue d’un André-Hubert Dumont qui se tient debout, la jambe droite légèrement en avant, et la tête légèrement inclinée vers le bas. Vêtu de sa toge académique, le géologue tient un plan roulé dans sa main gauche, tandis que son index droit pointe un endroit précis sur le sol. Placé sur un haut piédestal en grès rouge (près de 3 mètres), où repose aussi une lampe de mineur, l’ensemble est imposant. L’attitude donnée à A-H. Dumont par le sculpteur vise sans aucun doute à insister sur les travaux originaux de ce scientifique.

Autodidacte repéré par d’Omalius d’Halloy, professeur extraordinaire de la toute jeune Université de Liège (1835), Dumont avait entrepris seul la réalisation d’une carte géologique des quatre provinces wallonnes. Le modèle mathématique qu’il met au point lui permet de décrire la formation des couches géologiques et, avec une précision redoutable, les diverses stratifications du sous-sol. Ses travaux permettent notamment d’identifier la présence de gisements charbonniers. Grâce à lui, l’exploitation houillère connaît un essor spectaculaire en pays wallon ; par ailleurs, l’intérêt pour la géologie fait naître une véritable école auprès des universitaires. Couvert d’honneurs et de récompenses de son vivant, tant dans sa propre ville que dans son pays et à l’étranger, nommé recteur de l’Université (1856-1857), Dumont ne résistera pas à la fatigue engendrée par son dynamisme débordant. Moins de dix ans après sa disparition, le monument réalisé par Eugène Simonis rend hommage à sa brillante carrière.

Dès 1860, un comité s’était constitué pour l’érection d’un tel hommage. Une souscription publique avait permis de rassembler un capital initial qu’une intervention publique (la ville pour le piédestal) vient compléter. Quant à l’emplacement actuel de la statue, il diffère de celui inauguré en 1866. En effet, les travaux d’agrandissement du bâtiment central de l’Université ont contraint un déplacement – périlleux et mouvementé – du monument d’une vingtaine de mètres en 1890. L’œuvre n’en est pas sortie indemne. Depuis lors, un grillage en fer forgé encercle l’ensemble monumental. 

Sources 

Liège, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 363
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, été 1970, p. 5
G. DEWALQUE, dans Biographie nationale, t. VI, col. 283-295
Frédéric BOULVAIN, Jacqueline VANDER-AUWERA, Géologie de terrain. De l’affleurement au concept. Géologie, Liège, 2011, p. 7-15 (en ligne http://www.editions-ellipses.fr/PDF/9782729863333_extrait.pdf) (s.v. mai 2013)
Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 150-151
Edmond MARCHAL, dans Biographie nationale, t. XXII, col. 572-579
Chantal JORDENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 557-561
Alexia CREUSEN, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996

Monument  André-Hubert Dumont

Actuelle place du XX août
4000 Liège

carte

Paul Delforge