Code postal
7500
no picture

Lieux de mémoire liés au Tournaisis

Plusieurs bâtiments et monuments sont liés de près ou de loin à leur passé tournaisien parmi lesquels ceux cités ci-après.

1. Antoing, château d’Antoing, siège de la seigneurie d’Antoing. Donjon édifié par Jean de Melun vers 1432, bien passant dans le patrimoine de la famille de Ligne qui le possède toujours actuellement. Donjon d’origine jouxtant une demeure seigneuriale du XVIe siècle fortement aménagée et amplifiée au XIXe siècle. Pierre sculptée aux armes de Melun (ouverture en arc brisé près du donjon).

2. Antoing/Calonne, église Saint-Éloi, dalles funéraires des sires de Calonne.

3. Antoing/Calonne, château-ferme de Curgies ou des Quatre-Vents, ancien siège d’une seigneurie. Quadrilatère du XVIIe siècle comprenant le logis seigneurial et une tour d’escalier datée de 1633.

4. Brunehaut/Hollain, château de Lannoy, reconstruit en 1760 mais siège d’un fief tenu depuis le XVe siècle par les Gardin et passé au XVIIe siècle à Jacques des Enffans, anobli en 1642. Construction du château actuel de style classique en 1760 en remplacement d’un château de type traditionnel.

5. Brunehaut/Jollain-Merlin, château de Merlin, siège d’une seigneurie détenue par les Formanoir à partir de 1562 puis par d’autres familles. Présence d’armoiries des seigneurs du lieu millésimées de 1714 sur le porche d’entrée.

6. Brunehaut/Jollain-Merlin, église Saint-Saulve. Bas-relief funéraire du seigneur Pierre de Formanoir, 1630.

7. Estaimpuis/Estaimbourg, caveau des seigneurs de Bourgogne, descendants en ligne batarde de Jean sans Peur. Le château a été détruit et reconstruit en 1854. À côté, caveau abritant des niches funéraires de l’illustre famille datant des XVIIIe et XIXe siècles.

8. Pecq, vestiges du château de Pecq (actuellement communs restaurés et transformés en habitation). Siège d’une baronnie créée pour le souverain bailli de Flandre et siège d’une des hautes justices dépendant de la cour de Maire et membre des États du baillage de Tournai-Tournaisis.

9. Pecq/Warcoing, tour d’habitation, vestige du moulin seigneurial (sur la chaussée menant de Tournai à Audenarde, au carrefour du chemin de Tournai à Courtrai, à son embranchement vers Audenarde).

10. Tournai/Froyennes, ferme du moulin seigneurial, ensemble attaché au château de Froyennes, largement démoli en 1865. Pierre millésimée de 1723 avec les armes des Lossy, à l’extérieur de la tourelle est.


 

Frédéric MARCHESANI, 2013

Christine Jongen

Statue Childéric

Statue de Childéric, réalisée par Christine Jongen, avril 2004.

Bénéficiant d’un financement inscrit dans le cadre du Phasing out de l’Objectif 1, la ville de Tournai entreprend de valoriser davantage son patrimoine historique, au-delà du beffroi, de la cathédrale et du Pont des Trous. Via l’Intercommunale Ideta qui est le maître d’œuvre, un plan stratégique privilégie en effet depuis 1995 le développement touristique du Hainaut. Se concentrant sur le cœur historique de Tournai, les autorités locales confient à l’artiste plasticienne Christine Jongen (1949-) le soin de mettre en place une quinzaine de statues en bronze dans un parcours d’interprétation à travers la « Cité des cinq Clochers ». 

Ces statues sont les étapes marquantes d’un circuit fortement balisé par une signalétique particulière. Touristes comme habitants de la cité sont ainsi invités à une promenade de deux heures, jalonnées de 43 étapes. Afin de garantir la qualité de l’initiative communale, le bourgmestre, Roger Delcroix, a confié à un comité scientifique composé d’historiens, d’archéologues et de spécialistes des traditions locales la mission d’encadrer le projet. 

Répondant aux critères souhaités, Christine Jongen implante quinze statues sur les trottoirs de Tournai, entre la Grand-Place, l’Escaut, la Tour Saint-Georges et le Fort Rouge. De cette initiative, toutes les étapes ne sont pas restées intactes quelques années plus tard. Étant réalisées en bronze, les statues sont malheureusement convoitées par des ferrailleurs peu scrupuleux qui ne leur reconnaissent qu’une valeur de refonte, estimation bien dérisoire à côté de leur valeur artistique. Durant l’été 2011, la statue de Childéric a été sciée de son mât et dérobée ; les malfrats ont été appréhendés, mais l’œuvre n’est pas retournée place de Nédonchel.

Née à Bruxelles, formée en psychologie à l’Université libre de Bruxelles, Christine Jongen travaille comme journaliste à l’hebdomadaire Notre Temps (1975-1976), avant de se consacrer entièrement à la sculpture. Après une formation en terre cuite à l’École supérieure des Arts plastiques et visuels de Mons (chez Ch. Leroy), elle se perfectionne à l’Académie de Varsovie (chez Gustave Zemla). Laissant son inspiration se nourrir aux sources les plus variées, de la Renaissance européenne aux grandes traditions asiatiques ou d’Amérique, elle s’oriente vers la peinture abstraite quand elle s’installe en France au début des années 1980. Menant aussi une réflexion continue sur l’art dans son essai À la recherche de formes, paru pour la première fois à la fin les années 1980, elle présente ses œuvres à plusieurs reprises (Paris, Bruxelles, Genève, Bordeaux, Bézier, Montréal, Rome, Barcelone, Avignon, Padoue, etc.) et dans divers salons d’art français (2000-2003).

