Les États généraux des Pays-Bas espagnols et des Provinces-Unies (1630)

Parmi les mesures de réorganisation prises par Charles Quint figure la convocation par le prince des États généraux. Dans les États conquis par les Bourguignons, les États généraux ont été créés, en 1463, par Philippe le Bon. Vraisemblablement inspiré par ce qui se faisait en France depuis le XIIIe siècle, le duc de Bourgogne se sent suffisamment fort pour se dispenser de traiter séparément avec chaque assemblée des États, et convoque les délégués des États en une seule assemblée pour lever subsides et impôts. On fait remonter au 9 janvier 1464 la première convocation des États généraux ; l’assemblée se tient à Bruges. Convoqués régulièrement, les délégués de toutes les provinces de l’époque (Brabant, Flandre, Artois, Hainaut, Hollande, Zélande, Namur, Lille-Douai-Orchies, Boulonnais, Malines) reçoivent les instructions du prince.
Ceux-ci s’étaient réunis spontanément à Bruges pour la première fois le 9 janvier 1464 à l’initiative des États de Hollande. Accorder une trop grande autonomie à cet organe représentatif de toutes les provinces de l’époque risque de nuire à la volonté centralisatrice des Habsbourg ; Charles Quint s’abstient dès lors de lui donner trop d’importance. Il préfère créer trois conseils collatéraux à côté du gouverneur général : Conseil d’État pour les Affaires politiques, Conseil privé pour les Affaires juridiques, Conseil des Finances pour les Affaires fiscales et économiques. Néanmoins, les États généraux continuent de se réunir à Bruxelles et manifesteront particulièrement leur opposition à la politique de Philippe II. Ainsi, en 1576, ils se réunissent à nouveau de leur propre initiative, en des temps troublés et aboutiront à la pacification de Gand.
À la création des Provinces-Unies, les États généraux s’installent à La Haye, où ne siègent plus que les représentants de sept provinces ; ils deviennent l’instrument législatif de la nouvelle république, chargé de la politique commune en totale autonomie. L’essentiel des pouvoirs demeurent cependant dans les États provinciaux. Et comme des territoires font partie des Provinces-Unies sans disposer de leurs propres États provinciaux (partie du comté de Flandre et du duché de Brabant, Maastricht, par exemple), ils sont directement administrés par les États généraux (en tout 20% des Provinces-Unies sont sous ce statut) : d’où leur nom de pays de la généralité.
Entre 1465 et 1787, les États généraux des Pays-Bas sont convoqués à Bruxelles 72 fois. Très réguliers dans un premier temps, ils sont interrompus en 1632. Les souverains préfèrent se tourner vers les états provinciaux et traiter au cas par cas et surtout en ordre dispersé lorsqu’il s’agit de leur demander de l’argent. En 1632, ils étaient encore dix délégués, représentants les anciennes provinces qui étaient dotées d’États provinciaux : Artois, Brabant, Gueldre, Flandre, Hainaut, Namur, Tournai et Tournésis (ou Tournaisis), Luxembourg et Malines. Le Limbourg était représenté par le Brabant auquel se référait aussi l’ancien marquisat d’Anvers. Bien que composant les Pays-Bas (1542-1678), l’ancienne principauté ecclésiastique du Cambrésis ne paraît pas disposer de représentant. À partir de 1713, les communes de West-Flandre restituées par la France aux Provinces-Unies mais intégrées dans les Pays-Bas autrichiens ne retournent pas dans le comté de Flandre. Elles forment une province à part entière qui envoient ses délégués aux États généraux de Bruxelles.
Sous le régime autrichien, les États généraux sont convoqués en 1725 pour adopter la « Pragmatique Sanction », puis en 1787 : en décidant de réformer brutalement les Pays-Bas (l’Artois est devenue française entre-temps) par la création de neuf cercles dirigés par un intendant, Joseph II ravive alors le souvenir nostalgique des États généraux libres et autonomes, qui se lèvent alors contre des réformes qui font fi de la tradition. En janvier 1790 les États généraux des Pays-Bas autrichiens (sauf le Luxembourg toujours occupé) proclameront leur indépendance de l’Autriche et leur union sous le titre d’États-belgiques-unis. Ils sont supprimés en 1795.
Quant à la principauté de Liège, elle ne fonctionne pas selon le principe des États généraux. Néanmoins, les trois États forment la représentation légale du pays et participent à l’exécutif avec le prince-évêque. À côté du clergé et de la noblesse, les députés des « bonnes villes » constituent la seule représentation « géographique » de la principauté.

