Guy Focant © SPW-Patrimoine

Institut provincial d’hygiène et de bactériologie

Fondé à l’instigation du docteur Descamps, membre du Conseil provincial du Hainaut, l’Institut d’Hygiène et de Bactériologie répondait aux besoins de son temps : la lutte contre les épidémies. 

Inauguré en 1911, au boulevard Sainctelette, il est le résultat du travail des architectes Symons et Dubail. Construit sur un plan en T, l’édifice comprend trois niveaux de hauteur dégressive. 

De tendance néo-renaissante, son style est pourtant bien éclectique et puise son inspiration tant dans l’Art nouveau que dans l’art de la Renaissance : pilastres colossaux, rythme vertical, bossages et décorations antiques.

Le hall d’entrée est le seul élément d’origine avec sa cage d’escalier à double volée en marbre beige, bordé d’une balustrade de fer battu. Pour le reste, rien ne subsiste de la structure du bâtiment dans lequel l’actuel Institut provincial d’Hygiène et de Bactériologie poursuit ses activités.

1913 : l’Assemblée wallonne

L’Assemblée wallonne qui se tient à Mons le 16 mars 1913 constitue sans aucun doute une étape primordiale dans la construction d’une identité wallonne. C’est en effet lors de cette réunion que l’Assemblée s’est définitivement prononcée sur l’adoption d’un drapeau wallon. 

Déjà évoquée lors du Congrès de 1905, la question avait été relancée en 1907 par la revue liégeoise Le Réveil wallon, qui proposait l’emblème du coq. 

L’inauguration du monument de Jemappes en 1911 et le discours qu’y prononça Jules Destrée avaient conforté les membres de l’Assemblée wallonne dans cette idée.

Lors de la réunion du 16 mars 1913, Richard Dupierreux présente un rapport, qui lui avait été demandé lors de l’assemblée de juillet 1912. Il y justifie la nécessité de choisir des emblèmes pour la Wallonie et déclare « qu’un drapeau, un chant et une fête wallonne affirmeront l’unité régionale ».

Il parvint à convaincre ainsi les membres de l’Assemblée qui opteront pour un drapeau wallon sur lequel figure un coq rouge sur fond jaune. 

Le choix définitif se fera à Ixelles le 20 avril 1913 à l’occasion de la troisième réunion de l’Assemblée wallonne. 

L’Assemblée confie alors à l’artiste Pierre Paulus la tâche de dessiner le coq qui figurera sur l’emblème wallon.

C’est en juillet 1998 seulement que le Parlement wallon, à l’initiative de son ancien président Willy Burgeon, adoptera un décret faisant du coq de Paulus l’emblème officiel de la Région, ce qu’il était déjà depuis 1975 pour la Communauté française. 

Boulevard Sainctelette 55
7000 Mons

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Freddy Joris & Frédéric Marchesani, avril 2009

Guy Focant-SPW

Athénée Destenay

Suite à l’installation d’une école moyenne dans les locaux de l’école industrielle, sise jusque-là rue des Croisiers, décision est prise de construire un nouveau bâtiment pour abriter l’institution, sur les plans des architectes Louis Boonen et Joseph Lousberg. Facilement accessible depuis la construction d’une passerelle en 1878, le boulevard Saucy s’impose au choix du collège communal. 

Située sur l’ancien bief de Saucy comblé en 1872, l’école industrielle s’installe donc dans un nouveau quartier sortant de terre à la fin du xixe siècle. L’édifice est terminé en 1881 et inauguré en 1883. Bâtiment imposant de style néoclassique, l’école industrielle présente une riche façade : frise de feuillage en pierre, fronton à colonnes et linteaux de fenêtres en alternance de pierres. Un oeil-de-boeuf, dans lequel l’architecte pensait installer une horloge, anime également cette façade. Le fronton comporte une haute statue en pierre, Le Métallurgiste, réalisée sur concours par le statuaire Guillaume Beaujean. Cette oeuvre, imposante dans ses dimensions, renforce le caractère néoclassique du monument, déjà étayé par le jeu des colonnades. 