Pour le projet tournaisien, Christine Jongen crée quinze statues, en bronze, de 70 à 75 centimètres de haut, qui toutes sont déposées sur des piliers de 2,8 m de haut. Coulées dans les ateliers de la fonderie Francart, à Crisnée, les statues sont autant de références au passé de Tournai, évoquant des fonctions (chanoine, évêque) ou des « activités » (tailleurs de pierre, portier, arbalétrier), comme des personnages historiques. Inévitablement, Childéric a été retenu à côté de Louis XIV, Pasquier Grenier et Bruno Renard.
D’une taille de 70 centimètres environ, la statue de Childéric présente le roi des Francs debout, s’appuyant légèrement sur son épée. Les rares objets conservés du fameux trésor de Childéric inspirent les vêtements du roi couronné ; l’artiste a en effet retenu des abeilles comme motifs des habits royaux. Dix ans après l’inauguration des quinze statuettes, quelques-unes ont (provisoirement ?) disparu. C’est le cas du Childéric qui a abandonné la place Nédonchel sans laisser d’adresse.


Sources:

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse (dont NordEclair, août 2011)
http://christine.jongen.pagesperso-orange.fr/GrilleJongen.htm (s.v. décembre 2013)
http://www.badeaux.be/Balisages/Bal5/Site15/Site15.html 
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 770

 

Statue de Childéric


 

Place de Nédonchel 
7500 Tournai

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Statue Robert CAMPIN

Au tournant des années 1970 et 1980, les autorités tournaisiennes procèdent à la rénovation de leur Conservatoire. Alors que le chantier se termine, six statuettes en bronze sont posées sur le toit-terrasse de la salle des Concerts du Conservatoire qui fait face au carrefour du beffroi. Elles sont visibles depuis la rue de la Wallonie, à l’entrée de la rue du Parc. Œuvres de Gigi Warny, elles portent le nom de six Tournaisiens ayant acquis une forte notoriété dans différentes activités : Pierre de la Rue pour la musique, Lefebvre Caters pour l’orfèvrerie, Michel Le Maire pour la dinanderie, Pasquier Grenier pour la tapisserie, François Joseph Peterinck pour la porcelaine et Robert Campin pour la peinture.
 

Statue d’hommage à Robert Campin

Originaire de Valenciennes où il est né entre 1375 et 1378, Campin est à la fois décorateur, peintre et dessinateur de patron de tapisserie. Comme l’a notamment montré Jules Destrée, en dépit de l’absence de signature à son nom, il est bien l’artiste des tableaux que l’on attribue au « maître de Flémalle ». Artiste de l’ancien « comté de Hainaut », il a fait une part de sa formation à Dijon avant d’ouvrir son atelier à Tournai (1418-1432). Là s’est notamment formé Rogier de le Pasture. En 1423, Campin préside la corporation de peintres de Tournai et prend certaines responsabilités publiques dans la cité.

Il n’est par conséquent pas étonnant que Robert Campin soit considéré comme l’une des six personnalités les plus importantes de l’histoire culturelle et artistique de Tournai. Car tel est bien le sens à donner aux six statuettes réalisées par Geneviève Warny. Née à Bruges en 1958, cette artiste autodidacte qui offrait les petites statues qu’elle créait à ses amis s’est laissée convaincre par l’architecte André Wilbaux de réaliser « six attitudes grandeur nature » pour le fronton de l’ancien Conservatoire de Tournai. 

Plutôt que de procéder à une reconstitution des portraits, l’artiste va donner à chaque statue tournaisienne une attitude qui évoque le métier illustré, ici en l’occurrence la porcelaine. Relevant le défi de ce projet, en travaillant le bronze pour la première fois, Gigi Warny délaisse la psychologie qu’elle avait étudiée à l’Université catholique de Louvain (1983) pour faire de la sculpture son activité principale. Installant son atelier à Louvain-la-Neuve, elle réalise des œuvres variées pour la cité universitaire (fontaine Léon et Valérie en 1984 sur la place de l’Université, La main en diplôme en 1995 près des Halles, Rêverie d’eau en 2001 à la piscine du Blocry), mais aussi ailleurs. Améliorant et modifiant progressivement ses techniques, elle expose essentiellement en Belgique avant de traverser l’Atlantique et d’être connue aussi au Québec.


Outre la plaque qui mentionne clairement son nom « Robert Campin 1427 », la « silhouette » réalisée par Gigi Warny montre l’artiste assis, avec une jambe repliée sur laquelle il tient sa palette et un pinceau.


Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
http://www.gigiwarny.be/Gallerie.html (s.v. février 2014)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 777
A. SIRET, dans Biographie nationale, 1872, t. 3, col. 284-285
Marnix BEYEN, Jules Destrée, Roger de la Pasture et « les Maîtres de Flémalle ». Une histoire de science, de beauté et de revendications nationales, dans Philippe DESTATTE, Catherine LANNEAU et Fabrice MEURANT-PAILHE (dir.), Jules Destrée. La Lettre au roi, et au-delà. 1912-2012, Acte du colloque des 24 et 25 avril 2012, Liège/Namur, Musée de la Vie wallonne/Institut Destrée, 2013

rue du Parc
7500 Tournai

carte

Paul Delforge

Paul Delforge-Diffusion Institut Destrée-Sofam

Statue Jules BARA

Statue à la mémoire de Jules Bara
Réalisée par Guillaume Charlier et Victor Horta, inaugurée le 20 septembre 1903.

Située place Crombez, à Tournai, un imposant ensemble statuaire figuratif rend hommage à l’action politique de Jules Bara (1835-1900), particulièrement à son rôle en tant que ministre de la Justice. Juriste, ministre de la Justice durant plus de dix ans dans des gouvernements dirigés par Frère-Orban entre 1865 et 1885, il a représenté l’arrondissement de Tournai au Parlement, en tant que mandataire libéral, de 1862 à 1900, comme député d’abord (jusqu’en 1894), comme sénateur provincial ensuite.

La stature nationale de l’homme politique libéral a conduit la ville de Tournai à ériger un monument imposant en son honneur. Sur base d’un projet du célèbre architecte Victor Horta (1861-1947), les socles sont en pierre taillée, tandis que les statues en bronze sont l’œuvre de Guillaume Charlier (1854-1925), artiste apprécié dans la cité des cinq clochers où il s’est occupé du chantier du Musée des Beaux-Arts (Mémorial Van Cutsem et groupe allégorique).

