Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam
Statue Vincent de BUEREN
Statue de Vincent de Bueren, réalisée par Mathieu de Tombay, c. 15 octobre 1880.
Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1821-1893) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais (1850).
Face à la place Notger, Delsaux achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif. La statue de Vincent de Bueren est parmi celles-ci.
Le nom de Vincent de Bueren (c. 1440-1468 ou 1505) est généralement associé à la fameuse volée d’escalier dont les 373 (ou 374) marches permettent de gravir la « Montagne de Bueren ». En fait, il est surtout considéré comme l’un des principaux meneurs – avec Gosuin de Streel – dans la tentative de capture du duc de Bourgogne lors du fameux épisode des Six cents Franchimontois. Pourtant, Vincent de Bueren est resté un personnage dont le parcours de vie est peu connu.
Originaire de la Gueldre, appartenant à la noblesse, Vincent de Bueren se retrouve avec Jean de Hornes et Gosuin de Streel à la tête de la cité de Liège (septembre) et de tous ceux qui refusent que la principauté devienne un état vassal de la Bourgogne. Ayant profité de l’éloignement continu de l’évêque, Louis de Bourbon, et de l’absence momentanée de son intendant, d’Humbercourt, les « patriotes » liégeois n’ont pas hésité à s’emparer du pouvoir, provoquant la colère du duc de Bourgogne qui met ses armes en route. Au prix d’un coup de main hardi, Bueren et Streel parviennent à faire prisonniers l’évêque et son intendant lors d’une rencontre à Tongres (9 octobre). Trop confiant en leur prince-évêque, les Liégeois le laissèrent partir négocier à Péronne. Mal leur en pris. Le 27 octobre, les armées bourguignonnes étaient aux portes de la ville. Le dernier coup de force de Bueren échoue. Charles le Téméraire n’est pas capturé et les « Franchimontois » sont mis en déroute. Bueren serait parvenu à éviter les épées des soldats bourguignons et à s'échapper. Quelques jours plus tard, cependant, alors que la cité de Liège est mise à sac, il serait tombé dans une embuscade. Selon certaines sources, il aurait été tué sur le champ, d’autres affirment qu’il a été fait prisonnier par Louis de la Marck.
Les informations iconographiques sur Bueren sont aussi peu nombreuses que les renseignements biographiques. Par conséquent, on conçoit bien le problème qui se pose au sculpteur qui est appelé à représenter le personnage. En général, les statues de la place de Liège sont sérieuses, réalisées avec un souci d'art et de différenciation. Supérieures à celles du Petit-Sablon, à Bruxelles, elles apportent une grande preuve de l'excellence de l'école liégeoise. Ici cependant, Mathieu de Tombay a dû faire preuve d’imagination pour rendre hommage à son sujet. D’ailleurs, son positionnement sur la façade témoigne de la difficulté de l’exercice. Certes, Vincent de Bueren est placé juste à côté de l’évêque Lambert, mais si ce dernier est en pleine façade, le chef des Franchimontois est quant à lui situé en retrait, principalement visible de profil si l’on conserve le même axe de vision que celui d’évêque Lambert. Si l’on contourne le péristyle, on aperçoit surtout un homme en arme, tenant de ses deux mains une haute lance. L’armure et surtout le casque qu’il porte sur la tête témoignent de la manière avec laquelle le sculpteur a cherché à contourner le problème de la vraisemblance dans la représentation du personnage.
Mathieu de Tombay est le frère d’Alphonse qui est le plus connu de cette famille liégeoise de sculpteurs, et qui travaille aussi sur le chantier du palais provincial. Sur les 121 sculptures du palais liégeois, Mathieu de Tombay en signe cinq à titre personnel. Ce Mathieu de Tombay est souvent confondu avec son grand-père, son parfait homonyme.
Sources
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 100
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. août 2013)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t.
Félix MAGNETTE, Précis d’histoire liégeoise à l’usage de l’enseignement moyen, Liège, 1929, 3e éd., p. 162 et 165
La Meuse, 2 octobre 1880
Façade du Palais provincial, face à la place Notger
4000 Liège
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