La grève wallonne de l’hiver 1960-1961 : journée de mobilisation du 14 décembre 1960

Au nom d’un gouvernement tout récemment remanié, Gaston Eyskens annonce le dépôt de mesures de restriction budgétaire, ce qui deviendra la Loi unique, ainsi que l’abandon du volet linguistique qui accompagne le recensement décennal de la population (27 septembre 1960). Dans l’opposition, le parti socialiste s’allie au syndicat FGTB pour mener dès l’automne une campagne de mobilisation (Opération Vérité). Avec le soutien d’André Renard, une série d’actions (meetings, réunions, manifestations) sont organisées pour montrer l’opposition des travailleurs à la politique jugée antisociale du gouvernement et populariser les réformes de structure. « Notre action se déroulera suivant un plan strict », déclare A. Renard à Liège le jour où le Parlement reçoit le texte du gouvernement (9 novembre). Après une douzaine d’assemblées d’information et un arrêt de travail (21 novembre), le 14 décembre est choisi comme journée de mobilisation afin de mesurer les forces en présence. Déjà, la mobilisation des effectifs FGTB est plus forte en Wallonie qu’en Flandre, confortant les régionales wallonnes de la FGTB à établir une coordination entre elles. Quelques années plus tard, cette coordination donnera naissance à l’Interrégionale wallonne de la FGTB.

Références
Gubbels33


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Renard André

Commandeur (Historique)

VALENCIENNES 21.05.1911 – LIÈGE 20.08.1962

Issu d’un milieu modeste, André Renard entre comme ouvrier chez Cockerill en 1932. Il contribue à y fonder les premiers noyaux syndicaux. Membre des Jeunes Gardes Socialistes, il se rend plusieurs fois en Espagne durant la guerre civile, afin d’apporter son soutien aux Républicains.

Mobilisé en 1939, il est arrêté par l’ennemi en 1940 et déporté en Allemagne jusqu’en 1942, année où il rentre en Wallonie pour raisons médicales. Commence alors un long combat, dans la clandestinité, visant à saboter l’effort de guerre allemand, tout en continuant à militer pour unir les travailleurs sur une base la plus large possible.
 
A la Libération, en marge de son action syndicale, il prend clairement position dans la Question royale contre le retour de Léopold III et figure parmi les organisateurs des grandes grèves de juillet 1950. Dans ce contexte, il apporte son soutien à la tentative avortée de constituer un Gouvernement wallon provisoire, initiative clandestine et révolutionnaire pour l’époque.
 
A partir de 1950, il s’affiche ouvertement comme militant wallon, tout en continuant à présider aux destinées de la FGTB avec le Flamand Louis Major. Au cours de la décennie 1950–1960, il pourra constater au sein du syndicat la différence de conception qui se manifeste entre Wallons et Flamands, tant dans les buts que dans les moyens. Toujours à cette époque, il dirige le journal La Wallonie, organe officiel du syndicalisme liégeois, dans lequel il développe librement ses idées wallonnes.

En 1960, la tension sociale est à son comble suite au projet de loi économique du Gouvernement : la Loi unique (« inique » pour les syndicats). Pendant l’hiver 1960 1961, la grève générale est déclenchée. Elle paralysera la Wallonie pendant plus d’un mois. Convaincu que le fédéralisme peut réformer les structures de l’Etat belge, André Renard fonde, en février 1961, le Mouvement Populaire Wallon (MPW), afin de peser plus encore sur la décision politique.

Quittant alors le monde syndical, il mobilise des personnalités de tous bords autour de son projet. Il parvient ainsi à donner une assise populaire sans précédent au Mouvement wallon qui milite alors pour l’établissement d’un juste tracé de la frontière linguistique et l’avènement d’un fédéralisme permettant de remédier spécifiquement aux problèmes économiques et sociaux wallons.

André Renard est malheureusement prématurément emporté par la maladie en 1962. Le MPW lui survit cependant et contribuera grandement à unir les forces wallonnes et à éveiller une conscience mobilisatrice, perpétuant ainsi dignement la mémoire de son fondateur.

Ayant inspiré de nombreux militants wallons, syndicalistes ou non, André Renard fut fait Commandeur du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012, un demi-siècle après son décès.

Orientation bibliographique :

Paul DELFORGE, RENARD André, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 5363

Genot André

Officier (Historique)

NAMUR 15.03.1913 – NAMUR 02.09.1978

Né à Namur dans une famille ouvrière, André Genot perd très rapidement son père et abandonne ses études à 14 ans, pour devenir aide électricien. Autodidacte, il suit des cours du soir en sciences commerciales. Engagé dès 16 ans dans les Jeunes Gardes socialistes, il milite également dans le monde syndical où il adopte une approche à la fois radicale et pragmatique.

Lors de l’invasion de mai 1940, ce combattant antifasciste est mobilisé puis fait prisonnier sur le front. Libéré, il entre dans la clandestinité. Il distribue des journaux, abrite des réfractaires et s’implique dans les services de renseignements et d’action. Poursuivant son action syndicale sous l’occupation, il y fait la rencontre d’André Renard, avec lequel il va travailler en binôme jusqu’en 1962, date de la mort de ce dernier.