Formé auprès des frères Geefs puis praticien chez Eugène Simonis, le jeune bruxellois Guillaume Charlier a séduit un riche collecteur avec un plâtre intitulé Le déluge. Cette œuvre de 1879 place le jeune orphelin sous la généreuse protection du mécène ; il peut ainsi suivre les cours de l’École des Beaux-Arts de Paris (1880) puis chez Cavelier (1884-1886). Entre-temps, le Prix de Rome 1882 lui offre la possibilité de séjourner en Italie (1882-1884). Honoré par diverses distinctions lors des Salons où il présente ses œuvres d’inspirations diverses, il apporte à la sculpture de son temps un style propre, où s’exprime en permanence une forme de douleur de vivre due aux difficiles conditions matérielles des milieux ouvriers ou des nécessiteux. 

Dans l’ombre de Constantin Meunier, il s’attache à représenter des travailleurs (houilleur, marin, etc.) en pleine activité. Portraitiste reconnu, il répond à de nombreuses commandes officielles ou privées, à Bruxelles comme à Tournai. Dans la cité wallonne, il dépose l’impressionnante scène Les Aveugles (1906), après avoir livré un Louis Gallait, ainsi que le tout aussi monumental Jules Bara, où se mêlent le bronze et la pierre. C’est à la suite d’un concours organisé en 1901 que Guillaume Charlier est retenu par les autorités tournaisiennes.

Le monument Bara est composé de quatre parties ; de part et d’autre de la statue centrale montrant Jules Bara debout, le bras gauche plié et orienté légèrement vers l’avant, se trouvent, à gauche un homme et son fils en train de lire, et à droite, une femme dont on ne sait si elle est en train d’écrire ou de dessiner le portrait de Bara. À l’arrière, sur un très haut socle entouré de quatre colonnes, la Justice couronne l’ensemble du monument situé sur une large place donnant sur la gare. Un seul mot est gravé dans la pierre, le nom de BARA. On peut lire sur le socle du bronze de l’homme politique la signature de Guillaume Charlier, celle de la société « H. Verbyst. Fondeur. Bruxelles » et la mention du nom « Victor Horta » sur la pierre, à l’avant du monument.

L’ensemble a été inauguré en très grandes pompes le 20 septembre 1903, l’inscrivant dans la tradition – maintenue en Wallonie – de la célébration des Journées de Septembre de 1830. Une foule nombreuse eut l’occasion d’entendre le discours prononcé par Paul Hymans, d’assister au défilé de plusieurs centaines de gymnastes, de prendre part à un concert ou d’admirer, le soir, la statue illuminée. C’est à une véritable glorification de la figure de Jules Bara que procède la ville de Tournai, trois ans à peine après sa disparition.


Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 209
Alain DIERKENS, La statuaire publique, dans L'architecture, la sculpture et l'art des jardins à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995, p. 247
Paul HYMANS, Jules Bara. Discours prononcé à la cérémonie d'inauguration de la statue de Jules Bara à Tournai le 20 septembre 1903, Bruxelles, Vanbuggenhoudt, 1903
Jacky LEGGE, Tournai, tome II : Monuments et statues, Gloucestershire, Éd. Tempus, 2005, coll. Mémoire en images
Serge LE BAILLY DE TILLEGHEM, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 321-325
Elia KETELS, dans Biographie nationale, t. 41, col. 110-114.

Place Crombez
7500 Tournai

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Achille VIEHARD

Monument à la littérature et à la chanson wallonnes, 15 août 1931.
Réalisé par Paul Du Bois avec l’aide de l’architecte Jules Wilbaux

Inauguré à Tournai, rue des Jésuites, dans le quartier populaire Saint-Piat, le 15 août 1931, en présence de nombreux cercles et sociétés (de littérature) wallonnes, ce monument présente plusieurs particularités. D’abord, il est installé à l’endroit même où se trouvait auparavant la fontaine du « pichou saint Piat » dans un état de délabrement évident depuis plus d’un demi-siècle ; ensuite, le monument est une fontaine, ce qui devient relativement rare au fur et à mesure que l’on avance dans le XXe siècle ; il est aussi dédié à la fois à une personne, Achille Viehard, et à une thématique « À la littérature et à la chanson wallonnes ». Outre le fait que le monument soit coloré (du rouge et du doré), on observera enfin que si le monument honore une personnalité historique, celle-ci n’apparaît que par l’intermédiaire de son nom inscrit sur la pierre et par l’évocation de son activité secondaire, de son hobby, la littérature wallonne.

En effet, Achille Viehard (Tournai 1850 – Tournai 1926) a d’abord travaillé comme ouvrier typographe, avant d’exercer des fonctions administratives dans sa ville natale, et d’être nommé à la direction de l’hospice des vieillards de la rue Sainte-Catherine. Or, c’est le souvenir de ses activités de loisir que ses amis décident de figer dans la pierre quelque temps après son décès. Dans les « sociétés démocratiques » qu’il fréquente vers 1880, il se révèle un rimailleur apprécié pour ses traits d’humour et ses analyses psychologiques fines. Publiés dans Les Étrennes tournaisiennes, ses chansons et monologues en picard vont frapper les esprits. Ensuite, il est le premier à mettre en scène des comédies et tableaux de mœurs populaires tournaisiennes : dès 1888, on se précipite dans les salons de l’hôtel des Neuf Provinces pour assister à ses spectacles. À partir de 1891, le théâtre communal accueille les représentations. En 1907, celui qui utilise le pseudonyme d’A. Viart figure parmi les fondateurs du Cabaret wallon tournaisien. Les jurys des Concours de littérature wallonne ne s’y étaient pas trompés quand ils accordèrent les premiers prix à ce jeune fonctionnaire communal qui était avant tout écrivain. Le monument/fontaine ne parle que de cet aspect. En témoigne la stèle en petit granit de Soignies qui accueille, de haut en bas, sept macarons disposés en arrondi, les armoiries de Tournai dans un cercle coloré en rouge et rehaussé en or, puis l’inscription