Le bâtiment a été surélevé au milieu des années 1950, sur ses deux ailes, par un troisième étage en briques rouges. Dans la cour trône un bronze représentant Zénobe Gramme, ancien élève de l’école (lorsqu’elle était rue des Croisiers), réalisé par le sculpteur liégeois Joseph Sauvage. Un intéressant monument aux morts des deux guerres mondiales se trouve au premier étage depuis 1946. Depuis 1962, le bâtiment abrite les locaux d’une école secondaire, l’athénée communal Maurice Destenay (aussi appelé athénée Saucy).

 

1912 : le septième Congrès wallon

Organisé par la Ligue wallonne de Liège, le Congrès wallon se déroule pour la première fois dans les locaux de l’école industrielle, le 7 juillet 1912, six ans après le dernier Congrès et sous la présidence de Julien Delaite. De nombreux sujets sont à l’ordre du jour : flamandisation de l’Université de Gand, défense de la langue et de la littérature wallonnes, mise en valeur de l’histoire wallonne. Au cours des débats, le projet de Delaite en faveur d’une séparation administrative fait l’objet d’un débat vif et d’un vote favorable. Pour la première fois depuis 1890, un Congrès wallon opte pour le fédéralisme. C’est en rentrant du Congrès que Jules Destrée conçoit sa « Lettre au Roi » sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre.

 

1913 : le huitième Congrès wallon

À nouveau organisé par la Ligue wallonne de Liège, le Congrès du 6 juillet 1913 présidé par Delaite est essentiellement culturel: mise en valeur de l’histoire wallonne, littérature et philologie wallonnes en sont les thèmes principaux. Le Congrès est également l’occasion de s’insurger contre la récente loi sur l’emploi du flamand à l’armée. Ce congrès, qui aura bien moins de répercussions que le précédent, clôture une série de Congrès organisés à Liège. Un dernier Congrès wallon sera organisé à Verviers peu avant l’invasion.

Boulevard Saucy 16
4000 Liège

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Freddy Joris & Frédéric Marchesani, avril 2009

Dès la fin du XIXe siècle, des militants s’organisent pour défendre les intérêts de la Wallonie. Révélant la réalité wallonne, ils contribuent à créer les symboles identitaires adoptés par tous les Wallons, comme le drapeau, l’hymne ou la fête de la Wallonie. Cette leçon fait le point sur les origines et l’évolution du Mouvement wallon, dont l’action fédéraliste a eu une influence déterminante sur l’organisation actuelle de l’Etat.

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Horion-Delchef Marguerite

Militantisme wallon

Liège 19/05/1874, Liège 6/11/1964


Première femme étudiante et diplômée en Philologie romane de l’Université de Liège, première femme acceptée à l’Assemblée wallonne, animatrice de l’Union des Femmes de Wallonie, Marguerite Delchef défend non seulement les intérêts et les droits de la Wallonie, mais elle se fait aussi la porte-parole des revendications féministes, réclamant le suffrage universel pour les femmes, ainsi que le droit au travail, s’opposant souvent au parti libéral dont elle était une affiliée.
Fille d’André Delchef (1835-1902), fabricant d’armes bien connu parce qu’il était musicien, écrivain et homme de théâtre (son Galant dèl Siervante était un grand succès du théâtre wallon à la fin du XIXe siècle), Marguerite Delchef est l’épouse d’Alexandre Horion, juge des enfants puis conseiller à la Cour de Liège. Son statut l’amènera à s’occuper de la population défavorisée et plus spécialement des femmes et des enfants.
Après ses humanités classiques, Marguerite Delchef décroche son diplôme en 1900. À l’Université de Liège, parmi les nombreux condisciples masculins qui l’entouraient se trouvait Olympe Gilbart avec lequel elle conservera des contacts dans ses nombreuses activités, culturelles et wallonnes. Co-fondatrice de l’Union des Femmes de Wallonie, avec Léonie De Waha, au moment où se constitue l’Assemblée wallonne (octobre 1912), elle s’occupera du secrétariat, avant de succéder à Léonie de Waha à la présidence, en 1926. Après l’Armistice, elle dirige le bulletin La Femme wallonne, dont elle est souvent la principale et seule rédactrice, avant que Marie Delcourt la rejoigne.
En 1921, avec Emma Protin, épouse Lambotte, Marguerite Delchef est l’une des deux premières femmes à entrer à l’Assemblée wallonne. Elle y représente l’arrondissement d’Arlon-Marche-Bastogne. Mais en 1923, lorsque Jules Destrée et les fédéralistes claquent la porte de ce qui aurait dû être une sorte de Parlement de la Wallonie, elle les accompagne ; son fils, Paul, autonomisme wallon affirmé, n’est pas étranger à ce choix qu’elle ne cessera d’affirmer, soit par des articles dans la presse d’action wallonne, ou en adhérant à la Ligue d’Action wallonne de Liège, voire en finançant certaines feuilles wallonnes.
Si l’Union des Femmes de Wallonie cesse ses activités fin 1936, Marguerite Delchef continue à organiser des conférences, des débats, des expositions-ventes ; elle compose chaque année des revues qu’elle met en scène et fait jouer, chanter, danser par des amis. Elle encourage les jeunes acteurs, aide des artistes à leurs débuts. Depuis longtemps aussi, elle s’occupe du groupe de Liège de la Fédération belge des Femmes diplômées des Universités (groupe fondé en 1921). Membre d’honneur de l’Association des Romanistes de l’Université de Liège, Marguerite Horion-Delchef est aussi l’auteur de nombreux articles sur le théâtre.



Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 434-435
Marie DELCOURT, dans La Vie wallonne, IV, 1964, n°308, p. 285
Jean PUISSANT, Marguerite Horion, dans Dictionnaire des femmes belges, Bruxelles, Racine, 2006, p. 168-170
Bernadette LACOMBLE-MASEREEL, Les premières étudiantes à l’Université de Liège : années académiques 1881-1882 à 1919-1920, Liège, Commission communale de l’histoire de l’ancien Pays de Liège, 1980, coll. Documents et mémoires n°14

Dejardin Joseph

Politique

Grivegnée 21/03/1873, Beyne-Heusay 28/10/1932


Député, président de la Centrale nationale des Mineurs et président de la Fédération internationale des Mineurs, Joseph Dejardin est une figure marquante du mouvement ouvrier au tournant des XIXe et XXe siècle.
Septième d’une famille ouvrière de onze enfants, Joseph Dejardin a sa destinée toute tracée ; son père et sa mère travaillent à la mine ; comme ses frères et ses sœurs (dont Lucie, futur députée), il sera aussi mineur. À peine scolarisé, il veut cependant les conditions de vie qui leur sont imposées et s’engage résolument dans l’action syndicale et politique en train de se structurer avec difficultés ; les réticences à vaincre sont autant chez les ouvriers que du côté du pouvoir en place. En 1889, alors qu’il distribue le journal Le Populaire, Joseph Dejardin est arrêté et accusé de fomenter des troubles. Avec détermination, il œuvre à la structuration du mouvement ouvrier socialiste, tant par la création et l’animation de structures syndicales, politiques, coopératives que mutuellistes. 

S’appuyant sur la Charte de Quaregnon, il fait du suffrage universel l’objectif prioritaire, tout en menant des luttes pour l’amélioration des conditions de travail (salaire, temps de travail, sécurité). En 1904, il se présente au suffrage universel tempéré par le vote plural des hommes de l’arrondissement de Liège et est élu au conseil provincial de Liège. Il quitte cette assemblée en décembre 1909, pour remplacer à la Chambre le député P. Smeets décédé. Il sera par la suite régulièrement élu à la Chambre jusqu’en 1932. En octobre 1912, Joseph Dejardin figure parmi les membres-fondateurs de l’Assemblée wallonne créée à l’initiative de Jules Destrée quelques semaines après sa Lettre au roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre. Il y représente l’arrondissement de Liège, mais ne développe pas d’action particulière au sein de ce Parlement wallon informel.

Conseiller communal élu à Beyne-Heusay en 1903, échevin à partir de janvier 1908, Dejardin fait fonction de bourgmestre au lendemain du scrutin d’octobre 1911. Comme de nombreux autres « candidats » bourgmestres socialistes en Wallonie, il se heurte au refus du ministre de l’Intérieur de nommer des mandataires qui professent des opinions républicaines. Il reste par conséquent échevin, faisant fonction de bourgmestre. Mais son comportement déterminé lors de l’invasion allemande d’août 1914 élimine les querelles « politiciennes » et le gouvernement belge s’empresse de le nommer officiellement le 20 septembre 1914. Il exercera ses fonctions maïorales jusqu’en 1921. Durant les années allemandes de 14-18, il veilla au ravitaillement et à la sécurité des habitants de sa commune et de Liège. Sa résistance larvée lui est reprochée par les autorités d’occupation : appelé à comparaître devant le Tribunal militaire de Liège, il lui est reproché un mot injurieux en allemand sur une affiche publique. Plaidant ne pas connaître la langue de Goethe, Dejardin est condamné à deux ans de travaux forcés par le président Rauh, et il est déporté en Allemagne entre décembre 1916 et mars 1917 (Mallieux).