A la libération, André Genot participe au grand Congrès national wallon de Liège de 1945. Il semble d’ailleurs qu’il ait été, à cette époque, plus rapidement sensible à la question wallonne qu’André Renard, même si c’est généralement ce dernier que l’Histoire retient. Quoi qu’il en soit, les deux hommes participent ensemble aux grands combats wallons de l’après-guerre, au sein d’un syndicat qu’ils veulent unifier comme à l’intérieur du Parti socialiste belge (PSB). C’est d’ailleurs à l’initiative d’André Genot que les socialistes wallons adoptent, le 7 juin 1959, une motion en faveur d’un fédéralisme à trois.

Lors des grèves de l’hiver 1960-1961, il se retrouve rapidement à la pointe de la contestation et fonde, avec André Renard, le Mouvement populaire wallon (MPW). A cette occasion, tous deux démissionnent du secrétariat national de la FGTB, estimant qu’aucune réforme interne n’y est possible. En juillet 1962, André Genot a la lourde tâche de remplacer le leader liégeois subitement décédé. Alors que le gouvernement fige la frontière linguistique, entraînant un activisme flamingant parfois extrémiste dans les Fourons et autour de Bruxelles, André Genot s’insurge contre les violences dans les communes contestées et ne manque pas d’apporter l’appui du MPW à la demande wallonne du retour des Fourons à Liège.

Dénonçant ouvertement l’inertie des gouvernements unitaires, il revendique notamment la création d’une assemblée wallonne spécifique. Cette radicalisation de la direction du MPW déçue de la lenteur des réformes provoque une rupture temporaire entre le mouvement fédéraliste et le PSB, qui, en décembre 1964, décrète une incompatibilité entre le statut de membre du PSB et une fonction dirigeante au sein du MPW. Voyant la FGTB reconnaître officiellement l’union des régionales wallonnes pour laquelle il milite de longue date, André Genot réintègre le syndicat socialiste en 1968 en tant que secrétaire national.

Grand promoteur de l’union des Wallons pour la défense de leurs intérêts, André Genot restera un militant wallon actif jusqu’au milieu des années 1970, peu avant son décès. En guise d’hommage, la Maison syndicale CGSP de Namur porte aujourd’hui son nom.

André Genot fut fait Officier du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.

Orientation bibliographique :

Paul DELFORGE, GENOT André, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 2716.
Rik HEMMERIJCKX, GENOT André, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 4, Bruxelles, Académie royale, 1997, pp. 170-172.

Destree Urbain

Officier (Historique)

CERFONTAINE 09.07.1937 – LIÈGE 07.03.2003

Terminant son doctorat en droit à l’Université de Liège lors de la grève de l’hiver 1960-1961, Urbain Destrée y développe sa conscience wallonne au contact de personnalités comme Jean Maurice Dehousse, Jean Gol ou Guy Mathot. Interpellé par les discours d’André Renard et la formation du Mouvement populaire wallon (MPW), cet intellectuel forge, dans ce cadre, un engagement syndical, alliant réflexion et action.

Secrétaire national du SETCa en 1966, il s’impose rapidement comme une des chevilles ouvrières du syndicat socialiste, à la fois de par son investissement dans les négociations techniques mais, aussi, en raison de sa vision des problèmes wallons.

Partisan de profondes réformes de structures pour lutter contre le déclin de sa région, Urbain Destrée n’aura de cesse de réclamer l’application de la régionalisation prévue par la loi Terwagne en 1970 et d’exiger des mesures radicales et très rapides pour sauver l’emploi. Partisan d’un rassemblement des progressistes wallons pour établir un dialogue de communauté à communauté, il dénonce les mesures que l’Etat unitaire prend en faveur de la seule Flandre, à la fin des années 1970.

Devenu président de l’Interrégionale wallonne de la FGTB en 1983, le leader syndical continue d’y dénoncer l’indifférence du capitalisme financier à l’égard de l’avenir de la Wallonie ou - ainsi qu’il l’écrit au Roi Albert II lors de sa joyeuse entrée à Liège en 1993 - les attaques flamandes contre les solidarités entre travailleurs. Ce fédéraliste radical est, en effet, un défenseur acharné d’une sécurité sociale fédérale et de l’union des travailleurs.

Se définissant comme un socialiste de stricte obédience, il n’en affiche pas moins son indépendance vis-à-vis des partis, n’hésitant pas à déclarer, en 1993, son hostilité à la rigueur du Plan global du Gouvernement Dehaene et son opposition au Contrat d’Avenir wallon, en 1999.

Parti à la retraite en 2002, un an avant son décès, Urbain Destrée est souvent considéré comme un des derniers ténors charismatiques d’une génération de défenseurs historiques des travailleurs wallons. Grand promoteur de la Wallonie, à l’instar de son célèbre homonyme, il a toujours lutté pour l’affirmation de la conscience wallonne, selon lui trop souvent occultée par la Communauté française. Il demeure célèbre pour sa formule lancée dans une lettre à sa fille Barbara, publiée le 27 septembre 1989 dans le journal La Wallonie : Aujourd’hui, il semble indispensable de répéter que nous sommes Wallons ! Wallons, pas francophones de Wallonie. Pas Wallons de la Communauté française de Belgique. Wallons de Wallonie.

Urbain Destrée fut fait Officier du Mérite wallon en 2012.

Orientation bibliographique :

Paul DELFORGE, Destrée Urbain, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 1925.
La Wallonie, 27 septembre 1989 ; Le Soir, 25 avril 2002 ; La Libre Belgique, 25 avril 2002.