A LA LITTÉRATURE
ET À 
LA CHANSON
WALLONNES

Ensuite vient un faune (doré) qui crache l’eau par sa bouche ; des grappes de raisins sont mêlés à sa chevelure. La stèle principale se termine par l’identification des dédicants :
ERIGE PAR LA VILLE LA
PROVINCE ET LES AMIS
D’ACHILLE VIEHARD

L’architecte Jules Wilbaux (Tournai 1884 – Tournai 1955) a conçu cet ensemble que relève une sculpture signée Paul Dubois représentant le « titi » tournaisien, assis en déséquilibre sur le bord inférieur de la fontaine. La générosité des Tournaisiens sollicités par une souscription publique a permis au « comité Viehard » présidé par Walter Ravez d’installer un monument dans l’espace public du centre de Tournai plutôt qu’un seul médaillon dans le cimetière. Dans le même temps, le monument dépassait la seule personne d’Achille Viehard pour associer tous les écrivains patoisants tournaisiens : Leray et Delmée, Auguste Mestdag, Auguste Vasseur, Adolphe Wattiez, Auguste Leroy, Arthur Hespel et bien d’autres auxquels le discours inaugural rendra hommage.

Confier l’essentiel du monument à Jules Wibaux était une évidence. Formé à la toute nouvelle École Saint-Luc de Tournai, il en est l’un de ses tout premiers diplômés en architecture, en 1919. Sa carrière, il la réalise essentiellement à Tournai et aux alentours, restaurant des châteaux, construisant des maisons comme des maisons de maître, voire s’occupant de l’aménagement de la Maison tournaisienne. Aquarelliste, Wibaux prend aussi Tournai comme principal sujet de ses toiles. Historien amateur, c’est encore Tournai, avec sa cathédrale et ses quartiers qui constitue le centre de sa curiosité. 

Quant à Paul Dubois (Aywaille 1859 – Uccle 1938), il n’est pas du Tournaisis, mais il avait accepté dès le début du projet de réaliser le médaillon pour le cimetière, avant de se voir confier le « titi tournaisien dans son geste goguenard et libéré, symbole immuable de la gaité et de l’ironie wallonne ». Né au bord de l’Amblève, formé à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1877-1884), condisciple de Rombeaux, Rousseau et Bonnetain, notamment, élève de Charles Van der Stappen, Dubois a remporté le prix Godecharle 1884 et, dès ce moment, il a choisi de signer « Du Bois », pour éviter toute confusion avec son parfait homonyme français, voire avec  Fernand Dubois. Après trois années passées à visiter les musées d’Europe, l’artiste wallon installe son propre atelier à Bruxelles, avec Guillaume Van Strydonck. Ouvert à l’avant-garde sans renier son attachement à la Renaissance, membre-fondateur du groupe bruxellois d’avant-garde le Cercle des XX, puis de la Libre Esthétique, il excelle dans les portraits quand lui parviennent les premières commandes officielles de la ville de Bruxelles. 

Monument à la littérature et à la chanson wallonnes – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Sans abandonner des œuvres de son inspiration qui sont remarquées et primées lors de Salons et d’Expositions à l’étranger, il réalise le monument Félix de Mérode (Bruxelles, 1898) qui symbolise le début de son succès. En 1900, il est nommé professeur à l’Académie de Mons (1900-1929) et, deux plus tard, il est chargé du cours de sculpture ornementale (1902-1905), puis de sculpture d’après l’antique (1905-1910) à l’Académie de Bruxelles où il reste en fonction jusqu’en 1929. En 1910, il succède à Charles Van der Stappen à l’École des Arts décoratifs. Vice-président du jury d’admission des œuvres pour le Salon des œuvres modernes de l’Exposition internationale de Charleroi (1911), il signe plusieurs monuments commémoratifs à Bruxelles et en Wallonie : déjà en 1924, Tournai lui avait confié la réalisation du monument Gabrielle Petit. Son œuvre variée et abondante (près de 200 sculptures) est faite aussi de bijoux et de médailles (dont celle de l’Exposition universelle de Liège en 1905). C’est par conséquent un artiste en pleine maîtrise de son art qui réalise le monument Viehard.

 

La Vie wallonne, septembre 1931, CXXXIV, p. 36-41
Gaston LEFEBVRE, Biographies tournaisiennes des XIXe et XXe siècles, Tournai, Archéologie industrielle de Tournai, 1990, p. 269 ; p. 279-180
Jacky LEGGE, Tournai, tome II : Monuments et statues, Gloucestershire, Éd. Tempus, 2005, coll. Mémoire en images, p. 92-93
Judith OGONOVSZKY, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 374-378
Anne MASSAUX, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 4, p. 142-145
Paul Du Bois 1859-1938, édition du Musée Horta, Bruxelles, 1996
Anne MASSAUX, Entre tradition et modernité, l’exemple d’un sculpteur belge : Paul Du Bois (1859-1938), dans Revue des archéologues et historiens d’art de Louvain, Louvain-la-Neuve, 1992, t. XXV, p. 107-116
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. 1, p. 517-518

Rue des Jésuites
7500 Tournai

carte

Paul Delforge

no picture

Ancienne Terre franche du comté de Flandre

Maulde était une enclave flamande dans la châtellenie d’Ath (comté de Hainaut) dont la seigneurie était tenue par la famille de Maulde dès le XIe siècle. En 1584, le bien passa dans les possessions des Carondelet qui le vendirent en 1652 à Jacques Fariaux, serviteur des Habsbourgs qui obtint du roi Charles II d’Espagne que sa terre soit érigée en vicomté. En 1668, sa terre fut rattachée au royaume de France par le traité d’Aix-la-Chapelle avant de retourner au comté de Flandre.

Sise vieille place, l’ancienne « maison commune » a été construite en 1606 par un Carondelet, seigneur de Maulde, pour servir aux plaids de sa cour d’Abaumont. Un millésime sculpté sur une semelle de poutre à l’étage et accompagné des armoiries du seigneur atteste de la date de construction. Cette bâtisse a été érigée sur deux niveaux sous bâtière de tuiles à coyaux et entièrement crépie par la suite, probablement au XIXe siècle.