Ces succès électoraux, Joseph Dejardin les doit en grande partie à son intense activité syndicale. Multipliant les initiatives (réunions, meetings, publications, etc.) pour rassembler les travailleurs au sein de structures défendant leurs intérêts, il met en place un syndicat des mineurs dont la puissance dépasse le bassin houiller liégeois. De responsable liégeois (président du syndicat des Mineurs avant 14), il devient, en 1919, le leader national de la Centrale des Mineurs qu’il avait contribué à faire naître. Internationaliste – il exerça la présidence de l’Internationale des Mineurs –, il plaide très tôt (un congrès syndical en 1901) en faveur d’une action syndicale concertée au plan international : l’objectif est alors la conquête de la journée de huit heures. Son expertise est appréciée et reconnue. Elle est notamment saluée lors des Conférences internationales du Travail de 1930 et 1931 où ses interventions contribuent à l’élaboration des textes définitifs (durée du travail dans les mines). Vice-président de la Fédération internationale des Mineurs, il venait d’être désigné à la présidence lors du congrès de Londres, en septembre 1932, quand la maladie a raison de lui. Ses funérailles furent quasiment nationales.
 

 

Sources

Paul DELFORGE, L’Assemblée wallonne 1912-1923. Premier Parlement de la Wallonie ?, Namur, Institut Destrée, janvier 2013, coll. Notre Histoire, p. 234
Paul VAN MOLLE, Le Parlement belge 1894-1972, Ledeberg-Gand, Erasme, 1972, p. 80
Le mouvement syndical belge, 20 novembre 1932, p. 259
À la mémoire de Joseph Dejardin, Député…, Cuesmes, imp. fédérale, s.d.
Moniteur belge, 20-21-22 septembre 1914, p. 5297
Archives Fernand Mallieux, récit, p. 14

 

Mandats politiques

Conseiller communal de Beyne-Heusay (1903-1932)
Conseil provincial de Liège (1904-1909)
Echevin (1908-1912)
Député (1909-1932)
Bourgmestre faisant fonction (1912-1914)
Délégué de Liège à l’Assemblée wallonne (1912-1921)
Bourgmestre (1914-1921)

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de Sélys Longchamps Hector

Politique

Paris 03/11/1878, Ixelles 12/01/1957


Troisième fils de Walthère et petit-fils de (Michel-)Edmond, Hector de Sélys-Longchamps est né à Paris au moment où son père séjourna entre voyage au Brésil et études dans les prestigieuses institutions françaises. De père et de son grand-père, Hector hérita de leur goût pour la politique. Ayant grandi dans le domaine familial d’Halloy où se déplaçaient les précepteurs (dont le jeune Joseph Bidez), le jeune châtelain sort peu de sa campagne, mais dispose d’une multitude de livres d’histoire, de philosophie, de sociologie dans la bibliothèque paternelle. Ils vont l’aider à préparer ses cours de Droit à l’Université de Liège.

Docteur en Droit, avocat inscrit au barreau de Liège avant de rejoindre celui de Bruxelles, Hector de Sélys Longchamps a suivi son père dans son engagement wallon. Avant la Grande Guerre, il représente déjà l’arrondissement de Dinant-Philippeville à l’Assemblée wallonne (1912-1914), et il en restera membre de 1919 à 1940. Il est aussi l’un des fondateurs de la Garde wallonne qu’il préside avant la Première Guerre mondiale. En septembre 1912, il est nommé membre du comité exécutif de la Ligue wallonne de Liège, présidée par Julien Delaite. Par les conférences qu’il donne « dans les campagnes », il contribue à la diffusion de l’idée wallonne et à la création de ligues wallonnes locales. En 1914, il préside la Garde wallonne (de Liège) et il semble prendre la parole lors du congrès wallon qui se déroule à Verviers.

