SPW - G. Focant

Monument Le coq à Jemappes

Depuis 1890, l’idée de réaliser une commémoration de la bataille de Jemappes était dans l’air. Cette bataille, remportée par la jeune République française le 6 novembre 1792 sur les armées autrichiennes, avait permis la victoire de la République et, à terme, le rattachement de nos régions à la France. Le symbole était fort pour le Mouvement wallon naissant. L’idée de l’érection d’un monument se précisa dans les colonnes d’un quotidien hennuyer en 1908. Un comité d’action, dans lequel se trouvait Jules Destrée, fut constitué en mai 1909 et sélectionna le sculpteur arlonnais Jean-Marie Gaspar, le plus grand spécialiste de la sculpture animalière à l’époque.

Le monument consiste en un obélisque de granit de 16 mètres de hauteur. À son sommet un coq en cuivre qui symbolise la puissance de la France révolutionnaire, tourné vers l’est, immense, aux lignes élégantes, se dresse vers le ciel, les ergots en bataille et le cou gonflé par le cri qu’il pousse. Il fut inauguré avec faste le 24 septembre 1911 à l’occasion du Congrès international des Amitiés françaises, en présence de quelque cent mille personnes venues de toutes les régions de Wallonie. Des Français de Lille et Valenciennes étaient également présents en nombre. Parmi de nombreuses interventions, le discours de Jules Destrée marqua les esprits par sa fougue et son éloquence. La sculpture fut détruite par les Allemands dès le 24 août 1914, et un nouveau coq réalisé par le sculpteur Charles Samuël fut installé sur l’obélisque le 21 mai 1922. Épargné par la seconde occupation, il trône toujours en haut du monument, aujourd’hui au coeur d’une cité sociale.

Tout comme Waterloo, Jemappes - célébrant une victoire et non une défaite - accueillera de nombreuses manifestations francophiles. Un premier événement y est organisé par les Ligues wallonnes affiliées à la Concentration wallonne le 14 novembre 1937. À partir de 1938, la date du 6 novembre devient celle de la célébration de l’amitié franco-wallonne. En 1950, Joseph Merlot y représente le Congrès national wallon et le 160e anniversaire de la bataille, en 1952, est l’occasion pour le Mouvement wallon d’organiser un grand rassemblement à la lumière de torches qui sont réunies en un énorme brasier au pied du monument. Une cérémonie se tient encore dans les années suivantes, à l’initiative de membres de « Wallonie libre », mais elle se fait en petit comité. Un essai de relance, par « Wallonie Région d’Europe » et l’Institut Jules Destrée, eut lieu en 1989, sans lendemain.

Butte du Campiau
7012 Mons (Jemappes)

carte

Classé comme monument le 4 novembre 1976

Freddy Joris & Frédéric Marchesani, avril 2009

La « République Belgique » de Dumouriez (6 novembre 1792-18 mars 1793)

Les idées révolutionnaires ont franchi les frontières avant les soldats ; définitivement hostiles aux Autrichiens, les populations des Pays-Bas et de Liège attendent leurs libérateurs avec impatience. S’imposant aux Prussiens à Valmy (20 septembre), les troupes du général Dumouriez disposent des Autrichiens au terme d’une vraie bataille à hauteur de Jemappes (6 novembre).
En contradiction avec les prescrits de la Convention qui veut fondre les terres conquises dans la République française, Dumouriez tente de créer une république belge indépendante, amalgamant la principauté liégeoise et les anciennes terres des Habsbourg, disposant d’une Constitution, et fondée sur des principes neufs de liberté. Ordonnant des élections « libres » destinées à nommer les membres d’une Convention nationale qui se tiendrait à Alost, Dumouriez se heurte aux commissaires venus de Paris pour supprimer les institutions d’ancien régime, intégrer le pays conquis à la France et organiser des plébiscites.
La propagande révolutionnaire – de langue française et hostile à l’Église – soulève l’opposition des campagnes, surtout flamandes. Organisées par les « commissaires de la Convention », les élections en faveur de la réunion de la Belgique à la France sont émaillées d’incidents et la valeur des résultats est entachée d’irrégularités. On ne peut comparer les votes « unanimes » arrachés à Mons, Gand, Bruxelles ou Namur, à ceux enregistrés au pays de Liège. Dès le 23 décembre 1792, le marquisat de Franchimont a réclamé sa réunion à la France. Le 25 février 1793, Liège a plébiscité son annexion à la République, tandis que Bouillon hésite.
Bien qu’occupée à absorber les terres belges et liégeoises, la Convention déclare la guerre à l’Angleterre (1er février 1793), et envoie Dumouriez conquérir les Provinces Unies. Massée derrière la Roer, l’armée autrichienne s’est recomposée et marche sur Maastricht (2 mars), puis Liège. Elle force Dumouriez à faire demi-tour : arrivé à Anvers (6 mars), il décide de s’attaquer au gouvernement révolutionnaire français et à ses commissaires en poste en Belgique, tout en menant bataille aux Autrichiens. À Neerwinden (18 mars), Dumouriez est vaincu et la Convention perd la Belgique. Jamais suivi par les Belges et en butte avec Paris, Dumouriez passe à l’ennemi. Durant la seconde restauration autrichienne, les idées révolutionnaires et leurs défenseurs sont combattus avec violence : à Verviers, Chapuis est exécuté pour l’exemple.

Références
Duby137 ; Duby75 ; Er55d ; Gross03-34 ; HaHu147


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)