7534 Maulde (Tournai)

carte

Frédéric MARCHESANI, 2013

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Ensemble monumental Roger de la Pasture

Ensemble monumental à la mémoire de Roger de le Pasture, réalisé par Marcel Wolfers, 20 septembre 1936.

Longtemps considéré comme un peintre flamand, sous le nom de Rogier Van der Weyden, Roger de le Pasture commence à être mieux connu depuis la moitié du XIXe siècle, moment où deux Tournaisiens – Charles-Barthélemy Dumortier et Alexandre Pinchart – établissent que son  lieu de naissance est à Tournai, sous le nom de Roger de le Pasture. Au début du XXe siècle, cependant, ce lieu d’origine n’en fait pas un artiste de Wallonie, ses œuvres continuant d’être présentées comme appartenant à l’école flamande (dans le sens ancien de cet adjectif), mais aussi comme réalisées par un artiste flamand (dans le sens politique acquis par l’adjectif à la fin du XIXe siècle). C’est en s’interrogeant sur l’existence d’un art wallon, exercice pratique tenté en 1911 dans le cadre de l’Exposition internationale de Charleroi, que Jules Destrée va accorder une place toute particulière à Roger de le Pasture.

Ensemble monumental Roger de le Pasture (Tournai)

Étudiant l’œuvre de l’artiste tournaisien du XVe siècle sous toutes ses coutures, l’esthète Jules Destrée y voit un peintre essentiellement wallon, figure de proue d’une « école » dont la création en 1912 et l’activité de la société des « Amis de l’Art wallon » doivent encore démontrer l’existence. Cité dans la Lettre au roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre (août 1912), Roger de le Pasture se devait d’être honoré dans sa ville natale, et la Cité des Cinq Clochers comme partie prenante de la Wallonie. Avant la Grande Guerre, la revue Wallonia et les Amis de l’Art wallon s’y emploieront en collaboration avec les autorités locales et quelques érudits. Dans l’Entre-deux-Guerres, une initiative plus spectaculaire est prise à l’initiative de Jules Destrée et un imposant monument est inauguré au pied de la cathédrale, sur la place Vieux Marché aux Poteries.

À l’entame des années 1930, Jules Destrée publie une forte synthèse sur Roger de le Pasture – van der Weyden et, dans la perspective de l’Exposition internationale de Bruxelles en 1935, le projet d’ériger un monument est confié à Marcel Wolfers (1886-1976). Son œuvre sera placée devant le Palais de l’Art Ancien lors de l’Exposition de 1935, puis offerte à la ville de Bruxelles ; cachée pendant la Seconde Guerre mondiale, elle restera dans les collections de l’hôtel de ville de Laeken. Parallèlement, Jules Destrée suggère qu’une « réplique » trouve place à Tournai. Dès 1934, il prend contact avec le bourgmestre Henri Carton et, très vite, pour acquérir l’œuvre s’associent « les Amis du Hainaut », la Société de l’Art wallon, la société historique de Tournai, le ministère de l’Instruction publique et les autorités tournaisiennes. Par rapport à l’œuvre présentée à Bruxelles, seule la couleur des émaux diffère sur la statue « tournaisienne » qui est inaugurée le 20 septembre 1936, dans le cadre des Fêtes de Wallonie. La presse locale affirme que les couleurs correspondent à celles du tableau de Pasture.

L’œuvre installée à Tournai en 1936 sera fortement détériorée par les bombardements allemands que subit la cité en mai 1940 ; la polychromie de Wolferts disparaît. Une rénovation récente s’est inspirée des couleurs du tableau peint par de le Pasture en 1435. Pour retrouver les couleurs choisies par Wolfers pour l’expo de 1935, il faut se référer à l’œuvre restaurée en 2012 qui se trouve à la maison communale de Laeken.

Le célèbre orfèvre bruxellois Marcel Wolfers transpose dans un ensemble en bronze émaillé le tableau de Roger de le Pasture présentant Saint Luc en train de peindre le portrait de la Vierge à l’Enfant. L’œuvre est spectaculaire et singulière. Sur un large socle en pierre bleue, quatre volumes rectangulaires se succèdent formant une sorte de long escalier. Sur la marche la plus basse, à gauche, Luc agenouillé est en train de représenter la Vierge allaitant Jésus, assise sur le cube le plus haut. La polychromie étonne, surtout sous les rayons du soleil. Au centre du socle en pierre bleue, a été gravée l’inscription :


ROGER DE LE PASTURE
DIT VAN DER WEYDEN
NE A TOURNAI EN 1399
MORT A BRUXELLES EN 1464


Marcel Wolfers est le fils de Philippe (1858-1929) et le petit-fils de Louis (1820-1892) Wolfers, maîtres-orfèvres établis à Bruxelles depuis la fin du XIXe siècle ; ils y possèdent et gèrent les ateliers « Wolfers frères » qui emploient une centaine de personnes et qui vont se spécialiser aussi dans la joaillerie et les arts décoratifs au début du XXe siècle en s’inscrivant résolument dans le courant de l’Art nouveau. Marcel Wolfers poursuit la tradition familiale en matière d’orfèvrerie et de sculpture, dans l’ombre de l’exceptionnel talent paternel, tout en innovant et en devenant l’un des meilleurs laqueurs du monde. Sans possibilité de vérifier l’information, on affirme qu’il avait retrouvé le secret des laques bleues perdu depuis les Ming.

Sculptant aussi bien la pierre que le bois, Marcel Wolfers a réalisé notamment le Chemin de croix de l’église de Marcinelle, ainsi que les monuments commémoratifs de la guerre à Louvain, Jodoigne et Woluwe-Saint-Pierre, sans oublier l’impressionnante statue du Cheval dit Wolfers, à La Hulpe. En orfèvrerie, le milieu de table Ondine, acquis en 2003 par la Fondation roi Baudouin, est une pièce exceptionnelle réalisée pour impressionner les visiteurs étrangers lors de l’Expo de 1958.