Sans doute réfugié en France entre 1914 et 1918, il revient au pays et se présente au premier scrutin organisé selon le principe du suffrage universel, principe que réclamait son père depuis plus de trente ans. En 1919, il devient député libéral de l’arrondissement de Dinant-Philippeville (1919-1921) ; il rate sa réélection en 1921, mais retrouve la Chambre des représentants de 1925 à 1929. En 1921, il est membre du bureau permanent de l’Assemblée wallonne et de la Commission du “ statut politique belge ”. À ce titre, il préconise une réforme administrative fondée sur l’élargissement des pouvoirs des conseils provinciaux et approuve la « proposition Remouchamps » du vote bilatéral. Il n’est guère attiré, alors, par une formule fédéraliste.

Du 14 décembre 1932 au 13 avril 1936, Hector de Sélys Longchamps siège à nouveau comme parlementaire ; il a bénéficié d’un mandat de sénateur provincial namurois. Par ailleurs, il est président d’honneur du Cercle des XV, association présidée par Lambiotte, qui a été créée pour la sauvegarde des Souvenirs historiques de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Il n’exercera plus de mandat après 1936. Il deviendra le secrétaire général du Conseil de la coopération douanière (fonction qu’il exerce jusqu’en 1953).

Après la Seconde Guerre mondiale, au moment où le Parlement s’apprête à appliquer en pure et simple arithmétique électorale à la représentation parlementaire les conséquences du recensement de population de 1947, Hector de Sélys-Longchamps signe la pétition La Wallonie en alerte à l’instar de 52 autres académiciens et professeurs d’université soucieux d’éviter la minorisation politique permanente de la Wallonie.
 

Sources

Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 476
Histoire du Sénat de Belgique de 1831 à 1995, Bruxelles, Racine, 1999, p. 400
Paul BRIEN, dans Annuaire de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, 1965, p. 78-93 

 

Mandats politiques

Député (1919-1921, 1925-1929)
Sénateur (1932-1936)

Buisset Émile

Militantisme wallon, Politique

Charleroi 29/06/1869, Charleroi 07/02/1925

Avocat, bâtonnier de l’Ordre, Émile Buisset embrasse une carrière politique qui se révèlera féconde : conseiller communal dès septembre 1903, député (1904-1925), échevin en 1904, et enfin bourgmestre de Charleroi en 1921. Figure libérale marquante de la région de Charleroi, il prend une part active dans la défense des intérêts de la Wallonie.

La famille Buisset est originaire de Thuin et est venue s’installer à Charleroi au milieu du XIXe siècle. C’est là que naît Émile, dans une famille bourgeoise aisée, qui lui permet de suivre des études universitaires à Liège. Docteur en Droit de l’Université de Liège (1887), après un stage à Bruxelles, il s’installe à Charleroi où il plaide au Barreau. Membre du parti libéral, il contribue à relancer les activités de l’Association libérale, dont il est le secrétaire général (1898). À peine élu conseiller communal, l’échevinat des Finances lui est confié (hormis entre 1912 et 1914). Premier échevin, bras droit du bourgmestre Émile Devreux, Buisset apporte sa contribution au succès de l’ambitieux projet d’Exposition internationale qui se déroule d’avril à novembre 1911 et dont le but est de présenter le savoir-faire carolorégien au monde. 

En août 1914, avec Devreux, Buisset fait partie des notables carolorégiens qui parviennent à éviter le pire aux populations en parlementant avec l’envahisseur (traité de Couillet). Après le premier scrutin communal au suffrage universel (avril 1921), Émile Buisset succède à Devreux, à la tête d’une coalition « socialistes-libéraux », mais il n’achèvera pas son mandat, succombant à une maladie contractée durant l’occupation ; Joseph Thirou lui succède alors (1925). Député élu en 1904, il est régulièrement réélu et il s’impose à la Chambre comme un défenseur de la cause wallonne.

