Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam
Statue Francon
Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius, une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs destinés à raconter l’histoire liégeoise. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et placées à leur place respective. Francon est parmi celles-ci.
Placée logiquement selon l’évolution chronologique, avant les princes-évêques Rathier et Wazon, la statue de Francon est l’une des 42 personnalités retenues, selon le critère d’avoir marqué l’histoire de la principauté de Liège. Elle se situe sur la partie supérieure gauche de la façade occidentale. L’évêque Francon (date inconnue – Liège entre 901 et 906, voire 911) est reconnu comme un bel esprit de son temps, formé dans l’entourage de Charles le Chauve avant de devenir moine à l’abbaye de Lobbes : il y poursuit ses études, avant de faire profiter l’école de l’abbaye de ses connaissances qui touchent à la fois aux saintes écritures, à la littérature profane, à la musique et à la poésie. Il contribue à donner à l’abbaye de Lobbes ses lettres de noblesse, cette école disposant d’une solide réputation au sein d’un diocèse de Liège dans lequel Lobbes et sa région sont versés vers 888. C’est en 856 que Francon succède à Hartgar à la tête de ce diocèse ; il contribue à la forte effervescence intellectuelle de Liège ; sa direction de l’école de la cathédrale Saint-Lambert la hisse au rang des plus réputées. Dans le même temps, il contribue à faire de Liège le siège du diocèse. Contemporain des invasions normandes, l’évêque Francon ne peut cependant pas se consacrer exclusivement à la valorisation des activités de l’esprit. À la tête de milices armées, il parvient, non sans mal, à mettre un terme aux invasions meurtrières et destructrices à l’entame des années 890 (bataille de Louvain, 891). Durant son long règne à la tête du diocèse (de 856 à sa mort au début du Xe siècle), Francon fait aussi bénéficier à l’Église de Liège d’une forte extension de ses frontières avec l’acquisition pacifique de l’abbaye de Lobbes, de la région du futur marquisat de Franchimont et de l’abbaye de Fosses-la-Ville, notamment. Avec un tel bilan à son actif, Francon se devait de figurer parmi les personnalités les plus remarquables de l’histoire de la principauté de Liège.
Assurément, le sculpteur Jules Halkin (Liège 1830 – Liège 1888), chargé de le représenter sur la façade du Palais provincial de Liège, n’a retenu que la seule facette de la résistance aux invasions normandes. Dans le groupe Francon-Rathier-Wazon, il représente Francon, le regard fier, tel un chevalier, une longue épée à la main et figée dans le sol, à la différence de Rathier et Wazon qui paraissent moins « guerriers ». De facture sérieuse, la statue est réalisée avec un souci d’art et de différenciation et témoigne de la qualité de la sculpture liégeoise du XIXe siècle dont Jules Halkin est un illustre représentant.
C’est dans sa ville natale que Halkin accomplit l’essentiel de sa carrière. Il y a suivi les cours de Gérard Buckens à l’Académie des Beaux-Arts, avant qu’une bourse de la Fondation Darchis ne lui permette de séjourner à Rome pendant plusieurs mois (1851-1853). Il parfait ensuite sa formation en France et en Allemagne. Au début des années 1860, il trouve facilement des acheteurs privés pour plusieurs de ses premières réalisations essentiellement d’inspiration religieuse (Vierge, chemin de croix, bas-reliefs, etc.), avant de participer au chantier de décoration du palais provincial de Liège : là il signe huit statues et bas-reliefs dont « l’assassinat de Saint-Lambert », « la sortie des Franchimontois » et un « Notger répandant l’instruction ». Le sculpteur réalise encore un Saint-Lambert pour la cathédrale Saint-Paul et un chemin de croix en pierre de France pour l’église Saint-Jacques (1862-1865). Ses bustes en bronze et en marbre trouvent aussi de nombreux amateurs auprès de bourgeois de la Cité ardente, qu’ils soient industriels, intellectuels ou artistes eux-mêmes. Sa notoriété, Jules Halkin la doit surtout à sa sculpture monumentale du Cheval de halage (1885) qui partage avec le Torè de Mignon l’espace des Terrasses de Liège.
Sources
Liliane SABATINI, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 436-437
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 79
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. août 2013)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 676
Isabelle VERHOEVEN, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
Alphonse LEROY, Francon, dans Biographie nationale, t. 7, col. 263-267
La Meuse, 2 octobre 1880 et ssv.
Palais provincial
Face à la place Notger
4000 Liège
Paul Delforge
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