Sources

Marnix BEYEN, Jules Destrée, Roger de le Pasture et « les Maîtres de Flémalle ». Une histoire de science, de beauté et de revendications nationales, dans Philippe DESTATTE, Catherine LANNEAU et Fabrice MEURANT-PAILHE (dir.), Jules Destrée. La Lettre au roi, et au-delà. 1912-2012, Liège-Namur, Musée de la Vie wallonne-Institut Destrée, 2013, p. 202-217
Wallonia, 1913, p. 543-550
Jacky LEGGE, Mémoire en images : Tournai, t. II : Monuments et statues, Gloucestershire, 2005, p. 52-53, 97-98
Marcel Wolfers. Sculpteur-Laquer, Bruxelles, 1970
Marcel Wolfers. Ondine, pour l’Expo 58, Bruxelles, Fondation roi Baudouin, 2006
Anne-Marie WIRTZ-CORDIER, Nouvelle Biographie nationale, t. III, p. 304-312
Suzette HENRION-GIELE et Janine SCHOTSMANS-WOLFERS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 616-618
La dynastie des Wolfers, maîtres de l’argent, exposition présentée au Design Museum de Gand, janvier-avril 2007
Françoise URBAN, Marianne DECROLY, Redécouverte d’un bronze laqué monumental de Marcel Wolfers, dans Association professionnelle de conservateurs-restaurateurs d’œuvres d’art, asbl, Bulletin, 2013, 4e trimestre, p. 21-28

Place Vieux Marché aux Poteries
7500 Tournai

carte

Paul Delforge

Diffusion Institut Destrée - Sofam

Statue Bruno RENARD

Statue de Bruno Renard, avril 2004.
Réalisée par Christine Jongen.

Bénéficiant d’un financement inscrit dans le cadre du Phasing out de l'Objectif 1, la ville de Tournai entreprend de valoriser davantage son patrimoine historique, au-delà du beffroi, de la cathédrale et du Pont des Trous. Via l’Intercommunale Ideta qui est le maître d’œuvre, un plan stratégique privilégie en effet depuis 1995 le développement touristique du Hainaut. Se concentrant sur le cœur historique de Tournai, les autorités locales confient à l’artiste plasticienne Christine Jongen (1949-) le soin de mettre en place une quinzaine de statues en bronze dans un parcours d’interprétation à travers la « Cité des cinq Clochers ». Ces statues sont les étapes marquantes d’un circuit fortement balisé par une signalétique particulière. Touristes comme habitants de la cité sont ainsi invités à une promenade de deux heures, jalonnée de 43 étapes. Afin de garantir la qualité de l’initiative communale, le bourgmestre, Roger Delcroix, a confié à un comité scientifique composé d’historiens, d’archéologues et de spécialistes des traditions locales la mission d’encadrer le projet. Répondant aux critères souhaités, Christine Jongen implante quinze statues sur les trottoirs de Tournai, entre la Grand-Place, l’Escaut, la Tour Saint-Georges et le Fort Rouge. De cette initiative, toutes les étapes ne sont pas restées intactes quelques années plus tard. C’est le cas de Bruno Renard qui a quitté la place Saint Pierre sans laisser d’adresse. Étant réalisées en bronze, les statues sont malheureusement convoitées par des ferrailleurs peu scrupuleux qui ne leur reconnaissent qu’une valeur de refonte, estimation bien dérisoire à côté de leur valeur artistique. Dès l’été 2011, les autorités tournaisiennes avaient enregistré les premiers actes malveillants.

Née à Bruxelles, formée en psychologie à l’Université libre de Bruxelles, Christine Jongen travaille comme journaliste à l'hebdomadaire Notre Temps (1975-1976), avant de se consacrer entièrement à la sculpture. Laissant son inspiration se nourrir aux sources les plus variées, de la Renaissance européenne aux grandes traditions asiatiques ou d’Amérique, elle s’oriente vers la peinture abstraite quand elle s’installe en France au début des années 1980. Menant aussi une réflexion continue sur l’art dans son essai À la recherche de formes, paru pour la première fois à la fin les années 1980, elle présente ses œuvres à plusieurs reprises (Paris, Bruxelles, Genève, Bordeaux, Bézier, Montréal, Rome, Barcelone, Avignon, Padoue, etc.) et dans divers salons d'art français (2000-2003).

Pour Tournai, Christine Jongen crée quinze statues, en bronze, de 70 à 75 centimètres de haut, qui toutes sont déposées sur des piliers de 2,8 m de haut. Coulées dans les ateliers de la fonderie Francart, à Crisnée, les statues sont autant de références au passé de Tournai, évoquant des fonctions (chanoine, évêque), des « activités » (tailleurs de pierre, portier, arbalétrier), voire des personnages historiques, tels Childéric, Louis XIV, Pasquier Grenier et l’architecte Bruno Renard (Tournai 1781 - Saint-Josse-ten-Noode 1861).

Ce dernier n’est pas seulement le concepteur du Grand Hornu avec l’industriel Henri De Gorge. Architecte « municipal » de Tournai depuis 1808, il résistera aux révolutions politiques. Professeur à l’Académie de dessin, où il introduit un cours de dessin industriel, il a un véritable don pour le dessin (en témoignent les planches parues dans la Monographie de Notre-Dame de Tournai, et celles de l’ouvrage de Lecoq intitulé : Coup d’ail sur la statistique commerciale de la ville de Tournai, 1817). Après la construction de la monumentale Manufacture impériale de Tapis (1811), il contribue au développement urbanistique de la cité aux cinq clochers, laissant poindre son goût pour un romantisme s’inspirant du Moyen Âge. Ses plans façonnent le visage de la ville (Salle des Concerts, abattoirs, cour d’honneur de l’Hôtel de ville, la galerie et la salle carrée du Musée d’histoire naturelle, restauration du beffroi, etc.). Quant à ses constructions personnelles (Maison du Jeu de Paume, hôtel Peeters, Château de la Chartreuse à Chercq, etc.), elles sont aussi remarquables que son projet industriel pour Hornu. Membre de la Commission des Monuments (1837), membre fondateur de la Société historique et littéraire de Tournai (1846), membre effectif de la classe des Beaux-Arts de l’Académie de Belgique (1852), déjà honoré de son vivant par la ville de Tournai, en 1858, pour ses cinquante années passées comme architecte communal et comme professeur à l’Académie, Bruno Renard reste une personnalité majeure du riche passé tournaisien.