Le mérite revient d’ailleurs à Émile Buisset d’avoir contribué à la prise de conscience du Hainaut à la problématique wallonne. Alors que, à Liège, la question wallonne tendait à sortir progressivement de la confusion de ses débuts, Émile Buisset secoue, dès 1900, l’apathie des Hennuyers au travers de nombreux articles dans La Gazette de Charleroi où il attire l’attention de ses contemporains sur ce qu’il considère comme les exagérations du Mouvement flamand. Membre du Comité d’étude pour la Sauvegarde de l’Autonomie des provinces wallonnes, comité qui est créé par la Ligue wallonne de Liège en 1910, Émile Buisset recherche le moyen de préserver l’unilinguisme en Wallonie et de défendre les intérêts wallons face aux revendications flamandes. Avant la Grande Guerre, l’élargissement des prérogatives des provinces lui paraît la meilleure voie vers l’autonomie. Il présente d’ailleurs un projet écrit lors du Congrès wallon du 7 juillet 1912 et est un membre fondateur de l’Assemblée wallonne, en tant que représentant de l’arrondissement de Charleroi. 

Durant l’occupation allemande de 14-18, son activité ne faiblit pas, mais elle se fait discrète et clandestine. Plusieurs études de sa plume circulent sous le manteau, formulant des idées originales afin de réorganiser les structures institutionnelles de la Belgique libérée. En désaccord avec l’évolution de l’Assemblée wallonne après la Première Guerre mondiale, il soutient la position fédéraliste de Jules Destrée lors de la crise que connaît ce Parlement informel de Wallonie en juin-juillet 1923, mais contrairement au socialiste, Buisset ne démissionne pas de l’Assemblée wallonne, continuant d’y plaider en faveur d’une autonomie accrue de la Wallonie au sein de l’État belge. Il en viendra à rejeter « le provincialisme » et à prôner une « simple séparation », avec reconnaissance de la Flandre, de la Wallonie et d’un statut particulier pour Bruxelles et ses environs, tout en adoptant une formule régionaliste créant cinq États (la Flandre, la Campine, la Wallonie occidentale ou Sambre, la Wallonie orientale ou Meuse et l’État de Bruxelles). 

Sources

Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 208-209
Chantal MENGEOT, Anne SOUMOY (dir.), « Charleroi 1911-2011 ». L’industrie s’associe à la culture, Charleroi, septembre 2011
Jean-Pierre SCHAEFFER, Charleroi 1830-1994. Histoire d'une métropole, Ottignies, Quorum, 1995, p. 147-193
Paul DELFORGE, Un siècle de projets fédéralistes pour la Wallonie, Namur, Institut Destrée, 2005 
Paul DELFORGE, L’Assemblée wallonne (1912-1923). Premier Parlement de la Wallonie ?, Namur, Institut Destrée, décembre 2012, coll. Notre Histoire n°10

Mandats politiques

Conseiller communal de Charleroi (1904-1925)
Échevin (1904-1921)
Député (1904-1925)
Membre de l’Assemblée wallonne (1912-1925)
Bourgmestre (1921-1925)

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André François

Militantisme wallon, Politique

Hon-Hergies (France) 27/01/1869, Bruxelles 3/11/1945


Avocat, homme politique socialiste, militant wallon, amateur d’art, François André est une personnalité marquante du Hainaut, région à laquelle il apporte toute son attention, notamment quand il est choisi comme haut-commissaire royal à la reconstruction après la Première Guerre mondiale. Un parallélisme pourrait être établi entre lui et Jules Destrée. Diplômés de l’Université libre de Bruxelles, l’un devient avocat à Charleroi, tandis qu’André est inscrit au barreau de Mons, après fait son stage auprès de Fulgence Masson ; il se spécialisera dans la défense des intérêts des diverses organisations du mouvement socialiste. Issus d’une famille bourgeoise, s’intéressant tout deux aux arts, Destrée et André adhèrent aux idées socialistes et si Destrée fait une carrière « à Bruxelles », André est d’abord élu conseiller provincial (1904), avant d’assurer un mandat de député permanent de 1924 à 1939. Il achève sa carrière politique comme sénateur coopté (1939-1945). 

Co-fondateur de l’Université populaire, animateurs des Amitiés françaises à Mons, il dépose l’un des quatre projets « institutionnels » lors du Congrès wallon du 7 juillet 1912. Sceptique à l’égard de l’idée de séparation administrative que défend Destrée, François André plaide plutôt en faveur d’un accroissement des pouvoirs des Conseils provinciaux. Lors de la séance constituante de l’Assemblée wallonne (octobre 1912), il est l’un des délégués de l’arrondissement de Mons ; jusqu’en 1940, il restera fidèle à ce qui était, à l’origine, une sorte de Parlement informel de la Wallonie.