Références
Duby174b ; Faid-170 ; FH04-235 ; Prn02-59 ; trauLxb-162-165 ; Wel_EG-95

 


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Les 23 +2 « bonnes villes » de la principauté de Liège

Si l’évêque Gérard de Cambrai pouvait encore se permettre, en 1036, de considérer que la société se partageait entre trois catégories (genus humanum ab initio trifariam divisum est, in oratoribus, agricultoribus, pugnatoribus), deux siècles plus tard une nouvelle catégorie a émergé : à côté des oratores, bellatores et aratores, les gens des villes (burgenses) sont devenus une composante essentielle de la société occidentale (GENICOT), où ils ont acquis un statut. Dès le XIIe siècle, il existe des villes franches au sein de la principauté et le principe des trois états est déjà attesté ; par ailleurs, le droit de mainmorte est supprimé en 1123.
Avec leur propre administration locale, les « Communes » possèdent chacune leur droit urbain, leur jus civile, leur magistrat particulier, leur sceau, parfois leurs milices, tous les éléments caractéristiques de l’émancipation des villes au moyen âge. En raison de leur importance, certaines de ces villes obtiennent le droit d’être associées à la direction de la principauté et reçoivent le titre de « bonne ville ». Sur le modèle de Liège, chacune dispose de deux bourgmestres et d’un Conseil désignés annuellement, et reçoit le droit de ceindre le périmètre urbain de murailles. Dans l’organisation politique de la principauté, le titre de  bonne ville procure surtout le droit de participer au pouvoir législatif et exécutif aux côtés du prince-évêque. La cité de Liège dispose d’un collège de 14 échevins non seulement tribunal de la cité, mais aussi Cour d’appel des échevinages des autres villes principautaires.
Très tôt, le pays de Liège a été considéré comme « un État parlementaire et représentatif » (KURTH), où les habitants étaient libres et protégés. Depuis la charte fameuse, octroyée par Albert de Cuyck en 1198, ceux-ci bénéficient d’une vraie garantie de leurs droits qui est confirmée et consacrée par la Paix de Fexhe (signée le 18 juin 1316). Et, en 1373, les « quatre paix des vingt-deux » élargissent encore les dispositions précédentes, quand est créé le Tribunal des XXII, Conseil d’État avant la lettre. Les premières bonnes villes y obtiennent au moins un membre (4 pour Liège, 2 pour Huy et Dinant, 1 pour Tongres, Saint-Trond, Fosses, Thuin, Looz et Hasselt), mais surtout la majorité, à côté des nobles (4) et du clergé (4). Avec ses membres élus, le Tribunal des XXII aura à veiller au maintien des droits de tous et à l’application stricte de la Paix de Fexhe.
En 1651, Verviers est la XXIIIe et dernière ville admise au rang de Bonne Ville. Un ordre de préséance est régulièrement mis en évidence pour « classer » ces 23 bonnes villes. Cet ordre ne correspond pas à la chronologie (difficile à établir) de l’octroi du titre. Deux villes – Maastricht et Bouillon – perdent leur titre de bonne ville lorsqu’elles sortent de la principauté de Liège. Le terme de « cité » est réservé à Liège, titre honorifique réservé aux villes antiques et épiscopales.

Références
Faid-131 ; Geni13-109 ; Han-35 ; RouNa-206


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