 

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse (dont NordEclair, août 2011)
http://christine.jongen.pagesperso-orange.fr/GrilleJongen.htm (s.v. décembre 2013)
http://www.badeaux.be/Balisages/Bal5/Site15/Site15.html 
Anne-Françoise GOFFAUX, Bernard WODON, Répertoire des architectes wallons du XIIIe au XXe siècle, Namur, 1999, Études et documents, série Aménagement et Urbanisme n°4, p. 123
E-J. SOIL DE MORIALMÉ, dans Biographie nationale, t. XIX, col. 42-45
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p., p. 255, 391
Marie-Laure ROGGEMANS, Jean-Marie DUVOSQUEL, Autour du Grand-Hornu, Bruxelles, Crédit communal & Fondation roi Baudouin, 1989, p. 12

Place Saint Pierre, 7500 Tournai

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Gabrielle PETIT

Place Clovis, au pied de l’église Saint-Brice, à Tournai, un monument d’hommage à la résistante Gabrielle Petit est inauguré en mai 1924 par les autorités locales. Afin de marquer l’importance de l’événement, la reine Elisabeth a tenu à être présente à cette occasion. Toute la ville de Tournai est par conséquent mobilisée, et le monument réalisé par Paul Du Bois est à la hauteur de l’héroïne tournaisienne et nationale qui est honorée.

Monument Gabrielle Petit

Gabrielle Petit

Née à Tournai en 1893, Gabrielle Petit est apparentée, par son père Jules Petit, à la famille Bara, qui lui vient en aide matérielle pour ses études. Par conséquent, son exécution par les Allemands, au Tir national à Bruxelles, le 1er avril 1916, n’a pas échappé à l’opinion publique qui s’est scandalisée du comportement de l’occupant.

La jeune fille avait achevé ses études au couvent des Sœurs de l’Enfant-Jésus, à Brugelette, quand éclate la Première Guerre mondiale, et elle multipliait les petits boulots pour survivre. Son mariage était sa préoccupation principale quand son fiancé, Maurice Gobert, un jeune sous-officier, est mobilisé, tandis que Gabrielle Petit s’engage comme infirmière. Contre sa volonté, Gabrielle Petit perd définitivement le contact avec son petit ami. 

C’est en cherchant désespérément à le retrouver qu’elle est recrutée par les services de renseignements alliés et envoyée en mission en Belgique occupée (juillet 1915). L’espionne parvient à fournir diverses informations à caractère militaire, tout en s’occupant du passage de civils aux Pays-Bas, mais elle est repérée. Malgré les précautions prises à la suite d’une première alerte, Gabrielle Petit est finalement démasquée sous son faux nom de Mlle Legrand. 

Arrêtée en janvier 1916, elle est condamnée le 3 mars et fusillée le 1er avril. Son dévouement et son sort tragique marquent l’opinion publique, d’autant qu’une série d’anecdotes et faits romancés viennent alimenter la légende autour de la jeune femme.

Dès les premiers jours de l’Armistice, plusieurs initiatives sont prises : funérailles nationales (mai 1919), décorations, attribution de son nom à des rues, pose de plaques commémoratives (Tournai, 1919) et construction de monuments. Gabrielle Petit est élevée au rang d’héroïne nationale belge. Après Bruxelles (1923), Tournai (1924) honore à son tour celle qui fera l’objet d’un film en 1928 et d’une littérature abondante dans l’Entre-deux-Guerres.

En raison de sa portée symbolique, le monument tournaisien ne pouvait être confié qu’à un artiste confirmé et reconnu. Aidé par l’architecte Joseph Van Neck (1880-1953), le sculpteur Paul Dubois  (Aywaille 1859 – Uccle 1938) s’emploie à immortaliser la jeune femme. Le piédestal en pierre de France comporte trois parties ; le centre s’élève comme la base d’un obélisque qui incorpore un débord rectangulaire où est gravée la dédicace.

VOUS ALLEZ VOIR
COMMENT
UNE FEMME BELGE
SAIT MOURIR

Gabrielle Petit

 

Latéralement, deux ailes de renfort encadrent la colonne centrale, tandis qu’un large espace est créé à l’avant-plan, avec deux marches d’accès. Lors de l’inauguration, cet espace sera couvert d’un nombre considérable de gerbes et de couronnes de fleurs. Sont encore gravées les mentions suivantes sur le côté droit :

née à Tournay
le 20 février 1893
et sur le côté gauche :
fusillée
le 1 avril 1916
 

On ne voit plus guère l’erreur factuelle du sculpteur, qui avait gravé 1915 au lieu de 1916. On retrouve aussi les armoiries de Tournai sur la partie avant et inférieure du monument.

Quant à la statue en bronze proprement dite (fondue par la Compagnie nationale des Bronzes), elle représente une jeune fille debout, portant des vêtements communs de l’époque, qui donne l’impression d’aller de l’avant, tandis qu’une autre jeune fille, ailée, l’accompagne en lui déposant un baiser sur le front. Surmontant Gabrielle Petit, l’autre femme paraît la guider, son bras gauche tendu vers l’avant, semblant à la fois protecteur et indicateur du chemin à suivre. Le sculpteur a multiplié les effets de drapé sur ses deux personnages et a donné une indiscutable originalité à l’ensemble de son œuvre tournaisienne.
 

Le sculpteur Paul Dubois

Originaire d’Aywaille, où il grandit dans un milieu de la petite bourgeoisie, Paul Dubois dispose d’une aisance suffisante pour bénéficier d’une formation de 7 ans à l’académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1877-1884), où il est tour à tour l’élève de Louis François Lefèbvre, de Jean-Joseph Jaquet et d’Eugène Simonis, avant de profiter des conseils de Charles Van der Stappen. 

