Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam
Statue Fastré BARÉ de SURLET
Quelques années après la décoration de la façade du Palais provincial de Liège par de multiples statues et bas-reliefs évoquant l’histoire de la principauté, est construit un nouveau bâtiment destiné à accueillir les services de la poste. Situé entre la rue de la Régence, la place Cockerill, le quai sur Meuse et la rue Matrognard, l’imposante construction est l’œuvre de l’architecte Edmond Jamar (1853-1929) qui s’inspire du style ogival du XVIe siècle qui avait présidé à la (re)construction du Palais des Princes-Évêques. Ce style se retrouve sur la façade des trois premières rues citées. Afin de décorer la partie supérieure du bâtiment qualifié de néo-gothique, l’architecte confie au statuaire Maurice de Mathelin (Tintigny 1854-Liège 1905) le soin de réaliser six grandes statues en bronze, représentant six bourgmestres de Liège des XVe, XVIe et XVIIe siècles, soit la période où le style du bâtiment prévalut. Les six statues sont nichées sur les façades et, à leur pied, un petit écu représente les armoiries du bourgmestre en question.
D’autres décorations apparaissent sur les façades du bâtiment construit sous l’impulsion du ministre Van den Peereboom : ainsi, neuf autres statues, plus petites, n’illustrent pas un personnage particulier, mais une fonction en rapport avec un métier exercé aux XVe et XVIe siècles ; elles ont été réalisées par l’atelier de Mathelin. À l’origine, elles étaient dorées (BROSE). Outre un grand blason au-dessus de la porte d’entrée principale, où apparaît la devise « l’Union fait la force », une série d’autres blasons, plus petits, dus au sculpteur Joseph Wéra, évoquent quelques bonnes villes, tandis qu’on retrouve encore le blason du gouverneur de la province de Liège en fonction au moment de la construction de l’hôtel des postes, ainsi qu’un cor postal, un lion de bronze tenant drapeau et trompette et un médaillon de près de 3 mètres de diamètre qui représente le bâtiment lui-même… Parmi les six grandes statues, celle qui est la plus proche du quai sur Meuse représente Fastré-Baré de Surlet.
Trois Fastré Baré de Surlet ont été bourgmestres de Liège avant la fin du Moyen Âge ; l’un, dit de Lardier, a été élu à la charge annuelle pour 1381 et 1384, année au cours de laquelle le peuple obtient le droit de choisir tous les membres du Conseil de la Cité et où les 32 métiers obtiennent eux aussi le droit d’intervenir dans la désignation des élus. Un autre, petit-fils du précédent, a été bourgmestre en 1419, année où il assiste à l’entrée solennelle de Jean de Heinsberg, ainsi qu’en 1421, 1423, 1428, 1432, 1433 et 1438, année de son décès. Vient enfin le troisième Fastré Baré de Surlet, fils du précédent, nommé bourgmestre en 1446, 1452 et 1457, l’année de la désignation de Louis de Bourbon comme nouveau prince-évêque, puis encore en 1462, 1466 (comme remplaçant en cours d’année) et 1467. « Capitaine des Liégeois dans les révolutions de son temps, il était plein de courage et de zèle, et n’en donna que trop de preuves à la bataille de Brusthem, où il eut le malheur d’être tué d’un coup de lance le 8 octobre 1467, dans sa cinquième année de magistrature », rapporte le Recueil héraldique. C’est ce troisième Fastré Baré de Surlet qui est illustré sur la Grand Poste, comme en atteste son blason. Chevalier, seigneur de Chockier, il est représenté tenant une lance dans la main droite, et le regard légèrement incliné vers le bas, selon la volonté de Maurice de Mathelin.
Fils de Jean-Baptiste de Mathelin de Papigny, le jeune Luxembourgeois a été l’élève de Prosper Drion à l’Académie de Liège, avant de faire une carrière à la fois de peintre, de médailleur et de sculpteur. Décédé à l’âge de 50 ans, il laisse principalement des bustes et des portraits. Marié à Louise d’Andrimont, il est notamment l’auteur du buste du bourgmestre Jules d’Andrimont conservé au Musée de l’Art wallon (du moins avant son démantèlement). Plusieurs commandes publiques permettent à Mathelin de réaliser des sculptures le plus souvent allégoriques, tant à Bruxelles, qu’en Wallonie. Ainsi est-il l’auteur de l’une des sculptures en bronze de la façade de l’Université de Liège, place du XX août (L’Étude). Peu avant sa mort, il avait réalisé les grandes statues situées au-dessus du fronton central du Palais des Fêtes de l’Exposition universelle de Liège, en 1905. Les statues réalisées pour la Grand Poste furent inaugurées en même temps que le bâtiment de Jamar, le 16 décembre 1901.
Sources
Yvon LABARBE, Hôtel des Postes de Liège, Fexhe, 1999, en particulier p. 47-48
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°37, hiver 1970, p. 26
http://gw.geneanet.org/gounou?lang=fr&p=maurice&n=de+mathelin+de+papigny
http://www.chokier.com/PDF/Devolution.pdf (s.v. mars 2015)
Louis ABRY, Jean-Guillaume LOYENS, Recueil héraldique des bourguemestres de la noble cité de Liège…, Liège, 1720, p. 96, 130, 138, 152-153, 168, 169, 176
Christine RENARDY (dir.), Liège et l’Exposition universelle de 1905, Bruxelles, La Renaissance du livre, 2005, coll. « Les Beaux livres du Patrimoine », p. 197
Noémie WINANDY, La Grand-Poste d’Edmond Jamar, dans Un Siècle de néogothique 1830-1930, numéro spécial de Les Nouvelles du Patrimoine, janvier-février-mars 2010, n°126, p. 30-31
Jean BROSE, Dictionnaire des rues de Liège, Liège, Vaillant-Carmanne, 1977, p. 152
Quai sur Meuse
4000 Liège
Paul Delforge