Président du conseil provincial du Hainaut, François André proteste officiellement, en décembre 1914, contre l’agression allemande, contre la présence d’un nouveau gouverneur allemand et dénonce l’illégalité de la démarche exigée du conseil provincial. Sous l’occupation, il est membre du Comité Provincial de Secours et d'Alimentation. À l’Armistice, ses opinions républicaines clairement revendiquées lui coûtent le poste de gouverneur du Hainaut (il aurait été le premier socialiste à être désigné à la fonction) ; mais elles ne l’empêchent pas d’être chargé de la coordination de la reconstruction ; le haut-commissaire royal exerce la responsabilité de la répartition de subsides publics pour la reconstruction d’habitats dans la zone Hainaut-Brabant.

Fondateur de l’Association des Amis du Hainaut (1930), promoteur des concours quinquennaux destinés à honorer des figures illustres de la province, le député permanent est principalement en charge des questions culturelles et d’enseignement. Président de la section du Hainaut de la Fédération des artistes wallons, André fut notamment membre du comité d'honneur du premier Congrès culturel wallon organisé à Charleroi en novembre 1938.

 

Sources

Marinette BRUWIER, François André, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 52-53
Paul DELFORGE, La Wallonie et la première guerre mondiale. Pour une histoire de la séparation administrative, Namur, Institut Destrée, 2008
Paul DELFORGE, L'Assemblée wallonne 1912-1923. Premier Parlement de la Wallonie ?, Namur, Institut Destrée, 2013
Alain JOURET, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 6, p. 13-16
Daniel CONRAADS et Dominique NAHOÉ, Sur les traces de 14-18 en Wallonie, Namur, IPW, 2013, p. 293

 

Mandats politiques

Conseiller provincial du Hainaut (1904-1939)
Député permanent (1924
Sénateur coopté (1939-1945)

Lescarts Jean

Militantisme wallon, Politique

Mons /1851, Mons 9/12/1925

Docteur en Droit, avocat au Barreau de Mons, Jean Lescarts goûte à la politique et rallie le parti libéral montois. Conseiller communal, il exerce le mandat d’échevin, avant de succéder, en 1905, à Henri Sainctlette à la tête du collège communal. L’embellissement de la cité du Doudou est à son programme ; il y promeut aussi la construction d’un nouvel Athénée qui viendra remplacer celui qu’il avait fréquenté durant son adolescence. Pendant vingt ans, Jean Lescarts est le bourgmestre de Mons, sans exercer aucun mandat à d’autres niveaux de pouvoir. Ce n’est pas qu’il se désintéresse des affaires de l’État, loin de là. Lorsque Jules Destrée interpelle l’opinion publique avec La Lettre au roi et entreprend de constituer un Parlement wallon informel, Jean Lescarts se mobilise. Déjà président de la section de Mons des Amis de l’Art wallon (1912), il rallie l’Assemblée wallonne dès l’automne 1912 et accepte d’être l’un des délégués de Mons au sein de cet organisme wallon chargé d’étudier la question de la séparation administrative. Prenant une part active à ses travaux, il intervient notamment lors de la session de Mons (16 mars 1913) qui examine les options d’un emblème wallon. Quand certains hésitent devant un coq qui pourrait être interprété comme trop français, Lescarts influence le choix final en se demandant si le coq est seulement un emblème français ou plus simplement le symbole de la Gaule toute entière. « Si nous sommes Gaulois, pourquoi ne pas le proclamer fièrement en inscrivant le coq sur un drapeau ? ». Il intervient aussi au moment du choix de la devise : Wallon toujours est alors préféré à Wallon demeure.

Après l’adoption du seul décret de l’Assemblée wallonne, Jean Lescarts contribue à populariser les emblèmes wallons : l’hôtel de ville montois est l’un des premiers à pavoiser aux couleurs wallonnes. Jusqu’en 1925, année de son décès, le maire de Mons restera un membre fidèle de l’Assemblée wallonne. Sous l’occupation allemande de 14-18, il se refusera à poursuivre l’étude de la question wallonne tant que la liberté n’est pas rendue à l’ensemble de la Belgique. En tant que bourgmestre, il avait été pris en otage dès le mois d’août 1914 ; par la suite, il s’affaire pour organiser, protéger, ravitailler et défendre la vie de ses administrés. Son dévouement et sa bravoure lui valurent le respect de tous ses contemporains.