Condisciple de Rombeaux, Rousseau et Bonnetain, notamment, Paul Dubois remporte le prix Godecharle 1884 qui le place d’emblée parmi les sculpteurs les plus prometteurs de sa génération. C’est de cette époque que remonte cette signature – Du Bois – qui doit lui permettre de se distinguer de son parfait homonyme français, voire de Fernand Dubois.

Son œuvre, variée et abondante (près de 200 sculptures), ne démentira pas cette entrée remarquée parmi les sculpteurs de son temps. Après 3 années passées à visiter les musées d’Europe, l’artiste wallon installe son propre atelier à Bruxelles, avec Guillaume Van Strydonck. Ouvert à l’avant-garde sans renier son attachement à la Renaissance, membre-fondateur du groupe bruxellois d’avant-garde le Cercle des XX, puis de la Libre Esthétique, il excelle dans les portraits quand lui parviennent les premières commandes officielles de la ville de Bruxelles. 

Sans abandonner des œuvres de son inspiration, qui sont remarquées et primées lors de Salons et d’Expositions à l’étranger, il réalise le monument Félix de Mérode (Bruxelles, 1898) qui symbolise le début de son succès. En 1900, il est nommé professeur à l’Académie de Mons (1900-1929) et, deux plus tard, il est chargé du cours de sculpture ornementale (1902-1905), puis de sculpture d’après l’antique (1905-1910) à l’Académie de Bruxelles où il reste en fonction jusqu’en 1929. En 1910, il succède à Charles Van der Stappen à l’École des Arts décoratifs. Vice-président du jury d’admission des œuvres pour le Salon des œuvres modernes de l’Exposition internationale de Charleroi (1911), il signe plusieurs monuments commémoratifs à Bruxelles et en Wallonie (Alfred Defuisseaux à Frameries en 1905, Antoine Clesse à Mons en 1908, Frère-Orban à Liège en 1931, de la Chanson wallonne à Tournai en 1931), ainsi que des bijoux, des médailles (dont celle de l’Exposition universelle de Liège en 1905) et des sculptures allégoriques variées. C’est donc à un artiste confirmé qu’est confiée la réalisation du monument Gabrielle Petit à Tournai en 1924.




Jacky LEGGE, Tournai, tome II : Monuments et statues, Gloucestershire, Éd. Tempus, 2005, coll. Mémoire en images, p. 55, 69-72
Pierre DECOCK, dans Biographie nationale, t. 43, col. 576-585
Judith OGONOVSZKY, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 374-378
Anne MASSAUX, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 4, p. 142-145
Paul Du Bois 1859-1938, édition du Musée Horta, Bruxelles, 1996
Anne MASSAUX, Entre tradition et modernité, l’exemple d’un sculpteur belge : Paul Du Bois (1859-1938), dans Revue des archéologues et historiens d’art de Louvain, Louvain-la-Neuve, 1992, t. XXV, p. 107-116
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. 1, p. 517-518.

Place Clovi
7500 Tournai

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue François PETERINCK

Au tournant des années 1970 et 1980, les autorités tournaisiennes procèdent à la rénovation de leur Conservatoire. Alors que le chantier se termine, six statuettes en bronze sont posées sur le toit-terrasse qui fait face au carrefour du beffroi. Œuvres de Gigi Warny, elles portent le nom de six Tournaisiens ayant acquis une forte notoriété dans différentes activités : Jacques Daret pour la peinture, Pierre de la Rue pour la musique, Lefebvre-Caters pour l’orfèvrerie, Michel Lemaire pour la dinanderie, Pasquier Grenier pour la tapisserie et François Joseph Peterinck (1719-1799) pour la porcelaine.

Originaire de Lille, Peterinck est occupé à la démolition des fortifications de Tournai durant l’occupation française de 1745-1748, avant de faire commerce de charbon à Ath, puis d’investir à Tournai, en 1750-1751, dans le rachat d’une toute nouvelle manufacture de faïences. Ouvrant aussi une usine de porcelaine, François (-Joseph) Peterinck ne va plus s’occuper que du développement de son entreprise, la hissant au sommet de la production européenne de son temps, au point de rivaliser avec les faïences de Sèvres et de Saxe. 

Disposant d’un monopole pour la fabrication de la porcelaine sur tous les Pays-Bas, la Manufacture impériale et royale de Tournai réalise une production variée et de très grande qualité qui lui assure une durable réputation. Il n’est par conséquent pas étonnant que François Peterinck soit considéré comme l’une des six personnalités les plus importantes de l’histoire culturelle et artistique de Tournai.

Statue évoquant François Peterinck

Car tel est bien le sens à donner aux six statuettes réalisées par Geneviève Warny. Née à Bruges en 1958, cette artiste autodidacte qui offrait les petites statues qu’elle créait à ses amis s’est laissée convaincre par l’architecte André Wilbaux de réaliser « six attitudes grandeur nature » pour le fronton de l’ancien Conservatoire de Tournai. Relevant le défi, en travaillant le bronze pour la première fois, Gigi Warny délaisse la psychologie qu’elle avait étudiée à l’université catholique de Louvain (1983) pour faire de la sculpture son activité principale. Installant son atelier à Louvain-la-Neuve, elle réalise des œuvres variées pour la cité universitaire (fontaine Léon et Valérie en 1984 sur la place de l’Université, La main en diplôme en 1995 près des Halles, Rêverie d’eau en 2001 à la piscine du Blocry), mais aussi ailleurs. Améliorant et modifiant progressivement ses techniques, elle expose essentiellement en Belgique avant de traverser l’Atlantique et d’être connue aussi au Québec.




Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
http://www.gigiwarny.be/Gallerie.html (sv. février 2014)
Jean LEMAIRE, La porcelaine de Tournai, histoire d’une manufacture, (1750-1891), Bruxelles, Renaissance du Livre, 2005
E-J. SOIL DE MORIALMÉ, dans Biographie nationale, t. XVII, col. 94-98

 

 

toit du conservatoire – 7500 Tournai

carte

Paul Delforge