Fin lettré, grand ami des arts et archéologue érudit, particulièrement attentif à la sauvegarde du patrimoine montois, Jean Lescarts a transformé sa maison (derrière la Halle) en un véritable musée. Aujourd’hui, le Musée du Folklore et de la Vie montoise porte aussi le nom de Maison Jean Lescarts afin d’honorer sa mémoire. En 1925, Victor Maistriau lui succède comme bourgmestre.

 

Sources

Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 980
Paul DELFORGE, L’Assemblée wallonne (1912-1923). Premier Parlement de la Wallonie ?, Namur, Institut Destrée, décembre 2012, coll. Notre Histoire n°10

Kleyer Gustave

Politique

Habay-la-Vieille 17/03/1853, Liège 4/04/1939

Docteur en Droit de l’Université de Liège, avocat au Barreau de Liège, Gustave Kleyer adhère au Parti libéral et, lors des élections de 1884, est élu conseiller communal de Liège (1884). Quatre ans plus tard, il accède au mandat d’échevin, en charge de l’État civil du contentieux et des Beaux-Arts (1888-1895), avant de s’occuper des travaux publics (1895-1900). Libéral doctrinaire, il est au centre d’une cacophonie politique au moment de la mise en place d’un nouveau collège en juillet 1900. Finalement le maïeur Léon Gérard démissionne, et Gustave Kleyer est désigné comme bourgmestre de Liège, à la tête d’une tripartite libéraux-socialistes-catholiques d’abord (1900-1901), d’une majorité des gauches ensuite (1901-1921). Il restera le chef de la Violette jusqu’en 1921. 

Parmi les nombreux projets menés par ou sous le maïorat de Gustave Kleyer, on ne peut passer sous silence l’aménagement du boulevard qui étend la ville sur les hauteurs de Cointe ni l’organisation de l’Exposition universelle de 1905, à la suite de laquelle sont aménagés les quartiers de Fragnée et des Vennes. C’est aussi lui qui dut faire face à l’attaque puis à l’occupation allemande de 1914-1918. Eviter le bombardement de la cité tout en soutenant la résistance du général Leman depuis les forts, empêcher que les Allemands ne prennent des otages sous prétexte de francs-tireurs, déjouer les directives de l’occupant et notamment les amendes réclamées, telles sont quelques-unes des multiples tâches qu’accomplit Kleyer en plus des questions d’organisation, de protection, de ravitaillement, de défense des administrés et bien d’autres problèmes d’ordre économiques et sociaux. 

Son dévouement et sa bravoure lui valurent le respect de tous ses contemporains. Après l’Armistice, c’est encore Gustave Kleyer qui reçoit des mains du président français Poincaré la Croix de la Légion d’honneur pour la résistance de la ville de Liège en août 1914 (24 juillet 1919). Usé par les années de guerre, G. Kleyer décide de se retirer de la vie politique en 1921.

À la tête de ce que l’on considérait à l’époque comme la capitale de la Wallonie, Gustave Kleyer n’exerce pas de mandat à un autre niveau de pouvoir. Néanmoins, à de nombreuses reprises, à la tête du Collège de Liège, il affirme son opposition à toute mesure de « bilinguisation » de la Wallonie et à toute loi de contrainte linguistique. Lors de la constitution de l’Assemblée wallonne en 1912, il apporte son soutien à ce Parlement wallon informel et à son programme. Délégué effectif de Liège de 1913 à 1920 auprès de l’Assemblée wallonne, Gustave Kleyer introduit la question wallonne dans son discours de La Joyeuse Entrée du roi Albert en 1913 et ouvre aussi son hôtel de ville aux réunions de l’Assemblée wallonne en novembre 1913 et en avril 1919.

 

Sources

Robert DEMOULIN, dans Biographie nationale, t. XXXI, col. 507-515
Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 895
Paul DELFORGE, L’Assemblée wallonne (1912-1923). Premier Parlement de la Wallonie ?, Namur, Institut Destrée, décembre 2012, coll. Notre Histoire n°10

 

Mandats politiques

Conseiller communal de Liège (1884-1921)
Échevin (1888-1900)
Bourgmestre (1900-1921)